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Chapitre 13


Laura.

Je n'ai pas dormi de la nuit. Trop de stress, trop d'inquiétudes, trop d'émotions. Hier soir, j'ai renvoyé un mail à Petit. À Charly. J'ai vu qu'il m'avait répondu vendredi quand j'ai consulté mes mails sur l'ordi du CDI. J'ai longuement réfléchi à ma réponse. Enfin « longuement », pas trop quand même. Je ne voulais pas le faire attendre. Pas encore.

Hier, j'ai passé la journée à écrire. Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu autant d'inspiration. J'ai noirci des pages et des pages dans mon cahier. J'avais besoin de coucher sur le papier tout ce que je ressentais. Je suis douée pour ça. Écrire sur moi de façon détournée. Travestir la vérité.

Le résultat, c'est une nouvelle de six pages sur l'amitié entre deux adolescents séparés par des dizaines d'années-lumières, parce que l'un est accepté à l'université intergalactique. Ils se sont promis de s'écrire, mais plus les semaines passent, et plus les messages se font rares. La fin de l'année arrive et ils réalisent tous les deux qu'ils se sont trop éloignés. Chacun rejetant la faute sur l'autre. Et ils doivent se rendre à l'évidence : il est trop tard pour réparer leur amitié. Tout ça se passe bien évidemment dans l'univers du Cœur d'Orion. J'ai pris un personnage tertiaire cité une fois chapitre 14, et j'en ai fait l'un des héros de ma nouvelle.

Je n'avais pas le temps de tout taper à l'ordinateur, alors j'ai scanné les pages de mon cahier. J'ai joint les scans à mon mail. En croisant les doigts pour qu'il comprenne.

Aujourd'hui, je regrette presque d'avoir fait ça. C'est ridicule, non ? Écrire une nouvelle. Comme si ça allait tout arranger. Il a dû bien rire quand il a ouvert mon mail. En plus, j'ai une écriture de cochon. Ah ça, je ne pense pas qu'il puisse se douter qu'une fille se cache derrière ces pattes de mouche...

La première chose que je fais en descendant dans le salon, c'est allumer l'ordinateur. Je grimace alors que le son du démarrage emplit la pièce. Papa est rentré hier soir, il va sans doute dormir toute la matinée. Maman est sans doute partie faire les courses, je l'ai entendue sortir alors que j'étais encore dans mon lit et l'absence de la voiture garée devant la maison confirme cette hypothèse. Malo est parti pour faire la grasse mat, il est rentré complètement déchiré à deux heures du matin.

L'ordinateur met plusieurs minutes à s'allumer, j'en profite pour préparer mon chocolat chaud. Je prends le premier bol – au nom de maman : Marie-Anne –. Je termine la bouteille de lait, c'était la dernière. Je constate que malheureusement, il n'y a plus de pain doux. À tous les coups, Malo l'a terminé cette nuit en voulant éponger l'alcool qu'il avait ingurgité. Je me renfrogne et me rabats sur le pain de mie. Le beurre fond sur ma tranche de pain encore chaude. J'embarque le tout devant l'ordinateur.

J'ai un mail de Petit. Je pose ma tartine sur le copain que j'ai pensé à prendre, il ne s'agirait pas de tâcher le bois du bureau. J'ai un regard vers la fenêtre qui donne sur la rue. Toujours pas de voiture.

Salut,

Tout d'abord, merci de ne pas avoir mis quinze jours à me répondre.

J'ai lu ta nouvelle. Je ne sais pas quoi dire. C'est la première fois que quelqu'un m'écrit une histoire. Enfin, à ma connaissance. Tu es vraiment un bon écrivain, il n'y a pas de doutes à avoir là-dessus. Tu arrives à faire ressentir tellement d'émotions dans tes textes, on ne peut que compatir avec tes personnages.

