Histoire de diversifier mes lectures, j'ai regardé des vidéos de « booktubeuses » qui recommandent des livres (c'est ce que font les booktubeuses).

L'une d'elles parlait avec passion de L'Or du poète-romancier Blaise Cendrars, disant qu'il avait changé sa vie et son rapport à la littérature.

La rencontre tant promise ne s'est malheureusement pas passé comme prévu...

Titre : L'Or
Sous-titre : La Merveilleuse Histoire du général Johann August Suter

Auteur : Blaise Cendrars 🇨🇭🇫🇷

Date : 1925

Quatrième de couverture

Les discours se succèdent.
Le général Suter est absent, perdu dans sa rêverie.
Des tonnerres d'applaudissements ébranlent les voûtes de l'immense salle de spectacle.
10000 voix clament son nom.
Suter n'entend pas.
Il joue nerveusement avec l'anneau qu'il porte au doigt, le tourne, le change de doigt et se répète à mi-voix l'inscription qu'il y a fait graver :

— LE PREMIER OR —
DÉCOUVERT EN JANVIER 1848

Résumé

L'Or est une biographie romancée du général Suter, au XIXème siècle.
Il abandonne sa femme et ses quatre enfants pour quitter la Suisse et partir aux Amériques. Il rejoint la Californie et y développe une industrie de l'agriculture qui lui apporte une immense fortune. En 1847, il est en passe de devenir l'homme le plus riche du monde. Il fait alors rappeler sa famille auprès de lui, pensant à la main d'œuvre que constitue ses trois fils, et se demande à quoi ressemble sa fille.

En 1848, un de ses employés trouve une pépite d'or sur ses terres. S'en suit
la grande ruée vers l'or. Tous ses employés abandonnent leurs postes pour aller chercher de l'or et sont très vite rejoints par des milliers de personnes. Ils dévastent tout, se servent dans les troupeau et les bâtiments alentours. Des notaires viennent et distribuent des faux titres de propriété.

Le général fatigué et abattu par tant d'injustice sombre dans une mélancolie passive. Sa famille arrive en 1849 après leur long voyage depuis la Suisse. Sa femme meurt en le voyant vieilli.
Suter décide de reprendre ses affaires en main. Il poursuit en justice les plus de 17000 chercheurs d'or qui ont volé sa propriété, ainsi que les gouvernements de Californie et des États-Unis pour leur non-intervention.
Évidemment, cela ne plaît pas aux chercheurs d'or, alors ils incendient son nouveau domaine. Ses trois fils meurt la même année (suicide, guerre, nauvrage) et sa fille est gravement malade.

Le procès contre le gouvernement achève de le ruiner. De nombreux escrocs se font passer pour des avocats. Suter, déjà très porté sur la vision du monde de la Providence divine, plonge dans la folie. Il voit sa situation au travers de la lecture de l'Apocalypse : Christophe Colomb est la prostituée accouchant sur les Mers, la bannière étoilée du drapeau étasunien est un signe annonciateur de la fin des temps, l'or est l'Antechrist...
Un gamin des rues lui fait croire qu'il a gagné son procès, et Suter meurt sur le coup.

L'auteur écrit ce livre en 1925 et termine en mentionnant qu'il reste encore quelques années aux descendants pour rouvrir le procès contre les États-Unis. « Qui veut de l'or ? Qui veut de l'or ? »

L'idée de départ me plaisait bien et semblait très prometteuse.
Cela parle de Far West et de ruée vers l'or, dont je ne connais le contexte historique que dans les grandes lignes.
L'idée que trouver de l'or puisse ruiner est puissamment chargée d'ironie. Il y a une métaphore facile à filer, entre ruines matérielle et spirituelle.

Comment l'or peut-il ruiner Suter ? Eh bien c'est simple : il est le propriétaire du domaine agricole sur lequel on a trouvé l'or. Fin du mystère. Le développement du concept ne m'a donc pas du tout convaincue. En fait, le résumé est prenant, mais en l'étirant sur 200 pages, ça n'a fait que diluer sa portée.
L'aspect judiciaire avait encore de l'intérêt, mais il est très survolé malgré son importance dans le récit.

Le style m'a tout de suite rebutée, il m'a paru très artificiel et assez facile. Il y a beaucoup d'énumérations avec des phrases nominales.
De plus, ces longues descriptions concerne des ambiances, lieux et personnages qu'on ne reverra jamais ; et à l'inverse, on n'a le droit à aucune description détaillée de son empire avant qu'il ne s'effondre. Niveau immersion, je vois bien ces tableaux dépeints, mais j'ai du mal à vivre l'histoire.

Le narrateur est complètement extérieur au personnage pendant toute la première moitié du récit. Cela signifie qu'on suit un personnage dont on ne sait qu'une seule chose : il a abandonné sa femme en charge de quatre enfants. Difficile d'être en empathie avec lui...

Au niveau du fond : Il part aux États-Unis pour y faire fortune, ça lui réussit. Il va en Californie en écoutant les légendes sur les cités d'or, ça lui réussit. Il trouve de l'or, ça le détruit. Il se reconstruit, ça lui réussit. Puis il veut toucher sa part sur l'or, ça l'achève. Le message n'est pas très subtile, si c'est le but d'en faire passer un...

Le racisme, la misogynie et le fanatisme religieux des personnages m'auront au moins bien fait rire. Mention spécial au chapitre d'horreur où on voit des femmes musclées travailler et s'habiller comme des hommes, au point que ça tue Madame Sutter de frayeur.
Je suis tout à fait consciente qu'il faut remettre l'œuvre dans le contexte de l'époque. J'aurais pu passer outre s'il y avait un quelconque intérêt dans cette histoire autre que de la lire ironiquement.

Note : D
Rendez-vous raté pour moi donc. Malheureusement et honnêtement, je ne vois rien de positif à en dire, si ce n'est que le résumé reste très intéressant et prometteur, et que l'ironie que l'or puisse ruiner est véritablement puissante. C'est-à-dire que je suis à peu près au même stade qu'avant d'avoir ouvert le livre.

C'est difficile de trouver le juste milieu entre ne lire que le même type de livres et lire des choses nouvelles qui risquent de nous déplaire. À défaut d'avoir apprécié la lecture, je suis quand même contente d'avoir fait cet effort, et je le referai, en espérant tomber sur des pépites.

À qui je le recommande : Faites votre propre avis. Le bouquin est court, il est estampillé « classique » et Wikipédia dit qu'il a connu « immédiatement un grand succès qui ne s'est jamais démenti ».

19/01/22