Une excellente série de fantasy !!

Au menu du jour : plein de dragons, une simili-Angleterre victorienne pré-steampunk, de la recherche scientifique et une héroïne atypique au caractère bien trempé.

Auteure : Marie Brennan 🇺🇸
Traduction : Sylvie Denis (de l'anglais américain)
Date : 2016 (tome 1)

Nombre de tomes : 5 tomes + 1 bonus
Temps de lecture : Je n'ai pas chronométré, mais ça se lit vraiment très fluidement.

Éditeur : L'Atalante
Cette édition est magnifique, avec des illustrations de dragons (souvent représentant les dessins d'Isabelle) et l'encre du récit qui est assortie aux couleurs de la couverture.

Couverture (tome 1) :

Résumé perso

Isabelle Camherst, devenue plus tard Lady Trent, écrit ses mémoires à près de 80 ans, revenant sur les péripéties qu'elle a vécu lorsqu'elle était plus jeune.

Née dans une famille de la petite noblesse du Scirland, elle se passionne très tôt pour les dragons. Elle a à peine l'âge de raison lorsqu'elle dissèque son premier oiseau dans le but de comprendre le fonctionnement des ailes, et elle collectionne des lucions (sorte de luciole-dragon) dans des bocaux de formol.

Ayant grandi, elle suit sa passion dévorante, saisit les opportunités et s'en crée d'elle-même, et à force d'efforts devient une brillante naturaliste. Au Scirland, sa célébrité augmente, de même que les rumeurs la concernant. Car elle est tout de même une femme s'habillant en homme et s'occupant de science sans chaperon ! Trop occupée qu'elle est à parcourir le monde, elle n'en tient nullement compte.

Afin d'observer les dragons dans leurs habitats naturels, ses voyages la conduisent dans des zones hostiles, infestées de maladies tropicales ou au climat éprouvant, et au travers d'empires ennemis du Scirland, sans parler du danger que représentent les dragons en eux-mêmes.

Sa passion — ou plutôt son obsession pour les dragons et la Science la conduisent à se retrouver dans des aventures périlleuses et extraordinaires. Dans ses mémoires, elle nous raconte les détails que les autres récits d'aventure ont oublié ou ommis, à la manière des journaux de voyage des naturalistes du XIXème siècle. Car tout n'est pas si confortable quand on parcourt des territoires sauvages !

Une petite citation :

« Après tout, cela fait vraiment une éternité qu'aucun scandale satisfaisant n'a été attaché à mon nom. Je trouve cette respectabilité lassante à la longue, après tant d'années passées à être un objet de honte. »

Des aventures aux cinq coins du monde
On sait bien qu'Isabelle va s'en sortir — vu que c'est elle qui bien plus tard écrit ses mémoires — mais ses aventures sont tout de même très prenantes ! Il y a quand même des fois où on se demande comment elle va pouvoir se dépêtrer de là... Car elle a une grande capacité à se mettre dans des situations invraisemblables, et à trouver des solutions qui le sont encore davantage. On s'inquiète aussi pour ses compagnons, très attachants, qui eux ne sont absolument pas protégés par le récit...

La structure des tomes repose à chaque fois sur le même procédé. Plusieurs éléments de suspense sont introduits tout au long du tome, puis à la fin la situation se débloque grâce à ces qui s'imbriquent parfaitement.
Cela fonctionne plutôt bien. Une fois qu'on a compris le principe on peut essayer de deviner quelles conséquences peuvent avoir les informations qu'on découvre.

Le processus scientifique
Les questions d'ordre scientifique sont au cœur de la série, et c'est super intéressant de voir les observations puis les raisonnements des naturalistes. Les dragons sont alors une espèce encore très méconnue, et même, on ne sait pas s'il s'agit d'une seule ou de plusieurs espèces, entre les lézards de feu, les serpents des mer, les teng lê, vouivres de Vystranie, dragons mouliens, et autres. D'après les travaux d'un éminent naturaliste, les quatre critères décrivant les dragons sont : un souffle extraordinaire, des os extrêmement solides et légers mais qui se désagrègent après la mort. Mais ces critères sont-ils pertinents pour les classifier, et pour comprendre quand leurs espèces se sont séparées dans l'arbre phylogénétique ?
Puisque les connaissances scientifiques se construisent sur le temps long, cette question reste un fil rouge de la saga, où des découvertes apportent successivement des bribes de réponse.

