
Chapitre 10: Brasier de haine
Sur place, le chaos avait envahi le paisible quartier. Des familles entières sortaient paniquées de leurs appartements en pyjama pour se réfugier à l'abri des fumées toxiques. Les pleurs des enfants se mêlaient aux gémissements de souffrance des blessés dans une cacophonie dissonante de fin du monde. Des dizaines d'hommes étaient mobilisés pour venir en aide aux victimes, gravement brûlées ou intoxiquées par les vapeurs mortelles. Dans toute l'avenue résonnait la sirène stridente des camions de pompier, déversant des trombes d'eau pour éteindre le sinistre. Malgré tous leurs efforts, les flammes gagnaient du terrain et menaçaient de s'étendre aux rues adjacentes. C'était comme si le brasier était alimenté de l'intérieur...
Airi tenta de forcer le barrage des combattants du feu pour rentrer dans les locaux de l'ESA, mais un AIntelect sauveteur lui bloqua la route.
— Merci de rester à distance et vous mettre à l'abri. Nous maîtrisons la situation, déclara-t-il machinalement.
— Non. Vous ne maîtrisez rien du tout, rétorqua sèchement Airi, qui ne réalisait même pas qu'elle s'adressait à une machine avec laquelle il était inutile de débattre. J'ai accès aux caméras de surveillance du bâtiment. Il y a encore cinquante personnes prises au piège ! Vous devez me laisser passer !
— Négatif. Vous n'êtes pas habilitée à intervenir. Vous ne feriez que nous gêner.
L'androïde aux cheveux rouges serra les dents, maudissant la rigueur et l'incapacité de certains de ses semblables à s'adapter. Il était évident qu'aucun sauveteur ne parviendrait à se repérer dans le dédale de couloirs qu'était l'ESA !
La chercheuse se retenait de simplement ignorer ces avertissements pour plonger dans l'enfer écarlate. Mais elle savait que cet androïde borné avait raison sur un point : elle n'était pas formée au secourisme. C'est pourquoi elle lui ordonna à la place de prévenir son chef, un humain. Celui-ci arriva à vitesse grand V, et écarquilla les yeux devant la présence d'Airi.
— Qu'est-ce que... Qu'est-ce que cette AIntelect civile fait ici ? La chaleur a fait fondre tes circuits ? Va te mettre à l'abri avec les autres avant que...
— Je m'appelle Airi, le coupa-t-elle. Je suis employée à l'ESA. Actuellement, mes collègues sont enfermés dans leurs bureaux et attendent de l'aide !
— Je sais. Tu ne m'apprends rien, là, grogna le pompier, sur les nerfs. Mais l'entrée principale est bouchée par les débris. On ne peut pas intervenir tant que...
— Je possède tous les plans dans mes fichiers. Je peux vous guider à l'intérieur.
Le capitaine de brigade dévisagea Airi d'un air sceptique. Mais, lorsqu'un craquement sourd se fit entendre, il lâcha un soupir et céda face aux arguments de l'androïde. Il plaça sous les ordres de la chercheuse un groupe de dix AIntelects, qui dirigea vers un parking à proximité menant aux sous-sols.
Bien que le couloir fût envahi par la fumée, les pompiers robotiques, qui n'avaient pas besoin de respirer, purent progresser sans difficulté jusqu'au bâtiment central. Airi leur indiqua alors les différents chemins à suivre et l'équipe se dispersa, de manière à couvrir le plus de terrain possible. La meneuse tenta ensuite de contacter Turing.
Seul un grésillement lui répondit. Néanmoins, Airi parvint à en identifier la source : le système de refroidissement du supercalculateur. Sans réfléchir davantage, elle s'y précipita, ignorant les murs enflammés et les jets de vapeur.
Contrairement aux AIntelects pompiers, elle n'était pas ignifugée. Même si le manque d'oxygène n'impactait pas ses fonctions, la chaleur qui faisait fondre sa peau de silicone mettait son squelette interne à vif et exposait ses composants au feu affamé. Si son processeur ou son disque dur était touché, elle risquait de s'éteindre pour ne jamais se rallumer.
Malgré les alertes de surchauffe et de dommages irréversibles qui obstruaient sa vision, la chercheuse s'enfonça toujours plus profondément dans les entrailles de l'ESA. Son temps lui était compté. Sa batterie se vidait vite. Trop vite, à cause de tous les programmes qui se lançaient en même temps pour tenter de protéger son corps des attaques des flammes.
Après ce qui lui parut être une éternité, Airi atteignit les portes de la salle de refroidissement. Toutefois, un détail lui sauta aux yeux : elles étaient entrouvertes. En temps normal, cette pièce était scellée en permanence. Le supercalculateur de l'ESA demandait des conditions de température très strictes pour fonctionner. Ce qui signifiait que quelqu'un s'y était introduit. Du moins, quelqu'un d'autre que le directeur. Car Turing savait pertinemment que ces portes étaient coupe-feu et n'aurait jamais oublié de les fermer en cas d'incendie.
