21. Chantage Exécrable
Sandy
Une colère froide se déchaîne dans mes entrailles à l'entente de cette voix. Rob ne veut non seulement pas me laisser en paix mais voilà qu'il s'en prend à mes proches à présent. C'est la respiration haletante que j'entends cet immonde manipulateur cracher ses menaces à travers le combiné téléphonique.
— Ma p'tite Sandy, quel plaisir de t'parler, ça faisait un bon bout de temps que j'n'ai plus entendu ta... euh, comment on dit à la radio, déjà ? Ah ouais... ta voix angélique.
— Où es Doris, Rob ? Qu'est-ce que tu lui as fait ?!
— T'inquiètes pas pour ta copine, elle va bien, du moins pour l'moment et tant qu'tu sauras t'montrer coopérative.
Je serre les poings, consciente qu'il va falloir me laisser prendre à son jeu si je veux avoir la chance de retrouver notre bassiste saine et sauve.
— Qu'est-ce que tu me veux ? lui lancé-je sèchement.
— Tu viens d'recevoir un SMS avec l'adresse où tu dois t'rendre. Attention petite, pas de coups bas, je t'préviens. T'y vas seule et sans prévenir ton gigolo aux ch'veux longs, ni quiconque d'autre d'ailleurs. Sinon... Tu sais que j'suis capable de faire vivre un enfer à ta copine, sans parler de ta p'tite sœurette chérie. Vos retrouvailles étaient tellement touchantes, ce serait dommage de gâcher ça, tu ne penses pas?
Mon cœur rate un battement. Que Rob s'en prenne à Doris, c'est une chose, mais il est hors de question que je le laisse toucher à un seul cheveux d'Emma. Il est hors de question que mon passé de merde la touche d'une quelconque manière !
Le sang bouillonnant dans mes veines, prise au piège, je me vois dans l'obligation d'accepter. Je sais que si Colin viendrait à l'apprendre il serait furieux. Mais je n'ai pas le choix. C'est la seule issue possible.
Après avoir pris connaissance du lieu de rencontre avec Rob, je m'empresse d'enfiler des vêtements décents avant de m'y rendre.
Le taxi que j'ai commandé ne tarde pas à arriver et après une vingtaine de minutes de route, j'arrive enfin à l'adresse dictée par mon ex chef de trafic.
— Vous êtes sûre que c'est ici que vous voulez vous rendre ? s'étonne mon conducteur.
Effectivement, le lieu est flippant. L'adresse dictée par Rob correspond à une vieille auberge de jeunesse à l'aspect abandonné, à l'extérieur de la ville, entourée de forêts. J'aperçois au loin l'un des hommes de Rob sortir de l'auberge et fixer le taxi en croisant les bras.
— Si, si. C'est bien là, merci.
Je paye le taxi puis déglutis avant de descendre du véhicule et me diriger vers l'homme en question. Ses yeux suivent mes mouvements et lorsque j'atteins une proximité convenable avec lui, il se retourne et me fait signe de le suivre.
Nous pénétrons l'entrée déserte de l'auberge puis nous enfonçons dans les couloirs sombres. Le bois grinçant sous nos pieds confère à la scène une atmosphère digne des meilleurs films d'horreur.
Accroche toi Doris, j'arrive !
Nous arrivons devant la porte d'une chambre. L'homme de Rob m'ouvre la porte puis m'invite à entrer l'espace clos et sombre. J'hésite, consciente de me lancer tête la première dans un buisson de ronces, mais l'idée que Rob s'en prenne à ma demi-sœur me donne du courage et de la détermination pour me lancer.
J'entre dans la pièce et constate avec horreur que le molosse a refermé la porte derrière moi et m'a enfermée. Je suis à présent seule dans cette chambre minuscule, plongée dans la pénombre de la nuit, enveloppée d'un silence ponctué par les battements frénétiques de mon cœur effrayé.
