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— Vas-y je te dis !

— Et s'il me dit de dégager ?

Hyunjin se pince l'arête du nez avant de souffler, dépassé. Il supporte les jérémiades de Minho depuis quinze bonnes minutes, il commence à perdre patience.

— Et bah, il te dira de dégager, qu'est ce que tu veux que je te dise ?

Attirant le regard curieux des patients, Minho ouvre la bouche, puis secoue les bras, prêt à répliquer. Mais rien ne sort, il est à court d'arguments. Son ami a l'impression d'observer un mime, il pourrait presque en rire si les températures ne frôlaient pas les moins dix degrés.

— Je te jure, Minho, que si t'y vas pas, je te prive de café, prononce Hyunjin en détachant bien chaque mot.

Il reçoit d'abord un regard désabusé de son compagnon, peu impressionné par cette menace qu'il ne pourra heureusement jamais mettre à exécution. Puis Minho soupire finalement, bien conscient que passer l'après-midi devant le café où Chan travaille, ne résoudra en rien son problème.

— Bon. J'y vais.

— Courage soldat.

Lâchant une grimace résignée, le brun s'éloigne, peu rassuré par le dernier encouragement de son meilleur ami. Ses pas sont lourds dans la neige grise, sa gorge s'assèche. Il n'a pas prévu de plan, enfin pas vraiment, tout repose sur ses talents de communication. Autant dire que ce n'est pas forcément bien parti. Il y a même beaucoup de chance pour que cette tentative d'approche vire à la catastrophe. Pourtant, il n'a pas le choix, il sait bien que c'est l'unique carte qu'il a encore à jouer.

La cloche tinte lorsqu'il passe la porte, signifiant son arrivée dans le petit café. Un mince cliquetis qui lui fait lâcher une grimace. Il aurait préféré passer inaperçu, se fondre dans la masse, peut-être qu'ainsi, il aurait eu la possibilité de fuir avant de faire face à Chan. C'est trop tard, ce dernier, derrière le bar du fond, écarquille les yeux quand le visage de Minho entre dans son champ de vision. Un instant de panique fugace, puisque aussitôt, ses traits se barrent d'une expression assurée. Est-elle feinte ? C'est certain, toutefois Chan joue étrangement bien la comédie, ce qui décourage un peu plus Minho.

Le brun s'avance jusqu'à lui, le regard droit, luttant pour ne pas le raccrocher à ses pieds. Il a terriblement envie de détourner les yeux, de noyer ses pupilles quelque part, loin de celles de son vis-à-vis. La honte et l'angoisse lui tordent les intestins, il a besoin de s'échapper de l'interaction qui va suivre. Il ne va définitivement pas y survivre.

— Bonjour, qu'est-ce que je vous sers ? prononce Chan, d'un ton monocorde, après avoir toussoté légèrement.

Oh. Misère. Le blond le vouvoie. C'est bien pire que ce que Minho imaginait. Il peut sentir à des kilomètres que Chan n'a pas envie de le voir ici. Est-il encore temps de fuir ? De disparaître de la surface de la Terre. Mayday, Minho se désiste, il n'a plus envie d'endosser le rôle du soldat qui court au front. Malheureusement, il doit se rendre à l'évidence, il n'y a pas de porte de secours dans cette situation. Le seul échappatoire est d'affronter le dragon qui gronde devant lui.

— Je...euh. Ça.

Sans réfléchir, Minho désigne la petite pancarte face à lui, présentant la boisson phare du moment. La même qu'il y a quelques semaines. Ah. Coup du destin ou simple erreur de sa part ? Qu'importe, il n'aurait jamais dû poser son doigt sur ce morceau de carton.

"Bonne Saint-Valentin à tous les amoureux de cannelle."

Mauvaise pioche Lee Minho.

— Un Cinnamon Lover donc ?

Ces mots arrachent la gorge du barista, il ne faut pas être une lumière pour le comprendre face à sa bouche tordue et ses yeux plissés. D'autant plus que Minho serait la dernière personne à commander cette boisson. Chan a vaguement l'impression qu'il se fout de sa gueule. Pourtant, malgré ce choix malencontreux, le brun vient peut-être d'ouvrir une brèche malgré lui.

— Oui. C'est ce que je veux. Le Cinnamon Lover.

L'Australien roule des yeux, avant de se retourner pour préparer la commande. Il a très bien compris que le plus jeune ne parlait plus du breuvage. La soirée d'il y a quelques jours est encore bien fraîche dans son esprit. Cependant, il n'est pas prêt à parler de tout ça. Encore moins ici. Si ça ne tenait qu'à lui, il aurait demandé à Minho de sortir d'ici dès son irruption sur son lieu de travail.

— Chan-

— C'est Chris, réplique-t-il brusquement, lorsque le brun l'interpelle.

Il se retourne sèchement, un gobelet brûlant entre les mains. Son ongle tapote son badge, d'un air agacé. Chris. Pas Chan. Pas pour Minho du moins. Il n'en a pas le droit. Plus le droit.

— Tenez, dit-il en déposant le Cinnamon Lover sur le comptoir. Carte ou espèce ?

— Est-ce qu'on peut se voir vendredi soir ? Pour qu'on discute. Et que je m'excuse comme il faut... ose le plus jeune, d'une petite voix.

Face à lui, le barista inspire bruyamment, fermant les yeux. Sa mâchoire se serre, ses bras se crispent. Pendant une fraction de seconde, Minho croit bien qu'il va lui hurler dessus. Lui cracher ses flammes et carboniser définitivement son cœur. Mais rien, seulement un silence. Une absence de réponse qui l'effraie bien plus qu'un possible éclat de colère. Un corps en tension et une bouche scellée. Jusqu'à ce que cette dernière libère quelques mots qui résonnent telle une bombe.

