10.
The way you turn me on, I can't sleep ~
« Comment tu sais ça, Bam ? »
Sa voix est plus froide que le vent.
« Je ne sais pas, je fais des suppositions.
- Ne fais pas des suppositions sur quelque chose dont tu ne sais rien. »
Et il déteste que sa voix soit si dure, si ferme. Il déteste qu'il soit en train de se refermer sur lui-même alors que pour la première fois quelqu'un tient suffisamment à lui pour remarquer son secret le plus caché, alors qu'il commençait enfin à sortir de sa coquille.
« Jeongin ? On peut se voir ? »
Il accepte. Il accepte et se précipite du plus vite qu'il peut au parc où ils ont rendez-vous.
Il a peur. L'adrénaline court dans ses veines aussi vite que ses pieds frappent le béton. Et puis il voit Bam à quelques mètres de lui et il se stoppe, stupéfait. En deux heures il semblerait qu'elle ait eu le temps de se changer et Jeongin se retrouve comme un poisson hors de l'eau à la fixer comme si elle possédait le graal. Son regard remonte le long de ses longues jambes seulement recouvertes de chaussettes rouges carmin qui arrivent à ses genoux, elle porte une robe débardeur noire qui descend jusqu'à ses genoux et une chemise rouge bordeaux nouée sur son ventre. À ses oreilles se balancent des créoles dorés et sur ses cheveux bruns et longs repose un béret rouge.
« Tu feras gaffe, tu baves, sourit-elle en le voyant.
- Ça va pas de sortir comme ça ! s'exclame-t-il en se précipitant vers elle pour déposer sa veste sur ses épaules.
- Quoi ? Tu vas me dire que c'est trop-
- Il gèle, Bam ! » la coupe-t-il.
Un sourire pas vraiment heureux prend place sur les lèvres de la dénommer.
« Ça fait bien longtemps que je ne sens plus les changements, dit-elle en haussant les épaules.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Asseyons-nous. »
Elle noue leurs doigts ensemble et le tire doucement vers un banc.
« Est-ce que tu en as déjà parlé à quelqu'un ?
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- S'il te plaît, Jeongin. Tu peux mentir à tout le monde si tu le veux, mais pas à moi, pas sur ce sujet. »
Il la regarde, interdit. Mentir à ses amis qu'il connaît depuis bien plus longtemps est plus acceptable que de lui mentir à elle ? Pour beaucoup ce serait plutôt le contraire qui viendrait à l'esprit.
« Pourquoi ? souffle-t-il donc en retirant sa main de la sienne.
- Parce qu'il y a quelque chose entre nous. »
Long silence. Duel muet.
Jeongin laisse tomber sa tête en arrière et, les yeux grands ouverts, il fixe le ciel. Les nuages se baladent sans but, les oiseaux font des pirouettes, quelques avions laissent derrière eux une trace de vapeur. Les immeubles trouent cette vision, petit rappel qu'il lui faut garder les pieds sur terre.
« Donc tu ne fais pas que jouer, » souffle-t-il.
Il se redresse pour jeter un œil à Bam qui a la bouche - cette foutue bouche ourlée de rouge - entrouverte et qui le regarde, stupéfaite.
« Si je jouais, articule-t-elle difficilement. Je n'aurai pas dormi avec toi hier.
- Tu étais vraiment mal ? »
Elle croise ses jambes et passe une main dans ses cheveux (qui sont probablement une simple perruque), songeuse.
« Disons que cette situation a ramené des souvenirs à la surface. Souvenirs que j'aurais préféré garder bien au fond de mon esprit.
- Toi non plus tu ne parles à personne, je me trompe ? »
Bam lui offre un sourire triste et Jeongin soupire. Le monde lui paraît bien gris. Il passe son bras autour de ses épaules sans vraiment réfléchir et sursaute à peine lorsqu'elle vient cacher son nez dans son cou, le chatouillant légèrement.
« Comment t'as su pour mon... Problème ? »
Et c'est déjà beaucoup pour lui de prononcer le mot "problème".
« Moi aussi j'en ai un. Je connais toutes les techniques. »
Et l'inquiétude surpasse la peur qu'elle pourrait aller tout raconter à ses amis.
« Tu- Tu n'aimes pas... »
Il bredouille, pas bien sûr de savoir ce qu'il aimerait lui dire. Elle relève la tête pour pouvoir plonger son regard dans le sien, mais il détourne les yeux et dépose sa main sur l'arrière de son crâne pour qu'elle le repose. Les cheveux synthétiques crissent sous ses doigts. Il n'y fait pas attention.
« Ça va mieux là, le rassure-t-elle. Enfin, te voir repousser les trois-quarts de ton assiette ce matin sur les côtés pour pas qu'on voie que tu n'as pas mangé ça m'a un peu rappelé des souvenirs. Et tu sais comment est le cerveau humain, un rien suffit à retomber. »
Jeongin relève la tête.
