Amour II
J'étais ressortie du corps de Tyler. Il ne bougeait pas, il fixait le vide. Je me postai devant lui en agitant mes petites ailes argentées. Il semblait plus paisible. Le temps était arrêté, il cligna lentement ses yeux émeraudes. Il était beau ainsi, calme, sans tourments qui lui déformaient le visage. Néanmoins, je vis sa mâchoire et ses poings se serrer. Ses sourcils se froncèrent et je m'écartai brusquement de son chemin. Furieux, il s'approcha d'une petite photo encadrée et la jeta violemment au sol en hurlant :
- Pourquoi tu m'as laissé tout seul ? Pourquoi les parents ont-ils toujours vu en toi un garçon parfait ? Pourquoi ne m'ont-ils pas aimé comme ils l'ont fait avec toi ? Pourquoi es tu parti alors que tu étais la seule personne qui me maintenait encore debout dans ce monde ?
Il recommença à verser des torrents de larmes en appuyant ses mains sur son lit. Pourquoi était-il toujours dans cet état, alors que son esprit semblait s'être apaisé ? J'avais dû ressasser un bon nombre de souvenirs douloureux en m'aventurant dans sa tête.
"Son problème c'est qu'il voulait qu'on l'aime."
Je posais ma petite main sur son épaule et lui murmurai à l'oreille :
- Tyler ?
Il ne sembla pas m'entendre, pourtant, il savait qui j'étais, et il m'avait déjà entendue. Je répétais mes appels mais ses pleurs étaient plus forts.
- Tyler !
- Laisse moi ! Je ne sais pas qui tu es, mais je suppose que c'est toi qui me fait ces mauvais tours depuis hier n'est ce pas ? Je ne sais pas où tu es, mais laisse moi tranquille.
Je me postai en face de son regard, les sourcils froncés. Il fallait qu'il me voie. Qu'il me reconnaisse :
- Je suis là.
Il poussa un grognement et balaya l'air à l'aveuglette avec sa main, sans distinguer vraiment où je me trouvais. Résignée, je descendis lentement sur le sol pour ramasser la photo parmi les éclats de verre et le cadre brisé en deux lui aussi. Je l'agitai sous le nez du jeune homme dont la colère semblait s'apaiser. Il prit la photo qui voletait toute seule devant lui sans se poser une seule question et nous la contemplâmes ensemble.
Il était dessus, avec son grand frère. Ils avaient pris une photo en haut de l'arbre de leur jardin, et semblaient tous les deux rayonnants. Les deux frères se ressemblaient beaucoup, bien que les yeux de Tyler soient verts et pas marron. Le jeune homme laissa tomber une larme salée sur le coin de la photo qui se plia légèrement. Je me posai sur son épaule, et nous restâmes ainsi un long moment, sans qu'il remarque ma présence.
Je me souvins des paroles qu'il avait prononcées lorsque je me trouvais dans son esprit. Lorsqu'il était encore un petit garçon blessé et détruit. La fée du cœur. J'étais sa fée protectrice, la gardienne de son cœur. Sa souffrance n'avait pas été apaisée grâce à mon intervention dans sa tête. La douleur venait d'un autre endroit.
On dit souvent que toutes les épreuves peuvent être surmontées par ceux qui ont un bon mental, capable de les affronter. Mais Tyler lui, il souffrait beaucoup trop pour pouvoir les surmonter seulement en fermant ses yeux, et son esprit. La douleur était ancrée dans sa poitrine, enfermée dans son cœur lourd et serré.
Je quittai son épaule et me dirigeai à nouveau vers la clé au niveau de sa poitrine. La porte m'ouvrit à nouveau l'accès à tout son corps, et je pris soin d'y pénétrer en prenant la grande clé d'or. La grande pièce rouge qui tremblait lentement se trouvait toujours sur ma gauche. Dans la serrure, j'introduisis la clé et la tournai deux fois avant d'entendre un déclic.
La porte s'ouvrît doucement, et une vive lumière rouge émana de son cœur palpitant. Cette lumière chaude me caressait la peau. C'était si doux et si agréable. Des rires d'enfants parvenaient à mes oreilles, des bruissements de feuillage, une douce odeur de mousse fraîche, l'écoulement d'un ruisseau, le chant des oiseaux. Je fus obligée de fermer les yeux, me laissant bercer et emporter par les sons des souvenirs les plus heureux de Tyler, qui étaient restés enfermés dans son cœur pendant trop de temps. Je battis à nouveau des paupières lorsque la lumière s'atténua.
Je n'étais plus à l'intérieur de Tyler. Il se trouvait debout devant moi et me toisait de haut en bas. Une autre chose me surprit. Le sol me paraissait beaucoup plus éloigné que d'habitude. J'avais retrouvé ma taille initiale. Mes ailes avaient disparu et je fus étonnée de ce soudain changement que je n'avais pas connu depuis de nombreuses années. L'atmosphère de la pièce n'était pas aussi lumineuse que l'intérieur du cœur de Tyler, mais la maison semblait avoir retrouvé un peu de vie.
Tyler souriait. Je ne comprenais pas ce qui se passait dans mon cœur. C'était doux et agréable. Je me mis à sourire à mon tour. Mon véritable premier sourire. Il ne parla pas. Il s'approcha juste de moi et me prit la main pour m'entraîner vers sa chambre. Jamais personne ne m'avait attrapé la main de cette manière, et voilà déjà plusieurs années que je n'avais eu aucun contact physique avec qui que ce soit.
- Tu es Claire c'est ça ?
Je hochais simplement la tête en me laissant emmener par Tyler qui semblait l'homme le plus heureux et le plus paisible du monde. Il m'avait ouvert son cœur, et m'avait fait prendre conscience que j'en avais un également. Bien caché, et qui était resté très silencieux ces dernières années, mais il était bel et bien là. Nous nous allongeâmes sur son lit et il remonta les couvertures jusqu'à ses yeux. Je ne pouvais pas m'empêcher de rire et d'être d'heureuse à cet instant précis. Il plongea son regard émeraude dans le mien et dit simplement :
- Tu dois être fatiguée, c'est l'heure de dormir.
Il éteignit sa lampe de chevet et plongea la pièce dans la pénombre. Le soleil déclinait à l'horizon et le ciel se teinta de rose. Je me blottis contre lui et nous murmurâmes ensemble avant de plonger dans un profond sommeil :
- Ne t'inquiète pas, tu n'es plus seul.
- Tu n'es plus seule.
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