10. Confession, Culpabilité, Calamité
Sandy
Cela fait maintenant deux jours que je suis sans nouvelles de Colin. Il n'a même pas pris la peine de répondre à mon SMS, confirmant mes craintes sur la nature des relations qu'il entretient avec Doris. J'ai beau retourner la situation dans tous les sens dans ma tête, je ne vois pas d'autre explication: ils sont bel et bien en couple. Rien d'autre ne pourrait expliquer la colère démesurée de Doris, ni cette attitude protectrice de Colin envers elle.
D'un autre côté, je suis soulagée d'avoir enfin amassé la totalité de la somme que Rob m'avait demandée. Charlie m'a promis d'effectuer le virement sur mon compte dans la semaine. J'espère qu'après l'avoir remboursé, Rob pourra définitivement me laisser en paix. Ma vie s'apprête à prendre un nouveau tournant et j'en suis toute émoustillée.
La vibration de mon téléphone retentit; je viens de recevoir un message de la part de Colin: "RDV chez moi à 17h00. Faut qu'on parle. C"
Faut qu'on parle ? Il est sérieux lui ? Il me laisse sans nouvelles pendant deux jours et tout ce qu'il trouve à me dire, c'est "faut qu'on parle"?!
Je comptais me rendormir, mais ce dernier message m'a rendue nerveuse. Après une douche revigorante, je prends le temps de peaufiner un maquillage léger associé à une tenue décontractée : un legging noir et un débardeur de la même couleur orné d'une tête de mort blanche.
Enfin prête, je me dirige vers l'appartement de Colin. Un sentiment d'angoisse commence à émerger en moi.
Et s'il a découvert mon passé ? Et s'il a su pour Rob et ses menaces ? Et s'il a décidé de me renvoyer du groupe ?
Impossible! On a signé le contrat, aucun membre du groupe ne peut le quitter avant la fin de la promotion de l'album !
Cette dernière pensée me redonne un semblant de courage et d'assurance. Je sonne à sa porte et patiente. Mon cœur effectue un sprint effréné et le rockeurs à l'origine de ces palpitations démesurées semblent prendre son temps.
Lorsque la porte s'ouvre enfin, laissant apparaître un Colin en tenue sportive, je joue la femme détachée qui n'a peur de rien et lui fait mon plus beau sourire. Rien de tel qu'un peu d'humour pour briser la glace !
— 'Lut ! m'exclamé-je en lui tirant la langue.
Un sourire taquin se dessine sur les lèvres appétissantes du beau rockeur qui ne tarde pas de me faire signe de rentrer.
Je pénètre l'antre secrète du loup solitaire et m'affale sur le canapé. Comme d' habitude, il ne pipe mot. A moi d'entrer dans le vif du sujet.
— Tu voulais me parler ?
— Ouais. J'te sers une bière ?
— OK.
Sans plus de cérémonie, Colin se dirige vers sa kitchenette, ce qui me donne tout le loisir d'admirer son fessier ferme et masculin. Mes hormones sont déchaînées comme à chaque fois que je me retrouve seule avec ce dieu vivant. Celui-ci me jette un coup d'œil par-dessus la porte de son frigidaire et me prend en flagrant délit de matage. Honteuse, je détourne les yeux et me lève afin d'admirer sa guitare acoustique, soigneusement posée contre le mur.
— Je peux ?
Colin acquiesce d'un hochement de tête et vient déposer deux bières sur la table. Il accepte enfin que je touche à sa guitare !
Je ne me souviens que trop bien de la dernière fois où j'ai osé poser mes mains sur son instrument ... il m'avait hurlé dessus comme si j'avais commis l'irréparable.
J'ai l'impression que, malgré tout ce qu'il s'est passé, Colin m'a ouvert une brèche dans sa carapace, qu'il me laisse entrer doucement dans son monde et le découvrir petit à petit. Je saisis le précieux instrument entre mes mains et admire les cordes parfaitement parallèles.
— Tu sais en jouer ? me questionne-t-il de son éternel ton détaché.
— Pas vraiment non. Je n'ai fait que du piano.
— Approche.
Colin s'installe sur le canapé et me fait signe de venir m'installer entre ses jambes. Le cœur battant, les joues en feu, je m'avance avec prudence vers lui, sa guitare entre les mains.
Après m'être confortablement installée, mon dos contre son torse, Colin profite de cette proximité pour me montrer les principaux accords. Mes doigts sur les cordes, ses mains sur les miennes, il guide mon mouvement afin de m'apprendre les bons gestes techniques. Je me laisse aller à ce contact viril et masculin, essayant avec difficulté de me concentrer sur les enseignements du maître.
