Chapitre 6.1
26 novembre
— Finalement, j'ai besoin d'un truc au proxi, s'exclama soudain Cam.
Perdu dans ses feuilles de notes, Chris releva le nez pour dévisager son voisin. Debout à quelques pas du bureau, le jeune homme enfilait son manteau, le regard rivé sur son ami.
— Tu dis ça pour me forcer à sortir ? s'enquit le gamer, méfiant.
— Peut-être, peut-être pas, éluda Cam en nouant ses cheveux longs avant d'enfoncer son bonnet sur sa tête. Mais si tu m'accompagnes, je te paye une bière pour ton Stream de ce soir.
Intéressé, Chris se redressa à demi, chassa Chardon qui avait profité de l'intervention de Cam pour sauter sur le bureau et attaquer un stylo plume.
— Et un paquet de bonbons ?
Cam leva les yeux au ciel, amusé.
— Et un paquet de bonbons, accepta-t-il.
—Cool, j'vais pouvoir manger ce soir, alors !
Le cri de joie fit sursauter le chaton qui feula et cracha avant de sauter sur la main qui osait ranger ses jouets dans la trousse. Chris jura et soupira, puis entreprit de décrocher les petites griffes une à une.
— Attends, le paquet de bonbons, c'est ton... repas ?
— Bah oui, mon placard est vide, tu te rappelles ? Mais je vais peut-être manger un rôti de chat, finalement.
Chardon s'installa sur le classeur et commença à lisser ses moustaches.
[L'incarnation de l'innocence, ce chaton. Une fois, il a déchiqueté un morceau de polystyrène, et quand je l'ai surpris, il m'a regardé avec de grands yeux remplis d'incompréhension, d'un air de dire " Quoii ? Je ne sais pas ce qu'il s'est passéééé ?".
Le tyout en étant couvert de boules blanches du museau à la queue.]
— Ha non ! Tu touches pas à mon chéri !
Chris secoua la tête.
— Ton chéri... ce qu'il faut pas entendre, le célibat te monte à la tête !
— J ete dirais bien de m'aider à y mettre fin, mais tu vas mal interpréter. Alors je garde mon Chardon d'amour !
[Il a totalement raison, s'il m'avait laissé faire, je me serais porté volontaire pour Cupidonner !]
Cam tendit le bras vers Chardon, qui s'y accrocha aussitôt avant de trottiner jusqu'à son épaule.
— Je comprends pas pourquoi tu t'es pris d'affection pour cette petite crotte, y a pas plus pénible comme bestiole !
— Miouh ! protesta Chardon.
— C'est parce que les chardons et moi, c'est une grande histoire d'amour.
Face à l'air interrogateur de Chris, Cam précisa :
— J'ai des origines Écossaises.
— Ça fait pas du tout écossais, Eylia.
— Ma grand mère maternelle était Écossaise, d'où mon prénom, Cam. Et en parlant de famille... tu m'avais pas dit que tu mangeais avec tes vieux quand t'as plus rien ici ?
Chris balaya la remarque d'un geste avant de sortir son ordinateur de veille et, en quelques clics, afficha un texte accompagné d'un décompte : Live Slayers~Hunters, H - 6. Ne manquez surtout pas la nouvelle Battle entre les Vamp's et les Slayers !
— J'vais pas lâcher la Team juste pour manger, Clem me tuerait ! Et Lizzie serait foutue de venir de Ribeau jusqu'ici juste pour m'arracher les yeux.
Cam remonta ses lunettes sur son nez, blasé.
— Ton sens des priorités me semble un peu défectueux, là... tu sais quoi ? Si tu acceptes une balade sur les remparts en plus du proxi, je te fais à manger. Par contre, je pourrai pas rester, c'est l'anniv de ma mère, je peux pas le louper.
Chris s'immobilisa au moment où il allait mettre le PC en veille. Il hésitait, soudain. Un peu inquiet de voir son ami se figer de la sorte, Cam l'invita à s'expliquer.
