Chapitre 30
Lorsque Yoongi retourna chez lui, il fut d'abord accueilli par un silence et une sensation de froid. Il resta quelques secondes dans l'entrée, sans retirer son manteau ni ses chaussures, il se mit à contempler la petite maison qui lui était si familière et qui lui donnait pourtant l'impression d'être un étranger. Il observait le salon plongé dans la quasi-obscurité dû au manque de lumière, la grande bibliothèque remplie de livres qu'il avait lus en grande majorité, la grande table où un vase était placé en son centre, mais où aucune fleur ne reposait ; le petit coin cuisine au loin, puis les escaliers en bois menant à l'étage. Il observait tout cela comme s'ils les découvraient pour la toute première fois.
Il déposa son sac à dos ainsi que le petit sac contenant le cadeau d'anniversaire pour Hoseok dans l'entrée. Alors qu'il s'apprêtait à retirer son manteau, sa main hésita malgré lui. Il se rendit alors compte qu'il n'avait pas envie de rentrer chez lui. Chez eux. Même si à priori Jungkook manquait à l'appel, laissant la maison à l'abandon.
Yoongi fronça les sourcils tout en fermant les paupières. La première image qui lui vint à l'esprit fut le visage chaleureux de Jimin, tandis qu'il se rejoua son premier réveil aux côtés de son ami. En se remémorant le rire du châtain, son sourire, ses yeux plein de vie et rieurs ainsi que ses petites joues rebondies, le plus vieux eut l'envie soudaine de retourner chez lui. Il voulait retrouver ce petit appartement, si petit pour eux deux, mais qui semblait si chaleureux à côté de cette grande maison vide qui lui donnait une sensation de vertige. Il avait envie de retourner dans le lit dans lequel il s'était réveillé, sous ces couvertures chaudes qui portaient l'odeur de leur propriétaire. Il voulait retourner auprès de Jimin et se réveiller à nouveau à ses côtés pour pouvoir se moquer de ses cheveux en bataille qui prenaient des formes étranges, ses petits yeux légèrement bouffis par le sommeil et ses joues rosies par la gêne. Cependant, à force de rejouer cette matinée, il finit par se rappeler les soudaines larmes de son ami et la culpabilité se mit à lui ronger les entrailles. Ce sont les larmes du jeune serveur, ses mots et l'expression qu'il avait eue sur le visage qui retint Yoongi de faire demi-tour.
Il avait l'impression de n'avoir nulle part où aller. Néanmoins, le blond se disait qu'il se sentirait probablement mieux n'importe où que dans cette demeure devenue glaciale.
Il tourna les talons et décida d'aller errer dans les rues jusqu'à ce que l'envie lui prenne de rentrer chez lui. Alors qu'il posa la main sur la poignée de la porte d'entrée, il se figea en entendant le craquement de bois des escaliers.
« Où est-ce que tu vas ? Demanda une voix familière. »
La voix de Jungkook était douce, comparée à ce que Yoongi avait imaginé pour leurs retrouvailles.
Le blond se retourna alors pour voir son petit-ami descendre les escaliers, presque timidement. Lorsque leurs yeux se rencontrèrent pour la première fois depuis vingt-quatre heures, Yoongi sentit son nez commencer à le chatouiller et ses yeux l'irriter. Il était sur le point de pleurer, encore une fois. Le noiraud le remarqua sans doute, car il sauta les dernières marches dans un craquement un peu plus fort que les précédents.
Avant qu'il ne puisse réagir, il se retrouva entouré par les bras frêles de son petit-ami qui avait plongé pour se blottir contre lui.
« Reste, s'il te plaît... »
Sans réfléchir, Yoongi referma ses bras autour de lui pour l'étreindre avec force, avant de laisser son front buter contre son épaule. La main droite de Jungkook remonta le long de sa nuque avant d'atteindre ses cheveux blonds et de les caresser avec douceur.
« Je suis désolé 'Kook. »
La voix brisée de Yoongi était si faible que Jungkook avait peiné à entendre ses mots, mais il pouvait les deviner sans peine.
Les deux garçons continuèrent à s'étreindre pendant un moment et chacun avait sa raison pour le faire.
