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V Auprès du grand âtre

« Vous êtes sûr ? demanda Belius. Vous ne préférez pas recevoir des soins d'abord ?

-Certain. Tout ce que j'ai avalé depuis près de deux jours, c'est une poignée de myrtilles et une bouchée de ce porc qui embaume. Mon ventre réclame davantage d'attention que mes blessures.

-Soit, vous êtes mon invité. » Il s'installa sur un siège à haut dossier, presque un trône. « Prenez donc place à ma table. »

L'on avait apporté le cochon embroché. Les odeurs firent saliver l'étranger et son estomac gémit. Le Double-Poitrail se tourna vers ceux de ses gens qui étaient occupés à la découpe de la viande. « La première assiette est pour Corbeau ! clama-t-il. Une belle assiette, et vite ! »

La grande salle aurait dû s'appeler vaste salle. Elle était, à vrai dire, assortie au seigneur des lieux. De proportions gigantesques, celui qui l'avait fait bâtir devait s'attendre à recevoir du monde. Une vingtaine de longues tables s'y alignaient, dont cinq seulement étaient dressées pour le souper. De massifs piliers soutenaient des voûtes perdues dans de ténébreuses hauteurs que les torchères ne parvenaient guère à révéler. Même l'âtre était immense, en forme d'ogive, flanqué de tours sculptées de créneaux. Un fort au sein même de ce singulier donjon.

« Grand-Âtre ! dit Belius, remarquant son intérêt. C'est ainsi qu'on appelait cette ville, avant que je la renomme. Foyer, sans trahir le nom d'origine, m'a toutefois paru plus approprié, à une époque où les endroits sûrs se font rares. Cette salle a accueilli bien du monde. Naguère encore, il y avait du passage et notre hospitalité était réputée.

-Vous devez brûler la moitié d'une forêt lorsque vous faites un feu.

-Ha ! En effet. C'est pour ça qu'on ne fait presque jamais de feu ici. Ce pauvre vieux grand âtre est voué à rester éteint. »

On lui servit son assiette et le fraîchement dénommé Corbeau ne se priva pas pour laisser libre cours à son appétit. Tandis qu'il mangeait, la salle se remplissait, les gens du Foyer s'installaient aux tables et il percevait leurs murmures et leurs regards. L'étranger avait tué l'un des leurs. L'étranger était attablé à côté du seigneur. Toutefois, chuchotements et œillades étaient éclipsés par les yeux durs et froids de Morgan, posés sur lui. Sa cicatrice au coin de la bouche lui imposait une parodie de sourire, mais le capitaine ne desserrait pas les dents. Seule Miche, assise un peu plus loin, ne lui manifestait ni méfiance ni hostilité.

Tout à coup, une femme, menue, à la chevelure hirsute semée d'argent, arriva d'un pas boitillant. Son col et sa taille étaient bardés de colifichets, menues breloques, plumes, crânes de piafs, cailloux gravés, figurines de cire. Elle posa son bâton, dont l'extrémité était sculptée comme un écrin enserrant une pierre ambrée, et s'assit à leur table. Elle détailla le Brümien sans gêne ni inquiétude et fut la première à lui adresser la parole. « Alors c'est vous l'étranger. Pour être franche, après ce que j'ai entendu dire, je m'attendais à un type du gabarit de notre Double-Poitrail. Pas que vous soyez un freluquet, ceci dit.

-Pour la stature, votre Double-Poitrail n'a pas de rival, répondit-il, la bouche pleine.

-Sans aucun doute. » Son œil brillant continuait de le scruter. « Dites donc, vous êtes abîmé. Enfin, vous respirez toujours. Je suppose que vous avez de la veine. Eckman est mort, vous avez ouvert le cuir de Moq, et vous soupez ici avec nous. Pour le même prix, pourriez être mort, vous aussi.

-Et dire que d'aucuns persistent à me dire sans cœur ! » s'esclaffa Belius. Puis il se frappa la poitrine. « À vrai dire, je suis mieux pourvu que la plupart, car j'en ai deux.

-Oui, oui, nous connaissons la rengaine : un cœur pour l'amour et un pour la bravoure !

-Tout à fait. Et vous avez su parler aux deux, ser Corbeau. D'une part, l'amour que je voue à mon peuple d'origine, et d'autre part, votre démonstration de courage. »

L'étranger lécha la graisse sur ses doigts. « Alors vous aussi vous êtes Brümien ? »

Belius hocha la tête. « Du clan Caldr, de la tribu Assiman. Du Sud de Brüm. Malheureusement, je ne reconnaîtrais plus ma terre natale aujourd'hui... » Il tendit la main en direction de l'étrange femme, qui le lorgnait toujours. « Et Galléa aussi est Brümienne. C'est une mystique. Et elle a des visions de l'avenir. Je ne me prive jamais de son conseil.

-He he, tu n'en fais malgré tout qu'à ta tête, gloussa-t-elle.