Ainsi, Isabelle et ses collègues s'astreignent à une grande rigueur scientifique avant de valider la moindre hypothèse et d'écrire des articles dessus.
Mais avant d'en arriver à là, il y a cette phase où les chercheurs se permettent d'explorer toutes les hypothèses même les plus farfelues ou grandioses. Dans ces moments, ils sont souvent surexcités à l'idée qu'ils vont peut-être découvrir quelque chose d'énorme qui va enfin fournir des réponses à de nombreuses questions !
Un des personnages rencontré est aussi chercheur, mais en archéologie et non en histoire naturelle. C'est intéressant de les voir utiliser les mêmes méthodes et la même rigueur mais appliquées à leurs sujets de passions respectifs : les dragons, ou le peuple disparus des Draconiens.

La série montre ce que signifie concrètement « faire de la recherche scientifique », c'est-à-dire que cela englobe aussi la préparation et les actions du quotidien, les difficultés, les discussions entre collègues, les enjeux entourant son domaine de recherche dont on ne peut malheureusement pas s'abstraire, la fierté de voir son article publié dans une revue prestigieuse, et puis cette joie extraordinaire de découvrrie quelque chose que personne n'a encore jamais su !

Des enjeux variés et liés
La recherche scientifique s'entreprend dans un monde avec des enjeux autres que la pure recherche de la vérité.

En parcourant d'autres pays, il faut prendre en compte les étiquettes à suivre, traditions spirituelles et tabous. La langue et les différences culturelles deviennent alors des obstacles importants. Difficile d'expliquer qu'on vient pour étudier les dragons lorsqu'ils sont perçus comme des êtres sacrés par la population locale par exemple...

Au Scirland, le petit monde fermé de la Science ne laisse pas de place aux femmes et aux roturiers. Ailleurs aussi, Isabelle constate des différences culturelles entre les genres et classes sociales. Ce sont autant d'obstacles pour mener à bien ses recherches, les faire publier, et pour qu'en finalité ces découvertes soient reconnues par la communauté scientifique.
Lady Trent, en rédigeant ses mémoires nous exhorte à ne pas oublier cette période, et à continuer de lutter pour que tous puissent contribuer à la Science car c'est aussi cela qui permettra de nous approcher au plus près de la vérité.

Enfin, si des chimistes parvenaient à empêcher les os de dragons de tomber en poussière, cela aurait de nombreuses applications décisives pour l'industrie... notamment dans l'armement. Cela amène directement des enjeux géopolitiques d'une toute autre échelle !

Tout cela est renforcé par un second degré de lecture, ce monde inventé étant le reflet du nôtre. On retrouve de nombreuses similitudes avec le XIXème siècle de notre monde. Le Scirland est clairement l'Angleterre victorienne, la ville portuaire de Va Hing au Yélang rappelle Hong Kong en Chine, l'archipel de la Mer Brisée ressemble à la Polynésie... Les caractéristiques des dragons sont aussi inspirées de réelles légendes de notre monde.
Ainsi, pas mal de réflexions de Lady Trent sur les différentes cultures et leurs rapports entres elles dressent une grille de lecture intéressante pour notre monde, notamment sur les rôles en fonction du genre, sur l'utilité et les dangers de la Science, la notion de sacré, ou encore la manière de respecter, comprendre et juger des civilisations ayant des mœurs diamétralement opposées aux siennes.

Note : B+ !
Si je ne monte pas plus haut, c'est juste à cause de la structure qui se ressemble beaucoup d'un tome à l'autre et qui m'a semblée un peu répétitive en les lisant d'affilée.

Mais à part ce détail, c'est vraiment une excellente série !
Elle se lit sans problème et elle dose savamment l'aventure, l'action, l'humour, la romance, les amitiés, et la Science. C'est ce dernier point que j'ai beaucoup aimé et qui est assez rare, surtout en fantasy.

À qui je le conseille :
Aux personnes amatrices de fantasy évidemment, avec option dragon et géopolitique.
Cette série peut aussi vous plaire si vous vous intéressez à la biologie / l'histoire naturelle, l'ethnologie, ou à la méthode scientifique en général.