Yoongi était rongé par la culpabilité de toute part. L'épuisement émotionnel ayant eu raison de lui, il se retrouvait incapable de réfléchir et d'agir par logique. Il se laissait simplement guider par son instinct ; c'est pourquoi la première chose qu'il avait souhaitée en apercevant le visage de Jungkook, était de serrer ce garçon qui avait grandi avec lui. Le blond lui en voulait. C'était évident que les mots qu'il avait reçu en plein visage la veille lui avaient laissés un trou béant au cœur. Il ne put cependant empêcher ses souvenirs de jeunesse ressurgir des tréfonds de sa mémoire, souvenirs où Jungkook était omniprésent. Yoongi le savait, pour lui, il était prêt à tout endurer. Même les mots les plus tranchants, même les actes les plus humiliants, même les reproches les plus mortifiants. Il pouvait tout endurer, du moment que Jungkook restait à ses côtés. Il réalisa qu'il avait peur plus que tout de perdre celui qu'il avait considéré pendant des années comme son meilleur ami.
Et c'est en réfléchissant à tout cela qu'il réalisa : ses sentiments pour Jungkook étaient tout autre. Le noiraud avait raison, Yoongi n'était pas amoureux de lui. Mais pour garder le plus jeune à ses côtés, pour continuer à apprécier la présence de cet être si cher à ses yeux, il s'était menti à lui-même et il avait menti à Jungkook, inconsciemment. Du moins, celui qu'il avait réussi à tromper était lui-même, car Jungkook semblait l'avoir percé à jour depuis bien longtemps. Il avait supporté le mensonge de Yoongi pris dans son auto-persuasion, dans l'espérance qu'un jour ses sentiments évolueraient vers ce qu'il attendait de lui : de l'amour. Mais force était de constater que ce n'était pas le cas et que c'était la raison pour laquelle le noiraud avait craqué le jour précédent.
Du côté de Jungkook, ce dernier était également saisi de remords. Blesser l'homme dont il avait été profondément amoureux depuis l'enfance lui laissait la sensation d'un coup de poignard en plein cœur. Mais en ayant vu Yoongi, inerte dans l'entrée pendant un moment, noyé dans ses sombres pensées, il n'avait pas pu rester caché à l'étage. Il avait eu l'impression que s'il le laissait partir, le blond ne serait jamais revenu.
Il le regretta d'abord, car il savait que ce qu'il faisait, c'était pour les aider tous les deux à se détacher l'un de l'autre et d'amoindrir leurs sentiments si puissants, mais paradoxalement si différents. Il avait déploré son comportement impulsif pendant un court instant, car lorsque Yoongi l'avait aperçu, il l'avait regardé avec tant de tendresse que Jungkook eut l'impression de fondre. Lorsque ce que regard si attendrissant s'était rempli de larmes et qu'il avait vu le menton du blond se mettre à trembler, Jungkook n'eut plus aucun remord. Il avait couru dans les bras de celui qu'il aimait si profondément. Alors que le blond resserrait son étreinte sur lui, Jungkook réalisa que ses sentiments à lui avaient évolué. Il aimait Yoongi, mais il comprit qu'il ne s'agissait plus d'un amour romantique, mais d'un attachement, de sentiments bien plus amicaux que quelques mois plus tôt.
Il garda en tête pendant toute la durée de l'étreinte que c'était mieux pour eux que les choses se passent ainsi, qu'ils n'étaient plus amoureux mais désormais uniquement inséparables par le lien qui s'était construit dès leur rencontre et qui avait grandi en même temps qu'eux. Jungkook ne voulait pas briser Yoongi, simplement l'aider à sortir du mensonge dans lequel il était piégé depuis des années. Le noiraud essaya de se convaincre qu'il n'y avait pas d'autres moyen de faire qui frapperait le plus vieux au point de l'en sortir. Sa méthode était brusque, mais si elle détruisait Yoongi, elle tuait à petit feu Jungkook. Mais c'est ce qu'il avait choisi de faire. Il aimait beaucoup trop le blond pour laisser ses désirs égoïstes prendre le dessus et les torturer tous les deux.
Alors que Jungkook se répétait qu'ils devaient se séparer tous les deux, ils s'accrochèrent à l'autre pourtant un peu plus fort.
Alors que Jungkook était revenu chez eux pour mettre fin à leur relation, les mots ne sortaient pas de sa bouche. Il sentit son corps se mettre à trembler contre le plus vieux. Sa gorge si serrée qu'elle l'empêchait de produire le moindre son.
Alors que Jungkook était pourtant si décidé quelques minutes plus tôt, il se laissa aller à un nouveau désir purement égoïste. Il se dit qu'il ne dirait rien jusqu'à l'anniversaire d'Hoseok, jusqu'à ce que Yoongi doive mettre fin à son amitié avec Jimin et qu'il réalise alors qu'il ne le peut pas, jusqu'à ce moment où Jimin deviendra la clé qui les libérera tous les deux, jusqu'où Yoongi brisera lui-même les chaînes qu'il avait mis autour de ses poignets.
Jusqu'à ce que Yoongi fasse ce que Jungkook se sentait incapable de faire, le noiraud décida de chérir ce moment magique qui serait sans doute bientôt le dernier.
*****
Jimin était assis sur le rebord de sa fenêtre, contemplant d'un air absent le paysage vivant qui se trouvait devant lui. Il regardait tour à tour le ciel, le haut des immeubles qui s'étendaient à perte de vue, les habitants qu'il discernait au travers des fenêtres des appartements face au sien, les voitures qui traversaient la rue, les piétons qui marchaient sur les trottoirs.
Un pied posé par terre, l'autre sur le rebord où il était assis, Jimin attira son genou contre son torse avant d'y poser son menton. Il ferma un court instant les paupières, savourant le courant d'air sur son visage. Il se concentra alors sur ce qu'il entendait. Les oiseaux chantaient en cette belle journée de printemps, parfois recouverts par le ronronnement des véhicules, les aboiements des chiens ou les miaulements d'un chat errant, les rires et voix enjouées des passants.
Le jeune serveur avait l'esprit vide de réflexion par moment, car il était focalisé sur tout ce que ses sens lui apportaient comme information. Puis, parfois, il laissait son esprit divaguer là où il le voulait librement, mais une chose -ou plutôt une personne- revenait régulièrement au centre de ses pensées : Min Yoongi.
Les cheveux châtains du garçon virevoltaient légèrement, chatouillant par moment ses paupières. Il cligna plusieurs fois des yeux, sa vue brouillée par ce qu'il pensait être des mèches de cheveux.
Jimin mit du temps avant de réaliser, trop pris dans ses pensées, que si ses yeux le démangeaient, ce n'était pas à cause de ses cheveux, ni de la douce brise, mais bien parce que des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues depuis combien de temps ne sait-on.
Lorsqu'il le réalisa, son menton se mit à trembler et l'expression sur son visage se transforma en une grimace, avant qu'un sanglot ne lui échappe.
Il entoura son genou avec ses bras et y cacha son visage, le plongeant dans le noir. Malgré l'obscurité, le visage de Yoongi lui apparaissait très clairement devant les yeux. Le blond semblait le torturer même en étant absent.
Le jeune garçon se sentait perdu comme jamais cela ne lui était arrivé auparavant. Il ne savait pas tout simplement pas quoi faire de ses sentiments pour le blond. Maintenant qu'il avait réalisé ce qu'il ressentait réellement à l'égard de Yoongi, l'amour qu'il lui portait semblait plus puissant que jamais et donc, en parallèle, plus douloureux à la fois.
Il n'avait jamais connu ce sentiment, d'aimer quelqu'un de si proche, mais à la fois si inaccessible ; que cette personne apporte tant de joie et tant de douleur. Rien que le fait de penser à lui, lui laissait une sensation de pincement au niveau du cœur, alors qu'auparavant, il lui laissait l'impression que des papillons dansaient dans son ventre.
Il se fit la réflexion qu'il aurait peut-être mieux fait de garder ses sentiments refoulés au fond de son esprit pour juste ne plus y penser ; cela lui aurait probablement évité beaucoup de peine.
Mais voilà, ses sentiments étaient bien là et il en avait parfaitement conscience. Que devait-il faire d'eux maintenant ?
Se confesser ? Non, non, ils n'étaient sûrement pas réciproques, puis cela installerait une gêne entre les deux garçons, cela serait très malpoli à l'égard du petit-ami du blond, sans oublier que même avec toute la bonne volonté du monde, se faire rejeter lui briserait le cœur.
Devait-il arrêter de parler avec Yoongi alors ? C'est ce qu'il souhaitait le moins au monde, le manque finirait par le ronger de l'intérieur et il souffrirait tout autant que s'il se faisait rejeter.
Les garder pour lui ? Cela lui faisait si mal... Et arriverait-il à cacher ce qu'il ressentait ? Yoongi le lui répétait bien assez, il était un vrai livre ouvert. Si le blond n'avait pas déjà conscience des sentiments qu'il éprouvait pour lui, il finirait par le savoir bien assez tôt.
Cette situation était très anxiogène pour Jimin dont les larmes s'échappaient à chaque pensée qui lui donnait la sensation d'un coup de poignard en cœur.
Chaque possibilité le détruisait de l'intérieur.
A chaque nouvelle réflexion, Jimin sentait sa poitrine se serrer un peu plus, lui laissant la sensation d'avoir des difficultés à respirer.
Il ne s'en était pas encore rendu compte, mais il haletait déjà, le souffle court. Son esprit était embrumé et son ventre se tordait de manière très désagréable, lui laissant le goût de la bile en bouche. Sa tête commença à lui faire mal brusquement, le coupant de ses pensées et elle se mit à tourner.
Le châtain descendit du rebord où il était assis, la hauteur lui donnant soudainement le vertige. Il se laissa glisser au sol, le dos collé au mur et ses larmes se transformèrent en sanglots incontrôlables, des plaintes douloureuses s'échappant de ses lèvres.
Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait, pourquoi sa respiration s'emballait à ce point, pourquoi sa tête semblait recevoir des coups de marteaux, pourquoi sa poitrine était si comprimée. Il eut sans exagéré la sensation de mourir sur place.
Jimin compris bien plus tard qu'il avait été confronté à sa toute première crise d'angoisse.
Le premier réflexe qu'il avait eu avait été de saisir son téléphone. Qui devait-il appeler dans cette situation ? Il était incapable de réfléchir distinctement et l'écran de son téléphone était flou devant ses yeux. Ses mains tremblaient tellement qu'il avait eu du mal à accéder à ses contacts. Lorsqu'il arriva sur un nom en particulier, son instinct lui hurla d'appeler ce numéro, ce qu'il fit. Au bout de quelques sonneries qui avaient semblé durer une éternité, la voix de la personne au bout de l'appareil atteignit ses oreilles.
« Allô ? »
Jimin ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son n'en sortait. Ses larmes, tout comme son souffle s'étaient coupé. Sa main libre s'agrippa à son t-shirt au niveau de ses poumons qui commencèrent à le brûler. Ses yeux étaient embués par l'humidité. Il laissa tomber sa tête contre le sol comme un signe d'abandon.
Pourquoi n'arrivait-il même pas à appeler à l'aide ?
« Allô ? Répéta la même voix familière. Jimin ? »
Le serveur sentait son cœur battre jusque dans ses tempes alors qu'il avait la même sensation que s'il était en train de se noyer.
Il avait envie de crier. Non, de hurler. Il voulait hurler le nom de son ami à s'en arracher les poumons, comme si cela soulagerait tout ce qu'il ressentait.
« Jimin ! Parle-moi, tu m'inquiètes là ! S'exclama la voix qui sembla prise d'impatience. »
Et c'est dans un sanglot déchirant que l'intéressé prononça son nom dans un gémissement de détresse :
« Hoseok... ! »
Et Jimin n'entendit pas la réponse de son meilleur ami. Il n'entendit que sa propre voix demander à l'aide à répétition, mélangé à des sanglots et à des cris, alors qu'il reprenait enfin son souffle qui lui avait fait défaut pendant de longues secondes. Il répéta le nom du rouquin encore et encore, comme si cela apaisait sa peine, comme si ce nom lui permettrait de faire disparaître sa douleur.
Il pleurait bruyamment comme jamais ça n'était arrivé par le passé. Le châtain avait l'impression de mourir. Il avait peur, il avait mal, la panique avait eu raison de lui.
C'est après une éternité que sa voix, désormais brisée, s'était éteinte. Son téléphone était toujours dans sa main et il n'avait même pas la force de regarder s'il était encore en appel avec Hoseok. Ce qui venait de se produire n'était pas entièrement arrivé à sa conscience.
Les minutes qui suivirent son silence lui étaient apparues si longues et éprouvantes qu'il avait fini par perdre connaissance, gisant sur le sol, recroquevillé sur lui-même, dans un flot de larmes, cette fois muettes.
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