Tâche à la limite de l'impossible étant donné cette position.
— Tu vois, c'est pas compliqué, murmure-t-il contre mon oreille. Doucement...
Intérieurement, je me fiche de la guitare, des accords, de la bonne position que doit avoir ma main sur les cordes ou d'avoir les ongles trop longs. Tout ce qui m'importe pour le moment, c'est de partager cet instant avec lui ... entre ses bras ... en train de partager notre passion commune.
Ses cheveux longs chatouillent mon épaule dénudée et son souffle chaud caresse ma nuque faisant naître en moi d'agréables frissons qui se propagent dans tout mon corps.
Colin n'est pas dupe et remarque la chair de poule sur ma peau :
— T'as froid ?
— Non, ça va, hum. Continue...
Colin poursuit ses caresses sur son instrument, laissant planer une atmosphère musicale et chaleureuse. Je me laisse aller contre lui, mes battements cardiaques frappant contre mon dos.
L'air doux de la guitare sèche souffle dans mes tympans et me procure une euphorisante sensation de bonheur. Je reconnais l'air de la chanson qu'il joue et me met à chanter les yeux fermés:
— You could be my unintended / Tu pourrais être mon choix
Choice to live my life extended / Involontaire de vivre ma vie jusqu'au bout
You should be the one I'll always love / Tu devrais être celle que j'aimerai toujours
Colin se joint à moi, mariant sa voix grave et rauque à la mienne qui monte dans les aigus.
— I'll be there as soon as I can / Je serai là dès que je le pourrai
But I'm busy mending broken / Mais je suis occupé à réparer
Pieces of the life I had before / Les morceaux cassés de la vie que j'avais avant
Je me sens tellement bien dans ses bras, chantant à l'unisson avec lui, bercée par le rythme de la guitare ... je pourrais passer ma vie ainsi. En ce moment, je ressens une telle paix intérieure, une plénitude que je n'avais presque jamais connue, jamais ressentie.
Mais comme toutes les bonnes choses ont une fin, la chanson s'achève, laissant place à la réalité ... une réalité amère: je suis dans les bras d'un homme qui a déjà une copine, un homme qui ne sera jamais à moi.
Frappée par ce rappel brutal, je me détache de Colin et me pose en face de lui avant de boire une gorgée de la bière qu'il m'avait offerte il y a quelques minutes. Son regard est fuyant et achève de mes m'engloutir dans le désespoir. Pourquoi fallait-il qu'il soit déjà à une autre ?
— De quoi tu voulais me parler, Colin ?
Le rockeur se redresse et pose sa guitare de côté. Son visage est indéchiffrable, comme toujours.
— T'en est où dans la rédaction d'ta chanson ? me demande-t-il, flegmatique à souhait.
Alors là, si je m'attendais à ça !
— C'est pour ça que tu m'as faite venir ici ?
— Ouais. Tu t'attendais à quoi d'autre ?
J'ignore sa remarque et me contente de répondre à sa question.
— J'ai écrit des idées par-ci par-là, c'est tout.
— Rien d'aboutit alors.
— Non. Pourquoi c'est si important ?
— Dans l'contrat qu'on a signé lundi, il était noté qu'on allait enregistrer douze titres. Sauf qu'on en a que onze. J'aimerais bien intégrer ta chanson à l'album. Vu qu'on manque de temps, j'veux m'assurer que tu la finisses rapidement.
— Tu me fous une pression de malade là ! Je ne peux pas écrire et composer sur commande !
— J'sais ... mais j'sais aussi que t'es capable de finir cette chanson dans les temps. J'veux qu'tu composes cette chanson et j'veux ta chanson sur l'album.
— Je... je peux pas faire ça désolée.
Un étau me resserre la poitrine. J'ai l'impression de suffoquer. Comment sommes-nous passer de ce moment magique sur le canapé à... ça ?! Je me lève, prête à quitter cet endroit. Quelle conne ! Je me suis fait des films toute seule, pensant que Colin voulait me rassurer quant à sa relation avec sa bassiste. Alors qu'il ne pensait qu'au travail pendant tout ce temps là.
— Tu t'mets des barrières toute seule, Miss.
Son ton ferme et détaché, associé au "Miss" qu'il réserve d'habitude aux inconnues, finissent par avoir raison de moi. Un long soupire m'échappe pendant que je trace mon chemin vers la porte d'entrée.
— T'as du talent. Laisse-toi aller et écris comme ça vient.
