Chapitre 15
« L'amour est sûrement la chose la plus belle en ce monde. Et c'est notre devoir en tant qu'humain de le protéger. Notre devoir à tous. Si j'avais pu, j'aurais empêché mes enfants d'aller à la guerre. J'aurais interdit à mon fils, mon Wren adoré, de se sacrifier pour que vive l'humanité. Mais je l'ai élevé pour être bon avec les autres. »
Extrait des Mémoires de la Générale Abbot - 2055
Élora.
Wren était un homme extraordinaire et je m'en voulais un peu plus chaque jour de lui mentir. Je m'étais rapprochée de lui pour de mauvaises raisons, mais mon cœur avait retrouvé un écho dans le battement du sien. Je l'aimais et même s'il ne me l'avait pas dit, sa tendresse à mon égard me laissait peu de doutes sur ses sentiments. Lui aussi m'appréciait beaucoup. J'avais vraiment hâte de le présenter à mes parents. J'avais prévu un dîner dans deux jours avec ma famille et lui.
Mais pour le moment, j'étais concentrée durant le conseil d'administration. J'étais l'une des plus jeunes veep de l'entreprise et je devais assister aux réunions. Les actionnaires, minoritaires, étaient agités, mais mon père gardait un regard calme. Il m'adressa même un sourire.
– Écoutez, finis-je par intervenir. Ce ne sont pas quelques collages qui vont empêcher une des plus grandes industries au monde de fonctionner. En revanche...
Je relevai les yeux pour englober la salle. Je n'avais pas besoin d'entrer dans leurs têtes pour savoir ce que cette bande d'incapables pensait. « Elle est jeune. » « Elle ne sait pas ce qu'elle dit. » « Elle est là à cause de son nom uniquement ». Je plissai des yeux.
– Les accusations dont nous avons été les victimes peuvent être utilisées à notre avantage. Nous ne sommes pas des... Assassins d'humains. Au contraire, nous voulons préserver l'humanité, c'était la raison d'être de mes aïeux et c'est celle de tous les Montalemont à travers le globe. Nous préservons et nous devons nous montrer transparent.
Je n'avais pas été informée par le GAC de ces collages et quand je les avais vus, j'avais été choquée. Je l'avais pris pour moi alors que j'étais l'une des leurs. Je partageais leurs idées, mais ils m'avaient exclus. J'avais loupé certaines réunions, préférant rester en compagnie de Wren, mais... je me sentais un peu mise à l'écart. Je n'en avais pas encore fait état à H, mais ça allait venir sur le tapis à un moment.
– Transparent ? Vous voulez faire des portes ouvertes peut-être ? me railla l'un des actionnaires.
– Faire une déclaration claire sur notre volonté d'aider l'humanité et uniquement l'humanité. Mais si vous voulez sacrifier vos week-end pour des portes ouvertes, monsieur, je vous en prie. Faites. En ce qui me concerne, j'ai bien d'autres tâches à effectuer que de jouer les guides. Je dois notamment m'assurer que vos 1% de capital vous rapporte de l'argent chaque année.
Mon père me donna un coup de pied au niveau du mollet, mais c'était une inutile. Je posai mes coudes sur la table, retenant mon visage.
– Donc si vous êtes tous d'accord, je pense qu'il faudrait faire un communiqué dans les plus brefs délais. Je peux m'y atteler au plus vite et vous transmettre un projet d'ici la semaine prochaine.
Mon père ne tarda pas à mettre fin à la réunion, et moi, je filai dans mon bureau. J'étais assez agacée. Depuis quelques jours, je voyais de l'agitation incompréhensible sur mon forum de discussion. Je devais bien avouer que depuis les tags sur l'usine de ma famille, j'étais un peu choquée. Assassin d'humains. J'avais gardé mon anonymat autant que possible, mais je refusais que ma famille paye les pots cassés.
On frappa à la porte de mon bureau et mon père entra.
– Élora.
– Oui, je sais, j'aurais dû garder mon calme mais ils m'ont énervée.
– Non, tu as bien fait. Par contre, tu n'écriras pas la déclaration. Je vais demander à un assistant de le faire. J'ai besoin de toi pour autre chose. J'aimerais que tu m'accompagnes quelque part. Prends ton manteau.
Mon père m'attendit le temps que je prenne mes affaires et m'emmena sur le toit de l'entreprise où un hélicoptère nous attendait. Il décolla alors que nous étions à peine installé dedans. J'adorais voler ainsi.
– Nous allons à Vancouver, m'expliqua-t-il. J'ai demandé au reste de notre famille de s'y rendre également. Ne t'inquiète pas, j'ai fait envoyer une note auprès de ton compagnon lui demandant de nous rejoindre là-bas.
– Attends... tu le connais ?
– Un lieutenant de police qui se prénomme Wren, ça ne court pas les rues !
– Et qu'elle est donc cette raison si importante que tu nous fasses tous quitter le pays ? Une menace ?
Il me lança un regard profond qui me fit perdre de ma superbe.
