Chapitre 47
9 Décembre
— Pourquoi tu me regardes comme ça ?
Sur le pas de la porte, Cam s'était figé avant même de retirer son manteau, et pour cause : Chris s'était immobilisé et le dévisageait, les yeux exorbités.
— Je... ne peux plus venir quand je veux ? ajouta-t-il face au mutisme de son ami avant de soupirer. Je savais que je n'aurais jamais dû te dire ça, l'autre soir. Tu veux que je parte ?
— Hein ? Non ! réagit enfin Chris. Viens, je te fais un café.
Sans attendre ni vérifier si Cam se mettait à l'aise, Chris trottina vers la cuisine. Ses doigts se crispèrent sur la tasse quand le jeune homme prit conscience que son voisin se trouvait juste derrière lui.
— Tu ne regrettes toujours pas ? chuchota ce dernier.
— Quoi donc ? s'enquit Chris sur le même ton.
— L'autre nuit...
Un frisson le parcourut et il se trouva incapable de répondre.
[ Évidemment que je ne regrettais pas ! J'étais juste frileux à cause de la conversation avec ma sœur ET de la peur latente que Cam, lui, ne revienne sur ses mots.]
— Je suis juste stressé par tous les lives à venir, finit par balbutier Chris. Ce soir, je dois encore montrer ma tronche à nos followers, et ils vont parler de l'autre soir, quand on a chanté ensemble, et on va parler du live spécial jeu, et de celui cuisine, et on ne va pas jouer comme d'habitude, et...
— Et tu stresses parce que ça bouscule tes habitudes en plus de te mettre dans une position inconfortable, déduisit Cam.
Chris hocha la tête et plaça la tasse sous la cafetière avant d'appuyer sur le bouton.
— Tu as oublié la dosette, murmura Cam.
L'instant d'après, Chris sentait une agréable chaleur dans son dos. La main de Cam fusa à côté de lui pour éteindre la machine avant de s'emparer d'une dosette dans le sachet éventré et de la lui présenter, paume tournée vers le plafond.
Il fallut plusieurs secondes à Chris pour s'en emparer.
[Forcément, je luttais contre l'envie de me laisser aller contre le torse de Cam, et contre la répulsion de le sentir si proche de moi. Heureusement, maintenant, je n'hésiterai plus, je m'avachirai sur lui sans honte.]
Lorsque le café commença à éclabousser le fond de la tasse, Cam s'était déjà installé à table.
— Tu veux manger quelque chose ? demanda Chris d'une voix cassée.
— J'ai apporté des éclairs. Chocolat pour moi, Vanille pour toi. Tu n'aimes pas les desserts et pâtisseries au chocolat, n'est-ce pas ? Du coup, j'ai aussi acheté une boîte de chocolats Stoeffel.
— Pour moi ? s'enquit Chris, hébété.
Pour toute réponse, Cam se contenta de sourire.
[Comment ne pas craquer pour ce adorable voisin qui avait même noté que je ne mangeais que du chocolat "solide" ? Et jamais du noir. Vu le contenu de la boîte, ça aussi, Cam l'avait noté.]
Le silence flottait entre eux. Chris s'empiffrait de chocolats. Cam sirotait son café sans quitter son voisin des yeux.
Ce fut Cam qui finit par briser le silence : il ne travaillait pas ce soir-là et voulait savoir s'il pouvait rester pendant le live. Surpris, Chris acquiesça : il n'avait jamais refusé ce droit à Cam. Au contraire, la présence du jeune homme le rassurerait. Et s'il voulait prendre sa place derrière l'écran, il ne devait surtout pas hésiter !
Cam éclata de rire.
[Haaa, ce rire... ce rire ! Plus je l'entends, plus je l'aime. Et plus je vois celui qui rit, plus je l'aime aussi. Moi qui pensais ne plus jamais tomber amoureux après Côle... moi qui ne voulais plus jamais tomber amoureux.
Je crois que si ça n'avait été pour Cam, je serais encore en train de me morfondre dans mon lit à l'heure actuelle, surtout après ce qu'il s'est passé au début des vacances... Mais j'y reviendrai plus tard.]
— On peut élaborer une stratégie. À un moment, tu prétends aller aux toilettes, je prends ta place, je ne la rends pas et je te sauve ! À défaut d'être un prince charmant, je peux être ton héroïque descendant de Highlanders.
— Manque le kilt.
— J'en ai demandé un à ma grand-mère pour Noël. J'ai cru comprendre que tu aimerais me voir dedans, alors... oublie- ça, tu veux quoi, toi, pour Noël ?
[Toi. C'est ce que j'ai retenu de justesse en pinçant les lèvres. Et c'est pourtant ce qu'il essayait de me faire dire, particulièrement en me parlant de kilt.]
Chris prit le temps de réfléchir. À ses parents, il pouvait demander de l'argent. À Ely et Lise, il donnait une liste de livres. mais à Cam ? Que pouvait-il bien répondre à Cam ?
— Des stylos.
— Des Stylos ? Je m'attendais à pas mal de choses, mais pas à ça.
Chris hésita.
— C'est que... quand j'ai du temps, j'aime bien gribouiller des histoires dans des cahiers de brouillons. Et j'aime bien le faire avec des stylos de couleurs.
— Tu écris ?
