Chapitre 7
Charly.
J'ai noté qu'Almanzo est souvent connecté vers dix-neuf heures. Il m'arrive de rentrer plus tard que ça, mais dès que je suis à l'appart dans ces eaux-là, j'ai pris l'habitude de me connecter sur MSN. J'utilise une adresse mail que j'avais créée à la base pour m'inscrire à des sites sans être spam. Résultat, je suis obligé de la consulter tout le temps et de chercher ses mails au milieu des montagnes de spam.
Ça fait presque un mois qu'on échange régulièrement. Plusieurs fois, j'ai envisagé de lui dire la vérité. Cependant j'aime notre relation telle qu'elle est et j'ai peur que s'il apprend qui je suis, tout change et pas en bien. Alors tant pis. En plus c'est reposant de pouvoir être quelqu'un de normal. Et par normal je veux dire : dont la tête n'est pas dans tous les magazines et qu'on entend pas à la radio dès qu'on va faire les courses. De toute manière, ce n'est pas comme si je comptais le rencontrer en vrai. On parle juste par messages, je lis son roman, il lit mes chansons. Rien de plus.
Je retiens une exclamation en voyant l'icône à côté de son pseudo devenir verte. Il a un pseudo à coucher dehors et vu son adresse mail, il l'a créée quand il avait douze ans, mais peu importe. Je n'ai pas le temps de cliquer pour ouvrir une fenêtre de conversation qu'il a déjà pris les devants :
Almanzo : Cc !
Petit Oiseau : Salut !
Almanzo : Sa va ?
Petit Oiseau : Ouais et toi ?
Almanzo : Bof
Petit Oiseau : Pk ?
Almanzo : Mes potes me saoulent
Almanzo : Enfin jdis « mes potes » jsais plus trop si c vraiment mes potes
Petit Oiseau : Qu'est-ce qu'ils ont fait encore ?
Almanzo : Des trucs sans moi pour la 100e fois
Petit Oiseau : On avait dit que c'était des connards
Almanzo : Ouais
Almanzo : G l'impression d'être un boulet
Petit Oiseau : Ils te méritent pas
Petit Oiseau : Tu devrais essayer de te faire d'autres amis ! Y a sans doute des gens cool dans ta classe, mais tu le sais pas parce que tu leur as jamais parlé.
Almanzo : Ouais y a 1 meuf qui lit des mangas qui est sympa...
Petit Oiseau : C'est cool ça !
Almanzo : Mais elle parle trop
Almanzo : Jte jure si je passe trop de temps ac elle, j'ai la cervelle qui va exploser !
Petit Oiseau : Mon pauvre xD
Almanzo : Et jvais pas passer tt mon temps ac elle
Petit Oiseau : Mieux vaut peu d'amis de qualité que des potes qui en ont rien à foutre de ta gueule
Almanzo : Sympa
Petit Oiseau : Dsl
Petit Oiseau : Mais ça sert à rien de s'accrocher à des gens qui te mettent à l'écart. Ptet ça vaut le coup d'essayer d'être pote avec cette fille si elle est plus sympa que les autres relous
Almanzo : Tu dois te dire que jfais pitié
Petit Oiseau : Non tu fais pas pitié <3
Almanzo : Heureusement que t là :)
Almanzo : Mais t'as raison
Almanzo : Faut que je traine ac d'autres gens
Almanzo : Mais vazy j'ai pas envie d'être le gars qui s'incruste
Petit Oiseau : Ouais normal
Almanzo : Bref on peut parler d'autre chose ?
Almanzo : T'as reçu mon mail ac le chap 17 ?
Petit Oiseau : Oui ! J'ai pas encore eu le temps de lire :/ mais j'ai reçu
Almanzo : Cool
Almanzo : Tu fais quoi là ?
Petit Oiseau : J'attends avant d'aller manger
Almanzo : C bon le self le soir ?
Petit Oiseau : Bof
Petit Oiseau : Sa va
Almanzo : OK
En réalité, nous avons rendez-vous au studio dans une heure pour répéter. Nous avons officiellement terminé le travail sur les douze titres qui composeront Trident, nous commencerons à enregistrer dès lundi. Il nous reste ce soir, demain et ce week-end pour répéter à fond et effectuer les ultimes ajustements. Même si ce week-end, je vais aussi passer beaucoup de temps avec maman qui monte sur Paris pour me voir. C'est ma dernière chance d'avoir une chanson à moi sur l'album. Je sais que c'est quasiment perdu d'avance, mais... j'ai encore un petit espoir.