Je me doute que c'est un peu inspiré par nous, même si c'est pas totalement nous. Je l'ai relue je sais pas combien de fois. Je l'ai même imprimée. Par contre, t'écris vraiment super mal ! T'aurais pu faire un effort en pensant à moi lol. Ou alors t'as fait un effort et t'es un cas désespéré...

En vrai, ça me fait plaisir de voir à quoi ressemble ton écriture. C'est une partie de toi. Ça te rend plus réel, même si je sais toujours pas quelle tête tu as.

Je crois que j'arrive plus à être en colère contre toi.

Est-ce que je peux avoir une photo de toi ? Maintenant que tu sais qui je suis, y a pas de raison que moi, je sache pas qui t'es.

Repartons à zéro. Et cette fois, plus de mensonges !

Je serai sans doute sur MSN cet après-midi, au cas où tu peux te connecter (débloque-moi !).

Passe une bonne journée

Charly

Je devrais me réjouir et d'une certaine manière, je suis heureuse mais... merde, comment je vais faire ? Je ne peux pas lui envoyer de photo ! Qu'est-ce que je fais ? Je pourrais trouver la photo d'un mec sur internet et... Non. Je ne suis pas tombée aussi bas. Pourquoi il faut qu'il demande une photo ? Qu'est-ce que ça peut lui faire, à quoi je ressemble ?

La mention « plus de mensonges » me nargue sur l'écran. S'il apprend que j'ai menti sur mon identité, il ne me pardonnera jamais. Je viens juste de réussir à le convaincre de me pardonner, dire la vérité réduirait tous mes efforts à néant. Putain, j'aurais dû lui dire que j'étais une fille dans le premier mail, celui où je lui explique que j'ai paniqué. Ça aurait été le bon moment. J'aurais dû me douter qu'il finirait par vouloir une photo.

Je ne pense pas que ça soit une bonne idée de lui répondre tout de suite et maman risque de débarquer à tout moment. Je décide d'éteindre l'ordinateur et de remettre le bureau exactement dans l'état d'où il était, avec les factures sur le clavier là où papa ou maman les avaient laissées. J'embarque mon bol et ma tartine à moitié entamée dans le canapé et allume la télé. C'est l'heure d'X-Men sur la 3.

Maman n'est quand même pas très cohérente avec son histoire d'écran. Je n'ai pas le droit d'utiliser l'ordinateur trop longtemps, par contre larver devant la télé est autorisé. Alors je ne vais pas me plaindre, parce que si elle était aussi stricte sur la télé que sur l'ordinateur, ma vie serait un enfer, mais ça n'empêche que ce n'est pas très logique. Cependant, je me garderai bien de lui faire remarquer.

***

Allongée sur mon lit, je fixe le poster de Neptune placardé juste au-dessus de moi. Ça me fait bizarre de me dire que Charly, ce Charly qui pose de trois quart sur le papier glacé, n'est autre que mon PetitOiseau. J'ai envisagé de décrocher mes posters le jour où j'ai appris la vérité. Mais petit 1 : les posters en question recouvrent la quasi-totalité des murs de ma chambre donc c'est beaucoup de travail. Petit 2 : ça aurait attiré l'attention de maman ou Malo. Surtout Malo qui passe son temps à me charrier à cause de Neptune et ne manque jamais une occasion de se moquer de Charly. Tu sais qu'il est gay ton amoureux ? Qu'est-ce qu'il peut être con quand il s'y met... Évidemment, je ne peux pas dire à mon frère que je préfère de loin la guitariste. Qu'il s'imagine que je suis amoureuse de Charly, je m'en fiche. Mais s'il pouvait éviter les insultes homophobes, ça m'arrangerait.

En vrai, je me demande comment il réagirait. Malo. S'il savait que sa sœur était bisexuelle. Enfin, je crois que je le suis. J'en sais rien. Je pense que je finirais par me marier avec un homme. Je ne sais pas si je peux être vraiment amoureuse d'une fille. Ça me fait peur. Et en même temps, il y a eu Flore...

On frappe à ma porte. Maman n'attend même pas que je dise « entrez », elle ouvre. Je me redresse d'un bond et tends le bras pour atteindre le bouton du volume.

— Oui, oui, je baisse !

Mais contrairement à ce que je pensais, maman ne tourne pas les talons et au contraire, elle entre dans ma chambre, refermant la porte derrière elle. L'angoisse me prend d'un coup. Qu'est-ce qu'elle me veut ? J'ai fait un truc qui fallait pas ? Ou alors elle a déjà reçu mon bulletin ?

— Tu veux bien éteindre la musique ? me demande-t-elle en s'asseyant au bord de mon lit. Je voudrais qu'on discute un peu.

Je déglutie difficilement, mais obéis sans discuter. J'aime pas ça...

— Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je avec un léger tremblement dans la voix.

— Est-ce que ça va en ce moment Laura ?

— Comment ça ?

— Je ne sais pas, mais... je m'inquiète un peu, Laura. Tu passes ton temps enfermée dans ta chambre ou devant l'ordinateur pour parler à Dieu sait qui, tu ne me racontes plus rien sur le lycée, Maïwenn n'est pas venue à la maison depuis la rentrée alors que l'an dernier, vous vous voyez tous les week-ends.

Et merde, c'est pire que je le pensais. Quel enfer... comment je vais me sortir de cette conversation ? Je n'ai absolument aucune envie de parler de mes problèmes à ma mère ! Ça ne la regarde pas. Je réponds en haussant les épaules :

— On n'est plus amies, c'est tout.

— Vous vous êtes disputées ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Rien, juste elle a d'autres amis et moi aussi.

Est-ce que je peux vraiment qualifier Cindy d'amie ? Disons que par défaut, elle est devenue mon amie. Il y a aussi Teddy et ses potes avec qui on passe pas mal de temps, mais encore une fois, est-ce que ce sont mes « amis » ? Pas sûre.

— Et je peux savoir qui sont ces nouveaux amis ?

— Bah tu sais, Cindy.

— Cindy, répète maman. Celle qui habite à Lesconil.

— Et puis Teddy, tu sais il était dans ma classe au collège.

— Le fils de la prof d'arts plastiques ?

Je hoche la tête.

— Tu veux les inviter la semaine prochaine ? Je me doute que tu as beaucoup de devoirs, mais je préfère que tu sois dehors avec tes amis plutôt qu'enfermée ici à écouter de la musique toute la journée ou devant l'ordinateur.

— Ouais, peut-être. Je leur demanderais.

— Cindy peut même rester dormir si tu veux.

Mais pas Teddy je suppose. Non pas que j'ai envie de l'inviter à dormir, ça ne me viendrait même pas à l'idée ! Il se foutrait de ma gueule si je lui demandais un truc pareil.

— OK.

Je ne sais même pas si je vais vraiment les inviter. Peut-être que je dirais simplement à maman que personne n'était disponible. Après tout, la semaine prochaine c'est Noël. Ça serait crédible qu'ils aient des repas de famille ou ce genre de trucs. Chez nous, comme tous les ans, papi et mamie vont venir passer le réveillon avec nous. Et le lendemain, on ira manger chez ma tante, la sœur de maman, mon oncle et nos cousins.

— Tu es vraiment sûre que ça va ?

Ses yeux brun me sondent, comme si elle essayait de lire dans mes pensées. Je n'aime pas la ride d'inquiétude entre ses sourcils. Ça me fait me sentir coupable. Je lui cause des soucis parce que je n'ai quasiment pas d'amis. Malo, lui, n'a pas ce problème. C'est plutôt l'inverse. Résultat maman s'inquiète parce qu'il n'est jamais à la maison.

— Ça va.

