Chapitre 11
« Il fait une chaleur de dingue, mais nous sommes encore là. Je donnerais n'importe quoi pour être à la plage à me prélasser. Mais ces dernières, comme en 44 sont devenus des tombeaux à ciel ouvert. »
Extrait du journal de guerre du Ltn. Col. W. Abbot - Juillet 2033
Élora
Il me plaisait. Beaucoup. Énormément. J'avais l'impression d'être une autre femme lorsque j'étais avec lui. Choyée. Et pourtant, je le manipulais. Une vague de culpabilité m'envahit. Je n'étais pas honnête avec lui. Qu'espères-tu Élo ? Il ne voudra plus de toi quand il l'apprendra, c'est un homme franc. Il allait me détester. Je ne pourrais jamais me rattraper de l'avoir trahi ainsi. Cette pensée me mena des larmes aux yeux. Je m'étais engagée dans une situation impossible. Je pensais le manipuler et repartir, mais je m'étais attachée à lui.
Je me laissai tomber sur mon lit alors que sa douceur me revenait en mémoire. Comment oublier des lèvres aussi douces et des mains aussi... expertes ? Je ne pourrais jamais. Il avait marqué mon âme de manière certaine... irrémédiable, même.
Je me redressai en secouant la tête. Enfin Élo, tu ne vas pas laisser un homme te rendre aussi bête ! Pas question ! J'allais trouver un moyen de les garder lui et mon groupe. Je reçus une notification justement du GAC. Apparemment, H voulait me voir pour l'accompagner à «l'évènement de l'année ». Je leur avais raconté ce que j'avais appris de mon père sur le projet présidentiel et nous avions convenu que nous devions tout faire pour mettre à mal cette idée ridicule. Je ne savais pas exactement ce qu'ils avaient en tête, mais l'évènement du soir allait nous aider.
Je me levai de mon lit pour ouvrir la porte de mon dressing. Je devais mettre des habits simples et passe partout. Peu de maquillage, pas de bijoux ostentatoires. Je devais passer inaperçue. J'enfilai des habits et je l'agrémentai d'une grande cape en laine noire. Il faisait encore frais dehors. La neige avait cessé de tomber, mais elle avait été remplacée par un froid vraiment mordant ces derniers jours. Je ne comptais pas mourir en allant à une soirée de H.
J'avais prévu de m'y rendre en voiture et ce, sans mon Guardbot. Rares étaient les familles qui en possédaient et je ne voulais pas détonner avec les autres. Je passai de ma chambre au garage de la maison où j'attrapai des clefs au hasard. Je frôlai le bipper et la voiture démarra avant de venir vers moi, seule. Je montais à l'avant du véhicule, retirais la conduite automatique avant de me rendre dans le lieu de rendez-vous avec H. Je lui avais promis de venir la chercher dans un bar de la ville. Il était manifestement dans un bar malfamé de la ville.
Je ne comprenais pas personnellement la raison pour laquelle nous allions toujours dans ce genre d'endroit. C'était à la fois glauque et cliché. Des bandits dans des lieux malfamés ? Pourquoi ne pouvions-nous pas nous voir en plein jour dans un lieu branché ? Je savais que tout le monde n'avait pas ma chance. J'étais née dans une famille fortunée, n'avais jamais manqué de rien, mais je ne me sentais pas supérieure aux autres.. ou du moins pas à la plupart des gens. Ma mère avait veillé au grain.
Je garai ma voiture dans un parking public à peu près éclairé avant de passer les portes des lieux. L'odeur de tabac me piqua le nez dès mon arrivée dans les lieux. Je n'avais pas retiré ma capuche mais manifestement personne ne me remarquait. Je pris mon courage à deux mains pour m'approcher du barman. Il me rappelait les images des vieux dockers que j'avais pu voir dans des livres de cours. Une barbe grisâtre, des cheveux blancs et des sourcils hirsutes mais qui pourtant dévoilaient des yeux de couleur bleu vif.
– Qu'est-ce qu'elle prendra la jolie ?
– Une Devil's. Une demie seulement.
