Titre : L'Alchimie de la pierre
Original : The Alchemy of Stone

Auteur : Ekaterina Sedia 🇷🇺🇺🇸
Traduction : de l'anglais (US) par Pierre-Paul Durastanti

Date : 2017

Quatrième de couverture
Soit une ville immense, sombre et secrète, fondée par un peuple minéral plus secret encore — les gargouilles. De mémoire d'homme, les guildes rivales des Alchimistes et des Mécaniciens s'y livrent une lutte d'influence acharnée. Or les Mécaniciens semblent enfin en passe de l'emporter, prêts à imposer sur la cité un ordre nouveau, brutal.

Automate douée de conscience, unique en son genre, Mattie est la création d'un Mécanicien ambigu. Bien qu'émancipée, elle peine à se libérer de l'emprise de son ancien maître, une ombre qui ne l'a pas empêchée, malgré tout, d'embrasser la carrière d'alchimiste. Les gargouilles l'ont chargée d'une mission cruciale : trouver un remède au mal qui les frappe, une inexorable pétrification. Mission que compliquent des événements tragiques : des attentats frappent la ville, tandis que dans ses entrailles couvent les ferments de la révolution...

Ce qui m'a tout de suite attirée vers ce livre, c'est son univers alliant fantasy et steampunk, assez simple mais empli de mystères. Dans un contexte politique marqué par l'opposition entre Alchimistes et Mécaniciens, nous suivons le quotidien de Mattie, automate émancipée encore sous l'emprise de son créateur Mécanicien.

L'intrigue prend d'abord son temps pour nous laisser nous familiariser avec ce monde, avant qu'une série d'événements violents ne décuple les tensions entre Alchimistes et Mécaniciens, le peuple et le pouvoir.
Dans ce contexte, Mattie est chargée de la quête de trouver un moyen d'allonger l'espérance de vie des gargouilles. J'ai trouvé ce fil rouge assez flou car nous ne savons rien sur ces êtres surnaturels et encore moins sur leur malédiction. Pendant une grande partie du roman cette quête semblait mal reliée aux intrigues secondaires beaucoup plus prenantes et ayant des enjeux mieux définis. Hormi ce point de réserve, l'intrigue est pleine de rebondissements et très agréable à suivre.

L'héroïne, Mattie, est un personnage intéressant. Elle mène une relation ambigue assez malsaine avec son créateur dont elle cherche difficilement à se libérer.
Unique parmi les hommes car elle est une automate, et unique parmi les automates car ayant son libre arbitre, cet isolement la pousse sans cesse au questionnement et à l'introspection. Elle se demande notamment si les émotions qu'elle ressent sont adéquates aux situations. Elle se trouve égoïste alors qu'elle pense constamment aux autres, à leur ressenti, leur vécu, leurs problèmes afin de comprendre leurs différences. Elle souffre d'être peu considérée par son entourage car même ceux qu'elle pourrait appeler ses « amis » pensent avant tout à leurs propres intérêts, ne l'utilisant que comme un rouage utile dans leurs plans.
Seule automate dotée de conscience, elle se questionne souvent sur ses homologues qui en sont dépourvus : vaut-il mieux être esclave sans en être conscient, ou bien avoir au moins la dignité de pouvoir s'en rendre compte et d'en souffrir ? La question est laissée en suspend, mais l'histoire nous montre à quel point là où il y a de la souffrance née de l'injustice, il y a aussi le désir de révolte pour faire bouger les lignes.

De nombreux autres thèmes de réflexion sont abordés, ce que j'ai beaucoup apprécié.
Par exemple, Mattie se perçoit comme femme car construite (et non née) ainsi, et perçue comme telle par son entourage, ce qui définit son genre selon elle.
Le roman aborde aussi le problème des dirigeants hors sol. Ces derniers déléguent à une intelligence artificielle la gestion de situations complexes. Avec la mécanisation des travaux, les paysans remplacés par des automates n'ont plus de quoi vivre. Alors, n'ayant pas toutes les informations nécessaires pour faire un choix éclairé, l'IA répond qu'il suffit de tous les envoyer dans les mines pour éliminer les agitations dans la ville et augmenter la production.
Sont aussi abordées la peur et la haine des étrangers, deux facettes d'une même pièce.

Les autres personnages que Mattie sont caractérisés simplement et sont tout de suite reconnaissables. J'aurais aimé qu'ils soient un peu plus étoffés car tous avaient un grand potentiel, mais sans doute cela aurait été trop pour un seul roman.

Petite déception pour la fin que j'ai trouvée anticlimatique puisqu'on n'assiste pas aux combats. Je suis un peu restée sur ma faim, il m'a manqué une conclusion symbolique qui close plusieurs des thématiques laissées ouvertes.

Enfin, un point sans doute anecdotique que j'ai tout de même beaucoup apprécié, c'est la place que prennent les descriptions d'odeurs. Que ce soit pour décrire des décors ou expliquer la pratique de l'alchimie, elles contribuent à l'immersion et renforcent la personnalité de l'univers. Leur importance dans la narration fait d'autant plus sens que Mattie est munie de capteurs olfactifs qu'elle utilise dans son travail d'achimiste, là où nous humains nous concentrons davantage sur nos vue et ouïe.

Note : B+

Il s'agit d'un très bon livre de fantasy. À lire lorsque l'on a déjà lu les classiques et que l'on cherche des lectures plus originales.

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