On ne pouvait pas vraiment qualifier la vie d'Agathe de difficile.

Certains vivaient des choses atroces, qui n'étaient rien comparées à ses problèmes à elle.

Pourtant, quand tous les soirs, à chaque fois qu'elle rentrait, elle découvrait sa mère allongée sur leur canapé défoncé, une bouteille à la main, lui criant qu'elle n'était qu'une égoïste, sans aucune raison, Agathe avait mal. Quand elle montait les escaliers doucement, histoire que personne ne la remarque davantage, et qu'elle sentait l'odeur de joints émanant de la chambre de son frère, elle devenait triste. Et quand, dans un élan de courage, elle décidait d'appeler son père, alors normalement en tournée, et que le principal intéressé ne répondait pas, là, elle pouvait se laisser aller et craquer.

Peut-être que, finalement, Agathe avait une vie dure.

Mais elle reprenait confiance, en se disant qu'elle aurait pu être à la place du clodo qui traînait en bas de son quartier.

Et puis, pour une fois, elle avait trouvé une manière de façonner son bonheur.

Ce soir-là, en entrant dans sa chambre silencieusement, elle sortie de son sac un bout de plastique, décoré aux couleurs de Noël. Les couleurs que la jeune fille aimait tant.

Elle le posa contre le mur près de son bureau, à côté d'un dessin douteux.

Elle n'avait pas acheté de calendrier de chocolat. Ni avec des jouets, ni avec des produits de beauté comme ceux que les riches filles de son école possédaient. Non, elle, elle avait fait simple.

Elle avait acheté un calendrier avec des images.

Elle se disait que les produits de beauté, elle n'aimait pas ça, que les Playmobil étaient pour le voisin, que le chocolat était vite fondu ou mangé, et finalement disparu, alors que les images, elles, étaient éternelles. Agathe pourrait ainsi les regarder encore et encore.

Elle pourrait revivre à foison un Noël idéal qu'elle n'avait plus vécu depuis longtemps.

Elle ouvrit la première fenêtre du calendrier et y découvrit des enfants qui s'amusaient gaiement dans la neige. Et elle s'imagina à leur place.