Je m'arrête net à ces paroles. Est-il sincère ? Ou est-ce qu'il bluffe pour me pousser à le faire ? Je l'entends s'activer dans mon dos et fait volte-face pour le regarder droit dans les yeux.
— Essaye au moins, continue-t-il dans un calme plus que déroutant. Même si c'est pas abouti, c'est pas grave. On pourra retravailler le texte ensemble si tu préfères.
La perspective d'écrire les textes avec Colin ne m'emballe pas. Je mets beaucoup de mes émotions les plus intimes dans les textes de mes chansons et je n'ai pas forcément envie qu'il en sache autant sur moi. Il en sait déjà trop. Mais sa manière de me dévisager en ce moment même, comme s'il tentait de m'absorber a raison de mes dernières défenses.
Il m'invite à regagner le canapé sous prétexte que ma bière n'est qu'à moitié entamée et que je ne dois pas partir avant de l'avoir terminée, sinon Adam criera au gâchis. J'éclate de rire et me rassois, le cœur un tantinet plus léger, même si une question me taraude toujours l'esprit.
— Au fait, ça s'est arrangé avec Doris ?
Colin pousse un long soupir avant de se frotter le crâne et faire revenir ses cheveux en arrière.
— Elle s'est calmée pour l'instant, m'explique-t-il mais elle est comme une cocotte-minute qui risque d'exploser d'un moment à l'autre.
— En même temps, je la comprends. Je réagirais de la même façon si mon mec se tapait des groupies et embrassait la nouvelle recrue du groupe.
Colin me lance un regard surpris puis fronce les sourcils.
— Sandy ... Doris est pas ma copine, hein ! C'est une pote, c'est tout.
Mon cerveau tente de processer l'information, et cela prend plus de temps que prévu... Doris n'est pas la copine de Colin !
— C-comment... balbutié-je. Je croyais que ...
— Tu croyais qu'j'étais un salaud qui sort avec Doris et qui s'permet quand même de t'embrasser sous ton bâtiment ? J'suis pas le connard que tu t'imagines, Sandy.
— Vous semblez si proches. J'ai dû mal comprendre. J'ai jamais dit que tu étais un connard.
— On est proche, ouais. Doris compte pour moi.
Une boule douloureuse se forme dans ma poitrine en entendant ses mots. Ma joie n'a finalement duré que quelques secondes. Doris n'est pas sa copine mais elle compte pour lui. Est-il amoureux d'elle ? Ou est-ce une simple amie ? En quoi le savoir est-il si vital ?
J'observe Colin poser ses coudes sur ses genoux et fixer le mur tout en continuant ses explications.
— J'étais à la même école maternelle qu'Doris et Adam. On formait un trio explosif. Toujours là pour foutre la merde. Avec Adam, on s'est promis d'veiller sur elle depuis notre plus jeune âge. Doris est née sous X. Elle a jamais connu ses vrais parents. C'était une enfant rebelle depuis déjà toute petite et toutes les familles d'accueil qui l'ont recueillie on finit par la lâcher. Elle a eu sa première vraie famille à l'âge de treize ans. Mais elle se sentait tellement mal chez eux qu'elle a fini par fuguer et elle est venue s'réfugier chez moi. Sauf que chez moi, c'était pas mieux.
Colin se confie enfin à moi. Il me fait entrer dans son monde. Et surtout, il se justifie alors qu'il ne me doit rien.
J'avale ses paroles sans l'interrompre de peur qu'il se ferme à nouveau. Tout au long de son monologue, il ne me regarde pas. Il se contente de fixer le mur en face, comme s'il était en transe. Physiquement, il est ici, à mes côtés, mais dans sa tête, il est loin, perdu dans ses souvenirs. Ses muscles sont crispés et l'ensemble de son corps est tendu. Les nervures saillantes de ses mains gonflent de plus en plus sous l'effet de la nervosité et sa voix se fait plus sombre, plus triste à mesure qu'il avance dans son récit.
— Mon père était un putain d'alcoolique qui nous battait ma mère et moi. Pour oublier son quotidien, ma mère s'est transformée en junkie. Depuis aussi loin que j'm'en souvienne, elle se droguait. J'passais mon temps à la chercher quand elle était trop camée pour se souvenir de nous et d'où elle habite. J'compte plus le nombre de fois où j'ai dû la sortir de la rue, complètement pétée. Et puis un jour, j'suis arrivé trop tard. J'ai rien pu faire pour la sauver. J'ai dû assister impuissant à la mort de ma mère. J'avais dix-sept ans et c'est à c'moment-là qu'j'ai décidé que je devais faire quelque chose de ma vie.