– C'est une plaisanterie ?
– Les menaces que j'ai reçues te visaient particulièrement et je refuse de te mettre en danger. J'ai tenté de sonder nos actionnaires pour savoir si l'un d'eux est responsable de ça mais ce n'était pas le cas. Apparemment, les collages et manifestations devant notre entreprise ont eu raison de certaines personnes. J'ai demandé à tous les Montalemont de se réunir à Vancouver dans notre résidence ultra sécurisée. La nôtre de Seattle est trop exposée.
J'étais abasourdie. Je lui demandai de me montrer les éléments.
– Ils ont été transmis à la police mais voici les photos des courriers.
Constitué de mots minutieusement découpés, les courriers étaient insultants au possible.
– Papa ? Tu ne peux pas les prendre au sérieux ?
– Ils étaient accompagnés de photos de toi en compagnie de ton nouveau petit-ami. De vous deux dans la rue... sur plusieurs jours. Je préfère que nous passions quelques jours à l'écart pour mieux comprendre la situation. Le chef de la sécurité est sur le coup.
J'avais été suivie sans m'en rendre compte... alors que j'étais avec Wren ? Nous suivaient-ils lorsque nous étions aux Chutes, tous les deux ? J'en tremblais malgré moi et je n'eus qu'une seule envie, contacter Wren pour lui présenter mes excuses. J'attendis d'être à Vancouver dans notre maison secondaire pour le faire. Il me répondit immédiatement.
« C'est moi qui suis désolé, si j'avais été suffisamment vigilant, ça ne serait jamais arrivé... »
Il était si prévenant, si... adorable. Seigneur, j'avais l'impression que mes sentiments pour lui se raffermissaient chaque jour un peu plus. Ce devait clairement être le cas. Je prévins Wren qu'il devrait sûrement prendre avec lui certains vêtements afin de passer quelques jours dans ma famille, puis, je me laissai tomber sur mon lit. J'avais envie qu'il arrive rapidement, mais en même temps , je n'avais pas pu le préparer à survivre dans ma famille.
On frappa à ma porte et mon grand-père rentra dans ma chambre en souriant. Il me paraissait inquiet. Je tapotai le matelas à côté de moi et quand il fut installé sur mon lit, je posai ma tête sur ses cuisses, comme je le faisais enfant. Je me sentais bien, là.
– Je suis ravi de rencontrer ton petit-ami, même si d'autres circonstances auraient été mieux que celles-ci.
– Il est absolument génial. Il est capable de se montrer très fort et pourtant, on sent qu'il peut être vulnérable.
– Ce doit être un homme bien. Je suis rassuré de savoir que tu es entre de bonnes mains. Des mains qui peuvent te soutenir quand tu ne vas pas bien. Des mains capables de t'applaudir pour te soutenir. C'est ce que j'espère pour toi.
– Elles ont quelques cicatrices, mais elles sont solides, ses mains. Il me fait un peu penser à GrandPa. J'aurais tout donné pour qu'il soit avec nous, là.
– Moi aussi. Mon père t'adorait, tout comme tes cousins, mais avec toi, il avait un lien particulier. Je pense que tu lui faisais penser à Maman. Tu es forte, comme elle. Ton Wren ne pourra que le voir.
Sa voix venait de s'infléchir, comme à chaque fois qu'il parlait de GrandMa. Je me redressai pour lui avouer que j'avais subtilisé l'un des carnets de Wren Abbot et que j'avais récupéré une photo d'elle. Je glissai sur le matelas avant de lui montrer.
– Je l'ai piqué dans un des carnets de Wren Abbot. Tu m'en veux ?
– Non. Personne ne sait qu'ils sont chez nous de toute façon. Je ne crois pas que le monde sache qu'il a écrit ces carnets. Peut-être devrais-je les remettre à sa famille. Ce serait bien, tu ne crois pas ?
– Il a de la famille ? demandai-je étonnée.
– Le lieutenant avait une sœur qui a eu des descendants. Lui... je ne vais pas t'apprendre les liens de notre famille avec lui. Je vais demander à te faire encadrer cette photo de ma mère, ajouta-t-il après un instant de silence. Et si tu le permets j'aimerais en faire des copies pour notre album de famille.
Je lui souris tout en acquiesçant. Quand il me laissa seule, je fis craquer mon cou. J'étais fatiguée par toute cette histoire. Qui avait bien pu nous suivre et menacer ma famille ? Et dans quel but ? J'allais juste perdre un peu plus de liberté. Depuis mon agression, je me sentais mal à l'aise partout, mais maintenant... j'allais me sentir scrutée. Ce serait encore pire qu'avant.
Je finis par sortir de ma chambre pour rejoindre le salon où ma mère lisait tranquillement. En me voyant arriver, elle me fit signe de m'approcher d'elle.
– Ne te fais pas de soucis. Nous avons prévenu nos meilleurs détectives pour trouver qui est à l'origine de ces lettres. Je ne veux pas que tu t'enfermes de nouveau sur toi-même.