— DORIS !!!! m'écrié-je, ma voix résonnant en écho.
Je cherche mon amie du regard mais l'obscurité de la pièce ne m'aide pas dans mes recherches.
— HELLO ! Y A QUELQU'UN ?
Silence radio ...
— Putain, dans quelle merde je me suis encore fourrée ...
Je me saisis de mon téléphone que j'ai soigneusement rangé dans ma poche de jean. Comme je m'y attendais, je ne capte absolument rien dans cette zone de la ville. J'active la lampe torche et prend connaissance des lieux. Visiblement, aucune autre présence humaine que moi n'occupe cette pièce. Un bureau capte mon attention sur lequel est disposé un ordinateur portable avec un post-it collé dessus. Je récupère le bout de papier et lit l'inscription qui y est marquée en rouge:
"Ouvre-moi"
C'est les mains tremblantes que je m'exécute, comme guidée par une force invisible qui m'oblige à effectuer cet acte. Une fois l'appareil électronique activé, une musique de hard métal se déclenche dans toute la pièce, manquant de me faire frôler la tachycardie. Sans crier gare, un rétroprojecteur s'allume, projetant des photos ... des photos de moi ... des photos de moi il y a quelques années ...
C'est avec horreur que je redécouvre ces clichés de Jeff et moi en train de se doper et de dealer. Tout y est. Ces images de moi me dégoûtent, me répugnent. Comment ai-je pu tomber aussi bas? Les diapositives défilent et m'entraînent avec elles dans un tourbillons de souvenirs refoulés qui remontent brusquement à la surface.
Des annales cachées de moi, non pas dans les bras de Jeff, mais à la merci de la drogue, sous le contrôle de Rob. Mon sang bouillonne dans mes veines alors que je replonge dans ce passé dont je ne suis pas fière du tout, ressassant le moindre souvenir.
La sonnerie d'un vieux téléphone fixe me sort de ma transe. Je reste figée pendant quelques secondes avant de me diriger vers le téléphone en question, situé à proximité de l'ordinateur portable. Hésitante, je soulève le combiné et le porte à mon oreille. Je reconnais sans mal la voix glaciale de Rob qui ricane, visiblement très fier de sa mise en scène.
— Bienv'nue dans mon humble demeure, petite. Alors, mes p'tites photographies t'ont plu ?
— Où est Doris? Que signifient ces photos? Qu'est-ce que tu me veux Rob?
— Ça fait trop d'questions en très peu d'temps. T'as toujours été curieuse ma p'tite Sandy. N'est-ce pas ta maudite curiosité qui t'a poussée à plonger dans l'monde sombre et impitoyable d'la drogue? T'as donc pas appris la leçon ?
— Ne joue pas à ce jeu avec moi Rob, je te rappelle que je te connais !
Rob ricane de plus belle et prend visiblement un malin plaisir à me faire mijoter à feu doux. Je sais exactement ce qu'il fait pour l'avoir vu à l'oeuvre. Il tente de me faire peur pour me manipuler à sa guise.
— Où est cette chère Doris ? répète-t-il dans un ricanement cynique. Ça, t'aura pas à t'en faire si tu fais c'que je te dis. Que signifient ces photos? Comme tu l'vois, ces précieux clichés constituent un excellent moyen pour faire pression sur toi et t'pousser à réaliser mes moindres souhaits et désirs ... c'qui nous amène à ta troisième question: qu'est-ce que j'te veux.
Rob marque une courte pause, sûrement dans le but de faire durer le suspense ... J'attends la suite de sa phrase, craignant le pire.
— T'as toujours été un très bon élément Sandy. A la fois mignonne et percutante. T'avais ta technique originale pour attirer les consommateurs et les persuader d'acheter notre came à nous, qui était pourtant plus chère que celle de nos concurrents. C'était une grosse perte pour moi de t'voir partir.
— Arrête de tourner autour du pot. Je veux vivre en paix et laisser tout ce monde derrière moi. Donne-moi ton prix et qu'on en finisse.