C'est pas vrai. Ça ne va pas du tout. Mais je ne peux pas lui dire. Qu'est-ce qu'elle pourrait y faire de toute manière ? Rien. Elle ne peut pas m'aider. Elle ne peut pas forcer les gens du lycée à m'aimer, à rire à mes blagues et à m'inviter aux soirées. Ça ne sert à rien de lui parler de tout ça. Et je ne peux pas non plus lui raconter l'histoire avec Charly. Elle me prendrait pour une menteuse. Et c'est vrai que je suis une menteuse, dans le fond. Mais tout ça, c'est mes problèmes à moi. C'est à moi de me débrouiller toute seule pour les régler.

J'ai conscience que pour maman aussi, c'est pas facile tous les jours. Papa est tout le temps en mer, ou presque. On ne peut pas dire qu'il soit d'un grand soutien à la maison. Elle fait des travaux de couture à droite à gauche, mais elle n'a pas tout le temps du travail. « Ça va, ça vient » comme elle dit souvent. Peut-être que je devrais plus l'aider. Faire la cuisine, le ménage, la lessive. Des trucs comme ça.

Je vois dans ses yeux qu'elle a du mal à me croire. Pourtant je suis assez douée pour mentir. Je décide de lui donner quelque chose. Pour la rassurer. Et peut-être... je ne sais pas, parce que j'en ai un peu envie ?

— J'écris un roman.

Sa bouche s'entrouvre et ses yeux s'écarquillent. Je regrette presque instantanément d'avoir dit ça. Maintenant elle va me poser des questions.

— Un roman ? répète-t-elle.

— Ouais... c'est pas fini mais... ça fait quelques mois que je travaille dessus. C'est de la science-fiction. Un peu comme Star Wars. C'est pour ça que... que je suis beaucoup sur l'ordinateur. C'est pour recopier au propre.

Maman hoche la tête silencieusement. Elle ne s'attendait pas à ça. Je me mords la lèvre. Peut-être que j'aurais mieux faire de me taire. Je ne sais pas. J'ai peur qu'elle me dise que je perds mon temps, que je ferai mieux de réviser pour le bac. Dans la famille, personne n'a vraiment la fibre artistique. Pas le temps. Le travail, c'est plus important.

Pourtant, maman pose sa main sur mon épaule. Elle a un sourire bizarre que je ne lui connais pas. Les rides sur son front se détendent d'un coup.

— C'est super ma chérie. Et ça me rassure de savoir que c'est ça qui t'occupe tous les week-ends. C'était ça que tu faisais aussi cet été, hein ?

J'acquiesce.

— C'est long comme roman ?

— Je suis à presque 100 pages !

Maman me quitte pas des yeux. Sa main relâche mon épaule. Elle inspire profondément, frotte ses mains sur ses cuisses.

— Et j'aurais le droit de le lire un jour ?

— Quand j'aurais terminé... oui, peut-être.

— D'accord.

J'ai le cœur qui bat la chamade, comme si je venais d'avouer un truc grave. Genre un 3/20 en physique-chimie. Mais ça se passe mieux que je l'aurais imaginé. Ça se passe même plutôt bien.

— C'est bien que tu aies un projet qui te tienne à cœur comme celui-là. Mais n'oublie pas tes amis, d'accord ? C'est important d'être entourée, surtout à ton âge.

Je hoche la tête, n'osant pas la contredire.

— Si tu as besoin de l'ordinateur pour écrire ton roman, tu peux l'utiliser. Je te fais confiance pour être raisonnable.

Je dois me retenir pour laisser éclater ma joie. Si j'avais su qu'il suffisait de parler de mon roman pour accéder à l'ordinateur, je l'aurais fait depuis longtemps ! De toute manière, ce n'est pas comme si je faisais autre chose que lire et écrire dessus, en dehors de quelques conversations sur MSN.

— Bon, je vais te laisser. Tu me diras quel jour tu veux inviter tes amis, que je m'organise. Évite quand même le 23, on va avoir pas mal de choses à faire. Finalement Madeleine et Christophe viennent aussi pour le réveillon avec tes cousins. Pépé aussi.