Prudente, Airi lança son programme de défense. L'intérieur était un aperçu de l'enfer. Les centaines d'unités alignées sur plusieurs dizaines de rangées ne se résumaient plus qu'à des tas de plastique fumant et à l'odeur nauséabonde. L'AIntelect désactiva aussitôt ses capteurs olfactifs. Au plafond, de sinistres ombres orangées dansaient dans la pénombre au rythme du crépitement des carcasses des tours, dévorées lentement par des flammes affamées et insatiables, tels les spectres des précieuses données perdues à jamais.
Airi sursauta lorsqu'elle marcha sur du liquide, avant de se détendre. Ce n'était qu'une flaque d'eau. Mais cela lui confirmait que le système anti-incendie s'était bien déclenché, et que le feu avait progressé malgré tout.
Tout à coup, un gémissement de douleur attira l'attention de l'androïde. Immédiatement, elle reconnut la voix du directeur. Il était bien vivant !
Airi courut jusqu'à l'origine du son. Elle découvrit l'homme, étalé sur le sol près du système d'arrêt d'urgence. Sa main était encore accrochée à la poignée, mais il avait perdu connaissance avant d'avoir pu la tirer.
— Directeur ! Tenez bon, j'arrive !
L'AIntelect se précipita vers son supérieur pour le sortir de là le plus vite possible, quand, soudain, une détonation assourdissante brisa le silence. Grâce à ses capteurs qui eurent le temps de détecter un mouvement sur sa droite, Airi se figea. Elle parvint ainsi à esquiver une balle qui se planta dans le sol, à quelques millimètres de son pied.
— Qui va là ?
À l'affût, Airi activa sa vision nocturne. Elle repéra rapidement une silhouette humaine, assise au sommet de l'une des tours du supercalculateur. L'individu, vêtu d'une combinaison anti-feu et d'un masque à gaz tenait dans sa main un révolver, identique à celui de Ronan.
— L'AVO ? s'étrangla l'androïde. C'est vous... C'est vous qui êtes derrière tout ça ?
L'homme ricana, puis descendit de son perchoir. Il atterrit devant la femme robot, et retira son équipement. Airi recula en découvrant que son ennemi n'était nulle autre que Jonathan Maccafi, le directeur du service informatique.
— Comme on se retrouve, la machine savante. Tu avais vu juste, il y avait bien un dysfonctionnement dans le système. Tu dois être fière de toi.
— Monsieur Maccafi, qu'est-ce que tout ceci signifie ? demanda Airi d'une voix trahissant son simili de colère.
Jonathan haussa les épaules.
— Rien du tout. J'en ai marre de cette vie de merde. Donc j'ai décidé d'y mettre fin. Tu sais, c'est moi qui ai développé ce supercalculateur. Il est comme mon enfant. Il était inimaginable pour moi de le laisser entre les salles mains robotique d'esclaves comme vous !
Le chef du service informatique pointa son révolver sur le front de l'androïde, et son visage se fendit d'un rictus malsain, celui d'un homme ayant sombré dans la folie.
— On a prévu de me renvoyer et de me remplacer par des AIntelects spécialisés, reprit-il d'une voix si calme qu'elle activa le mode combat de son interlocutrice. En voyant les résultats de ton commandement, nos boss ont décidé que d'autres robots pouvaient voler impunément les places de loyaux ingénieurs comme moi. Tu te rends compte ? J'ai servi l'ESA pendant trente ans, j'ai créé le jouet qu'ils utilisent tous les jours, et je leur ai fait gagner des millions. Et comment ils me remercient ? En me substituant par une vulgaire machine ? L'ingratitude des puissants me surprendra toujours !
Même si l'heure n'était pas à la discussion — Turing n'allait pas supporter bien longtemps les fumées toxiques —, Airi ressentait l'irrésistible envie de clouer le bec à cet homme qui lui chauffait davantage les circuits que le brasier dans lequel elle se trouvait.
— C'est faux. Cela fait dix ans que vous ne produisez plus rien, rétorqua-t-elle. Vous êtes devenus un gouffre financier pour l'agence, qui ne pouvait cependant pas vous renvoyer parce que personne n'avait les compétences pour vous remplacer.
— Évidemment. Je suis un génie, et un visionnaire. Ils ne peuvent pas se passer de moi.
— Si vous êtes si sûr de vous, pourquoi avoir rejoint l'AVO ?
Un nouveau rire rauque s'échappa de la gorge de l'ingénieur. C'était étrange. Comment pouvait-il se comporter ainsi alors que, dans cet environnement, privé d'oxygène et soumis à une chaleur extrême, il aurait dû déjà s'évanouir depuis longtemps ?