— T'as toujours pas compris, petite? C'est pas vraiment d'la thune que j'recherche. Enfin si, mais indirectement. J'ai besoin d'tes prouesses, d'ton pouvoir de séduction. J'ai besoin d'ma dealeuse préférée.
— T'es sourd ou tu comprends pas quand je te parle? Je t'ai dit que je ne veux plus remettre les pieds dans ce milieu pourri ! J'ai assez souffert ! Je veux vivre ma nouvelle vie en étant libérée de mon passé.
— Ça, ça risque d'être compliqué ma belle. Tu m'connais, tu sais que j'lâche jamais l'affaire. Ecoute-moi bien car j'me répéterai pas deux fois. J'veux qu'tu reprennes le boulot, comme avant, sauf que tes clients, ça sera pas les pauvres délinquants de rue qu'tu côtoyais, mais les rockeurs, les producteurs, les musiciens, bref, tous les gens du showbiz' que tu seras amenée à rencontrer au cours de tes tournées musicales. Le monde du Rock'n'roll croule sous les toxicomanes, j'te donne l'opportunité de percer là-d'dans, on en sortira vainqueurs tous les deux.
— Tu es malade ! Jamais je ne ferais un truc pareil ! Jamais je ne mettrai en jeu la réputation de mon groupe !
— Ça tombe très très mal, ma chère. Tu vois ces merveilleuses photos de toi? Elles seront publiées sur Internet si tu fais pas c'que j'te demande. Pense à la réputation d'ton précieux groupe, qui commence à peine à s'faire connaître, si ces photos seront diffusées. J'vois d'ores et déjà les gros titres : Sandy Mitchell, chanteuse toxicomane des Night-machin-truc-d'mon-cul... ou aussi, le passé sombre de Sandy Mitchell.
Mon cœur n'est plus qu'un empilement de cendres dans ma poitrine. Quoique je fasse, je suis prise au piège. Voyant que mon silence s'éternise, Rob reprend la parole:
— "A toi d'voir, soit tu fais c'que j'te dis et tu gagnes la sérénité d'esprit de savoir que ces photos resteront dans l'ombre, soit tu choisis de rester clean et assumer c'que tu étais, au risque de vois ton p'tit rêve s'effriter à vue d'oeil. Réfléchis bien, petite. Bosse pour moi, ou c'est ta carrière qu'tu joues.
Que dire après ça ?
La gorge serrée, les mains moites, je me résigne à accepter le marché de Rob. Jamais je n'assumerais de paraître au grand jour telle que j'étais des années auparavant. En parler à Colin est une chose, mais que ces photos soient dévoilées aux yeux de tous, ça, jamais je ne pourrais m'y résoudre.
Rob a gagné. Je re-travaillerai pour lui et sous ses conditions.
— Très bien. Tu as gagné.
— Je savais qu'il t'restait un peu d'bon sens. Sous les draps, tu trouveras un p'tit sachet de coke. Y en a pour cinquante grammes. J'compte sur toi pour m'les vendre avant la fin d'la semaine. Faute de quoi, tu sais où tomberont ces clichés. A très bientôt, petite.
— Attends ! Où est Doris?
— Elle est déjà rentrée à l'hôtel. C'est pas cette camée de basse qualité qui va m'servir. J'aurais pu la tuer, mais tu vois, j'suis un vrai gentil moi.
Rob raccroche, me laissant dans un état second. Malgré moi, je me retrouve propulsée dans ce passé que je tentais de fuir par tous les moyens.
Tel un somnambule, je me dirige vers ce grand lit double, armée de la lampe torche de mon téléphone. Je soulève les draps et retrouve le sachet dont m'a parlé Rob. Je ne pensais pas en retoucher un un jour.
