III
Mes mains se frottent l'une contre l'autre sous l'eau brûlante. Ça fait du bien. Ça permet de réfléchir. J'en ai besoin. Juste pour me convaincre, pour me planter dans la tête que c'est bien la dernière fois. Que je ne recommencerai plus, plus jamais. Je me le promets à moi-même, comme je l'aurais promis à mes parents, mes amis, tout le monde, s'ils savaient. S'ils m'en parlaient.
Et j'espère qu'une bonne fois pour toutes, ça marchera. Même si l'espoir n'a que très peu de place chez moi, je préfère faire une exception à la règle. Histoire de me sentir mieux. Peut-être que ça pourrait aider, d'espérer.
L'eau a drainé toutes les bulles de savon, alors je l'arrête. Je frémis au contact de la serviette plus que moelleuse, et mes mains y trouvent refuge plus longtemps que nécessaire. Comme à chaque fois. C'est un peu comme un rituel. Ça me rassure. Mais ce n'est pas bon. Ça doit s'arrêter, et je le sais. Je ne peux pas continuer comme ça. Je ne veux pas. Fermant les yeux, je prends une grande inspiration et m'éloigne de la serviette immaculée. Je ne voudrais pas la salir. Mes pas résonnent sur le sol quand je marche. Le chemin jusqu'à la chambre me parait durer une éternité.
Pourquoi ? Je ne sais pas. Parce que je redoute ce moment ? Ou parce que j'ai hâte ? Je ne sais pas, je ne veux pas savoir, j'ai peur de la réponse.
J'ai peur de moi-même, et ça m'effraie.
Quand je m'assois sur le lit, mon cœur s'emballe. Je ne sais toujours pas pourquoi. Je ne veux toujours pas savoir. Je ne saurais sans doute jamais. Tant mieux. Je soulève le matelas, et découvre les lames. Comme à chaque fois. Je continue de les garder, même si je ne veux pas les utiliser. C'est paradoxal. Et je ne devrais pas. Alors, avant de me couper, je prends une décision. Je les jetterai. C'est la même qu'à chaque fois. Encore. Et pourtant, je les garde, à chaque fois.
Ma main se referme sur la petite boîte transparente, et quand elle arrive devant mes yeux, ma respiration se bloque et mon cœur s'emballe. Je l'ouvre fébrilement, et en sort une lame, aiguisée à souhait. Le temps se suspend. Je fixe quelques secondes mon reflet dans le métal. Je ne dois pas. Mais je ne peux pas ne pas le faire. Le temps reprends son cours.
La douleur m'arrache un cri. Ma peau se déchire, et ça me libère. Toute ma tête s'en va, et je ne pense plus qu'à la douleur qui me lancine le poignet. Ça fait mal. Très mal. Je n'ai pas l'impression de mourir. Je suis plutôt comme hors de mon corps. Hors de mon esprit, plutôt, parce que je sens trop mon corps pour que je sois partie. La douleur me colle à la peau, me lancine. Mon bras semble désarticulé, complètement inutilisable. Rongé. Ça fait du bien. Et j'ai l'impression de vivre.
Les larmes s'échappent de mes yeux. Mais ce sont de bonnes larmes. Pas des larmes de tristesse, ou des larmes de la tête. Pas des larmes du cœur, ou de l'âme. Des larmes de chair. Et je ne pense plus aux autres.
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