24 Décembre
Agathe avait oublié à quel point l'amour pouvait être bénéfique. Un sourire pouvait vous réconforter, un câlin vous réchauffer, des mots gentils vous éclairer toute une journée. Elle avait oublié ce que cela faisait d'en recevoir, mais elle avait également oublié d'en donner, de l'amour.
Assise sur les marches enneigées de sa maison, Agathe tenait Kanda couchée sur ses genoux, alors que celle-ci mordait gentiment les doigts de la jeune fille, ce qui l'attendrissait amoureusement. Au final, Kanda était comme elle. Elle aussi avait vécu des choses tristes, avait perdu fois en l'être humain, et était momentanément craintive, mais toutes les deux, ensemble, elle repartait pour une nouvelle vie.
La vieille au soir, quand l'homme du refuge avait trouvé Agathe entourée de ses chiens, il l'avait conduit dans sa petite maisonnette de marché de Noël. Elle lui avait tout expliqué. Son père qui les avait abandonnés, son frère qui était parti, sa mère qu'elle aimait malgré tout et qu'elle voulait aider, ainsi que leur descente aux enfers, mais également les bons moments qu'elle avait passé. Elle en avait peu, certes, mais elle ne les échangerait contre rien au monde. Elle lui a parlé du SDF qui se trouvait dans sa rue, qui lui aussi repartait pour une nouvelle vie. Elle lui a raconté les folles histoires qu'elle avait eu avec un Blonk, et la tristesse éprouvée depuis qu'elle l'avait perdu. Elle était partie dans un long monologue où elle racontait une énième fois pourquoi les étoiles étaient ses amies. Elle le remerciait également d'avoir été là ce jour-là, de lui avoir présenté Kanda, et de l'avoir écouté quand elle lui racontait ses problèmes.
Et maintenant, l'éleveur de chiens était dans la maison d'Agathe, accompagné d'un ami qui travaillait dans un centre de désintoxication, elle n'avait pas bien compris. Toujours assise sur les marches devant sa maison, elle entendait, nostalgique, la voix de sa mère, qu'elle n'avait pas ouï depuis des mois. Elle ne discernait que des brides de conversation, mais à chaque fois, elle entendait l'ami de l'homme au chien lui parler calmement et posément, tandis que sa mère s'excusait énormément, mais Agathe ne saisissait pas bien pourquoi.
La porte d'entrée s'ouvrit d'un coup, ce qui effraya la jeune fille, qui se leva d'un bond, Kanda toujours dans ses bras, comme une peluche. En sortit l'homme du refuge, qui arborait un véritable sourire aimant. Il s'assit lui aussi sur les marches, et fit signe à Agathe de s'y réinstaller.
« Ta maman accepte de partir en cure de désintoxication, expliquait l'éleveur. Mon ami lui a tout expliqué : la disparition de ton frère, ce que tu avais vécu, et à quel point tu étais mal. Elle s'est excusée mille fois. Il faut lui pardonner tu sais. L'alcool fait des ravages, et vous en êtes une preuve. Maintenant, il faut juste savoir où tu vas vivre...
-Avec vous ! s'exclamait la jeune fille. Je veux partir avec vous, m'occuper des chiens, leur redonner confiance en l'être humain ! Les aider à repartir pour une nouvelle vie ! Je vous en supplie monsieur !
-Ne t'excite pas Agathe, nous y avions déjà pensé, et c'est la meilleure solution que nous puissions avoir. Pour toi, comme pour nous. Et comme pour Kanda... Je voulais justement te proposer de venir avec moi t'occuper des chiens. Tu es partante ? ».
Agathe voulu répondre joyeusement, mais ce fut Kanda qui lui coupa la parole en aboyant, pour donner réponse.
« Alors on peut dire que tu es d'accord, rigola l'éleveur. Tu voudras certainement récupérer des choses ici, n'est-ce pas ? Va si, je m'occupe de Kanda ».
Agathe rentra rapidement dans la maison. Dans le salon, il y avait de nouveau de la lumière qui emplissait la pièce, les fenêtres ouvertes remplissaient la pièce d'air, ce qu'elle n'avait pas eu depuis longtemps. Sans un mot, Agathe se baissa à la hauteur de sa mère, la câlinant encore plus fortement que la veille.
Sa mère ne dit rien. Elle non plus.
Alors qu'elle montait les escaliers pour parvenir à sa chambre, toute la tristesse qu'elle avait éprouvée pendant des mois et des années lui remonta à la figure, sans prévenir. Elle se mit un instant à penser, en entrant dans son antre, que ça ne servirait à rien ce qu'elle avait fait, ça ne servirait à rien d'être allée chercher l'homme aux chiens. Un nouveau départ ne pourrait jamais effacer les blessures du passé. Mais elle vit, toujours au même endroit, posé sur son bureau, son calendrier de l'avent. Elle le prit dans ses délicates mains, et d'un coup sec, le déchira en dizaine de petits morceaux de cartons, qu'elle jeta rageusement par sa fenêtre, identique à celle que son frère avait emprunté quelques temps auparavant pour fuir. Elle les regarda tomber un à un, jusqu'à qu'il n'en reste plus aucun à virvolter. Voilà. C'était eux, les blessures de son passé, et elles s'étaient déchirées.
« Soit meilleur l'année prochaine, d'accord ? ».
Elle prit dans un petit sac le peu d'affaires précieuses qu'elle avait, comme ses vinyles, sa guitare à côté et les lettres qu'elle avait écrites pour des personnes imaginaires. Elle laissa là son cheval à bascule, son sapin home made, et les souvenirs tristes qu'elle avait encore au fond d'elle. Puis elle descendit une dernière fois, rejoindre Kanda, et l'homme aux chiens.
FIN
Ici s'achève la première partie de l'histoire d'Agathe. La seconde partie débutera un 1er décembre 2017, quand une jeune fille qui avait prit un nouveau départ ouvrira la première fenêtre de son calendrier de l'Avent.
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