C'en est trop pour moi. Je ne peux plus le laisser parler dans le vide sans rien faire pour le réconforter. Je m'approche de lui, au risque de l'arrêter, et pose une main rassurante sur la sienne. S'il y a une personne au monde capable de le comprendre, c'est bien moi.
Voilà pourquoi un seul regard lui suffit pour me comprendre. Il a vécu la même expérience traumatisante que moi. La drogue a emporté des personnes qui nous étaient chères. Sauf que lui n'était qu'un adolescent à l'époque. Nos doigts s'entremêlent et j'ai la vive impression que Colin se radoucit à mon contact.
— La musique m'a sauvé, poursuit-il en resserrant sa prise sur ma main. A chaque fois que j'me sentais frustré ou en colère, j'm'incrustais dans les magasins d'musique et je jouais de la guitare ... je jouais jusqu'à c'qu'on m'attrape et qu'on m'foute à la porte.
Un rictus nostalgique étire ses lèvres à ce souvenir et je m'amuse à l'imaginer en adolescent rebelle dans les boutiques d'instruments musicaux.
— Après la mort d'ma mère, j'ai réalisé que plus rien m'retenait chez moi. J'ai quitté mon père du jour au lendemain, et j'me suis enfui. J'ai fait des rencontres pas très réglo. Mais je survivais. Je grandissais. Et j'm'en suis sorti. J'ai fini par intégrer Carter Corporation grâce à mes connaissances et surtout à mes talents de programmeur hors pair. J'ai eu beaucoup d'chance finalement. Les gens comme moi finissent soit en taule, soit enrôlés à vie dans un gang.
Il marque une légère pause, le temps d'avaler sa salive et d'hydrater ses lèvres d'un coup de langue rapide.
— Doris a pas eu ma chance. Elle s'est prise dans les filets d'la drogue. Elle essaye d's'en sortir mais elle a trop sombré. Elle est comme la sœur que j'ai jamais eu, t'vois. Et la voir s'détruire comme l'avait fait ma mère, ça me... arrghh !
Colin serre les poings, comme s'il mourrait de frapper contre un mur. Finalement, c'est le haut de son crâne qu'il martèle de coups. Je n'ose bouger. Le voir dans cet état me brise le cœur. Je n'ai qu'une envie, c'est de me blottir tout contre lui pour alléger ce poids qu'il porte.
— J'me sens responsable en quelques sortes, conclut-il en se frottant le front. Quand elle pique sa crise, je sais la gérer, je sais lui parler. Et si j'le fais pas, je sais qu'elle trouvera sa libération dans la drogue, et ça... j'le supporterai jamais.
Moi qui croyais que Colin et moi avions des parcours similaires, je suis à présent fixée. Je me reconnais en sa mère, et je me reconnais en Doris. A une époque, j'étais exactement pareille. La différence, c'est que je n'avais pas un "Colin" pour prendre soin de moi et me remettre sur le droit chemin.
Comment réagira-t-il lorsqu'il apprendra mon parcours à moi ?
— Je comprends, Colin, dis-je calmement. Je comprends plus que tu ne le crois. Je sais que ça ne doit pas être évident pour toi d'en parler.
Comme s'il se rendait soudain compte de ma présence, Colin efface la distance qui nous sépare et vient s'installer à mes côtés. Nos cuisses se frôlent, et sa main remonte le long de mes bras pour enfin prendre mon menton et m'obliger à plonger dans l'océan infini que sont ses yeux.
— Les paroles de ta chanson me parlent. Je sais ce que tu ressens, chaton. Ta douleur, c'est la mienne. Finis-la.
Chaton ... à chaque fois qu'il prononce ce surnom, une envolée de papillons se fait sentir dans mon bas-ventre. Cet homme croit en moi comme personne ne l'avait fait auparavant.
Sous ce physique imposant et puissant se cache une âme torturée, écorchée, identique à la mienne. Et il compte sur moi et sur ma chanson pour l'apaiser. Il y a plus que la musique qui nous unit. Un passé, un présent, des émotions cachées dans les profondeurs abyssales de nos âmes respectives. Nous nous fixons longuement du regard, un simple contact visuel qui pourtant apporte à mon cœur la chaleur qui lui manquait.
Sans retirer ses yeux de saphir des miens, ses mains caressent chaque parcelle de peau découverte. De mon visage, en passant par mon épaule, mes bras et puis finalement mais mains. Son contact me fait frémir.... Colin et tout ce qui se rattache à lui me fait frémir. Il est si rassurant ... si proche ... si masculin ... si viril ... mes hormones parlent encore ...