— Ici ? On va avoir la place ? m'étonné-je.

La table du salon n'est pas bien grande, ni le salon en lui-même. Nous quatre, plus papi et mamie, plus mon oncle, ma tante, Corentin, Yann et Kylian, plus pépé ça fait douze. En général quand on est aussi nombreux, on va plutôt chez ma tante et mon oncle qui ont une plus grande maison.

— On va pousser le canapé et mettre la table de la cuisine à côté de celle du salon.

— OK.

Ça, ça veut dire que les « enfants » vont se retrouver sur la petite table. Je ne suis absolument pas contre, surtout sachant que pépé et papi vont se retrouver à la même table pour la première fois depuis au moins trois ans. Ils n'ont jamais pu se supporter, politiquement parlant. Pépé est un communiste convaincu alors que papi vote à droite. Je ne vais pas me plaindre d'éviter ça.

Heureusement mes cousins, je les aime bien. Ou plutôt, ils m'aiment bien. Étant la seule fille, j'ai vite appris à les mener à la baguette. Quand on était enfants, je les forçais à me transporter en faisant la chaise, comme une princesse. Bon, je ne fais plus ça maintenant. Mais les repas de famille avec eux sont toujours aussi amusants. On rigole bien. Surtout avec Yann qui a le même âge que moi. Il est apprenti cuisinier et a toujours des histoires trop drôles sur ses collègues. Corentin a un an de plus que Malo. Il a trouvé du travail au port du Guil. Kylian est encore en troisième. Il est plutôt bon à l'école et bien parti pour passer en seconde générale.

Maman s'est enfin relevée. Je reste immobile, assise en tailleur sur mon lit. Je me force à sourire pour la rassurer. Elle me laisse enfin, en fermant la porte derrière elle, fait assez rare pour être noté.

Sitôt seule, je me laisse tomber la tête dans mes oreillers. Ça s'est plutôt bien passé finalement. Et j'ai gagné un passe-droit pour l'ordinateur tant que je suis « raisonnable ». Ça, c'est une très bonne chose.

***

Cela fait bientôt une heure que j'essaye de prendre une fichue photo. Ma poitrine, comprimée dans une bande trouvée dans l'armoire à pharmacie, commence à me faire mal. Je pense que je l'ai beaucoup trop serrée, mais je n'ai pas envie qu'on devine quoi que ce soit sur les photos. Alors tant pis. Si je ne galérais pas autant à respirer, je pourrais presque apprécier la sensation de compression. C'est comme une armure. Et j'ai l'impression de me tenir plus droite que d'habitude.

Je fais défiler les photos sur l'écran de l'appareil photo. C'est celui de maman que j'ai emprunté en douce, de toute manière elle ne l'utilise qu'aux anniversaires et à Noël. Il faudra juste que je pense à bien tout supprimer avant de lui rendre.

C'est pas possible, j'ai pris dix kilo ou quoi ? Je me trouve énorme. Pourtant dans le miroir, je n'avais pas l'impression d'avoir des hanches aussi larges. Ça se voit beaucoup trop que je suis une fille. Si je cadre au-dessus de la taille, peut-être que ça suffira ? En tout cas, le bonnet est une très bonne idée, j'ai juste laissé ma mèche sur mon front.

Après une longue hésitation, j'ai décidé de me maquiller. J'ai seulement mis du crayon. Après tout, Charly aussi se maquille et lui c'est mascara et fart à paupières à gogo, donc à côté, mon make up est bien timide.

J'ai piqué une chemise à carreaux rouges et noirs dans l'armoire de mon frère. Et j'ai mis mon collier en cuir que maman ne sait pas que j'ai acheté. Quand je veux le porter, je le cache dans mon sac de cours pour le mettre dans le bus et je pense à le retirer avant de rentrer. Ça vaut mieux. Si elle me voyait avec, elle me dirait sûrement un truc du genre « tu te prends pour un chien ou quoi ? ».

Allez, c'est reparti. Je pose l'appareil photo en haut des livres empilés sur le radiateur qui me sert de trépied. J'active le retardateur, le mode rafales et me dépêche de me positionner. Ça serait tellement génial d'avoir un de ces appareils qui ont l'écran qui se retourne pour pouvoir cadrer, mais je fais avec ce que j'ai. Mais considérant que c'est au moins la cinquantième prise, je sais à peu près où me placer.

Je prends la pose, la tête un peu baissée, le regard sur le côté, une main qui effleure mon bonnet. Pas de sourire, ça fait plus masculin. Je commence vraiment à en avoir marre. L'appareil photo me mitraille, je bouge légèrement entre chaque flash, histoire d'en avoir au moins une bien.

Je récupère l'appareil en croisant les doigts. Faites que ça soit la bonne... Je zoome sur chaque photo. Bon, je crois que l'avant-dernière est pas mal. Je fais la gueule, mais c'était le but après tout. Le cadre est pourri, je recouperai sur l'ordinateur. La vraie question est : est-ce qu'on voit que je suis une fille ? Je ne sais pas. J'espère avoir l'air suffisamment androgyne. Et en même temps, Charly n'est pas le mec le plus masculin du monde. Peut-être qu'en mettant la photo en noir et blanc ou en bidouillant les contrastes, je pourrais... entretenir le flou.

Me voir comme ça, habillé comme un garçon, les cheveux cachés sous un bonnet, ça me fait bizarre. C'est aussi un peu excitant, mon cœur bat comme si j'avais fait une bêtise. D'habitude je suis plutôt du genre à fuir dès que maman sort l'appareil. Bizarrement aujourd'hui, ça va. C'est sans doute le fait de prendre les photos moi-même et de pouvoir recommencer autant que je veux. Quand maman prend une photo, elle s'en fiche de si je suis moche dessus. En plus elle a le don de me prendre toujours par surprise.

Les photos défilent les unes après les autres. En vrai, ça le fait. J'aurais été canon si j'avais été un mec... Parfois, ça m'arrive de penser qu'il y a eu une erreur quelque part. Je veux dire : je suis super grande, j'ai une mâchoire plutôt carrée, des épaules super larges. Rien de très féminin. Je suis sûre qu'en mec, j'aurais plu aux filles. Alors qu'en meuf... eh bien, ça ne se bouscule pas au portillon comme dit maman. Il n'y a vraiment aucune justice dans ce monde.

Je jette l'appareil photo sur mon lit avant de passer la chemise de Malo par-dessus ma tête. Je galère à retrouver l'endroit où j'ai coincé la bande pour la défaire. Putain, enfin. J'inspire profondément, gonflant ma poitrine. Dans le miroir, je constate que j'ai des marques rouges sur le torse. Je ne retenterai pas l'expérience de sitôt. Je renfile mon t-shirt, puis mon pull noir avec un hibou brodée au fil argenté sur le devant. La chemise de Malo, je la range dans mon placard. Je vais la garder, elle me va bien. En plus je crois qu'elle est trop petite pour lui, il ne la met plus depuis des mois. Elle ne lui manquera pas.

Malheureusement, je ne peux pas aller décharger les photos sur l'ordinateur quand papa et maman sont dans le salon. Il faudra que je fasse ça en douce. Ça devrait être rapide. En tout cas, le mail est déjà prêt. Je n'ai plus qu'à joindre la photo réclamée.

Est-ce que je me sens coupable de ne pas dire la vérité ? Même pas. Au contraire. Et puis, ce n'est pas comme si j'envoyais des photos de quelqu'un d'autre. C'est vraiment moi. Je n'ai juste pas envie que Petit sache que je suis une fille. Rien que l'idée me donne mal au ventre et je suis incapable d'expliquer pourquoi.

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