– Je n'en ai pas envie du tout. À chaque fois que je sortais de ma chambre, j'étais terrifiée, tu sais. Je n'ai pas du tout envie de revivre ça. Jamais. Mais...on s'en prend encore à moi. C'est...
Je me tus, incapable de continuer ma phrase. Ma mère caressa ma joue et m'embrassa tendrement sur la tempe.
– Je comprends mon petit ange, je comprends.
Elle allait continuer de parler lorsque je fus informée de la présence de Wren au dehors par le Majorbot de notre maison canadienne. Je me redressai sur mes jambes, me faisant la promesse que je devais parler avec ma mère, avant de filer au dehors. Le froid était encore saisissant, mais la simple vision de Wren dans son manteau me réchauffa. Il souleva négligemment son sac par dessus son épaule avant de tourner les yeux vers moi. Son sourire en coin affola les battements de mon cœur. Je descendis les marches qui nous séparaient, courus vers lui et retrouvai la force sécurisante de ses bras. Il ne pouvait rien m'arriver tant qu'il était là. Mon corps entier me le clamait. Mon cœur aussi d'ailleurs.
– Je suis tellement désolée pour tout le dérangement.
– Passer du temps avec ta famille et toi, ça ne me dérange pas du tout.
Il paraissait sincère tandis qu'il bisait ma tempe. Nous pénétrâmes dans la maison et le Majorbot prit les affaires de Wren.
– Vous pouvez installer les affaires de M.Abbot dans ma chambre, indiquai-je avant de l'entrainer vers le salon.
Ma mère était toujours en train de lire et elle se leva pour accueillir notre invitée. Je vis une lueur étrange dans son regard alors qu'elle souhaitait la bienvenue à Wren dans notre maison.
– Merci à vous de m'accueillir dans votre charmante demeure.
– La route a été longue, je vais te montrer notre chambre. Tu as sûrement envie de te débarbouiller un peu.
– Je vais vous faire monter une boisson chaude. Un Chaï tea, ça vous irait ?
– Ce serait parfait.
– C'est sa boisson préférée en plus ! Tu tombes piles dedans !
Je me mis à rire, ma mère esquissa un sourire avant de donner des indications à nos robots domestiques. J'entrainais Wren en dehors du salon, direction ma chambre. Il observait les lieux avec amusement.
– Qu'est-ce qui est drôle ?
– Tu es vraiment une petite princesse, Miss Élora.
– J'aime profondément cet endroit. GrandPa m'a appris à faire de la luge ici. Il voulait m'apprendre les joies qu'il avait eu dans son enfance et il a réussi. Et voilà notre royaume pour quelques jours, lieutenant.
Je le laissai découvrir ma chambre. Elle était suffisamment spacieuse pour nous deux. Son sac était déjà déposé dans un coin, près de la commode pour qu'il la défasse. J'avais des vêtements à l'année dans le dressing.
– Dis-donc, tu voyages léger, toi ! ris-je.
– Sachant que je dors rarement en pyjama, je n'ai pas vu l'intérêt d'en prendre un ici. Surtout que tu vas sûrement me le retirer pour profiter de mon corps.
Je pouffai de rire devant sa remarque avant de le faire tomber sur le lit.
– Je te le confirme.
Je l'enjambais avant de plaquer ses mains sur le matelas. Il avait toujours son arme sur lui, bien rangée dans son holster.
– Tu n'en auras pas besoin ici. Tu peux la poser dans la table de nuit. Par contre... tu vas laisser tes menottes en évidence.
– À vos ordres, madame.
Je me sentais à ma place avec lui dans cet environnement. Je craignais un peu de le présenter à ma mère, mais finalement, ça c'était bien passé. Un domestique vint nous apporter des boissons alors que Wren avait investi la salle de bain. J'attrapai les deux tasses et poussai la porte. Je lui avais proposé un bain chaud et il était assis dedans, les yeux mi-clos, un léger sourire sur les lèvres.
– Tu comptes me rejoindre un jour, Élora ?
– Je pensais que tu ne me le demanderais jamais.
Je me déshabillai pour rentrer dans le bain près de lui. Il me serra contre lui avec affection. Je caressai du bout des doigts ses cicatrices.
– Mon oncle a mis au point une pommade, si jamais tu veux retirer un jour tes cicatrices.
– Elles font partie de moi. Elles me rappellent qu'il faut en profiter. Elles me rappellent que je suis en vie malgré les efforts. Que je suis fort.
Je me tournai pour lui faire face.
– Mais si tu ne les aimes pas... continua-t-il.
– Je les aime beaucoup, moi aussi. J'aimerais connaitre l'histoire de chacune d'entre elles, mais je sais que tu as le droit d'avoir ton jardin secret aussi. Ton passé n'est pas un problème, il ne le sera jamais.
Il remit ma mèche derrière mon oreille.
– Je te raconterai tout un jour, mais pas tout de suite.
Il me ramena vers ses lèvres pour m'embrasser et me faire toucher, encore une fois de plus, le paradis.
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