« Oh mon dieu, Bam, souffle-t-il. Je suis tellement désolé.
- Ne sois pas désolé de choses sur lesquelles tu n'as pas de contrôle. »
Elle se redresse pour passer un doigt sur sa joue et le caler sous son menton pour le forcer à la regarder.
« Ça m'a permis de le remarquer et c'est pas plus mal. »
Il baisse la tête. Se délectant de la sensation de chaleur qui se propage d'un corps à l'autre.
« Tu veux savoir un truc drôle ? murmure-t-il en laissant son regard vagabonder une fois de plus dans le ciel.
- Dis toujours.
- J'ai pas pris de veste hier parce que je me suis dit que si j'avais froid je prendrais la tienne. »
Un petit rire s'échappe des lèvres de Bam et Jeongin sourit.
« Évidemment, ce matin j'avais froid, continue-t-il. Tu étais déjà parti alors j'ai pris une veste à Changbin.
- Donc la veste que je porte là, c'est celle de Changbin.
- Hmm.
- Je me disais aussi qu'elle n'avait pas ton odeur.
- Mon odeur ? ricane-t-il.
- J'ai dormi avec toi, Jeongin. Je la connais plutôt bien ton odeur.
- C'est vrai. »
Ils se sourient. Et Bam vient doucement glisser sa main dans la sienne.
« Est-ce qu'on peut discuter un peu ? demande-t-elle à mi-voix.
- De quoi ?
- Du pourquoi du comment... J'en sais rien. Je m'inquiète.
- Pourquoi tu t'inquiètes ?
- On peut discuter de ça aussi si tu veux. »
Jeongin soupire, mais acquiesce. Ce n'est pas qu'il a envie d'en parler, ça non. Alors quoi ?
« Jeongin ?
- Si j'ai pas envie d'en parler, on fait quoi ?
- On fait rien. Je ne vais pas te forcer à parler.
- Alors je préférerais qu'on n'en parle pas. »
Il sait qu'elle le regarde avec un soupçon de pitié au fond des yeux et bon sang qu'est-ce qu'il déteste ça.
« De toute manière, chuchote-t-il. Ce n'est pas comme si j'étais anorexique ou quoi. »
Et c'est presque immédiat. Bam se raidit, Jeongin regrette, leurs corps se séparent.
« C'est pas la question, souffle Bam en se levant pour se poster devant lui, les bras croisés et le regard vacillant.
- Attends...
- Ton corps c'est ton moyen de transport, Jeongin. T'as des objectifs, c'est très bien, mais on ne peut pas faire le tour du monde sur un vélo aux roues dégonflées. »
Jamais il ne l'a vu aussi sérieuse. Depuis le début entre eux c'est drague ou discussions futiles sur la vie amoureuse de Jeongin. C'est "cherche moi et tu me trouveras".
« J'en sais un paquet sur le sujet et je sais très bien que c'est compliqué d'en parler. Crois-moi, je sais.
- Bam...
- Non. Laisse-moi finir. »
Toujours les bras croisés, elle relève la tête vers le ciel et le cœur de Jeongin en tombe, se brisant en mille morceaux.
Elle pleure.
« T'es magnifique, Jeongin. »
Magnifique ?
Mais il s'en fout de ça. Son apparence c'est le cadet de ses soucis. Et donc ça le frappe. Bam, elle, ne s'en fout pas. C'est probablement pour ça qu'elle met tant d'effort dans ses tenues, son maquillage, ses cheveux. Si lui ne mange pas, ce n'est pas parce que son apparence lui fait peur, c'est parce qu'il a peur qu'un jour ce soit le cas. Parce qu'il a peur de ne plus pouvoir suivre le rythme effréné de l'école. Parce qu'il a peur que les autres qui sont plus musclés, plus grands, plus minces, s'en sortent mieux. C'est louable, non ? Il veut juste mettre toutes les chances de son côté.
« T'as rien compris, souffle-t-il.
- Et tu ne veux pas m'expliquer, répond Bam du tac-au-tac. Si tu crois que ça m'amuse, tu te trompes lourdement.
- Je ne crois pas ça, répond-il plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu.
- Alors ?
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise exactement, Bam ? Manger ça me dégoûte, c'est comme ça. J'ai trop peur de ne plus pouvoir suivre. C'est pas un drame non plus. C'est pas une question d'apparence et je ne me laisse pas non plus mourir de faim. »
Il y a un instant de flottement durant lequel ils ne disent plus rien. Ils ne se regardent même pas, chacun fixant un point aléatoire à l'horizon. Et puis, comme un automate, Jeongin se lève et Bam ouvre les bras. Il ne pleure pas et les larmes ont cessé de couler sur ses joues à elle.
« Ça fait du bien ? demande-t-elle à son oreille en chuchotant.
- Plus que ce que je pensais, » répond-t-il sur le même ton.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro