
14. La Chute
Sandy
Mon corps entier se tend au son de la voix de cet être exécrable qu'est Rob.
Cet appel est pour moi un dur rappel à la réalité après avoir flotté dans les airs suite à ma nuit passée entre les bras de Colin. Pétrifiée à l'idée d'être surprise par Colin, je chuchote tout en lançant des coups d'œil furtifs vers la chambre afin de m'assurer qu'il est toujours endormi.
— Le compte est bon. Quand ?
— Samedi soir. L'endroit habituel.
Un poids se forme dans ma poitrine. Samedi soir, nous serons à Atlantic City pour la promotion de l'album.
— C'est pas impossible, Rob. Je serais à Atlantic City ce week-end.
— Ohh, Sandy Mitchell à Atlantic City. Qu'est-ce que tu vas faire là-bas?
— Ce sont pas tes affaires, Rob !
— T'as vraiment changé petite. Depuis quand tu oses me parler sur c'ton-là ?
— Je ne suis pas Jeff. Je me laisserai pas faire par tes jeux misérables ! Donne-moi la date et le lieu qu'on en finisse avec cette histoire.
Rob ricane dans le combiné, comme s'il se moquait de moi et de mon air assuré. Un ricanement glacial et machiavélique, un ricanement à vous donner froid dans le dos.
c Je maintiens samedi soir ... J'ai des sbires un peu partout sur la ville. J'tenverrai un message pour te donner l'heure et le lieu du rendez-vous.
Une haine sans limites s'empare de moi. Non seulement cet homme me gâche ma nuit de bonheur avec mon homme mais il veut aussi me gâcher la soirée de promotion de l'album. Résignée à accepter, je lui murmure un faible "OK" avant de raccrocher.
Je regarde l'heure, il n'est que trois heures du matin. Je retourne dans la chambre et à mon grand soulagement, le sommeil de Colin ne semble pas avoir été perturbé par cet appel. Je me recouche à ses côtés, soucieuse et tourmentée.
Je n'ai qu'une seule hâte, c'est de lui donner son argent et d'en finir pour de bon avec lui.
∞
Quelques heures plus tard, je suis réveillée par de délicieux baisers langoureux dans mon cou. J'ouvre les paupières et retrouve Colin penché au-dessus de mon corps, cheveux mouillés, vêtu d'un pantalon noir, d'une chemise blanche et d'une cravate noire presque défaite. Il dégage tellement de sex appeal qu'il me suffit de le regarder pour sentir mon corps être submergé par le désir. Non, une nuit entière n'a pas suffit pour me rassasier. Bien au contraire, maintenant que j'ai goûté au Spencer, j'en suis totalement accro.
Il m'adresse un sourire sexy qui ne manque pas de me faire fondre avant de se pencher vers mes lèvres et y déposer un baiser aussi léger qu'une brise de printemps.
— 'Lut.
Sa voix chaude et rocailleuse m'enveloppe de chaleur. Je souris contre ses lèvres et ronronne de plaisir.
— 'Lut, lui lancé-je sur un ton espiègle.
Colin me lance son sourire arrogant, le sourire qui annonce qu'il s'apprête à me sortir une connerie.
— Tu viens d'ronronner chaton...
— Moi, ronronner ! Pfff, tu délires ... à force d'écouter de la musique dans ton casque, tes tympans sont détraqués !
Colin éclate de rire et m'ébouriffe les cheveux.
— Si, si, c'était bien un ronron. T'as bien dormi ?
— Comme un bébé !
— J'dois aller au taf. Tu peux rester ici, rendors-toi, t'as besoin de repos après la nuit que j'viens d'te faire passer.
Je rougis en repensant au moments magiques que m'a fait vivre cet homme exceptionnel. Je me redresse et entoure son cou de mes bras. Ses mains passent par dessous le drap et retrouvent ma taille qu'elles emplissent de caresses exquises.
— Ne crois pas que tu m'as épuisée. C'était ... passable.
— Tu mens très mal chaton. J'suis l'meilleur coup qu'tu peux avoir !
Et voilà, le Colin arrogant et imbuvable est de retour. Je me sens bien avec lui, on rigole et on ne se prend pas la tête. Je hais Rob de m'avoir fait rapidement redescendre de petit mon nuage. Sans m'en rendre compte, un sourire crispé se peint sur mes lèvres et mon malaise n'échappe pas aux yeux de lynx de l'homme qui me fait face.
— Ça va pas, chaton ?
— Si, si ça va.
— J'viens d'te dire que tu mens mal. J'vois bien que quelque chose te tracasse.
Un pincement se fait sentir au niveau de ma poitrine. Il est si adorable avec moi que je me déteste de lui mentir.
— T'inquiète pas tout va bien.
Les mains de mon homme trouvent mes fesses et ses lèvres viennent déverser une pluie de baisers dans mon cou. Je gémis de plaisir quand Colin me chuchote à l'oreille :
— C'qui s'est passé hier, c'était rien comparé à tout c'que j'vais t'faire, chaton.
— Ah ouais, et qu'est-ce que tu vas me faire, beau métalleux ?
— Tu verras plus tard. Faut qu'je file.
∞
Les jours suivants ont été ponctués de moments passionnels passés aux côtés de Colin. Notre relation tantôt feu tantôt glace est particulière.
Nous passons notre temps à se câliner ou à jouer de notre passion : la musique. Quand je ne suis pas avec lui, j'écris des paroles qu'il m'inspire. Rien de bien consistant pour le moment, juste des idées éparpillées dans le vent, inspirées de l'homme qu'il est le jour et de l'amant endiablé de la nuit.
Quand je suis à ses côtés, je me sens entière, intègre. Un sentiment que je n'ai jamais ressenti avec Jeff. Ce dernier était dans le contrôle permanent. Tout ce qui importait, c'était son avis. Ma façon de voir les choses ne l'intéressait pas. Colin, lui, est plus à l'écoute. Mon opinion compte... je compte.
Grâce à lui, je reprends confiance en moi. Grâce à lui, je me sens vivante à nouveau.
Pourtant, je n'ai toujours pas osé lui avouer ce qui me tracasse malgré ses questions incessantes à ce sujet. Il se doute bien que je ne suis pas tranquille, mais j'ignore comment il réagirait si je le mettais dans la confidence. J'ai peur, tellement peur de le perdre que je ne trouve pas la force de me lancer. Je me dis que lorsque Rob aura son argent, je serais libre et n'aurais plus besoin de tout avouer à Colin.
Le reste de la semaine est passé à une vitesse folle et c'est enfin le moment de lever les voiles et partir pour Atlantic City afin d'assurer la promotion de notre album.
Confortablement installée dans le van du groupe, j'observe le paysage défiler à travers la vitre et repense au tournant qu'a pris ma vie en si peu de temps. Ancienne toxicomane mélancolique, me voilà prête à me lancer dans une aventure bohème aux côtés d'un homme qui me comble de bonheur aussi bien sur plan émotionnel que sur le plan physique.
Je croise son regard opalescent dans le rétroviseur et lui tire la langue pour le taquiner à distance. Il esquisse un sourire craquant avant de reporter son attention sur la route. Doris est profondément endormie sur les sièges arrières pendant que Adam tapote sur le tableau du van en rythme avec la musique rock qui se dégage de la radio. Mon téléphone vibre m'indiquant la réception d'un message d'un numéro inconnu qui ne peut être que Rob.
" RDV cette nuit, 401 Atlantic Ave, Atlantic City, NJ 08401, 2:30AM "
Je regarde rapidement l'emplacement de l'adresse sur Google Maps. Il s'agit d'une station service à proximité du lieu du festival ... je devrais trouver un moyen de semer Colin et les autres pour y aller. Je tente de masquer la nervosité sur mon visage mais connaissant Colin et sa capacité à me comprendre en un regard, ce n'est pas gagné.
Après trois heures de route, nous arrivons sur le lieu de l'événement, un parc immense empli de tentes, de caravanes, et de scènes improvisées. Des amplificateurs de son sont dispersés un peu partout sur la large pelouse verte et une musique de AC/DC diffuse en plein air. Un frisson d'excitation me parcours l'échine. Je me sens bien, dans mon élément, et malgré le trac qui me gagne à l'idée de jouer et chanter devant cette foule, j'ai hâte de monter sur scène.
Nous montons nos tentes à quatre puis profitons de la matinée pour nous prélasser au soleil. Adam s'éclipse pour admirer les plages d'Atlantic City, tandis que Colin s'en va rechercher un programme de la soirée.
Pendant l'après-midi, chaque groupe inscrit s'installe dans son box et tente de vendre des albums et signer des autographes pour les groupes ayant déjà un public. A partir de 18 heures, un enchaînement de concerts se déroule pour donner sa chance à chacun des six groupes participants de se reproduire. Notre groupe monte sur scène à 21 heures, ce qui me laisse assez de temps par la suite pour me préparer à rencontrer les hommes de Rob.
Étonnement, plusieurs personnes se rendent déjà dans notre box afin d'acheter notre album. A mon grand agacement, notre public est majoritairement féminin. Un groupe de jeunes étudiantes ne cesse de lancer des regards aguicheurs en direction de MON Colin, et cet idiot en joue en leur souriant à son tour et leur envoyant des clins d'œil ravageurs.
Il signe leurs albums et se fait photographier avec elles de bon cœur ce qui ne manque pas de m'enflammer. L'une d'entre elles s'est même permise de glisser un papier dans la poche de la veste de Colin.
Doris en profite pour me lancer un regard moqueur et me dire tout bas:
— J't'avais prévenue.
Je refuse de me laisser faire et me dirige vers le groupe de midinettes qui ne cessent de glousser comme des dindes.
— Bon, les filles, la fête est finie et comme vous le voyez, on est un peu occupé là, alors du balais !
— Excusez-la mesd'moiselles, lance Colin à ses fan choquées. Elle est un peu sur les nerfs...
Je lance un regard noir à Colin qui a l'air de beaucoup s'amuser puis fixe les pouffiasses en attendant qu'elles dégagent. Celles-ci me toisent d'un air dédaigneux avant de s'éclipser.
— Si tu peux éviter de dégager toutes les fans, ça serait sympa.
Il n'a pas l'air en colère, et pourtant, son ton moqueur ne fait qu'attiser ma nervosité.
— Si tu peux éviter de draguer tout ce qui a des nichons et un p'tit cul, ça m'arrangerait !
Colin lâche un petit rire, me prend par la taille et approche son visage du mien en parlant tout doucement pour qu'il n'y ait que moi qui l'entente.
— Perso, y a qu'une seule paire d'nichons et un seul p'tit cul qui m'intéressent dans tout c'festival, les tiens.
Je ne peux m'empêcher de me transformer en boule incandescente de désir sous ses mots et son contact. J'en profite pour retirer le bout de papier de la poche de veste de mon homme et le déchirer.
— Alors si jamais tu as envie de les revoir, je te donne un conseil, sois moins tactile avec tes groupies. Je t'ai à l'œil mon Coco.
Je m'éloigne en fixant du regard ses iris de cobalt, puis lui souris en l'entendant rire aux éclats. Pourquoi mon cœur s'affole lorsque je l'entends rire de la sorte ?
Mon téléphone vibre soudain dans la poche arrière de ma jupe et le numéro de Chris s'affiche. Un sentiment de tristesse m'emplit et je m'isole des autres pour prendre mes aises. Comme toujours, Rob et sa bande s'arrangent pour me gâcher tous mes moments de complicité avec Colin.
— Qu'est-ce que tu veux, Chris ? Je croyais qu'on s'était tout dit la dernière fois.
— Sandy! J'ai pas trop de temps. Le rendez-vous de ce soir, c'est un piège ! N'y va surtout pas !
— Tu crois que je peux te croire après ce que tu m'as fait la dernière fois ? Tu te mets le doigt dans l'œil !
— Tu dois me croire Sandy ! Tu fonces la tête la première dans le mur !
— Salut Chris...
Je raccroche sans donner le temps à mon ancien frère de cœur de m'en dire plus. La rage circule dans mes veines, brûlant, corrodant chacune de mes viscères. Je tente de faire redescendre la pression et retourne dans le box où je croise Colin avec son ordinateur portable.
— Ça va ? me demande-t-il d'une voix distante. Qui t'a appelée
— Euh... C'était Charlie. Il voulait nous souhaiter bonne chance pour ce soir.
Colin me toise un instant avant de hocher la tête en posant son index sur ses lèvres et reporte son attention sur son ordinateur portable.
— Jamais sans tes gadgets, l'informaticien, plaisanté-je pour camoufler ma nervosité.
Pour toute réponse, je n'ai droit qu'à un coup d'œil glacial et furtif et dépourvu de toute émotion.
Mesdames et messieurs, le Colin froid est de retour...
∞
Il est temps de monter sur scène. La foule est déchaînée à l'extérieur et l'ambiance n'a rien à voir avec celle du bar. Je sens le stress monter d'un cran et ma respiration se fait plus rapide. Une boule douloureuse se forme dans mon abdomen et mes jambes tremblent si fort que je suis incapable de me maintenir debout.
Colin perçoit ma tension et s'approche de moi pour me calmer. Il me suffit de plonger dans ses prunelles pour sentir une vague de chaleur s'emparer de moi. L'effet qu'il exerce sur moi est impressionnant. Ses mains se posent sur ma taille et son front trouve le mien.
— Tu vas tout casser, je l'sais. Prête ?
Je hoche la tête, sentant que ma voix m'abandonne, puis prend sa main et monte sur scène à ses côtés.
Le concert a été un succès fou. Comme à chaque fois que je joue de la musique aux côtés de Colin, notre alchimie est plus que parfaite. Le public semble apprécier l'union de nos deux voix sur la musique en rythme. Une heure, c'est beaucoup trop court. Notre prestation a à peine commencé qu'il fallait déjà s'en aller, même si le public en redemandait. Colin en a profité pour inviter les fans à rejoindre notre box pour se procurer l'album. La bête de scène pense à tout !
Lorsque tous les groupes ont fini de se reproduire, une grosse soirée a été improvisée autour d'un feu de camp au bord de la plage. Je suis entre les bras de Colin, bercée par sa respiration régulière et les crépitements du feu.
Tout autour de moi m'invite à me détendre mais l'heure qui défile et me rapproche de mon rendez-vous me rend de plus en plus nerveuse. Je ne cesse de vérifier l'heure toutes les cinq minutes pour être sûre de ne pas être en retard pour mon entrevue avec les hommes de Rob.
Doris, quant à elle, nous jauge de son regard hautain avant de s'éclipser en compagnie d'un homme qu'elle venait tout juste de rencontrer. Je guette la réaction de Colin mais celui-ci semble absorbé dans la contemplation d'un jeune adolescent jouant de la guitare sèche. Je m'installe entre ses jambes, mon dos contre son torse et pose ma tête sur son épaule. Ses mains s'enroulent presque instantanément autours de ma taille pour se rencontrer sur mon ventre.
— Je me sens bien dans tes bras, soupiré-je.
— Moi aussi, chaton.
Il dépose un baiser léger sur ma tempe pendant que je ferme les yeux et savoure son étreinte. J'en ignore la raison, mais je le sens aussi nerveux que moi. Peut-être qu'il perçoit mon état ? Peut-être que lui-même est préoccupé par quelque chose et qu'il ne m'en parle pas ?
Ou peut-être que je me fais des films ?
Je m'efforce de me détendre et me laisse bercer par la respiration régulière de Colin, les battements de son cœur contre mon dos et le son de la guitare.
— Tu devrais resserrer les cordes de ta guitare, gamin.
Colin s'adresse à l'adolescent musicien en herbe. Celui-ci lance un regard de défi en direction de Colin et lui répond :
— Tiens, montre-nous de quoi t'es capable.
Je me défais des bras de Colin pour lui permettre de se saisir de la guitare acoustique. Son sourire carnassier en dit long sur les pensées qui trônent dans sa tête.
Tout en resserrant les cordes, il s'adresse à moi :
— Je joue et tu chantes ok ?
D'un geste expert, il se met à gratter les premières notes de la célèbre chanson Hallelujah de Jeff Buckley sur les cordes de la guitare. Je souris en croisant son regard azur avant de l'observer s'atteler à la tâcher avec un talent indéniable. Il se lance d'abord dans un long solo, plongeant la foule qui nous entoure dans une transe ensorcelante. Je suis captivée par les mouvements de ses mains le long des cordes en acier. Ces mêmes mains qui ont carressé mon corps dans ses moindres recoins, et qui m'ont emportée depuis dans une jouissance sans fin.
Je suis tellement sous le charme que j'en oublie presque de chanter, mais je me rattrape à la dernière minute.
— I've heard there was a secret chord (J'ai entendu dire qu'il y avait un accord secret)
That David played and it pleased the Lord (Que David jouait et cela plaisait au Seigneur)
But you don't really care for music, do you ? (Mais tu ne t'intéresses pas vraiment à la musique, n'est-ce pas ?)
It goes like this, the fourth the fifth (Ça faisait ainsi, le quatrième et le cinquième)
The minor fall and the major lift (Le mineur descend et le majeur monte)
The baffled king composing Hallelujah (Le roi déconcerté composant Alleluia)
Une foule de jeunes se rassemble petit à petit autours du feu pour nous écouter. Je me laisse emporter aux mélodies douces et chaleureuses de la chanson. Une brise légère souffle contre mon visage, emportant mes cheveux avec elle et rajoutant à la scène un charme exquis. Colin ne me lâche pas du regard mais ne sourit pas. Il semble m'analyser, décrypter ma façon de faire. Lorsque vient le temps du refrain pour la deuxième fois , la foule se met à chanter en chœur avec moi.
Hallelujah, hallelujah
Hallelujah, hallelujah
Je distingue à l'ombre du feu plusieurs flash d'appareils photo et téléphones immortaliser ce moment. A la fin de la chanson, Colin laisse tomber la guitare et happe ma bouche dans un baiser fougueux sous les applaudissements et sifflements de la foule. Oubliant tout ce qui nous entoure, je fonds dans ses bras et me blottit contre lui en lui rendant avidement son baiser.
Ce moment est juste parfait... j'aurais tellement aimé qu'il dure.
Mais il est presque deux heures du matin... et il faut que je prenne congé.
Prétextant la fatigue accumulée au cours de la journée, je m'extirpe à l'étreinte de Colin. Mais ce dernier me retient et m'attire contre lui. Ses mains glissent instinctivement sous mon pull, taquinant la peau de mes flancs devenus brûlants sous son contact.
— Tu sais, chuchote-t-il près de mon oreille. J'peux virer Adam et tu viens partager la tente avec moi...
— J'en meurs d'envie crois-moi, mais je suis épuisée. Et puis demain aussi on a une longue journée qui nous attend.
J'évite son regard déçu, inquiète à l'idée qu'il puisse lire le mensonge dans mes yeux.
Il caresse mes cheveux et acquiesce à contrecœur avant de me raccompagner jusqu'à la tente que je suis censée partager avec Doris.
Il me souhaite une bonne nuit et me donne un dernier baiser tendre, différent des baisers enflammés dont il a le secret. A mon grand soulagement, Doris ne semble pas vouloir dormir dans la tente, ce qui m'arrange amplement. J'attends que Colin disparaisse dans la nuit noire pour enfiler un sweat à capuche, prendre mon sac à dos contenant l'argent et me faufiler discrètement hors du camping afin de me rendre à l'adresse fournie par Rob.
La station service est à une vingtaine de minutes de marche du camp. Je ne cesse de lancer des regards furtifs autour de moi pour m'assurer que je ne suis pas suivie. Je me laisse guider par le GPS installé sur mon smartphone et qui me guide sur le chemin à suivre.
Tout en marchant, je repense à l'avertissement de Chris. Qu'est-ce que ça signifie ? Et s'il avait raison ? Et si Rob ne se contenterait pas de l'argent ? Je chasse ces pensées lugubres de mon esprit et me concentre sur la route.
Sur mon chemin, je remarque la présence de trois toxicomanes en train de se doper dans un coin de rue. Je croise le regard de l'un d'entre eux et tourne immédiatement la tête. Si j'ai appris une seule chose au cours de mes années noires, c'est bien de ne pas regarder un drogué droit dans les yeux. Il se sent menacé et peut adopter des comportements violents comme mécanismes d'auto-défense. Le cœur battant, j'accélère mes pas mais à mon grand effroi, ils me suivent.
— Hey, Mad'moiselle !
Je ne répond pas et accélère encore plus la cadence. C'est exactement le genre de réactions qu'il faut éviter d'avoir, ma raison en est consciente, mais en ce moment je suis tellement terrifiée que je n'arrive plus à y voir clair.
Les trois hommes me poursuivent et l'un d'eux réussi à m'attraper le poignet et me faire trébucher par terre. Je me débats fortement et comme pour maîtriser mes mouvements, l'un d'eux se met à califourchon au dessus de moi. Prise de panique, je me mets à hurler, ma voix résonnant en écho dans la ruelle déserte, sans aucune personne pour me porter secours.
— LÂCHEZ-MOI !!! A L'AIDE !!!
L'homme qui me domine de sa hauteur pose ses mains crasseuses sur ma bouche, étouffant mes hurlements, pendant que les deux autres s'amusent à me torturer.
— J'me d'mande c'qu'une jeune damzelle comme toi fait dans la rue toute seule à cett' heure d'la nuit, lâche l'un des drogués.
— Moi j'me d'mande surtout c'qu'il y a dans c'sac, poursuit le second en s'emparant de mon sac à dos.
J'ouvre les yeux d'effroi quand je comprends ce qu'il s'apprête à faire. Non ! Je ne peux pas me permettre de perdre l'argent une seconde fois ! Pas comme ça ! Pas si près du but ! Comme prise par une force subite, je repousse mon agresseur et lui envoie un bon coup de genou dans son entrejambe.
— AHHHH LA SALOPE !!!
Je me lève en furie pour récupérer mon sac des mains du crapule mais c'était sans compter sur le troisième qui vient de me décrocher une claque monumentale. Je tombe à terre d'étourdissement et ma tête heurte la paroi d'asphalte du trottoir.
L'homme que j'ai atteint en plein scrotum me tire par les cheveux et son ton se fait menaçant :
— T'vas regretter c'que tu viens d'faire, sale pute ! On va bien s'amuser tous les deux !
Un hurlement de rage se fait alors entendre dans la nuit.
J'aperçois devant moi une chevelure ébène et ne ressens plus le poids de mon agresseur sur moi. Un Colin enragé s'affaire à régler leur compte aux trois toxicomanes. Je pousse un soupir de soulagement lorsqu'il les met tous les trois à terre avec l'aisance d'un habitué, et me précipite dans ses bras.
Mon sauveur m'accueille, la main visiblement endolorie, mais il ne semble pas s'en soucier et préfère s'assurer que je vais bien.
— Ils t'ont touchée ? T'es blessée ?
Malgré son inquiétude évidente, la voix de Colin me paraît froide et détachée. Il m'examine attentivement, guettant des traces de violence et d'agression. Je dépose ma main sur son torse et le rassure:
— Non, ça va ... ne t'inquiète pas, je vais bien.
Je lis un soulagement bref dans les yeux de Colin faisant rapidement place à la colère. Jamais depuis que je connais cet homme je n'avais lu autant de rage, de dédain dans ses yeux.
Il me prend violemment par le bras et m'entraîne en direction du campus sans aucun mot ni aucun regard pour moi. Je tâtonne, essayant de suivre ses pas rapides malgré mon crâne qui me fait un mal de chien. Une fois proches du camp, Colin s'arrête et me tourne le dos. J'entends sa respiration saccadée et je le vois serrer les poings comme s'il se maîtrisait pour ne pas frapper dans un mur.
— Colin ... parle-moi...
Il se retourne doucement et me scrute d'un regard glacial, un regard qui me glace tout entière.
Une veine bien visible tressaute sur le front du rockeur dont les traits sont déformés par la colère. Il sait ... il sait que je lui ai menti ... maintenant, il va falloir assumer.
Un cri suintant émane de mon interlocuteur ... un cri déchirant, martyrisant, agonisant:
— TU VAS ARRÊTER D'ME PRENDRE POUR UN CON ET M'EXPLIQUER C'QUI SE PASSE ??!
A suivre ...
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