Je posai l'argent sur le comptoir qui disparut d'un tour de main. Il colla le verre à la tireuse et le posa juste devant moi. Je lui adressai un sourire et je me retournai pour contempler les lieux. Je devais repérer H, pour ne pas paraître idiote. Peut-être n'était-elle pas arrivée. Elle m'avait donné un horaire mais ne la connaissant pas tellement, j'ignorai si la ponctualité faisait partie de son ADN ou non.
Alors que je me dégottais une table à l'écart, la clochette de l'entrée tintinnabula, me faisant relever la tête. H venait de faire son apparition en compagne de M. Je leur fis un léger signe afin qu'ils me repèrent plus facilement alors qu'ils se dirigeaient vers le bar. J'avais hâte de savoir quel était le fameux événement dont H me parlait. Munie de sa pinte, H se laissa tomber sur la chaise à ma gauche, tandis que son compagnon se glissait sur la banquette d'une propreté douteuse sur ma droite.
– Tu commences les festivités sans nous ? s'amusa la jeune femme en trinquant avec mon verre.
– Bien sûr que non.
– Tu as pensé à la cape, c'est bien. Parce que tu ne devineras jamais où nous allons ! débuta-t-elle.
– J'en ai été hyper surpris moi-même, poursuivit M d'un ton mystérieux.
– Arrêtez de me faire languir ! Dites-moi !
– On va se faufiler aux enchères de l'année toute entière !
Je ne voyais pas en quoi c'était cool à vrai dire. J'avais déjà participé à des galas de charité et... c'était une vente de quoi d'ailleurs ?
– Des tableaux ?
– Des armes, E. Des armes.
Mes yeux s'écarquillèrent alors que je prenais conscience que ce n'était pas le genre de vente où j'avais déjà été.
– Tu plaisantes ?
Aucun des deux ne semblait pourtant enclin à rire. Ils étaient sérieux comme jamais ! Je me repoussai un peu dans mon siège.
– Et tu veux toper quelle arme ?
– Une arme historique. Celle de Wren Abbot.
– Pour en faire quoi ? Elle a été calibrée pour lui et un certain nombre de personnes uniquement, d'après la rumeur. Tu ne pourras pas l'utiliser.
– Mais on pourra la démonter et réutiliser la technologie Montalemont. L'arme, d'après ce que j'ai lu, pouvait briser toute technologie extraterrestre à des centaines de mètres à la ronde. Aucun cyborg ne pourra y survivre.
Je gardai un visage neutre avant d'hocher la tête. Je comprenais ce qu'elle disait au delà de ses mots et ça me terrifiait. Elle comptait mener une guerre ouverte ? Quel était son but réel ?
– Et comment on fait pour y entrer ?
Elle dévoila un carton d'un noir profond.
– Avec ceci.
– Et pour le paiement ?
– Ne t'inquiète pas, nous avons des mécènes dans la salle, il faut juste que ce soit eux qui la remportent.
Je préférai ne rien dire au risque d'être mise de côté. À l'heure dite, comme mes camarades, je baissai un peu plus la capuche de ma cape avant de nous rendre dans la vente d'armes. Si le quartier du bar était malfamé, celui de la vente était parfaitement désert. Glauque. Un frisson désagréable me parcourut. J'avais un très mauvais pressentiment, pourtant, je suivis les autres. Je préférais encore être avec eux que seule dans ce genre d'endroit. H frappa à la porte et présenta sa carte à l'homme à la mine patibulaire qui se trouvait là. Il nous fit entrer sans un mot. La chaleur était insoutenable, mais je ne comptais pas me déshabiller pour autant. Je ne savais pas qui j'allais rencontrer et si quelqu'un me reconnaissait comme étant Élora Montalemont... je risquais de passer un mauvais quart d'heure.
Je pouvais sentir ma main trembler. Que faisais-je ici ? Nous nous installâmes dans un coin, un peu à l'écart. Les gens qui m'entouraient étaient tous dangereux, et portaient ouvertement leurs armes. J'étais sur une poudrière qui pouvait exploser à tout moment. Nom de nom !
Manifestement, nous étions arrivés pile à temps puisque dix minutes après notre arrivée, une personne monta sur la scène ronde au milieu de la pièce. Une femme blonde, juchée sur de hauts talons. Un spot l'illumina alors que la pièce était plongée dans le noir. Elle tapota sur sa poitrine et sa voix envahit l'espace. Elle devait porter un mini-micro amplificateur. Elle engloba tous les participants avant de prendre la parole.
– Mesdames et Messieurs, bienvenue aux Enchères. Cette année est exceptionnelle avec des objets d'une valeur presque... inestimable. J'espère que vos portefeuilles sont bien remplis. Je vous rappelle les règles.
Elle leva son pouce.
– Premièrement, pas de balles dans cette salle. Si vous voulez vous entretuer, c'est dehors. Deuxièmement, quand l'enchère est terminée, elle doit immédiatement être payée, sinon, elle sera attribuée au second enchérisseur. Enfin, applaudissez l'hôtesse.
Une vague d'applaudissement débuta alors que je me demandais encore une fois ce que je faisais là. Les enchères débutèrent. J'étais à la fois paniquée et fascinée. J'étais à côté de gangsters, d'hommes qui avaient sûrement pris du plaisir à tuer ou pire. Nom de nom Élo, barre-toi de là. Je ne le pouvais pas. Je me sentais figée sur ma propre chaise, alors que mes deux camarades suivaient les enchères avec impatience. Il y avait des armes de destructions massives dans le coin, certaines datant de la guerre. Alors que cela faisait bien deux heures que nous étions assis les uns contre les autres, le clou du spectacle arriva nous faisant tous dresser sur nos chaises. L'arme de Wren Abbot. Un bijou de technologie, encore aujourd'hui. Tout le talent de mon aïeul dans une arme. En réalité, j'avais menti à H par omission. L'arme du lieutenant Abbot était liée à l'ADN de son porteur et de celles autorisées à l'utiliser. Lui et sa famille, celle de la capitaine Labrasca, et la mienne. Si je touchais l'arme, je pouvais l'activer en théorie. Les secrets de cette arme étaient dans un coffre dont seul le PDG savait où il se trouvait. J'avais cherché partout avec mes cousins, mais pourtant.... je ne l'avais jamais trouvé. Tout ce que je savais, c'était qu'elle était dangereuse et que personne ne devait mettre la main dessus. Sa place était soit dans la famille Abbot, ou dans la mienne. J'allais la récupérer, mais en aucun cas pour qu'elle serve contre des infrastructures cyborgs. La plupart appartenait à ma famille, après tout.
C'était tout le paradoxe de ma lutte. Je ne pouvais pas nier qui j'étais, mais d'un autre côté, je ne pouvais pas mettre de côté mes pensées les plus profondes. C'était un fil tenu sur lequel je marchais. J'étais une fervente adepte de la technologie, mais pas pour remplacer les humains ou les « augmenter ». La proposition du président me révoltait véritablement. Toute la beauté de notre humanité résidait dans sa vulnérabilité et sa faiblesse. Nous n'étions pas des dieux, mais le président pensait qu'il l'était et il voulait jouer avec nous. C'était hors de question.
H m'avait désigné en m'asseyant nos mécènes et leur avait même adressé un petit signe. Apparemment, elle allait récupérer le colis dès la fin de la vente aux enchères et le mettre en sécurité. Je gardai un œil rivé sur eux. Elle pensait sûrement que leurs fonds étaient illimités, mais je me doutais que comme tout donateur, ils s'arrêteraient si les enchères s'envolaient vers une dimension stratosphérique. Et d'après ce que j'entendais, c'était clairement le cas. Je vis le moment où il arrêta d'enchérir et qu'il fit signe qu'il ne suivait pas. Je devais intervenir. J'attrapai le carton sur les genoux de H avant de le brandir lorsque le prix atteignit les 10 millions de terros, la monnaie internationale.
– Qu'est-ce que tu fais ? grogna H en m'abaissant le bras.
