3 décembre
— Je n'aurais jamais cru dire cela un jour, murmura Ereyne, allongée dans son lit, les yeux rivés vers le plafond. John me manque. J'aimerais qu'il soit là.
A côté d'elle Zelyan écrasait trois oreillers sur ses tympans. Etendu sur le flanc, l'immortel luttait contre une impérieuse envie de se rendre sourd. La chambre était plongée dans la pénombre d'une nuit glaciale dont la quiétude était troublée par des éclats de lumières multicolores. Au pied de Woodcastle se déroulait une fête des plus joyeuses. L'équipe du village vacances avait sorti les grands moyens et les projecteurs.
Résigné, l'immortel jeta ses oreillers au bout lit. Les moelleux mélanges de plumes d'oies retombèrent sans grâce sur Ling qui subissait avec eux cette torture depuis sa cage dans les enfers.
– John ? Il serait déjà en bas en train de les bouffer.
Une unique larme coula le long de la joue rosée d'Ereyne.
— Justement.
Dormir, elle voulait simplement dormir, que ce capharnaüm incessant ne soit plus qu'un lointain souvenir. Hier les engins de chantiers, aujourd'hui les touristes, la vie à Woodcastle était devenue un enfer. La jeune femme envisageait même de partir.
Excédé par un énième rai de lumière, Zelyan repoussa les couettes et se leva. Il eut la bonté d'enfiler un pantalon pyjama et s'en fut dans les escaliers non sans claquer la porte derrière lui. Epuisée mais curieuse, et dans l'impossibilité de fermer l'œil, décida de le suivre. Elle glissa ses pieds dans de doux chaussons fourrés, s'enveloppa d'une longue robe de chambre rouge qui recouvrit sa robe de nuit blanche et partit à sa suite. Elle marcha derrière lui à travers les étages, les lampes s'allumant sur son passage. Quelques serviteurs s'affairaient à nettoyer les lieux. Ils dépoussiéraient sans relâche le moindre centimètre carré chaque nuit, lorsque les hôtes dormaient. Ils n'avaient plus eu besoin de sommeil depuis leur mort et s'activaient nuit et jour sous les ordres de Fitz. Tous n'avaient pas connaissance de leur état décédé, ils le découvraient au cours de cette seconde existence, parfois peu après le décès, rarement après leur premier siècle de servitude. Il n'était donc pas inhabituel d'entendre les cris d'effarement du serviteur réalisant sa mort. La peine, la douleur et le déni étaient les premiers symptômes, les premières étapes de ce deuil de leur vie à faire. La plupart atteignaient le stade de l'acceptation et retournaient à leurs tâches au bout de quelques jours mais certains en perdaient la raison. Ceux-là, ainsi que ceux qui tentaient de fuir, étaient capturés par les murs et les sols. Ils venaient ainsi renforcer les protections magiques du château.
— Zelyan ! cria Ereyne alors qu'il disparaissait au détour d'un couloir, où vas-tu ?
Elle accéléra le pas et le suivit jusqu'à la porte menant aux remparts. Il sortit, et la bourrasque gelée qui s'engouffra dissuada l'immortelle d'aller plus loin. Elle courut en arrière, monta d'un étage et pénétra dans une grande salle emplie de bibelots avant de se précipiter vers la large façade courbe vitrée. D'ici, il y avait de jour une vue magnifique sur les remparts et le lac.
Elle observa le paysage à la recherche de son compagnon et remercia silencieusement sa maison d'être magique. Zelyan n'ayant aucun problème de vision nocturne, il ne s'encombrait pas lumière, cependant, les torches des remparts s'enflammèrent sur son passage et Ereyne put donc le voir. Elle vit s'arrêter au-dessus des intrus, se pencher vers le sol, saisir quelque chose et le lancer en direction du village.
— Mais ? s'étonna-t-elle.
Il recommença plusieurs fois son manège et Ereyne réalisa aux traces qu'il laissait sur les pierres des remparts qu'il faisait des boules de neige.
Le Diable lançait des boules de neige sur des touristes...
— John, reviens !
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Merci d'avoir lu ce chapitre !
Axel.
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