— Bon, je vais prendre la boisson sur ma note. Bonne journée monsieur, claque la voix du blond.

Pourquoi est-ce que cela sonne comme un dernier accord ? Une ultime supplication ? Par pitié, va-t'en. Chan souhaite le faire disparaître par tous les moyens. C'est drôle, il y a une semaine, Minho aurait été touché que son Australien lui offre une boisson. Aujourd'hui, les circonstances sont si différentes que ce cadeau lui file la gerbe. Si bien qu'il fouille rapidement dans sa poche pour en sortir un billet froissé, qu'il jette sur le comptoir. Le laisser payer signifierait abandonner, et ça, il ne s'y est pas encore résigné. Finalement, il déguerpit sans demander son reste, le souffle court, la boisson abandonnée sur le comptoir. Une seconde de plus ici et il craque.

Les pieds sur le trottoir verglacé, il a mal à la poitrine. C'est encore plus atroce lorsque l'air frais s'infiltre dans sa trachée. Il étouffe. Peut-être s'était-il trompé, on ne peut évidemment pas vivre avec un cœur arraché, atrophié. Pas deux fois en tout cas.

— Comment ça s'est passé ?

Minho sursaute lorsque Hyunjin l'interpelle, les yeux brillants de curiosité. Face à ses pupilles pleines d'espoir, les mots lui manquent. Ses lèvres sont sèches, sa bouche devient pâteuse, il a honte de revenir bredouille.

— Il a pas voulu parler, c'est ça ?

Plus qu'une question, c'est bel et bien une affirmation que pose le plus grand. Il est aisé de lire en Minho, son honnêteté s'illustre bien plus dans ses gestes que dans ses mots. Alors le voir ainsi muet, les bras ballants, ça ne fait aucun doute sur la chose : il vient de se faire remballer.

— Il m'a traité comme un inconnu. Il veut rien savoir, prononce enfin le brun.

Il inspire un coup, retenant ses larmes. Il n'a pas envie de s'effondrer au beau milieu de la rue.

— C'est peut-être vraiment terminé... souffle-t-il finalement, la voix haute perchée, se sentant soudainement complètement démuni.

Toutefois, il semble que son compagnon ne l'entende pas de cette oreille. Ni une, ni deux, ce dernier retrousse les manches de son manteau, qui retombent immédiatement sur ses poignets. Ce geste ridicule à le don de voler un sourire à Minho, rassuré de voir que son monde ne s'est pas arrêté de tourner malgré son cœur brisé. Il a toujours un imbécile à ses côtés, prêt à lui remonter le moral.

— Attends-moi cinq minutes, je vais régler ça, claque simplement son acolyte.

— Attends, tu comptes vraiment y aller ? s'exclame Minho, tout à coup paniqué.

Disparu. Hyunjin s'est littéralement envolé avant même qu'il n'entende la question du brun. En quelques enjambés, il vient d'entrer dans le café. Il est maintenant en terrain ennemi, ce qui pousse Minho à tourner en rond sur le trottoir, son ongle entre ses dents. Il ne sait absolument pas ce que son ami a prévu de faire, ce qui n'aide pas son angoisse à retomber. Si Minho est une catastrophe ambulante, Hyunjin, lui, peut-être un véritable tsunami de conneries. Il ne pensait pas que ce dernier se jetterait ainsi dans la gueule du loup. D'autant plus qu'ils savent tous les deux qu'ils sont plus doués pour briser les choses plutôt que les réparer.

Minho passe ainsi cinq cent soixante-seize secondes – comptées une à une – à frotter la fine poudreuse avec ses semelles. Un amas de tic-tac qui lui semble interminablement long, où la morsure du froid est dérisoire face à son ventre qui se tord. Jusqu'à ce que Hyunjin ressorte, un sourire victorieux sur les visages. Une expression qui rassure instantanément Minho, qui alors, sent un poids s'envoler de ses épaules.

— Alors ? dit-il avec autant d'espoir que de crainte.

— Tadaaaaa !

Hyunjin sort un bout de papier de sa poche, une expression de fierté s'invitant dans tous ses traits. Il agite vigoureusement la petite feuille blanche sous le nez de Minho, de telle sorte qu'il n'en saisit pas sa nature.

— C'est quoi ? s'impatiente ce dernier.

— Le numéro de son collègue.

Le sourire satisfait du plus grand ne bouge pas d'un poil. Cependant, celui de Minho dégringole dès que son cerveau traite l'information.

— Quoi ? s'étrangle-t-il.

Il va l'étriper.

— Et l'emploi du temps de Chan, que ce charmant jeune homme m'a gentiment donné.

Ou peut-être pas.

— Il finit à vingt heures vendredi, annonce finalement Hyunjin. Te foire par sur ce coup-là Minipaw.

Le blond offre un joker à son meilleur ami. Après avoir abattu toutes ses cartes, le croupier vient de lui glisser une nouvelle carte à jouer. Parfois, une petite tricherie est nécessaire pour faire tomber celui qui ne flanche pas. Et Minho ne compte pas rater sa chance cette fois-ci.

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Bon, je prie pour que le dernier chapitre arrive pour le 14 février, mais je suis malade et j'ai pas mal de rendus la semaine pro donc je promets rien... :') Et aussi désolée de ne pas prendre le temps de répondre aux commentaires, je le ferai dès que possible.

Si tout se passe comme prévu je poste l'épilogue et le clap de fin dans pile une semaine.

A vendredi (si les étoiles s'alignent)