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3. Fraise Ecrasée

J. ne savait même plus depuis combien de temps il était ainsi affalé sur le sol, un cadavre sur le torse. Le corps déjà froid était tout raide, comme si ses os s'étaient transformés en tison d'acier. Sa peau, aussi gelée que du cuir, était toujours recouverte de son ciré jaune qui le protégeait un tant soit peu du sang qui perlait tout le long de son corps. Déjà des mouches s'étaient infiltrées dans son nez, sa bouche et le contour de ses yeux. Ainsi, ses orifices assombris à cause des œufs que les insectes avaient pondu à l'intérieur le fixaient. Il avait l'impression de plonger dans un trou noir, d'être une nouvelle fois emporté par l'envie et le désir. Il reprit ses esprits et fit basculer le corps sur le côté. Deux ou trois mouches s'envolèrent en une maigre nuée mortuaire, alors que le cadavre tomba lourdement contre le sol.

Comme si son nez s'était réveillé en même temps de son cœur, il ressentit une forte envie de vomir en se rendant compte que l'odeur qui s'infiltra dans ses narines était la plus nauséabonde qu'il puisse exister. Il partit en courant vers la voiture, toujours arrêtée au milieu de la route, portière avant ouverte. Mais cette odeur infâme le suivait encore et toujours, lui montait à la tête, et le rendait encore plus malade qu'il ne l'était déjà. Alors il ouvrit le coffre et se déshabilla. Il jeta en boule tous ses vêtements. Une fois libéré de ce poids, il s'installa au volant et partit.

Il fallait que J. se calme. Qu'il se contrôle. Il ne pourrait jamais accomplir sa destinée en tournant de l'œil au moindre meurtre. Ses petits malaises ne pouvaient pas durer. Il ouvrit un tiroir et prit un morceau de sucre abandonné depuis des lustres qu'il posa sur sa langue : il fondit en quelques secondes. Il était de retour dans sa maison, et s'était changé. Il avait pris une douche, avait mis du parfum, et se sentait à présent un peu plus humain. Ses mains étaient rouges et presque boursoufflées tant il les avait frottées avec une éponge pour tenter d'enlever les tâches de sang incrustées dans sa peau. Il reprit un morceau de sucre qu'il calla entre sa mâchoire et sa joue et monta à l'étage.

Il avait du travail. C'était bien beau de tuer, mais sa race supérieure n'allait pas se créer toute seule. Il passa devant une chambre délabrée, dont le matelas du lit était éventré. Il avait tout détruit dans un accès de colère, il y a quelques années de cela. Il avait tout laissé en plan : il n'avait pas besoin de deux lits, ni de deux chambres. Une couverture sur un matelas lui suffisait. Le matelas était carrément optionnel. Si les chiens pouvaient dormir sur de la terre, il le pouvait bien aussi. Il pénétra dans la bibliothèque et s'installa à son bureau. Il plongea sa main dans le pot à crayons, vide. Il souleva son cahier, regarda sous la table, mais son stylo n'était pas à sa place. Ce ne fut que quand il se saisit de son support d'écriture que le crayon tomba au sol. Il le ramassa et commença à écrire.

Il écrivit tout ce qu'il avait ressenti, décrit avec une précision certaine l'expression dans le regard de ses victimes. Il avait appris à écrire tout seul, lové dans un coin de la bibliothèque, Mobby Dick entre les mains. Il se souvenait encore de ce recoin dans lequel il restait caché. Il s'asseyait sur un vieux chiffon qui le séparait du parquet glacé, se callait entre le mur et les planches, et lisait posément. Enfin, non, il ne lisait pas : il déchiffrait. Il n'avait jamais compris pourquoi il y avait une telle bibliothèque dans cette maison : ses géniteurs n'étaient franchement pas des intellectuels. Elle n'était pas grande, certes, mais faisait la taille d'une petite chambre avec un bureau en son centre. Personne ne l'utilisait, ce bureau, personne ne s'asseyait sur la chaise bancale qui l'accompagnait. Mais pourtant, J. n'avait jamais eu le droit de s'y installer. Il avait osé, une fois, mais la punition terrible qui avait suivi l'avait dissuadé de recommencer. Mais maintenant qu'ils étaient morts, il faisait ce qu'il voulait.

Alors il écrivit. Enfin, il griffonna.

