XIX Une rencontre secrète (1)
L'entrée de la mine était déserte.
Il y régnait une obscurité totale et le Brümien alluma une torche pour inspecter les environs. La lumière couvrit les parois rocheuses de reflets agités et jeta des brillances sur les éléments métalliques ; les ferrures qui cerclaient les tonneaux alignés, les outils des mineurs, pelles, pioches et longues tiges reliées à des câbles, ainsi qu'un imposant dispositif dont l'élément principal était une énorme roue d'acier. L'engin impressionna Corbeau de par ses dimensions et son aspect complexe. Il n'avait jamais mis les pieds dans une mine d'essence.
« On doit descendre ? demanda Gunthar.
-Non. Nous avions rendez-vous à l'entrée de la mine. Elle devrait déjà être là.
-Alors on fait quoi ? »
Le chevalier détourna les yeux de l'immense mécanisme. « On attend. Un peu. » Il s'approcha d'un gros rocher et s'y assit. « Et si personne n'arrive bientôt, nous partons. À pied. »
Le Gamorien s'installa à côté de lui. « Sacrées petites installations, dis donc.
-En effet. J'avais vaguement entendu parler des exploitations d'essence, certaines sont colossales... et ceci est une petite mine.
-Pareil, je n'en avais jamais vu. La magie des arcanistes a permis de forger ces grands trucs, là derrière, et d'exploiter les filons plus intensivement encore. » Il émit un petit rire de dérision. « Le commerce d'essence s'alimente ainsi lui-même. Et le monde se porte encore un peu plus mal...
-Comment ça ?
-Eh bien, tu sais, ça n'a pas toujours été ainsi. Les tempêtes, la nature qui se rebelle et se meurt, les pays qui tombent en poussière... on appelle ça le Déclin. »
Corbeau fronça les sourcils. « J'ai entendu dire que c'est la trahison d'une antique confrérie de chevaliers qui a déclenché un conflit avec le Cercle et précipité le monde dans le chaos.
-Ouais, j'ai entendu aussi. Les chevaliers Malégides qui ont trahi leurs maîtres, la guerre, la défaite des rebelles...
-Tu n'y crois pas ?
-C'est un peu facile de leur mettre tout sur le dos, non ? » Il haussa les épaules. « Parmi les réfugiés refoulés aux portes du Himmland, y avait ce gars, Hallebert. Un original. Un de ces scientifiques venus d'Ybohr. Il disait que les signes du Déclin étaient déjà apparus avant la trahison. Petit à petit. Il disait aussi qu'on puisait trop d'essence et que c'était pas bon pour notre monde. Peut-être en effet que la guerre avait été coûteuse en essence, peut-être que la guerre avait aggravé les choses, mais ça ne ferait qu'empirer, le Déclin, tout ça, si on continuait à miner comme ça.
-Je vois. Et étant donné la valeur de l'essence, je ne crois pas qu'on arrêtera de l'exploiter de sitôt. Mais le Himmland est le pays qui consomme le plus d'essence, et c'est celui qui est le moins touché par le Déclin, à ce qu'on dit. »
Gunthar haussa à nouveau les épaules. « C'est vrai, oui. Je ne sais pas. Le vieil Hallebert tenait peut-être rancune au Cercle et aux puissants de l'avoir refoulé à la frontière. Il cherchait peut-être un responsable.
-Les chevaliers qui ont trahi ont été vaincus. Il n'y a aujourd'hui plus que le Cercle pour les accuser. Ce que les arcanistes disent n'est donc pas plus fiable.
-Les vainqueurs écrivent l'Histoire, pas vrai ? »
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