Ton cousin m'a amenée courir. Il m'a dit que c'était bon pour mon coeur, et que ça servait à se décharger de ses energies négatives. Je sais pas si c'est possible, parce que dans moi elles sont nébuleuses, collantes, sirupeuses.

C'est vrai que ça me fait du bien. Sentir mon souffle qui se place, mes muscles qui tirent, les battements de mon coeur qui s'emballent. J'aime bien l'odeur de pin de la forêt, les graviers sous mes baskets, et ma queue de cheval qui giffle mon dos.

J'ai un peu soif, c'est agréable après les mois que j'ai passé à rester prostrée, anylosée, trop peureuse de m'attacher à quelque chose de nouveau qui disparaitrait aussitôt. Tu sais, Nina, j'ai toujours mal mais je m'attelle à guérir.

Comme ça m'a pris du temps... Je t'aime toujours autant, Nina, je n'ai plus trop l'impression de te trahir quand je vis alors que tu es morte. Je suis heureuse de t'imaginer sourire en voyant voler mes mèches blondes, de t'imaginer profiter avec moi de la senteur aigre douce des arbres ou de la terre que je soulève à chaque foulée.

Il m'arrive encore de me morfondre pendant des heures. De me recroqueviller sur mon lit et de pleurer à en mourir. Il m'arrive encore d'avoir tellement mal que j'en vomirais. Il m'arrive encore de me sentir coupable en soufflant ma fumée.

Mais la plupart du temps j'avance. Je cours. Je ris. Je ne remercierais jamais assez ma soeur et ton cousin. Bizarrement, toi aussi je te remercie. Et pas seulement pour les mois de bonheur que tu m'as offerts. Mais aussi parce que, même loin de moi, tu veille sur moi. Parce que tu m'as fait croiser la route de ton cousin, parce que tu m'as poussée à laisser ma soeur m'aider et qu'elle est devenue terriblement importante à mes yeux.

Parce que tu m'as fait comprendre que je ne suis pas seule. Que j'aurais toujours quelqu'un pour courir à mes côtés.

Courir sans m'arrêter. Voilà ce que j'aimerais faire. Pardonne moi de fumer. Nina je t'en supplie, n'oublie pas que je t'aime.