– Je m'achète une arme historique.
Les regards venaient de se tourner vers moi alors que j'étais toujours cachée sous ma cape à grande capuche. Je me retrouvais rapidement vers un homme qui manifestement ne voulait pas lâcher l'affaire. Il finit par se lever pour me fixer. Je me fis un plaisir de lui faire un petit coucou avant de lever de nouveau mon carton. Il renchérit, mais je finis par me lever.
– 25 millions de terros, émis-je d'une voix claire.
Il en était tellement ulcéré qu'il manqua le coche.
– L'enchère est attribuée à la jeune femme dans le fond de la salle.
Je ne jetai pas un regard vers mes camarades, mais je me levai pour rejoindre le lieu de la transaction. L'Enchère était terminée d'après ce que j'avais compris. Mon père allait me tuer clairement. Tout mon argent de poche de l'année allait y passer. L'arme fut descendue de la scène alors que je me frayais un chemin pour payer. Je m'arrêtai devant le terminal de paiement juste à côté de l'arme. Elle était encore plus belle vu de près.
Je sentis une main sur mon bras alors que j'allais payer. Je tournai les yeux pour voir l'homme qui avait enchéri en même temps que moi.
– Lâchez-moi.
– Je vous la rachète.
– Je vous ai demandé de me lâcher et je ne me répèterais pas.
Au contraire, cet énergumène serrait de plus en plus mon bras. Il était en train de me faire mal. Je tournai les yeux mais toutes les personnes autour de nous vaquait à leurs occupations. L'hôtesse était non loin de moi et je lui fis signe de s'approcher.
– Monsieur ne semble pas accepter le verdict de l'enchère. Pouvez-vous lui rappeler les règles afin que je puisse aller payer mon arme ?
Je sentis le canon de son arme sur ma tempe aussi vite.
– Tu sembles pas avoir compris. Je te la rachète, c'est pas une proposition.
– Théoriquement, je ne l'ai pas encore payée, donc je ne suis pas encore la propriétaire de cette arme. Si vous voulez menacer quelqu'un, faites-le avec elle, rétorquai-je alors que mon cœur se mettait à battre la chamade. Si elle veut vous la vendre, libre à elle, mais vous allez devoir débourser plus de 25 millions de dollars parce que c'est la dernière offre que j'ai faite.
Il retira le cran de sécurité. Je n'aurais peut-être pas dû l'énerver.
– Pas de balles dans la salle, c'est la règle numéro 1, trembla la voix de l'hôtesse près de moi.
Je tournai la tête, le canon de l'arme toujours sur le visage.
– Je ne suis pas la propriétaire, si vous voulez l'arme, voyez avec elle. Je renonce à l'enchère. Mais elle refusera à moins de 25 millions c'est certain.
Je me décalai de son arme immédiatement, faisant un pas sur le côté. L'homme tourna les yeux vers l'hôtesse mais réajusta son arme sur moi. Il n'était pas question que cet homme prenne l'arme du Lieutenant Colonel Abbot, pourtant, j'étais sur le point de m'évanouir. Je tendis mon bras vers l'arme sur le côté. J'étais une Montalemont, je pouvais activer cette arme, moi aussi. Enfin en théorie. J'approchai ma main de la détente lorsqu'un bruit important se fit entendre.
– POLICE !
J'attrapai l'arme derrière moi avant de courir dans le sens opposé. J'entendis nettement la balle siffler près de mes oreilles. Ça allait finir en bain de sang. Je glissai au sol alors que les balles fusaient près de moi. Je vais mourir ici. Nom de Dieu, je vais crever là. Je ne pouvais pas bouger au risque de me prendre une balle perdue. Je serrai l'arme contre moi et je sentis un pincement au niveau de mon index, autour de la détente. J'allais mourir, l'arme créée par mon aïeul contre moi. Je n'allais pas pouvoir serrer de nouveau mes parents contre moi, rire avec mes amis ou encore... le revoir.
– Wren, sanglotai-je.
Je fermai les yeux, priant pour que quelqu'un me vienne en aide au risque de mourir.
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