Il se rapproche dangereusement ... redoutablement ... et je suis incapable de le repousser. Son parfum émoustille mes sens, réveille mon désir. Ses lèvres effleurent les miennes, doucement, tendrement, puis elles viennent s'emparer de ma lèvre inférieure qu'elles suçotent avec langueur.
Mes mains remontent encercler son visage pendant que les siennes s'enroulent autour de ma taille pour me rapprocher de lui. Ma féminité se contracte à son contact délicieux. Mon rockeur se laisse aller à son canapé et m'attire davantage contre lui sans cesser ses baisers exquis. Je me tiens à présent au-dessus de lui, à califourchon, et notre baiser se fait plus profond. Les mains habiles de Colin glissent sous mon débardeur et touchent rapidement ma peau incandescente. Ce simple contact suffit à me transformer en boule de désir. Je me colle à lui, ne supportant plus la distance qui nous sépare. J'en veux plus...
Alors que nos langues entament un corps à corps endiablé, la main ferme de Colin glisse sous mon legging pour mieux agripper la peau de ma fesse gauche. Ce contact me fait gémir... il m'étourdit. Emportée dans un tourbillon de désir mes lèvres quittent les siennes pour goûter là la saveur salée de son cou.
C'est alors que l'image de Jeff apparaît soudain dans mon esprit.
Culpabilité, calamité ... des émotions contradictoires m'animent. Mon désir pour Colin ou mon amour pour Jeff ? Mon envie libertine ou ma loyauté envers celui que je considérais comme mon âme-sœur ? La vie qui m'appelle ou la mort qui me hante ?
Bon sang ! Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Je ne peux pas ... je ne peux pas faire ça ... je ne peux pas sauter le pas aussi vite ... je ne suis pas prête ... pas encore !
A bout de souffle, je me dégage de l'étreinte de Colin. Je ne peux que constater l'ampleur de son désir pour moi à travers la bosse bien visible par dessous son pantalon. Mais je ne peux pas l'assouvir ...
— Colin je ... je peux pas ... désolée.
— Sandy !
Sa voix est un murmure impatient, presque implorant. Mais je ne peux pas ... je n'y arriverais pas. Jeff est encore trop présent dans mon esprit.
— C'est trop tôt ... je peux pas ... je suis désolée...
Sur ces mots, je quitte l'appartement de Colin en courant, telle une criminelle prise en flagrant délit. Je dévale les marches de l'escalier, ignorant sa voix déchirante qui m'interpelle, et me mêle à la foule de gens marchant dans les rues du Bronx.
Incapable de retenir mes larmes plus longtemps, je me cache dans une ruelle abandonnée et laisse éclater ma peine à travers des sanglots perçants. Aurais-je jamais la force de sauter le pas et de laisser mon passé derrière moi ?
Après avoir pleuré toutes les larmes de mon corps, je prends le premier bus vers le Blue train. Je suis déjà en retard, il est inutile de m'attirer les foudres de Charlie.
Une fois sur place, ce dernier m'interpelle.
— Sandy, qu'est-ce que tu as ? Tu as une toute petite mine !
— C'est rien, Charlie. Je suis un peu fatiguée, c'est tout.
— Rentre chez toi. Tu as besoin de repos, ça se voit.
— Non, j'ai envie de bosser. Ne t'en fais pas je vais bien. Ça va me passer.
Loin d'être convaincu mais résigné, Charlie n'insiste pas davantage. Je me dépêche de me diriger vers les toilettes pour me refaire une beauté avant d'enfiler ma tenue de travail.
∞
Les clients ne se sont pas bousculés ce soir, si bien qu'à deux heures du matin, tout le monde a déserté la place. Seule sur place, je ferme les portes et me pose enfin en face du piano. Les mots de Colin résonnent en moi:
"Cette chanson ... elle est vraiment bien ... Finis-la. J'aimerais la chanter avec toi" ... "Les paroles de ta chanson me parlent, chaton. Je sais ce que tu ressens. Ta douleur, c'est la mienne. Finis d'écrire cette chanson".
Je ne peux plus continuer de vivre ainsi. Jeff est parti ... il est mort ... il ne reviendra plus ! Jusqu'à quand son spectre continuera de me hanter ?
Je retire le précieux pendentif que je chérissais plus que tout et le dépose sur le piano avant de commencer à jouer cet air que j'ai imaginé. Munie d'un stylo et d'un bloc-notes, je joue et gribouille des paroles sur le papier. Je passe une bonne partie de la nuit ainsi, jusqu'au moment où je sombre dans le sommeil, exténuée par la puissance des émotions par lesquelles je suis passée en une journée.
A suivre ...
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