-Mais dis-moi, Galléa, je suis curieux et mon capitaine ne partage pas mon enthousiasme. À ton avis, ai-je bien fait d'épargner notre invité ? »

La dernière bouchée resta coincée dans la gorge de Corbeau. Avait-il la faveur d'une bonne étoile ou d'une feÿ malicieuse, il n'aurait su dire. Toujours est-il qu'il avait échappé à une mort immédiate. Mais si Belius se fiait bel et bien à cette mystique, son sort dépendait peut-être des prochains mots qu'il lui plairait de formuler. Reste à espérer qu'elle n'était pas trop proche d'Eckman...

Elle émit un léger soupir agrémenté d'une moue de réflexion. « Je n'ai pas encore consulté mes runes à ce sujet. Mais j'ai rêvé d'un oiseau, d'une épée et d'une immense marée de sang. Ceci peut signifier ta fortune comme ta ruine. » Elle se tourna vers l'étranger. « Un étalon noir et une jument blanche errent dans la plaine et viennent à vous. Le premier vous propose une ruée vers une vie d'éclat et de gloire, la seconde un voyage paisible et sûr. Lequel enfourcherez-vous?

-Aucun des deux. Je me défie d'un cheval qui parle. »

Des ridules d'amusement se dessinèrent aux coins de ses yeux. « Le corbeau se nourrit indistinctement du noble ou du vil. Mais, brave seigneur aux deux cœurs, mon instinct me dit que tu as bien fait. Les Trevarïn n'ont-ils pas toujours eu une réputation de sagesse ?

-Je ne sais pas pour la sagesse, dit Belius, mais pour le divertissement, il est parfait. Ne trouvez-vous pas ? »

Tout le monde mangeait et bavardait à présent. L'atmosphère s'était un peu détendue. Corbeau fit glisser sa bouchée avec une gorgée de vin. « Vous avez parlé de problèmes et vous désirez mon aide. Je suppose que c'est en rapport avec la désertion de vos routes et la détérioration de votre sens de l'hospitalité ? »

Morgan froissa son museau, mais se garda de rien dire. Double-Poitrail, lui, pouffa. « Vous ne vous embarrassez pas à tourner autour du pot. De mon point de vue, c'est plutôt une vertu. Et vous avez raison, nos ennuis nous viennent du Cauchemar.

-Qui est le Cauchemar ?

-On ne sait pas vraiment. Un pillard, un guerrier. Un homme sans pitié ni remords. Vous n'êtes pas sans savoir que le Déclin a changé les règles. Les royaumes ne sont plus, du moins plus ce qu'ils étaient. Il n'y a plus de lois, juste des hommes pour imposer leurs vues.

-Un peu comme vous ? »

Belius esquissa un sourire de pure façade. Il aime la franchise, mais à petites doses. Prudence. Le seigneur du Foyer garda toutefois son calme. « Le Cauchemar est un tueur sanguinaire. Il ne laisse derrière lui que des charniers. Tout ce que je désire, c'est protéger mes gens des hommes tels que lui, des monstres qui prospèrent sur les ruines de notre monde. » Il piqua un morceau de viande et le fourra dans sa bouche. Le geste transpirait une colère mal contenue. « Voilà quelques mois qu'il sévit dans la région et depuis lors, tous les convois qui nous viennent, du Himmland et d'ailleurs, tous les voyageurs, les commerçants... nos propres marchands, tous, ils se font attaquer, dépouiller et tuer s'ils tombent entre leurs mains.

-Vous êtes vous-mêmes tombés sur des pillards, n'est-ce pas étranger ? intervint Miche.

-En effet. Ça ressemblait assez à ce que vous décrivez. Ils n'ont pas fait de quartier. Leur chef était un grand gaillard, avec un masque, un crâne animal, peut-être de cheval... »

Un silence accueillit ses propos. Le regard de Belius s'était allumé d'un intérêt nouveau. « Vous l'avez rencontré. Vous avez vu le visage de la mort. Et vous êtes vivant.

-C'est lui qui m'a fait ceci. » Il désigna son épaule. « Ils nous ont attaqués en pleine tempête. Et je n'ai survécu que parce qu'ils m'ont laissé pour mort.

-Vous voulez dire que vous avez fait le mort, brave chevalier ? railla Morgan.

-Pour être honnête, un moment, j'étais moi-même persuadé d'être bel et bien mort.

-Mais vous êtes là, déclara Double-Poitrail. J'y vois un signe. Et c'est une raison de plus, s'il en fallait, pour vous convaincre de combattre pour moi. Je vous donnerai votre revanche. »

Le poing de Miche s'abattit sur la table. « Notre revanche à tous ! Moi aussi je veux me battre aux côtés de l'étranger. Le Cauchemar m'a emporté un frère, et des amis.