Cette fameuse poudre blanche que l'on inspire et qui nous fait oublier tous nos problèmes, tous nos soucis, mais qui nous tue à petit feu. Tel un parasite, elle s'imprègne dans nos synapses, nous rendant accro, nous poussant à en redemander toujours plus, encore et encore , nous menant tout droit à notre perte. Je soupire avant de cacher le petit sachet dans ma poche puis de constater que je ne suis plus enfermée. Je quitte donc cette pièce de malheur et m'engouffre dans le premier taxi que je retrouve sur ma route.
~
Une fois de retour à l'hôtel, je constate que Colin ne m'a toujours pas contactée, surement trop obnubilé par rechercher Doris. Je retrouve cette dernière au pas de ma porte, recroquevillée contre elle-même comme si elle mourrait de froid. Je m'approche prudemment d'elle et m'installe à ses côtés.
Colin se fait surement un sang d'encre à l'heure qu'il est. Je décide de l'appeler afin de le rassurer que Doris est bien rentrée. Après plusieurs tonalités n'ayant pas donné réponse, je décide de lui envoyer un message.
De Sandy à Colin:
"Doris est bien rentrée, t'es où? Je m'inquiète pour toi"
La réponse ne se fait pas attendre.
De Colin à Sandy:
"J'arrive !"
Je regarde Doris qui m'observe calmement, les coudes sur les genoux. Fatiguée et lasse, je prends mon visage entre mes mains.
— Colin arrive, soupiré-je.
Doris se contente de hocher la tête en fixant un point invisible sur le sol.
— Je suis désolée Doris...
— Désolée d'quoi? D'nous avoir tous pris pour des cons ? De t'être fait passée pour la p'tite femme parfaite pour séduire Colin et l'attirer dans ton lit? Finalement, t'es pas si différente de moi ...
Ainsi, Doris tout compris de mon ancienne vie. Je ne suis pas étonnée, Rob n'aurais eu aucun scrupule à cacher cette vérité, surtout pour me préparer au tsunami que je vais devoir affronté quand tout ça se saura. Encore une façon bien à lui de manipuler les esprits pour obtenir ce qu'il veut.
Honteuse, le visage noir, je baisse la tête et me prends d'admiration pour la moquette rouge de l'hôtel avant de demander à la bassiste:
— Qu'est-ce qui s'est passé au juste?
— J'étais en colère. J'avais envie d'oublier, d'me shooter à la coke, au crack, ou n'importe quoi qui m'ferait oublier que j'suis qu'une pièce rapportée dans mon propre groupe.
— Doris, tu sais bien que c'est pas vrai !
— Arrête, meuf. C'est toi qu'on r'connaît dans la rue, pas moi. C'est toi la star, la lumière des Nightmareden. C'est toi qu'on aime et c'est ta voix et ton piano qu'on veut écouter, pas ma pauvre basse pourrie.
— Tu dis n'importe quoi. Ta basse donne de la profondeur à notre musique. Sans elle, il n'y aurait pas de groove, pas de pulsation. Sans toi, notre musique serait trop plate.
— Mouais ... bon bref, j'suis sortie dans la rue à la recherche d'la bonne. Et c'est là que j'suis tombée sur trois hommes. J'avais l'impression qu'ils m'suivaient mais sur l'coup j'y ai pas porté beaucoup d'importance. J'en ai acheté et ils m'ont proposé d'aller chez eux pour en consommer. J'ai accepté et quand on est arrivé, on a commencé à en piffer. J'étais presque défoncée quand j'ai remarqué qu'mon tél a disparu. J'l'ai cherché partout mais pas moyen d'mettre la main dessus. Et c'est là que j'ai entendu le p'tit vieux t'causer.
— Doris ... je suis désolée...
— T'as pas à être désolée. Dans l'fond, on est pareilles toutes les deux. C'est pas à moi de t'jeter la pierre. On a toutes les deux succombé à l'appel de la came. Chacune pour des raisons différentes certes, mais on a traversé les mêmes épreuves. La dépendance, le manque, la trouille d'pas avoir ses doses, la course pour réunir assez d'argent pour s'en procurer...
A mesure que Doris parle, c'est comme si elle disait tout haut ce que je pense tout bas. Je reste silencieuse, attendant qu'elle finisse sa tirade.
— En tout cas, finit-elle par me lâcher. C'était sympa d'ta part d'oser affronter Rob et sa bande et venir m'chercher. Surtout après ce qu'il s'est passé tout à l'heure.
— Tu avais toujours un doute malgré ce qu'il s'était passé la dernière fois?
— J'me suis dit qu't'en avais sûrement marre d'aller me chercher partout comme une gamine.
— Doris, tu fais partie de mon groupe, et tu es une amie très chère de Colin. Je ne t'aurais jamais laissée tomber.
— En parlant d'Colin, tu vas lui dire?
— Pour mon passé? Il est déjà au courant.
— Pas pour ton passé, nunuche. J'te parle du chantage de Rob ...
— Comment tu le sais ?!
— J'étais p't-être défoncée, mais mon cerveau enregistrait tout c'qui s'passait autours de moi. Je sais qu'il t'a tendu un piège en m'utilisant pour t'attirer dans cette chambre d'hôtel et t'faire flipper avec les photos. Alors, tu vas lui raconter à Colin ?
Je soupire d'un air las et me lève pour faire les cent pas dans la pièce.
Lui dire ou ne pas lui dire? Telle est la question.
D'un côté, il pourrait m'aider mais de l'autre, j'ai peur pour sa vie. Rob a réussi à mettre la main sur Doris très facilement, il pourrait en faire de même avec Colin. Le garder dans l'ignorance, c'est le protéger.
— Je lui raconterai tout demain matin. Il doit être fatigué ce soir.
— Si tu lui mens, il le saura, me prévient la jeune punk. Tu sais comment il est.
— Je sais ... il lit dans mes yeux comme dans un livre ouvert, le menant dans les profondeurs de mon esprit.
— C'est très beau c'que tu viens de dire ... tu devrais l'noter pour une prochaine chanson.
Je hausse les sourcils, interloquée par la remarque de Doris. Celle-ci quitte la chambre ensuite en me souhaitant une bonne nuit et me remerciant une seconde fois. J'enfile une tenue de nuit attendant patiemment le retour de mon homme.
Un quart d'heure plus tard, Colin rentre, complètement exténué.
Non, il ne faut absolument pas lui en parler ce soir !
Il passe par la salle de bain pour prendre une douche revigorante puis se glisse dans le lit à mes côtés. Ses bras puissants enveloppent mon ventre et son torse vient se caler contre mon dos.
— Merci d'm'avoir fait confiance, chaton, murmure-t-il contre mon oreille.
Doucement, il vient déposer un tendre baiser sur mon épaule avant de sombrer dans le sommeil.
Des sentiments antagonistes se déclenchent au fond de moi : la culpabilité de lui mentir sur un sujet aussi dangereux, mais aussi un sentiment de sécurité qui m'enveloppe lorsque je me retrouve entre ses bras. Il me suffit de retrouver la chaleur de son corps pour être rassurée. Cependant, une angoisse me gagne: si Rob s'en prend à Colin, je risquerai de le perdre ... pour toujours ... et ça, je ne m'en remettrai jamais.
Mon sommeil a été ponctué de cauchemars plus effrayants les uns que les autres. Au réveil, j'ai surement la tête de celle qui a très mal dormi. Je bouge dans mon lit et regarde rapidement mon téléphone.
La voix ensommeillée de Colin à côté de moi me demande:
— Il est quelle heure?
— Huit heures. Rendors-toi, on a encore quatre heures devant nous avant de devoir quitter l'hôtel.
Colin resserre son emprise sur moi et me soulève pour me faire basculer au-dessus de lui. D'une main, il vient dégager les quelques mèches rouges tombant sur mon visage puis vient se noyer dans mon regard. Mon cœur rate un battement, je sais que je suis foutue: il sait que je cache quelque chose.
