À la minute où je t'ai rencontré, j'ai pensé que tu finirais par partir. Ton esprit était trop aiguisé, en quête d'échanges dont les échos sonnaient creux en se répercutants sur moi. Il y avait aussi cette façon de te tenir un peu en biais, jamais tout à fait de face, tes flancs ouverts à des possibilités qui pouvaient venir d'ailleurs. Tu ne tournais le dos à rien, comme prêt à tout.
Et si j'admirais le panache téméraire de ta posture, je souffrais silencieusement de ne pas être d'envergure à te suffire.
Même quand tu te tenais devant moi, même si tu étais là, ton corps parlait d'un moment où tu ne le serais plus.
La force de ta présence dessinait ton absence. Et cela me rendait folle.

"Regarde-moi", je pensais. "Regarde-moi, mon cœur".

Rien qu'une fois, m'apercevoir au fond de tes pupilles aériennes. Goûter la sensation, transcender mon Je, tendre vers un Nous. T'entendre murmurer "reste"  plutôt qu'écouter claquer tes "moi", faire passer mes "moi" avant le reste. Juste une fois.
Il n'était même pas question de devenir ton tout, je me serais contentée de peu.

Je te voulais si fort avec des bras trop frêles pour te contenir.
Je te voulais.
Mais tu allais partir.
Alors j'ai trouvé d'autres bras, mon cœur, plus forts que les miens pour accrocher mon corps. J'ai cherché d'autres yeux pour les remplir de mon image, jusqu'à les faire déborder et être écœuré de m'y voir. J'ai couru d'autres sentiers, je t'ai tourné le dos, faisant taire ainsi le bruit de ton départ. En le couvrant du mien.

Je ne suis pas de celles qui attendent. Je ne suis pas grand chose. Et peut-être qu'après tout, c'est l'impatience qui rend les chevaux fous, le temps acéré et l'amour aveugle.

Tu ne me voyais pas et je te voyais flou.