La dernière chanson sur laquelle j'ai travaillée avec l'aide d'Almanzo, Tomber le masque, a beaucoup plu aux filles. Surtout à Salomé. Tellement que dimanche dernier, elle a passé la journée à composer. C'est un arrangement acoustique, guitare-voix, dont je suis immédiatement tombé amoureux. On a répété tous les soirs jusqu'à pas d'heure dans l'objectif de la faire entendre à Lauren, Philippe et Alexandra. Ce soir, c'est le grand soir. Rien que d'y penser, j'ai une boule dans le ventre. Et s'ils détestent ? Et s'ils se moquent ? N'est-il pas déjà trop tard pour ajouter un titre à l'album ?
Petit Oiseau : Et toi tu fais quoi ?
Almanzo : Je cherche d infos sur quand sort le nouvel album de Neptune
Almanzo : G l'impression que y a pas encore de date
Almanzo : Tu connais ?
Mon cœur manque un battement. Évidemment, il fallait que ça arrive un jour. Je savais qu'il écoutait Neptune, il mentionne souvent notre groupe dans le topic « Quelle musique écoutez-vous en ce moment ? », mais j'avais toujours trouvé le moyen d'éviter soigneusement le sujet dans nos messages.
Petit Oiseau : Vite fait
Petit Oiseau : Comme tout le monde mdr
Almanzo : Jspr que tu fais pas parti de ces cons qui aiment pas juste pk c'est des meufs qui jouent
Petit Oiseau : Non tkt
Petit Oiseau : C'est juste pas un groupe que j'écoute bcp
Almanzo : OK
Almanzo : Moi c mon groupe français préféré
Petit Oiseau : Cool
Almanzo : Ils sont en train d'enregistrer un nouvel album
Almanzo : Mais on sait pas encore quand il va sortir
Almanzo : J'aurais trop voulu l'avoir pr Noël
Almanzo : Mais bon jpense sa sortira en 2010
Petit Oiseau : Ouais s'ils enregistrent en ce moment, ça sortira pas cet année
Petit Oiseau : Jdois y aller
Almanzo : OK
Petit Oiseau : Bye
Almanzo : @+
Je préfère mettre fin à la conversation pour ne pas risquer de me compromettre. Merde, j'ai le cœur qui fait n'importe quoi. Il faut que je me calme. Mais je réalise soudainement que si Alexandra et Philippe acceptent de mettre Tomber le masque sur l'album... Almanzo reconnaîtra forcément ma chanson.
Merde. Pourquoi je n'y ai pas pensé avant ? Je suis complètement stupide ! Comment je vais faire ? Et s'il m'en veut de lui avoir menti ? Et s'il ne veut plus jamais me parler ? Qu'est-ce que je dois faire ? L'album est prévu pour début mars. Ça me laisse... quatre mois. Ça va, quatre mois. J'ai le temps. Et puis si ça se trouve, ils vont tous détester ma chanson et elle ne sera même pas sur l'album. C'est même hautement probable.
L'idée même que d'un coup, tout s'arrête : les mails, les MPs, les conversations sur MSN, m'est insupportable. Pire, ça me terrifie. Je ne veux pas que ça s'arrête. Je veux continuer à pouvoir lui parler. Et j'aimerais tellement savoir à quoi il ressemble. Je n'ai même pas envisagé de lui réclamer une photo, sachant très bien que si je le faisais, il m'en demanderait certainement en retour. Je ne sais pas pourquoi, mais je l'imagine brun. Et très grand. Avec des lunettes peut-être. Néanmoins, il pourrait aussi bien être un petit blond avec des boutons. Ou avoir en réalité 45 ans. Non, je ne pense pas. Il s'exprime vraiment comme un lycéen.
Si je lui révélais qui j'étais, peut-être qu'on pourrait se rencontrer ? En vrai. Il est fan de Neptune, je pourrais l'inviter à un concert... ça ferait une occasion. Je le ferai rentrer dans les backstages et... Rien que d'y penser, j'ai le cœur qui s'emballe. Mince, qu'est-ce qui m'arrive ? Je me fais des films, c'est ridicule.
J'éteins mon ordinateur et le met à charger sur le bureau. Il faut que je me prépare et surtout que je me concentre. Ce soir est un soir important. L'enjeu est de taille. Je m'occuperai d'Almanzo plus tard. Peut-être que je ne serais même pas obligé de lui dire qui je suis, si ma chanson avec Salomé n'est pas retenue. Mais peut-être qu'en réalité... j'en ai un peu envie ? De tout lui dire.
***
Les dernières notes de guitare résonnent dans le studio. Pour ma part, j'ai terminé de chanter depuis plusieurs mesures. Je me force à respirer profondément pour dissimuler tant bien que mal mon stress. J'évite le regard de Philippe et d'Alexandra, mais je vois dans les yeux de Lauren qu'elle est conquise. D'ailleurs elle le fait immédiatement en commençant à applaudir dès la fin de la chanson. Elle est rejoint par Hayet et Marie.
Je me suis installé sur un tabouret, à côté de Salomé. Nos camarades se sont mises sur le côté. C'est elles que j'ai préféré regarder pour éviter de céder à la panique. J'ai chanté exactement comme lors des répétitions dans notre salon, en évitant de penser aux enjeux de cette prestation.
Que Lauren apprécie notre travail me met évidemment en joie, mais ce n'est pas elle qui prend les décisions. Je me mords les lèvres. Qu'est-ce qu'ils vont dire ? J'ose enfin lever les yeux sur nos deux producteurs. Ils échangent quelques mots à voix basse. Qu'est-ce que ça signifie ? Oui ? Non ? Peut-être ? Si ça se trouve, c'est trop tard pour ajouter un titre à l'album. Si ça se trouve, je viens de me ridiculiser. Ça ne serait pas la première fois.
Je repense à mon premier concert, dans un bar de notre ville natale. J'avais oublié de brancher mon micro et je ne m'en suis rendu compte qu'à la fin de la première chanson, complètement aveugles aux regards des filles et surtout des signes du public. Il y a aussi eu le concert de Berlin où j'ai trébuché sur un câble et me suis étalé de tout mon long sur scène. Au moins ce soir, il n'y a ni caméra ni appareil photo pour immortaliser mon échec.
Salomé tapote la table d'harmonie de sa guitare. Ça a le don de me stresser encore plus. Néanmoins, je la remercie intérieurement d'oser prendre la parole :
— Alors, vous en pensez quoi ? Elle est bien, non ?
— Moi, j'adore, répond notre agente. Vous savez, je pense que ça serait une très bonne chose d'avoir une chanson signée par Salomé et Charly. Les fans de Neptune ont l'habitude d'éplucher le livret et les crédits, ils le remarqueront et ça leur fera plaisir ! Ça montrera aussi que le groupe grandit, s'implique dans la production de la musique de A à Z, que chacun participe à son niveau. Évidemment, Salomé est déjà impliquée dans la composition de plusieurs morceaux, mais les plus jeunes fans s'identifient davantage à Charly. Sans compter qu'il est le chanteur et donc en première ligne. Je pense qu'on a tout à gagner en ajoutant ce titre à Trident !
Je vois Alexandra hocher la tête. Qu'est-ce que ça signifie ? Oui ? Je n'ose pas trop y croire. Philippe frappe dans ses mains comme pour marquer une décision. Il a un petit sourire, mais je ne saurais dire si c'est parce qu'il apprécie uniquement le travail de Salomé ou le mien.
— Je vous propose qu'on la mette en chanson cachée. Comme ça, ça n'est pas un problème si elle dénote et si elle est un peu plus... brute que le reste de l'album.
J'ai du mal à intégrer l'information. C'est vrai ? Ce n'est pas une plaisanterie ? Ils sont d'accord ? Je me tourne vers Salomé qui a posé une main sur mon épaule.
— Vous avez les paroles et la partition à nous donner ? demande Philippe. Qu'on regarde ça avant demain, il y a sans doute des petits ajustements à faire.
J'acquiesce et me dépêche d'aller récupérer la feuille sur laquelle j'ai réécrit les paroles. Salomé fait de même. Je tends la copie à Alexandra qui n'a toujours pas ouvert la bouche.
— Good job, déclare-t-elle simplement. Lauren a raison, ça plaira aux fans.
Un sourire étire mes lèvres. Ce n'est pas souvent qu'elle me complimente. « Good job » venant d'elle équivaut à « c'est excellent Charly, 20/20, continue comme ça ! » d'une personne normale. Même si je reconnais que son intransigeance nous a souvent aidé à nous surpasser et à garder les pieds sur terre, il n'empêche qu'un petit encouragement de temps en temps serait bienvenu.
— Tu devrais penser à t'inscrire à un stage d'écriture, ou au moins participer à des ateliers de poésie, ajoute-t-elle en rangeant mon texte dans sa pochette.
— Bien sûr ! s'exclame Lauren, toujours aussi enthousiaste. J'aurais dû y penser avant, je vais me renseigner, Charly.
Vraiment ? Ça serait génial. Je ne demande que ça moi : apprendre et progresser ! Et si Alexandra ne peut pas être ma professeure – ce que je peux comprendre, ce n'est pas son job – alors il faut m'en trouver un. Rien que d'y penser, j'ai le cœur qui bat.