— Qu'est-ce qui s'est passé hier, chaton?
— Hier? De ... de quoi tu parles? De Doris?
— Bien sûr, est-ce qu'il y a autre chose que j'suis censé savoir?
Je connais ce regard ... c'est le regard opalin de mon homme, et il sait pertinemment que je mens. Mais je ne peux pas me permettre de lui dire la vérité. Je n'ai pas envie qu'il découvre les clichés déterrés de mon passé. Je n'ai pas envie qu'il sache à quel point j'étais tombée bas. Le voir, ce n'est pas comme le savoir.
Je me redresse, l'embrasse légèrement puis tente de le rassurer.
— Doris était en colère, elle est juste partie faire un tour. Elle est rentrée à l'hôtel et est passée me prévenir qu'elle est bien rentrée.
— Ça m'étonne de sa part. Pourquoi Doris voudrait-elle te rassurer, toi, sa pire ennemie?
— Arrête, Doris n'est pas mon ennemie ! Ne mélange pas tout. Sa colère d'hier soir était justifiée. A sa place, j'aurais fait la même chose !
Colin me regarde d'un air soupçonneux. Je détourne hâtivement les yeux, consciente qu'il peut lire très facilement en eux. Je fais mine de vouloir me rendormir mais je sens que Colin reste immobile.
Non... Je ne peux pas lui cacher tout ça... Je ne veux pas ! Il a le droit de savoir.
Je me retourne pour lui faire face et plonge dans son océan infini. Il fronce les sourcils, mâchoire crispée, un air furieux épinglé au visage, tout en fixant un point par dessus mon épaule. Je dirige mon regard vers le sien et constate avec effroi qu'il vient de repérer le sachet de cocaïne fourni par Rob.
Mon homme se lève sans lâcher le sachet du regard, le prend dans ses mains pour s'assurer que c'est bien ce qu'il pense avant de commencer à me hurler dessus:
— C'EST QUOI ÇA ?
— Colin attends ! C'est pas c'que tu crois !
— Ah ouais ? Ose me dire que c'est pas d'la coke ! T'as deux minutes pour t'expliquer.
— Colin, je suis pas en train de me camer, il faut que tu me croies !
— Je sais, c'est pour ça que j'te dis qu't'as deux minutes.
Je raconte donc à Colin comment Rob a mis la main sur Doris, son chantage exécrable et ses menaces à répétition.
— Et tu comptais faire tes p'tites affaires en douce sans m'en parler ?
— NON ! Je voulais le faire ! Je ne pouvais juste pas t'en parler hier alors que tu étais exténué !
— Il est hors de question qu'tu recommences à dealer !
— Je n'ai pas le choix ! Tu imagines ce qui pourrait se passer si les images sortent sur la toile ? Imagine la mauvaise publicité que ça fera pour le groupe...
— J'men tape ! Qu'elles sortent ! J'ai pas honte de celle que t'étais. T'as merdé à un moment d'ta vie, tu t'es battue et tu t'es relevée. Au contraire tu pourrais être un exemple aux autres. J'vois pas où est l'problème.
— Ça c'est toi qui le dit, Colin. Mais les gens ne pensent pas comme toi. Le producteur va sûrement nous virer s'il apprend ça. Et puis j'ai pas envie que mon beau-père découvre cette facette de mon passé. Déjà qu'il est réticent à l'idée que je m'approche de ma sœur alors là s'il sait que j'étais une ancienne droguée et dealeuse, alors là je peux dire adieux à Emma...
Colin encaisse les informations et semble en proie à une intense réflexion.
Soudain, il se lève, se saisit de son ordinateur portable qu'il trimbale avec lui n'importe où.
Qu'est-ce qu'il prépare ?
— Colin ... qu'est-ce que tu as en tête?
A suivre...
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