Titre : Le Palais de glace
Original : Is-Slottet

Auteur : Tarjei Vesaas 🇳🇴
Traduction : Jean-Baptiste Coursaud, du norvégien nynorsk

Date : 1963

Quatrième de couverture
Dans un paysage de légende façonné par le froid et la glace, au coeur de l'interminable automne norvégien, deux fillettes se découvrent et se reconnaissent. Siss et Unn, Unn et Siss. De caractère apparemment opposé, elles s'attirent et se troublent, jusqu'au soir où, les yeux plongés dans un même miroir, elles scellent un pacte, un lien aussi indéfectible qu'inexplicable, ténu comme un cristal de givre et puissant comme le palais de glace figé au pied de la cascade. Le lendemain, Unn disparaît... Le Palais de glace, chef-d'oeuvre intemporel plein de poésie et de sensualité, approche avec une rare acuité l'intensité bouleversante des secrets et le sérieux insondable des émotions enfantines.

Étrange et jolie petite histoire, bien qu'assez difficile à cerner. Cela commence comme une histoire d'amitié (d'amour ?) entre Siss et Unn, deux jeunes filles à l'entrée de l'adolescence. Mais Siss disparaît avant que leur amitié n'ait pu se nouer. Le village la recherche, d'abord dans l'espoir de la retrouver vivante, puis de la retrouver tout court. Autour d'Unn, tout le monde semble retourner à leurs vies d'avant. Elle, cependant, ignore comment y parvenir, ayant toujours à l'esprit le souvenir de cette fille mystérieuse qu'elle n'a pas eu le temps d'apprendre à connaître. Unn abandonne alors ses anciennes relations, ses jeux et son insouciance, par peur de la trahir. De fillette populaire dans la cour de récré, elle devient aussi isolée et froide que l'était Siss. La seule autre personne qui semble s'en souvenir est la tante de Siss, avec qui Unn se rapproche faute d'une autre compagnie qui comprenne ce qu'elle traverse. Mais la tante prévient Unn : elle doit continuer à vivre pour elle-même, au risque de se perdre elle aussi.

Les descriptions de l'hiver norvégien sont magnifiques et apportent une touche d'onirisme. Elles posent une ambiguïté de s'il y a des éléments surnaturels dans ce conte, qui serait sans cela un simple drame réaliste.
En particulier, le palais de glace où Siss part s'isoler a des airs de métaphore. Il attire par la curiosité de l'étrange, séduit, puis enferme et fait dépérir ; comme peut le faire la volonté de solitude à cet âge difficile.
Tout l'enjeu de l'histoire est de voir si Unn sera capable de sortir de son propre palais de glace, érigé par la disparition de Siss, qui lui a fait perdre tous ses repères sur ce qui était important dans sa vie quotidienne.

Le message est intéressant et bien amené. Le livre nous fait comprendre qu'il ne faut pas laisser les disparus nous empêcher de vivre notre propre vie, même si cela nous coûte de renoncer à eux. On ne sait pas pourquoi on s'accroche à eux alors qu'il ne sont plus, et on ne sait pas non plus pourquoi on continuerait à vivre sans eux. Dans cette seconde option, essayer de retrouver son propre bonheur, ce n'est pas une trahison, c'est au contraire chercher ce que l'on est triste que l'autre ait perdu : la vie, la possibilité du bonheur, l'existence d'un avenir...
D'autres interprétations sont possibles, chaque lecteur y trouvera ce à quoi il est personnellement sensible.

Note : B-
Au final, je suis contente d'avoir lu ce classique de la littérature norvégienne.
Entre de très belles descriptions de neige et de glace, il amène des réflexions sur l'enfance, le deuil, l'oubli, le sens de la vie. Il laisse surtout la liberté d'interpréter les métaphores et de répondre soi-même aux questions posées.
Mais peut-être trop de liberté en vérité. J'aurais apprécié que les réflexions soient menées de manière plus précise afin de développer plus profondément les idées, quitte à davantage nous guider vers les différentes réponses à explorer. Mais cela reste une belle découverte.

Je ne pourrais pas être objective avec ce livre, j'adore les descriptions de neige et de glace au point que je pourrais en manger 300 pages sans m'en lasser. Et vous, quelles sont vos madelaines de Proust littéraires que vous dévoreriez sans fin ?
Elles peuvent être une description, ou bien une dynamique de scène, une figure de style, un archétype de personnage, une thématique, un schéma narratif...