XVI Les prisonniers (2)
Un goulet obscur où crachotaient quelques torches menait aux geôles. L'endroit puait. L'humidité, le salpêtre, la paille rancie, mais aussi, l'air immobile était imprégné d'odeurs plus humaines. Il comprenait maintenant pourquoi le factionnaire préférait demeurer en haut de l'escalier.
Et de fait, lorsque le Brümien arriva devant la cellule des Gamoriens, il constata le triste sort qui leur était réservé. Sur leur lit de paille défraîchie, les hommes n'avaient pas même de l'eau pour se laver et macéraient dans leur jus. Dans un coin, ils faisaient leurs besoins, qu'ils recouvraient de jonchée moisie. Par ailleurs, les captifs étaient allongés. L'un était immobile, peut-être mort. Certains haletaient.
Des regards fiévreux se tournèrent vers lui, sans expression particulière. Le chevalier fit jouer les clés dans sa main, en essaya quelques-unes jusqu'à trouver la bonne et ouvrit. Ils étaient neuf, mais pas un qui semblât avoir l'énergie de s'en prendre à lui. Ils sont affamés. Et les blessures n'étaient pas belles à voir.
Il entra et se tint debout parmi eux. « Bon, je vous présente la situation, dit-il en s'efforçant de respirer le moins possible de cet air vicié. Vous êtes prisonniers dans les cachots de Belius, Double-Poitrail, seigneur du Foyer. Je ne sais pas si vous connaissez le gaillard, mais ce n'est pas un cœur tendre. Et c'est un Brümien, du clan Caldr. Ça signifie qu'il ne vous aime pas beaucoup, vous voyez ? »
Aucune réaction. À part peut-être un râle, provenant du corps immobile. Il n'était peut-être pas mort après tout. Mais si ça continue, ces gens vont crever. Et il pourra les torturer tant qu'il voudra, il n'en obtiendra pas grand-chose. « J'ai quelques questions à vous poser. Si vous y répondez, je ferai en sorte que vous soyez nourris et soignés, et que votre cellule soit nettoyée. Qu'en dites-vous ? »
Toujours pas de réponse. Et avec cette putain d'odeur, c'est moi qui me lasserai le premier... Corbeau soupira, et la bouffée d'air suivante lui souleva le cœur. Ses yeux tombèrent sur l'homme, rasé et tatoué, qui avait défié Belius du regard. Le meneur. Le chevalier s'accroupit à côté de lui. « Je ne sais pas si tu tiens à ta propre vie, ou à celle de tes hommes, mais tu ferais bien de m'écouter. Là-haut, y a pas mal de gens qui ont une dent contre vous, et le seigneur n'est pas le moindre d'entre eux. Moi, je ne suis pas originaire du Foyer, je ne connais rien des Gamoriens, je me fous pas mal de votre sort. Pour vous, je suis donc ce qui ressemble le plus à un allié. » L'autre lui rendit son regard. Il y discerna de la fierté, mais aussi de la résignation. Sa voix s'adoucit. « Je te conseille de coopérer. Ça vaudra mieux pour tout le monde. »
Le Gamorien secoua la tête et parla d'une voix éteinte, sèche comme un vieux parchemin. « Foutaises. Quoi qu'il arrive, nous allons mourir... Je l'ai lu dans ses yeux. »
Corbeau se redressa et se frotta le menton. Il n'obtiendrait rien ainsi. Son regard parcourut la cellule répugnante et il froissa le nez. « C'est pas possible, cette porcherie, même pour moi, finit-il par lâcher. Je vais faire un geste. On va vous nettoyer tout ça, vous nourrir, vous soigner, je vais tenir toutes mes promesses avant même que vous ne parliez, ainsi vous aurez la preuve de ma bonne foi. Et ensuite, vous répondrez à mes questions. Ce sera soit ça, soit d'abord passer entre les mains du Double-Poitrail. »
Une fois encore, seul le silence lui répondit. Mais Corbeau était bien décidé à agir selon ses propos, ne fût-ce que pour son propre confort.
Il quitta les geôles, remonta l'escalier et interpella la sentinelle. « File me chercher une demi-douzaine d'hommes sur l'esplanade. Qu'ils viennent avec des seaux, des loques, de la paille fraîche et tout ce qui leur sera nécessaire pour rendre ces cellules vivables.
-Ser, Belius nous a demandé d'les faire jeûner et croupir un peu, comme il dit.
-Ils ont assez croupi. Ensuite, tu iras me chercher Soraya. Il y a des blessés dont il faut s'occuper. Enfin, tu rapporteras de l'eau fraîche, du pain et du fromage. » Le soldat le regarda avec des yeux ronds. « Et c'est urgent !
-Bien, ser ! »
L'homme s'en fut au pas de course.
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