Cam le dévisageait, estomaqué, les yeux pétillants de curiosité. Chris se sentit honteux et balaya le sujet d'un geste vague.
[Il faut dire que... on ne peut pas vraiment dire que j'écris. Je balance juste mes idées sur des carnets et des cahiers. Je le fais depuis des années, un peu moins depuis que je joue en ligne. Non, beaucoup moins. En fait, je n'ai pas écrit une ligne depuis plus de six mois. Tous mes stylos sont vides ou secs et je n'ai plus de cahiers de brouillon. Je ne sais même pas pourquoi j'ai parlé de ça à Cam, à ce moment-là, même ma Team ne sait pas que j'ai ce passe-temps !
En fait... c'est inexact. Je sais pourquoi j'en ai parlé à Cam. Parce que, même si je n'en avais pas encore tout à fait conscience, je lui faisais (et lui fais encore) entièrement confiance.]
— Non, non. C'est juste des gribouillages, rien de sérieux, rien de bien et c'est très nul.
— Tu me ferais lire ?
Ses joues s'embrasèrent aussitôt, et Chris se mit à bégayer un refus laborieux. Cam rit encore. Lui demanda ce qu'il pouvait bien écrire qui justifia une telle réaction. Puis, malicieux :
— Le genre de chose qu'on a fait l'autre jour ?
— J'écris pas du cul !
[C'est partiellement exact, ça. J'écris effectivement des scènes érotiques. Entre hommes. Et très mal. Non, vraiment, je ne peux pas montrer ces horreurs à Cam.]
— C'est juste que je réfléchis pas vraiment à ce que je griffonne, alors c'est plutôt mauvais, poursuivit Chris. Et puis, j'ai pas le temps d'écrire en fait. Oublie les stylos. Je sais même pas pourquoi j'ai demandé ça ! Oublie, OK ? Dis-moi plutôt ce que toi, tu veux pour Noël.
— Toi.
Chris en laissa tomber le chocolat qu'il portait à sa bouche.
— Me dis pas que tu vas me refaire une erreur 404 !? Je pensais avoir dépassé ce stade avec toi...
Ni Chris, ni sa main, ni le chocolat ne bougèrent.
— De toute évidence, non, tu n'as pas dépassé ce stade. Être au lit avec moi, oui. Parler de sentiment, non. Je note, je note. Puisque les mots ne fonctionnent pas, je ferai passer mes messages par les draps !
— Pardon ?
— J'ai envie de coucher avec toi, Chris.
— Oui, ça, j'ai compris.
Pourtant, en dehors des lèvres, tout le corps de Chris restait figé.
[Même mon cerveau restait figé. Comme un diesel un peu vieux qu'on essaie de démarrer par temps glacial. On tourne la clef dans le vide.
Et c'était vraiment cette sensation que j'avais, à ce moment-là. Que Cam tentait de démarrer quelque chose, mais que je turbinais dans le vide.]
Chris essayait de remettre ses idées en place. De se souvenir des mots de Cam, les jours précédents. De chercher des indices sur une possible blague ou non. De comprendre, encore une fois, les implications.
[Tenter, c'est bien. y arriver, c'est mieux. Et là... je n'y suis pas arrivé.]
— Moi aussi, j'ai envie de coucher avec toi.
Ce fut tout ce que Chris fut capable de répondre.
— On avance, soupira Cam à mi-voix.
— Hein ?
— Rien, reprit-il plus fort. Je disais que c'est déjà bien de l'admettre ! Et du coup...
Cam se pencha sur la table, un sourire coquin aux lèvres.
— Si on s'envoie en l'air, j'aurai le droit de t'embrasser ou toujours pas ?
— Blague pas avec ça ! répliqua Chris, un brin agressif. Surtout pas avant le live ! Tu veux que ma cervelle fonde ou quoi ?
Nerveux, il commença à triturer son bracelet sans plus s'intéresser à la boîte de chocolat.
— Elle a pas déjà fondu ? rétorqua Cam, amusé. On dirait que tu n'arrives pas à assimiler ce que je te dis.
— Je... c'est le cas, répondit honnêtement Chris. J'arrive pas... à savoir si... si tu te moques, si tu es sérieux, si tu parles sur un coup de tête, par curiosité ou autre chose. j'arrive pas à savoir ce que tu veux. j'arrive pas à savoir ce que je veux, et j'arrive encore moins à savoir ce que je dois faire ! Je me sens... dépassé ! Totalement dépassé ! Et...et... paniqué. Et...
Sa respiration accéléra. Ses yeux papillotaient, ses mains tremblaient.
c'était trop pour lui, définitivement trop. Il se sentait sur la brèche, presque dans le même état que lorsqu'il avait fui, à Colmar.
L'expression de Cam changea. D'amusée, elle se fit inquiète, voire alarmée.
— Pardon, Chris. Je suis allé trop loin et trop vite. Je serai patient. Je te laisserai le temps de tout bien intégrer.
Chris déglutit. Secoua, puis hocha la tête avant de la secouer à nouveau. Tendu, Cam ne dit plus rien. Il attendait que son ami se calmât.
— Dis, Cam... avant le live... tu me referais un de tes massages ? Je crois que... ça m'aiderait à m'apaiser.
Un soupir de soulagement. Un sourire lumineux. Une promesse.
— Je t'en ferai un chaque fois que tu me le demanderas.
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