-Voyez comme votre présence est inspirante, ser Corbeau, se réjouit Belius. J'ai tout de suite discerné votre potentiel. »

Mais son capitaine éclata de rire. « Voyez-vous ça ? Votre chevalier à deux sous va lever une troupe parmi nos femmes. Et nos enfants, et nos vieillards aussi, pourquoi non ? Sûr qu'on avait bien besoin de ça. Voilà qui devrait fort divertir le Cauchemar.

-Il suffit de m'apprendre, se vexa Miche. Si je te plante un pied de métal dans le corps, crois-tu que tu t'en porteras mieux que si c'est un homme qui tient la lame ?

-Aradelle, tu te ridiculises. Tu seras moins fière quand ces bandits t'auront désarmée et te violeront à tour de rôle. »

Corbeau sauça son assiette à l'aide d'un bout de pain. « Les femmes désireuses de porter les armes tenaient le rang aux côtés des hommes, dans certains clans Trevarïn. » Il enfourna sa dernière bouchée. « Mon père avait coutume de dire qu'il préférerait affronter une grogne d'hiver à poil qu'une phalange de ces furies. Hargneuses et indomptables, surtout si leur foyer est en jeu, elles seront néanmoins toujours sous-estimées. »

Morgan le foudroya de son regard le plus noir. Pas ce soir que je me gagnerai la sympathie de celui-là.

« Ne fâchez pas mon capitaine, voulez-vous ? dit Belius. Après tout, vous allez devoir travailler ensemble. Je crois que nous avons eu assez de tension pour aujourd'hui. Laissons de côté les disputes. » Il s'essuya les mains et la bouche, et se resservit du vin. « Galléa, veux-tu nous divertir avec un peu de ta magie ?

-Si ça peut te faire plaisir, et si les dieux me prêtent force.

-Montre-nous donc le dragon de feu rugissant. »

Corbeau se tendit sur sa chaise. Il avait entendu tant et plus de choses sur les arcanistes, sur leurs prodiges. Des gens soumis et utilisés comme des marionnettes, la mort donnée d'un simple regard, des armées emportées dans un déluge de flammes... Le géant de pierre, le Veilleur du Foyer, était un produit de leur science. Lui-même avait déjà croisé des arcanistes, ou de prétendus magiciens. Mais l'époque les poussait à se faire discrets et jamais il n'avait été témoin de leurs exploits, du moins pas consciemment. Sauf une fois...

La mystique entama une sorte de chant. Une vibration davantage qu'une chanson. Elle se mit debout, saisit son bâton et leva les mains au-dessus de sa tête. Les variations qu'elle imprimait à sa voix tendirent peu à peu vers les aigus et résonnèrent sous les voûtes. Les poils se hérissèrent sur la nuque du Brümien.

Il crut percevoir une onde, un flux invisible, à travers la pièce. Personne n'y paraissait indifférent, mais il se demanda si tout le monde le percevait avec autant d'acuité que lui. Un frisson lui remonta l'échine et tout à coup, un froissement de l'air produisit un son comparable à une étoffe qu'on déchire. Des étincelles lumineuses apparurent autour des mains et du bâton tendus. Une fontaine de projections rougeâtres produisant plus de fumée que de lumière, et une curieuse odeur de brûlé. Galléa tremblait et suait à grosses gouttes. Les volutes dessinèrent une vague ondulation qui aurait pu passer pour le corps sinueux d'un serpent, mais sans plus.

L'étrange manifestation voyagea un instant au-dessus des tables. Juste un instant. Puis la mystique retomba sur sa chaise, essoufflée, et les lueurs s'évanouirent. Corbeau s'était attendu à... autre chose. Au moins à voir un dragon. Il se sentait un peu bête de s'être inquiété. Et cependant, le sortilège lui laissait une drôle d'impression, lui faisait l'effet d'une transgression.

« Nous avons déjà mieux vu le dragon ! s'exclama Belius. Ce n'est pas notre invité qui t'intimide, dis ? » Galléa s'épongeait le front et ne répondit pas. Puis il se tourna vers Corbeau. « Dis donc, ça n'a pas l'air d'être la grande forme pour vous non plus. Vous allez bien ?

-Je... j'ai besoin de repos, je crois.

-Mais bien sûr. J'avais presque oublié dans quel état vous étiez. » Il frappa dans les mains. « Femmes, occupez-vous donc de notre chevalier ! Soraya, tu es notre meilleure guérisseuse. Prépare-lui tes potions. Je veux qu'il se rétablisse au plus vite. »

Deux des filles du bassin s'approchèrent et l'aidèrent à se lever. La tête lui tournait, et pas uniquement à cause du vin. Miche vint leur prêter main forte et ils s'éloignèrent. Comme ils quittaient la grande salle, la voix du Double-Poitrail retentit dans leur dos : « Et n'hésitez pas à faire preuve d'hospitalité. Je veux qu'il se plaise parmi nous. »


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