Hayet s'est avancée pour me prendre dans ses bras. J'accueille son accolade avec soulagement. Elle m'embrasse la joue.
— C'est trop cool, je suis trop contente pour toi.
Marie m'offre une petite tape dans le dos.
Malheureusement, nous n'avons pas le temps de nous féliciter davantage. La répétition n'est pas terminée et je pense qu'aucun de nous n'a envie de rester ici jusqu'à minuit.
— Charly ? m'interpelle Philippe alors que les filles se remettent à leurs instruments.
— Quoi ?
Il a posé son immense main sur mon épaule et comme souvent, me la serre beaucoup beaucoup trop de force. Je me retiens de grimacer. Ses sourcils broussailleux se froncent. Il se frotte le menton avant de reprendre la parole. Il est tellement proche que je sens son haleine de cigarette.
— Ne force pas ce soir, ni dans les prochains jours. Quand on fera reprendre certaines mesures aux filles, si je ne te le dis pas explicitement, ne les accompagne pas. Tu fais le strict minimum et tu travailles ton rythme. Tu te lâcheras quand on commencera les enregistrements, mais en attendant, je veux que tu reposes ta voix.
Je fais oui de la tête, il me sourit et me frappe le dos avec « virilité ». Autrement dit, comme s'il essayait de me projeter vers l'avant. Mais ça va, je commence à avoir l'habitude.
Je rajuste le foulard que je porte autour du cou depuis que les températures ont chuté, l'hiver approchant. Il n'a pas besoin de me donner plus d'instructions, je sais ce qu'il attend de moi : me coucher le plus tôt possible, bien m'hydrater et éviter de parler. Ce dernier point peut s'avérer particulièrement difficile, mais c'est le meilleur remède et j'ai dû y recourir plusieurs fois au cours de notre tournée.
— Je vais te faire une tisane, propose Lauren en se relevant.
Je lui souris en guise de remerciement. Elle quitte le studio, nous laissant seuls avec Philippe et Alexandra qui se sont rassis dans leurs fauteuils. Je remonte le pied de micro de façon à pouvoir chanter debout. Je préfère. J'aurais tout le temps de m'assoir pendant les moments où je ne chante pas.
— C'est bon ? On va commencer avec Orage écarlate, annonce Alexandra.
Autrement dit, l'une des dernières qu'on a travaillées et celle que je maîtrise le moins. Je cherche rapidement les paroles dans mon porte-vue en évitant le regard d'Alexandra. Peut-être que si je participais à l'écriture, je les retiendrais plus facilement, mais c'est un autre problème...
***
Minuit moins le quart, je m'apprête à me coucher lorsqu'on frappe à ma porte. Qui ça peut être à cette heure ? Je soupire et me lève pour aller ouvrir. C'est Hayet, son gros coussin sous le bras. Elle s'invite sans plus de formalité dans ma chambre et se laisse tomber sur mon lit. Elle porte un pyjama rouge à petits pois blancs. Elle a attaché ses cheveux frisés en un gros chignon sur le dessus de son crâne qui tremble dès qu'elle bouge la tête.
— Alors monsieur le futur songwriter de Neptune, comment allez-vous ? déclare-t-elle pompeusement.
Je ne peux retenir mon sourire. On s'installe tous les deux sur mon petit lit une place, dans la largeur. Je rabats la couette sur nous. Hayet retire ses chaussettes et les laisse tomber au pied du lit.
— T'inquiète pas, je les oublierai pas ici. Promis, me rassure-t-elle en captant mon regard sévère.
Je suis sûr qu'elle va oublier, mais passons. Elle me fixe avec son immense sourire. Ses yeux bruns brillent à la lumière de la lampe de chevet.
— T'es content ?
— Evidemment.
J'essaye de parler le moins fort possible, d'une part pour ne pas déranger les filles dans les chambres à côté et d'autre part parce que je suis supposé reposer mes cordes vocales.
— En vrai, et c'est pas contre votre chanson hein, tu sais que je l'adore, mais je pensais pas que ça passerait.
— Pareil... je crois que je réaliserai pas avant de l'entendre sur l'album.
J'ai dû mal à croire que c'est réel. Bien sûr, je suis aux anges, mais il y a une petite part de moi qui n'y croit toujours pas et qui m'empêche de réellement savourer ma victoire. La peur d'être déçu, sans doute.