Et quand il eut enfin fini de mettre un mot sur ses sentiments, il quitta la salle. Le couteau reposait soigneusement sur la table de la cuisine. La lame était recouverte d'une affreuse tâche brune qui s'étalait jusqu'au manche. Poisseux, malodorant, c'était à présent un calvaire de le prendre en main. J. l'avait ramené avec lui, ne l'avait pas lâché du trajet. Comme une troisième main qu'on lui avait greffée, il avait eu quelques difficultés à le reposer. Mais maintenant, il avait peur de le reprendre.

Il avait peur de son influence. Car oui, ce couteau l'avait déjà contrôlé. Il n'était plus lui-même quand il l'avait dans la main. C'était comme s'il s'initiait dans son cerveau pour lui donner des ordres. Et lui, aveuglé par le plaisir, les suivait sans douter. C'était mal. Ce n'était pas bien. Il fallait qu'il se ressaisisse. Oui. Tout était de sa faute. Il le prit. Le sang impur n'était pas agréable au toucher. Il le lança par la fenêtre ouverte. Il atterrit quelque part en un fracas, comme s'il s'était brisé contre les rochers. Il ne voulait plus jamais le voir, ce maudit couteau.

J. se sentait mieux, maintenant qu'il était parti.

J. avait un petit rituel. Il adorait la montagne. Heureusement, il habitait justement près d'une petite colline abrupte qui donnait sur une grande forêt de pins et de chênes. La route était escarpée, et seuls les plus déterminés arrivaient jusqu'en haut. De là-haut justement, on voyait s'étaler devant ses yeux l'horizon et son immensité, les nuages translucides et les oiseaux rêveurs qui volaient sans discontinuer dans la voie lactée. C'était beau, oui, car la nature est belle. J. aimait la nature, la seule personne qu'il avait considéré comme sa mère. Sans elle, il ne serait pas né, sans elle il n'aurait pas vécu, et sans elle, il n'aurait pu trouver le but ultime de sa vie.

J. aimait la montagne.

Il n'était pas seul ce jour-là. Il y avait d'autres cobayes. Ils se plaisaient bien à se dorer au soleil, crème solaire étalée maladroitement sur leurs joues, riant comme des porcs que l'on caresse sur le ventre. Ils portaient entre leurs mains des téléphones et des appareils photos, petits habitacles renfermant toute leur vie. J. n'avait jamais eu besoin de téléphone. Il n'avait personne à appeler. Et il avait des yeux, pour voir. Il n'avait pas besoin d'interface, pas besoin d'internet. Il lui suffisait de regarder le monde pour comprendre. Ses souvenirs étaient la mémoire la plus puissante au monde, si bien qu'aucun téléphone mobile ne pouvait la détrôner.

Mais ils étaient lassés de cette vue imprenable sur le monde. Ils préféraient revenir sur terre. Les nuages ne les avaient pas séduits, et le brouillard leur faisait peur. Les cobayes sont toujours effrayés lorsqu'on leur dissimule la vérité. Ils veulent et pensent tout contrôler, mais il y a une chose qu'ils ne contrôleront jamais : la nature et son fils.

Ils s'éloignèrent en riant du grand rocher qui était le point culminant à cette colline. De là, on pouvait voir toute la région avec précision, de la campagne à la ville, en passant par la forêt et l'urbanité. Seul l'un d'entre eux resta statique, les yeux rivés sur son appareil, le pointant telle une arme vers le champ de coton qui se présentait à lui. Il promit de les rejoindre bientôt. Il allait les rejoindre en bas plus vite que prévu.

J. se terra dans les broussailles en attendant qu'ils furent suffisamment éloignés. Sa cible s'amusait tranquillement, sifflotait un air espagnol tout en tapant du pied en rythme. Il prenait des photos et de grandes bouffées d'air. Rien ne pouvait laisser supposer que sa vie se terminerait aujourd'hui, maintenant. Mais c'était pour la bonne cause : la nature serait satisfaite tout autant que J. le serait.

Alors il sorti des broussailles et le poussa dans le ravin. Il hurla pendant une ou deux secondes, mais sa tête heurta une pierre qui le défigura. Son corps flasque déboula la pente, les racines et les branches tentèrent de le retenir dans sa chute alors que des cailloux faisaient la course avec lui. Son corps laminé par les branchages semblait être totalement désarticulé, et sa carcasse roula jusqu'à disparaitre dans la forêt en contre-bas. Il était mort sans émettre un seul bruit, et c'était la nature qui l'avait accompagné jusqu'à la fin. Tous les éléments s'étaient réunis pour rendre sa mort plus douce, et c'était ça le plus beau. Oui, son corps n'était pas assez puissant, pas assez solide pour survivre à cette chute, mais pourtant, la nature avait tout essayé pour le retenir dans le monde des vivants. 

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