Chapitre 3 - Robin (2/2)
— Par le sang versé, moi, Robin McCarthy, je jure d'honorer ma lignée et de me battre jusqu'à la mort pour permettre à ma race de vivre pour l'éternité.
Cette fois-ci, l'entaille prit du temps avant de se refermer. Il se produisit alors un phénomène des plus étranges. En effet, entre mes doigts, la dague se mit à vibrer. Un épais voile rouge l'entoura et, lorsqu'il se dissipa finalement, je constatai avec émerveillement que c'était désormais mon nom qui figurait entre les motifs incrustés dans le métal. J'en eus le souffle coupé. C'était splendide. J'eus soudain l'impression d'être empli d'une puissance divine, magique. Quelque chose se produisait en moi. Je changeais. Je le sentais.
L'arme toujours dans ma main, je me tournai vers ce peuple qui était désormais véritablement le mien. Je constatai alors que tous étaient inclinés. Je ne portais pas de couronne, puisque je n'étais pas un roi et que nous ne considérions pas nécessaire, dans notre clan du moins, d'en posséder une. Néanmoins, je sentis une barre me traverser le front, et je sus à cet instant que des marques étaient en train de se graver sur mes tempes, de la même façon qu'elles avaient pu toujours être présentes sur celles de mon père.
Je ne saurais qu'au moment de voir mon reflet à quoi elles ressemblaient, mais tout en ce moment précis m'indiquait que la cérémonie s'était déroulée à la perfection. La nuit tombait, et dehors, autour du lac, les flambeaux sacrés s'allumaient un à un, par une force qui nous dépassait tous.
Désormais, c'était la partie la plus redoutée qui allait se dérouler. J'ôtai ma cape et la déposai sur la table, près du calice rempli de mon sang. Ensuite, je me dévêtis jusqu'à ne plus apparaître que dans mon plus simple appareil, et remis simplement la cape sur mes épaules, que je nouais dans mon cou pour éviter qu'elle ne glisse sur ma peau nue.
J'offris la dague à Willy, et me munis du calice. Je me frayai ensuite un chemin parmi la foule, ne prenant pas même le temps de saluer la femelle avec laquelle je devrais prochainement munir lorsque je la croisais. Willy à mes côtés, nous progressâmes dans la foule jusqu'à rejoindre le lac. Là, une malle attendait patiemment d'être ouverte. En son sein se trouvait une dizaine de serpents.
Je me tournai vers le peuple, tournant le dos à cette boîte cérémonieuse qui n'était sortie que pour ces très rares instants. J'écartai les bras et laissai le loisir à la foule de me voir dans ce moment où je paraissais le plus faible. Willy entailla alors mon torse, partant du sternum jusqu'à atteindre mon nombril. L'entaille n'était pas profonde, simplement assez pour ne pas me permettre de cicatriser dans la seconde. Ensuite, il ouvrit la malle et les serpents s'empressèrent d'en sortir pour ramper le long de mon corps.
Je sentis leur être glisser contre le mien jusqu'à me saisir de toutes parts. D'un commun mouvement, ils me mordirent tous au niveau de l'entaille, laissant une vingtaine de traînées de sang couler le long de mon torse. Ensuite, ils se retirèrent et retournèrent dans leur boîte sacrée.
Ainsi exposé, je me retournai et m'approchai du lac. Je versai le contenu du calice dans l'eau, et celle-ci se mit à bouillir, jusqu'à s'ouvrir pour me laisser entrer en son sein. Je descendis le long des marches qui m'apparaissaient le temps de cette cérémonie si importante, puis l'eau me submergea. Ma survie à cette épreuve serait la preuve ultime que je méritais de devenir le chef de ce clan.
Quelques instants plus tard, alors que l'eau s'était engouffrée dans mes poumons, j'inspirai de nouveau une grande goulée d'air, et ouvris les yeux tellement fort que je crus que mes yeux allaient en tomber de leur orbite. Je n'étais plus au cœur du lac, mais au-dessus. Je marchais sur la surface. Je savais d'instinct que ce n'était que temporaire et que si je ne me pressais pas, alors j'allais tomber comme n'importe quelle masse plus dense que l'eau. Alors, je me pressais de regagner l'herbe. Chaque personne présente posa alors le genou au sol, et les flambeaux s'emportèrent avec davantage d'intensité.
— Félicitation, Robin, commença Willy à mes côtés. Tu viens de prouver au peuple que tu étais un parfait élu pour régner sur eux, mais tu as surtout réussi des épreuves imposées à chaque nouveau meneur, que très peu ont su surmonter. Tous ici savent que tu feras de grandes choses. Tu n'as plus besoin de faire tes preuves, ce que tu as fait à déjà tout tracé pour toi. Bienvenue parmi nous, chef McCarthy.
Je ne pus nier qu'en cet instant, je me sentais rempli de fierté et de virilité. Je souris à l'assemblée et leur fis signe de tous se relever. Suite à cela, les conversations prirent vie, et tous vaquèrent à leurs retrouvailles et réjouissances, tandis que je retournais auprès de l'estrade pour récupérer mes vêtements afin de les remettre.
Isobelle et Ottan vinrent à ma rencontre et me serrèrent tous les deux dans leurs bras lorsque je fus de nouveau parfaitement présentable. Les démonstrations d'amitié ou d'amour n'étaient pas courantes dans notre monde, mais j'imaginais sans mal que c'était une situation particulière dans laquelle elles étaient plus ou moins autorisées, ou du moins tolérées.
— Mes félicitations, m'intima Isobelle. Toi, chef du clan Bautry. Qui l'aurait cru il y a encore un mois ? Tout va changer pour toi bientôt...
Son sourire était pour me réconforter et m'encourager, mais nous savions tous les deux qu'il cachait d'autres vérités, comme un mariage forcé, et une guerre à terminer.
— Tu as passé les épreuves haut la main, moi je sais que tu parviendras à tout gérer, comme toujours, ajouta Ottan.
J'acquiesçai tout en me détachant d'eux et en glissant mes mains dans mes poches. Je fis un pas en avant et ils comprirent que je les invitais à ma suite à travers les jardins, à l'extérieur. Ils ne se firent pas prier et suivirent ma marche.
— J'ai confiance, en toute franchise. Si ce matin je doutais encore, je dois avouer que je me sens différent. Je suis un autre homme, je le sais au plus profond de moi. Ce n'est pas une confession à la légère, j'ai le sentiment que je suis traversé d'une puissance insoupçonnée, comme s'il s'agissait de magie.
J'aperçus un faible mouvement non loin de moi et, en tournant la tête, je vis le sourire étalé sur le visage d'un Willy axé dans ma direction. Il m'écoutait attentivement, et je sus en cet instant que je ne me trompais pas. Il y avait effectivement un brin de magie derrière toute cette cérémonie, et j'avais encore de nombreuses choses à apprendre pour remplir à la perfection mon nouveau rôle. Dès lors, je réalisai qu'il n'y aurait qu'une seule et unique personne capable de me guider : mon nouveau bras droit. Il me faudrait donc l'écouter et toujours faire en sorte d'appliquer ses enseignements à la lettre.
Mon élévation portait bien son nom. Je venais malgré moi et dans l'ignorance la plus totale de mon peuple, de traverser des épreuves qu'un autre corps n'aurait pas supporté. J'étais fort, puissant... magique. Une toute autre dimension s'ouvrait devant moi, et avec elle, son lot de nouvelles perspectives pour l'avenir.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro