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9. Alizarine

Alors J. avait allumé un feu. Les flammes avaient dévoré les corps. Elles emportèrent tout sur leur passage. Habits, chair, cheveux, os, bois, coton. Tout disparut en un tas de cendre au bout de quelques heures. J. s'assit sur sa chaise d'extérieur et regarda le monstre naitre tout en lisant pour la millième fois un livre sur l'anatomie. La chaleur le réchauffait : il se sentait bien. C'était rare qu'il soit en paix avec lui-même, ces temps-ci. Il était toujours préoccupé, toujours énervé, toujours enivré. Mais là, il était calme. Juste calme. Et ça lui faisait du bien.

Le lendemain, il remarqua que le vent avait balayé les cendres sur le chemin devant chez lui ; il vit en cet évènement un signe de la nature. Elle l'aidait. Son allée était maintenant recouverte d'une fine couche de poussière noirâtre. Des tâches grises troublaient l'uniformité des graviers blancs, mais s'évanouissaient dans la nature quand la brise les caressait doucement. On aurait dit une mer, dont les particules étaient les flots. Mais cette mer était immobile, et restait posément à sa place. J. n'avait jamais vu la mer. Juste en photo. Et il savait que la mer ne ressemblait pas du tout à un chemin de terre.

J. détestait aller faire les courses. Mais il n'avait pas le choix. Il avait faim, et rien à manger sous la main. Alors il foula d'un pas rapide l'allée pour se diriger vers sa voiture. Il conduisit jusqu'à la première ville qu'il trouva dans son chemin. Il devait bien y avoir un supermarché, ici. Ce qui était bien, c'est que les cobayes ont tout classé. Il y a des lieux pour tout : pour se faire soigner, pour s'occuper, pour acheter, pour manger... Ils vivent là, paisiblement. Ils ont leur rôle, leur statut, leur place. De vraies petites fourmis. C'est sans doute leur seule qualité, l'organisation. Ils se pourrissent eux-mêmes la vie, et ça, c'est fort. Taxes, impôts, contrats, administration, il y a toujours quelque chose pour les empêcher de faire ce qu'ils veulent. Lois et règles les entravent dans leur liberté. Ils ne sont pas vraiment libres : un simple papier est capable de leur dicter la marche à suivre. Et il suffit que l'un d'entre eux ne fassent pas ce qui est écrit dans les livres pour qu'il soit condamné.

J. n'aimait pas les supermarchés, mais il fallait bien avouer que c'était pratique, de prendre un panier et de déambuler dans le dédale d'étagères. Il prenait ce qui lui plaisait, évitait le plus possible les autres cobayes, et marchait sans s'arrêter. Il détestait être en contact avec eux. Il devait faire des tests, pas ami-ami. Les sourires, les bonjours, les questions, il les ignorait. C'était inconcevable pour lui de leur adresser un regard. Il faisait ses courses, ils faisaient les leur, chacun de leur côté. Les scientifiques ne se mélangent pas aux cobayes. Les scientifiques expérimentent sur les cobayes. Nuance.

C'était vraiment un enfer. Entouré par eux, il devait mentir sur sa véritable identité. Ils croyaient qu'ils étaient semblables, alors que J. n'avait rien à voir avec eux. Il était plus fort, plus intelligent, alors qu'ils étaient bêtes et faibles. Ils se sentaient supérieurs, alors qu'il était plus puissant. Bien sûr, ils étaient nombreux, armés, et avaient les lois de leur côté. Mais qu'étaient-ce leurs lois par rapport à celles de la nature ? Rien. J. était fidèle à la nature, cette nature qui les avait créés, cette nature qui continuait de les façonner. Ils souffraient, pour le moment. Ils souffraient de voir leurs proches mourir, ils souffraient de voir leur monde si paisible s'écrouler sous l'action des autres scientifiques. Mais c'était un mal pour un bien. Bientôt, ils remercieraient J. pour ses recherches. Bientôt, il fonderait une nouvelle espèce. Plus de mort. Plus de blessure. Juste des gens, unis par une même croyance. Ils prieraient les scientifiques autrefois martyrisés sous couvert de leur bonne morale.

Il n'avait jamais rencontré d'autres scientifiques. Mais il était sûr qu'il y en avait d'autres. Parfois, quand ses parents regardaient la télévision, il s'approchait doucement et écoutait. On parlait de plein de choses, de politique, d'agriculture, de météorologie... Mais surtout, ils parlaient des tueurs. Ils montraient leur photo à l'écran, les exposaient au monde entier pour prévenir leurs congénères de la menace. Les cobayes n'aiment pas les tueurs. Les cobayes en ont peur. Car seuls les tueurs ont la connaissance absolue. Les mères donnent la vie, les tueurs la reprennent dans un but précis : celui de tester.

Il ne faut pas confondre le vulgaire assassin, le cobaye qui tue pour une raison personnelle. Les scientifiques tuent pour la beauté du geste. Nuance.

Le bip incessant de la caisse enregistreuse lui donnait mal à la tête. Il n'avait plus qu'à payer, et tout serait terminé. Il plongea la nourriture dans des sacs. Il en avait assez pour quelques mois, il espérait. Il posa quelques billets sur le comptoir. Le cobaye qui s'occupait de l'endroit les compta et lui rendit ceux en trop. Il en avait plein, des billets, comme ça. Ses parents étaient riches. Des gens leur ramenaient sans cesse de l'argent. Parfois, c'était lui qui les comptait. Oui, on lui avait appris à compter, que pour ça.

Il s'asseyait sur la table du salon. Son père y déposait des cartons. A l'intérieur, des élastiques et des billets. Il devait faire des paquets de dix, et les déposer dans des valises. Et il recommençait jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus. C'était long et fatiguant. Il avait fait ça de ses six à ses douze ans. Puis, on lui avait trouvé d'autres activités à faire. Mais il se souvenait encore des gens qui venaient. Ils arrivaient, serraient la main de ses géniteurs, et repartaient. Mais ils avaient toujours de l'argent avec eux. Ils ne venaient que pour déposer des piles et des piles de billets. Ses parents en avaient trop. Il y en avait plein le grenier, des billets. C'était bien. J. n'avait pas à se casser la tête pour en trouver.

Il déposa les sacs dans le coffre. Il n'y avait pas beaucoup de voitures, dans le parking. La supérette n'était pas beaucoup fréquentée. Elle était située à l'entrée de la plus grosse ville du coin. Elle était à la limite entre l'urbanisme et la campagne : en effet, il n'y avait à droite que des champs, et à gauche des immeubles à moitié délabrés. C'était un endroit bizarre, peuplé par des cobayes désintéressés de la vie. La moitié d'entre eux ne faisaient rien de la journée : ils fumaient sur le parking en attendant que leur mort. Quel temps gâché. Ils auraient pu utiliser leur cervelle pour se rendre utile. Mais ils n'avaient pas l'air d'avoir le choix. Un train passa. Les roues grincèrent contre les rails d'acier en un bruit strident. J. détestait les trains. Trop bruyant, trop long, trop moche. J. n'avait jamais pris le train et ne le prendrait sans doute jamais.

Le train passait sur la voie juste derrière la supérette. Le long serpent métallique s'engouffra ensuite dans un tunnel, quelques mètres plus loin. J, intrigué, ferma le coffre de sa voiture et alla visiter l'arrière du magasin. Il contourna le bâtiment. Il n'y avait que les poubelles, la voiture du commerçant, et des vélos démembrés. En haut d'une petite pente, un grillage, et derrière ce grillage, la voie. Il monta la côte pour mieux voir. Il n'y avait que deux petits mètres entre la clôture et la route. Il eut soudainement une idée.

Le moyen préféré des suicidaires pour mettre fin à leur vie est de se jeter sous un train. J. n'avait jamais vu personne se faire écraser par un tel véhicule. C'était intéressant à tester. Il fit quelques mètres et découvrit que le grillage avait été découpé à un endroit, sans doute pour que les gamins du coin traversent la voie plus rapidement, par fainéantise. Cette sortie allait être productive. Très productive.

Il retourna sur le parking. Il y avait des trains à peu près toutes les dix minutes. Il l'avait remarqué. A chaque passage, les murs de la supérette tremblaient. Ça faisait rire les gosses. Ils se croyaient dans un bateau, tanguant à cause des flots. Ça faisait peur aux commerçants. Ils regardaient avec horreur les étagères trembler. Heureusement pour eux, les paquets de riz et les yaourts restaient sagement à leur place.

Dix minutes. C'était pile assez de temps pour trouver un cobaye assez stupide pour le suivre sans poser de question. Il y en avait un, d'ailleurs, adossé à la vitrine. Il buvait une bière tout en fumant ce qui ressemblait à un joint. Une épaisse crête lui sciait le crâne en deux. Il ressemblait à un poulet, avec son menton pointu et ses petits yeux ronds. J. s'approcha de lui et lui demanda de l'aide. Il acquiesça et le suivit sans rien dire. Etait-il trop bête ou trop gentil ? J. ne le saurait sans doute jamais. En tout cas, il grimpa à sa suite la motte jusqu'à arriver près des voies.

Il ne comprenait pas ce que J. lui voulait. Il semblait s'amuser, pourtant. Il le regardait en ricanant, comme pour se moquer de lui. Il rigolerait moins quand son corps entier sera réduit en bouillis par les voraces roues du train. Le sol se mit à trembler. Le train arrivait. Le dragon perpétuel fonçait vers eux sans s'arrêter. A son bord, des cobayes, heureux d'arriver enfin à destination. J. allait quelque peu retarder leur arrivée. Un peu inquiet de voir la machine se rapprocher, le cobaye émit l'idée de s'éloigner de la voie. Alors J. le saisit. Un éclair de peur se lit dans son visage. J. le poussa sur la voie et fit un bon en arrière.

Les roues crissèrent contre les rails quand le conducteur appuya sur le frein. Mais c'était trop tard. Propulsé par la vitesse, le train lui roula littéralement dessus. Son corps fut emporté sous les roues, contre la locomotive. Du sang éclaboussa la vitre. Ses organes furent sectionnés par les engrenages. Son corps n'était plus. Comme d'habitude, le serpent avait gagné face au poulet.   

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