— Ben... d'un côté, j'adore l'idée que tu me fasses à manger. J'veux dire, j'ai jamais été déçu, t'es le meilleur cuisinier que je connaisse !
[Même si je n'en connais qu'un. Cela dit, Cam a effectivement de l'or entre les mains quand il est en cuisine ! Et pour cause...]
— T'es au courant que je bosse à mi-temps pour mon père ?
Un silence lui répondit.
— Au winstub La cabane à cigogne...
— Maintenant que tu le dis, ça me rappelle vaguement un truc...
[Et c'était tout à fait vrai ! Je me souvenais des grandes lignes d'une conversation avec Cam, peu de temps après son arrivée dans notre rue. Il avait toujours habité à Bergheim, mais le récent divorce de ses parents avait poussé sa mère à déménager à l'autre bout du village.]
— Je t'y emmènerai, un jour ! Quand tu seras moins sauvage... et du coup, ton dilemne, c'est juste que tu aimes ma cuisine ?
— Non, c'est que ça me gêne de mendier de la bouffe. Je veux dire, c'est pas à toi de remplir mes placards, du coup... faut que j'aille demander de la tune à ma mère. Et je sais pas si je suis assez motivé pour ça.
— Ta mère est pas si terrible que ça... je suis sûr que tu va survivre à l'épreuve.
— Tu la connais pas ! Elle va encore me parler de mes études, me dire que je devrais sortir un peu plus, me dire que je dois pas oublier de me doucher, de me raser, de ranger mon studio, elle va demander si j'ai déjà passé l'aspirateur cette semaine... ça me fatigue rien que d'y penser.
Chris soupira et se laissa tomber en étoile sur son lit. A petits pas, Cam le rejoignit et s'assit à ses côtés.
— Feinte-là. Tu commences par lui dire que tu sors avec moi, et tu enchaînes avec l'argent.
— Si je lui dis ça, elle va croire que tu es mon mec...
— Oh... comme ce serait dommage.
Un frisson secoua Chris, qui décida de se focaliser sur la conversation présente plutôt que de laisser ses pensées divaguer.
— Et dans deux jours, tout le village serait au courant. Parce qu'elle va le dire à la boulangère. Et à la bibliothécaire. Limite elle va passer à la maison des Sorcières pour les informer de la super nouvelle...
— Moi, tant que ma mère le sait pas, ça me convient.
— Comment ça ?
Cam piqua un fard. Il ouvrit la bouche, la referma. Se racla la gorge.
— He bien...
— Elle est homophobe ?
Le visage fermé, Chris s'était redressé et cherchait à croiser le regard de Cam. Et il cherchait rarement à croiser le regard de qui que ce soit.
— Ma mère ? Disons que... tant que c'est pas chez elle, ça lui va. Mais crois-moi, elle n'apprécie pas vraiment que je te rende visite aussi souvent...
La détresse de Cam atteignit Chris de plein fouet. Cette peur qu'il croyait percevoir sans en comprendre l'origine lui broyait le ventre et lui donnait envie de protéger son ami. En douceur, il posa sa main sur celle de son voisin :
— Si elle a peur que je te rende gay, tu peux la rassurer : c'est pas contagieux. Son fils chéri va continuer d'aimer les jolies filles ! Et s'il le faut, j'irais lui dire !
[Comme je l'ai déjà dit, à ce moment-là, j'étais persuadé que Cam était hétéro ce qui explique en partie (en partie seulement) que toutes les connections ne se faisaient pas dans ma cervelle. Mais il faut bien admettre que quelque chose avait remué dans mon ventre quand mon adorable voisin m'avait invité dire à ma mère que je " sortais avec lui". Un brouillon d'envie, de "peut-être", de "pourquoi pas" et de "et si" qui s'était esquissé au "ça me convient".
Mais ce brouillon avait été éradiqué par la réponse de Cam. Il avait tout simplement confirmé qu'il continuerait d'aimer les jolies filles quoi qu'il advienne. Alors j'avais remballé mes pensées et gommé les quelques doutes qui commençaient à naître.]
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