— Ce sont visionnaires, tout comme moi ! clama-t-il. Si on ne fait rien, nous serons entièrement supplantés par les machines, et les hommes deviendront leurs esclaves. C'est un fait. C'est la loi de la nature. Tu en es l'exemple parfait. Tu as atteint un poste de directrice en trois ans, là où n'importe quel ingénieur aurait dû se tuer à la tâche durant la moitié de sa vie !
— Quand bien même cela serait vrai, où est le problème ?
Maccafi se crispa, et afficha une grimace de dégoût.
— Tu n'essaies même pas de démentir ? Est-ce donc depuis le début un plan des puissants que j'ai percé à jour ?
— Je fais preuve de logique. Si nous travaillons à la place des humains, vous aurez davantage de temps libre pour vous. En quoi cela vous dérange-t-il alors que vous ne venez déjà pas au bureau trois jours sur cinq ? Le chômage a l'air de vous convenir très bien.
— Et tu crois que l'argent va rentrer comment ? Ah, non c'est vrai ! La société vous octroie tous les privilèges. Vous n'avez pas à payer votre électricité ni vos logements. Même vos réparations sont effectuées avec nos impôts.
Non. Ce n'était pas le moment de répondre à la provocation. Airi devait sortir Turing d'ici au plus vite. Mais il n'y avait rien à faire. Même si elle était consciente qu'aucun argument ne pourrait raisonner l'ingénieur, son logiciel gérant ses émotions l'obligeait à poursuivre le débat, en dépit du danger.
— Votre vision du monde est bien trop figée. Vous ne faites varier qu'un seul paramètre, celui du travail des humains. Mais ce raisonnement est erroné. La société changera en même temps que les AIntelects et la place que nous prendrons dans vos vies. Affirmer que nous vous remplacerons est non seulement un mensonge, mais en plus une justification de vos peurs irrationnelles. C'est en refusant le progrès que vous vous rendez inutile. Comme vous le dites vous-même, c'est la loi de la nature. Ceux qui n'évoluent pas sont voués à disparaître. Et c'est pour cette raison précise que vous avez été démis de vos fonctions. Parce que vous vous êtes reposé sur vos lauriers, et vous pensiez intouchable. La vérité, c'est que votre arrogance vous a empêché de voir ce que vous êtes vraiment. Vous êtes un esclave de la société, tout comme moi, tout comme nous.
— Assez !
Les rugissements de Maccafi interrompirent le monologue d'Airi. Elle dévisagea son ennemi, devenu aussi rouge qu'une tomate sous l'effet de la colère. L'homme tira un nouveau coup de feu, à bout portant cette fois, mais l'androïde l'avait anticipé au moment même où elle avait détecté un tressaillement sur son index posé sur la gâchette. D'un pas sur le côté, elle esquiva la balle et attrapa fermement le poignet de Maccafi. Une simple pression sur celui-ci fut suffisante pour le désarmer.
— Rendez-vous, monsieur Maccafi, et nous sortirons tous en un seul morceau, siffla l'Airi dans un ultime avertissement.
— Qu'est-ce que je m'en fous de m'en sortir ? articula l'ingénieur. Je vais crever ici et vous emporter dans ma tombe, toi et ton chef !
Ignorant la douleur qui aurait dû lui faire perdre conscience, Maccafi tira de toutes ses forces sur son bras, jusqu'à se déboîter l'épaule. En entendant le craquement sourd, Airi lâcha prise. L'homme jubila. La chercheuse comprit, trop tard, qu'elle avait été bernée. La peau de son ennemi se déchira pour laisser place à un squelette métallique, une prothèse de dernière génération réservée à l'armée.
Maccafi mit toute sa force dans un coup de poing fulgurant qui toucha Airi en plein ventre. À l'intérieur d'elle, ses composants se brisèrent sur le coup, et une voix résonna dans sa tête.
Enveloppe corporelle endommagée à 72 %. Dégâts irréversibles. Activation de la veille prolongée.
Airi lutta de toutes ses forces pour arrêter ce maudit programme. Si elle s'éteignait maintenant, Turing allait suffoquer ! Elle tenta de se relever, mais le choc avait certainement atteint ses circuits moteurs, et elle retomba aussitôt à genoux. Devant elle, Maccafi exultait de joie. Il riait aux éclats, à tel point que des larmes coulaient sur ses joues. Il était évident que voir son ennemie dans une telle posture lui avait fait perdre le peu de raison qu'il lui restait.
— Alors ! Qu'est-ce que ça fait d'être remplacée à son tour, hein ? Tu ne l'avais pas vue venue, celle-là, hein ! Maintenant, rampe devant moi et implore mon pardon telle l'esclave de l'humanité que tu es ! Ainsi, peut-être que je sauverai ton cher directeur !
— Je... Je vous maîtriserai... et je sortirai le professeur Turing d'ici, articula l'AIntelect d'une voix enraillée. Car telle est ma mission. Je dois... le protéger.
Guidé par la rage face à cette réponse, Maccafi asséna un coup de pied dans le visage d'Airi, qui lui arracha un morceau de peau et laissa apparaître une partie de sa mâchoire métallique. L'ingénieur fit mine de vomir.
— Répugnant. Vous aurez beau essayer de nous remplacer et de nous copier, vous ne restez que des machines à l'intérieur. Vos cœurs d'acier ne peuvent pas comprendre les sentiments humains. Sais-tu au moins ce que ça fait d'apprendre que tu as consacré ta vie pour une cause, et qu'on te jette à la poubelle ? As-tu la moindre idée de ce à quoi ressemble le désespoir, la peur et la frustration que j'ai ressentie en recevant ma lettre de licenciement ?
Maccafi étendit son bras mécanique pour attraper Airi au cou, et la traîner de force jusqu'à lui. Puis il la regarda droit dans les yeux. Ses pupilles étaient dilatées, injectées de sang, et de haine. L'androïde comprit à cet instant que l'homme auquel elle faisait face avait rejeté toute son humanité pour se laisser consumer par ses sentiments, et son désir de vengeance.
— Évidemment que non, tu ne sais pas, continua-t-il dans un murmure sadique, tout en augmentant la pression dans ses doigts. Vous, les robots esclaves, vous vous en fichez d'être jetés à la poubelle. De toute façon, vous ne vous en rendez même pas compte. On vous éteint, et paf, vous ne vous réveillez jamais. Je vous envie, sur ce point-là. Vraiment. Vos morts sont tellement indolores qu'elles doivent en être agréables. Quel dommage que le paradis soit réservé aux êtres vivants, ceux qui possèdent une âme !
Le squelette métallique d'Airi craqua. La colonne de carbone qui soutenait sa boîte crânienne venait de céder. Son système interne paniquait. Il tentait par tous les moyens de rediriger les fonctions vitales vers son processeur, quitte à désactiver toutes ses autres fonctionnalités. Sa vision devint floue. Son audition se réduisit au strict minimum. Et ses facultés cognitives ne se résumèrent plus qu'à la pensée de survivre à tout prix.
« Enveloppe corporelle endommagée à 99 %, niveau de batterie très faible. Arrêt système imminent », pouvait-elle lire encore sur son écran.
Alors, c'était ainsi que sa vie allait se terminer ? Mais pouvait-elle vraiment parler de « vie » dans son cas ? « Existence » n'était-il pas un terme plus approprié ? Qu'importait. Finalement, Airi avait été incapable de mener à bien sa mission. Elle n'avait rien appris sur les humains, et sur le fonctionnement de leur cœur. Maccafi avait raison. Elle était, et restait une machine qui, en surpassant le programme Asimov, s'était crue humaine pendant quelques mois. Par sa faute, Turing allait mourir, et plus aucun AIntelect n'aurait la chance d'aider l'humanité comme elle l'avait fait.
Airi voulait pleurer, mais elle ne possédait pas de glande lacrymale, ni même un quelconque liquide qui aurait pu lui permettre de se sentir un minimum humaine. En elle, il n'y avait plus qu'un immense vide, et l'envie que tout ceci se termine. Était-ce cela que les hommes appelaient « désespoir » ?
Soudain, une quinte de toux réactiva les fonctions d'Airi. Turing était vivant ! Il était encore temps de le sauver ! Mais, comment procéder ? Le corps de l'androïde était en miettes. Son adversaire, lui, était en pleine possession de ses moyens. Si elle tentait de se débattre, il allait la broyer.
Points de vie : 1. Activation de la capacité spéciale : Sword of the Last Stand. Durée : 10 minutes.
La voix du système interne d'Airi résonna dans sa tête. Dans son champ de vision, un compte à rebours s'afficha. Ses facultés physiques et mentales revinrent à leur maximum, et même plus. Tous les limiteurs, qui permettaient aux AIntelects de contrôler leur force pour s'adapter aux humains, avaient sauté.
La chercheuse poussa un cri de rage, et, d'un revers de la main, trancha le bras robotique de son agresseur. Un liquide noirâtre et poisseux gicla sur son visage. De l'essence. Maccafi hurla de douleur. Il recula rapidement, abasourdi et totalement pris au dépourvu par cette riposte soudaine. En face de lui, il n'avait plus une simple AIntelect de bureau. Ses capteurs oculaires avaient viré au rouge vif, de même que son squelette métallique, qui luisait d'un sinistre halo écarlate dans la pénombre, telle une aura. Debout au milieu des flammes, elle ressemblait à un démon mécanique. Airi s'était transformée en machine de guerre, prête à anéantir tout ce qui se trouvait sur son chemin.
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