VII Capitaine et maître d'armes (1)
Les bourrasques qui enveloppaient le Veilleur lui caressèrent le visage. Les cheveux courts, finalement, c'était pas mal. Plus jamais une mèche dans les yeux et puis, c'est vrai qu'il préférait son visage ainsi, finalement.
Accoudé au parapet de sa terrasse, il regardait le jour se lever sur la vallée. Une aurore dorée, promesse d'une nouvelle journée ensoleillée. Et le pays tout entier, des pinacles les plus élevés aux pentes boisées à leurs pieds, chatoyait sous les premiers faisceaux de lumière. Le lac seul restait pour l'heure plongé dans de mystérieuses ténèbres nappées de brumes.
Des bras l'enlacèrent par derrière. Mélys se blottit contre son dos. Elle n'avait pas pris la peine de s'habiller. « Tu es bien matinal, aujourd'hui. Il fait plus chaud dans le lit, auprès de moi.
-Voilà trois jours que je me repose, du moins lorsque tu ne réclames pas mes attentions. Mon épaule ne me fait presque plus souffrir. Je me sens bien. J'ai besoin de bouger. » Il se retourna face à elle et fit courir ses doigts le long de son dos jusqu'aux fesses. « Si je dois être chevalier du Foyer, je ne vais pas me contenter de me la couler douce.
-Belius profite de la vie, lui.
-Mais il est le seigneur. Et puis il m'a assigné une tâche. Une tâche qui va réclamer quelques efforts, à laquelle il va falloir se préparer. » Mélys haussa les sourcils d'un air à la fois perplexe et dédaigneux. « Qu'y a-t-il ? Tu n'approuves pas ?
-Si, bien sûr, tu prends ton rôle à cœur.
-Je sais... je ne suis pas un vrai chevalier.
-Et surtout, Belius n'est pas un vrai seigneur. Crois-tu vraiment que du sang noble coule dans ses veines ? »
Certes, le Double-Poitrail n'avait pas tout à fait les manières d'un aristocrate, mais il était bel et bien le seigneur des lieux, de fait sinon de droit. « Les titres ne signifient plus grand-chose en l'absence de rois et de royaumes.
-Tu ne m'apprends rien.
-Tu as toi-même des origines nobles, n'est-ce pas ? Tu connaissais l'ancien seigneur, lorsque la ville s'appelait Grand-Âtre ?
-J'étais sa fille. La comtesse Mélys Feuerstell. »
Corbeau accusa le coup. « J'ai tout de suite su que tu étais née noble, mais...
-Mais pas la propre fille du seigneur destitué par Belius ? » Elle sourit. « Réduite à présent à ployer devant une marchande keelyane.
-Tu parles de Soraya ?
-Sous prétexte qu'elle a fait chavirer le cœur de Belius, du moins l'un des deux, la voilà qui se prend pour une comtesse. Point de corvée pour la belle Soraya. Elle mène une petite vie préservée, un peu comme moi lorsque mon père était toujours en vie. » Elle le regarda dans les yeux. « Elle a l'air douce et gentille, elle est si belle et si fragile. Mais elle n'a pas renoncé à toute ambition. Et elle aime que les hommes se battent pour elle. Belius ne s'en rend pas compte, ou ne le veut pas. Il est ébloui. » Mélys prit le menton du Brümien dans ses mains. « Et le Double-Poitrail prend grand soin des gens qu'il affectionne. Mais tu as dû t'en rendre compte.
-C'est lui qui a tué ton père ?
-Il l'a dupé, il l'a tué et il s'est emparé du pouvoir. Comme tu l'as dit, les titres ne comptent pas sans rois ni royaumes. »
Il passa les doigts dans ses boucles dorées. « Et tu restes à son service ? Tu partages son bain ? Sa couche ?
-Ai-je vraiment le choix ? Mais, très sincèrement, je ne sais pas si l'on y a perdu au change. Mon père était loin d'être un homme bon. Il avait de nombreux esclaves, il était avide et méprisant. Belius aurait pu se débarrasser de moi, mais il ne m'a pas mal traitée. Et il est plutôt apprécié.
-Le titre ne fait pas la noblesse... »
Elle s'esclaffa. « Je n'irais pas jusqu'à lui attribuer toutes les vertus de la noblesse. Mais oui, je suppose que tu as raison. »
Corbeau déposa un baiser sur ses lèvres, puis s'arracha à son étreinte. « Les hommes ne vont pas tarder à commencer l'entraînement sur l'esplanade. Je vais me joindre à eux.
-Ne surestime pas tes forces, ser Corbeau. Gardes-en un peu pour le soir. »
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