— Ça va être trop bien. Je crois que je préfère cet album au premier. Il était super mais... enfin y a plus de nous dans Trident. Je crois que j'ai aussi envie de prendre des cours de composition. Je voudrais trop être capable de faire mes propres rythmes. Et apprendre à faire de l'impro !
— T'en fais déjà un peu, non ?
— Vite fait, mais c'est basique. J'ai envie que les gens se disent « whoua Hayet, elle gère grave à la batterie ». Genre... être vue comme une musicienne et pas juste... la meuf à la batterie dont on se permet de mal orthographier le prénom.
C'est vrai que le prénom d'Hayet est malheureusement massacré une fois sur deux.
— Moi je te vois comme une musicienne, assuré-je gravement.
— Je sais. Et moi je te vois comme un parolier, mais bon c'est pas moi qui décide.
— C'est clair...
J'ai le sentiment que parfois, on nous voit encore comme les gamins de quatorze ans qu'on était quand on a signé avec l'agence, puis avec la prod. Pourtant aujourd'hui, nous avons presque l'âge de Marie et Salomé à l'époque. C'est comme si elles, on les avait autorisées à devenir adultes alors que nous, nous avons toujours cette image de gosse qui nous colle à la peau.
— Tes cheveux sont devenus verts chelous, me fait remarquer mon amie en attrapant une de mes mèches.
— Je sais, c'est le bleu, ça tient super mal. Je referais ma couleur avant la prochaine séance photo.
Hayet repose sa tête sur mon épaule. J'ai l'impression d'être plongé trois ans en arrière, avant même que Neptune existe, quand on passait nos week-ends l'un chez l'autre. On pouvait papoter toute la nuit, à parler des profs, du collège, des gens, de nos parents, de musique aussi beaucoup, de films, de tout.
Notre vie a bien changé. On s'apprête à enregistrer notre deuxième album, on est connus dans presque toute l'Europe, on ne peut plus faire trois pas sans être reconnus dans la rue, on est invités à la télé et à la radio et on ne va même plus à l'école. On a tellement de chance.
Je me souviens des mots de maman, le jour où Lauren nous a fait sa proposition. On n'était pas très sûrs de nous, on trouvait que ça arrivait trop vite, aucun d'entre nous n'avait l'impression d'être prêts. Maman m'a regardé droit dans les yeux et elle m'a dit : « C'est une opportunité que tu n'auras qu'une seule fois dans ta vie, Charly. Tu n'as pas le droit de gâcher cette chance ». Elle était bien placée pour le savoir. Et même quand on saisit notre chance, on n'est jamais à l'abri. Il suffit d'une chute dans les escaliers et d'un poignet cassé, pour que le rêve vole en éclats. Fini les concerts, la gloire et les applaudissements. Retour à Charleville-Mézières.
— On devrait se coucher, déclaré-je en voyant Hayet commencer à piquer du nez.
— Hum, t'as raison.
Hayet baille à s'en décrocher ma mâchoire, me faisant bailler par ricochet. Elle descend de mon lit. Voyant qu'elle s'apprête à partir sans son coussin, je l'attrape pour le lui tendre.
— Merci. Bonne nuit.
— À demain, marmonné-je en m'allongeant dans mon lit. Tu fermes la porte ?
Elle hoche la tête. Je baille encore. Ce n'est que lorsque la porte se referme que je réalise qu'elle a oublié ses chaussettes au pied de mon lit. Tant pis. Elle viendra les chercher demain. J'éteins la lumière, mes yeux me piquent.
Dans ma tête, tournent en boucle les paroles de Tomber le masque. Ma première chanson officielle. Mon nom dans les crédits. Ma petite victoire. J'ai hâte d'annoncer la bonne nouvelle à Maman. Et à... non, je ne peux pas en parler à Almanzo. Enfin... peut-être. On verra. C'est un problème pour un autre jour.
***
Et voilà ^^ j'espère que ce nouveau chapitre vous a plu !
Je profite de cette note pour vous informer de mon actualité :
- j'ai une nouvelle qui sort le 18 novembre dans un recueil qui s'appelle "Diluées" chez ActuSF ! C'est un recueil de nouvelles érotiques queer, n'hésitez pas à jeter un oeil
- en rapport avec "Diluées", je serai en dédicace chez Fiers de Lettres à Montpellier le samedi 26 novembre de 14h à 16h, pour donc signer ce recueil
- je serai au salon la Y/CON (salon de l'homoromance) à Villejuif (à côté de Paris) les 3 et 4 décembre. J'y suis surtout en tant que membre de l'orga, mais je ferai 1h de dédicace le samedi et 1h le dimanche sur le stand Akata pour Tant qu'il le faudra
A la semaine prochaine !
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