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" Quiconque n'écoute que l'imagination est emporté dans le royaume des chimères "

Auteur Inconnu

*

— Elsie Le Kervellen. Ça Alors ? C'est pas croyable !

— Si on m'avait dit un jour qu'on se reverrait, et dans ces conditions...

— Mais vous vous connaissez ? Demande Kennedy.

— Oh oui. On se connaît !

— Oui. Oui. Oui. On se connaît pas mal.

— À mon grand désespoir, dis-je croyant chuchoter.

— À mon grand désespoir ? Non mais tu te fiches de moi Elsie ? Ce n'est pas toi qui peux dire ça.

— Je t'interdis de t'adresser à elle de cette façon Jenny ! Et encore moins dans ma maison, tonne Grace.

Jenny ?

— Mais c'est qu'elle a mis belle-maman dans sa poche. Comme c'est mignon !

— Arrêtes ça Jenny. On a dit plus de scandal ! Et surtout plus de scandal devant notre enfant.

— Arrêtes ton char Kenny ! Tu es toujours celui par qui arrive le scandal. La preuve ! Hurle-t-elle en me montrant du doigt.

— Jenny je t'en prie, un peu de correction nom d'un chien !

— Et cesse de m'appeler Jenny. Je déteste ça, tu le sais très bien.

Grace et Nicolas embarquent Joy avec eux, ils se dirigent vers la cuisine comprenant que la jeune femme est prête à en découdre.

— Et donc ça ne t'a pas suffit de te taper mon mec, il faut aussi que tu te fasses le père de ma fille ?

— Mais de quoi tu parles ? Sérieusement Jenny tu dépasses les bornes là ?

— J'apprends à l'instant que tu es la mère de Joy. Jusque là, je pensais que Jenny était une tout autre personne. Alors s'il te plaît, ne me mets pas en cause Graziella ou ça va très mal se passer pour toi.

—  Tu oses me menacer, après tout ce que tu m'as fait ?

— Sers un peu les fesses ma chérie, ça finira bien par passer. C'était il y a cent ans tout ça !

— Tu n'es qu'une traîtresse !

— Change de disque, Graziella.

— Tu entends comme elle me parle Kenny ? Et tu veux imposer cette peste mal élevée dans la vie de ma fille ? Alors ça, jamais ! 

Elle me rend dingue avec ses insinuations. Je vais me la faire ! N'empêche qu'elle est toujours aussi belle, dommage qu'à l'intérieur, ce ne soit pas aussi nickel.

— Tu me surprendras toujours Kennedy Carradec ! Tu fais des choix plus qu' improbables .

— À commencer par toi.

— Je ne suis pas la pire ici. Laisse-moi te dire que tu es en train de faire une grosse connerie. Tu es avec la pire menteuse qu'il soit. Une hypocrite de première classe. Une sale petite traînée qui peut faire croire qu'elle est parfaitement innocente alors qu'elle te poignardera dans le dos à la première occasion et sans hésiter.

— Jenny tu me fais pitié !

— Je t'aurais mise en garde. Elle n'est absolument pas sincère. Un jour ou l'autre, elle te trahira. Demande à Quentin, son ex... Il pourrait t'en dire un bon chapitre !

Et dire que cette femme est censé être intelligente !

— Tu es pitoyable Graziella. Arrête d'en vouloir à la terre entière. Ça devient ridicule !

— Ridicule ? Mais il ne te connait pas. J'ai eu le temps de te pratiquer moi. Je sais que ce que j'avance est loin d'être ridicule.

— va-t'en, Jenny !

— Tu vas déguster avec elle Kenny ! Tu verras.

— En tout cas, elle ne peut pas faire pire que ce que toi tu as fait ! Si tu veux bien que je te rafraîchisse la mémoire.

— Oh comme c'est mesquin !

— Par où est-ce que je commence Docteur Jenny Glutman ? Par la naissance de Joy peut-être ? Et là je crois qu'en terme de trahison on est pas mal n'est-ce pas ? Humm ?

— C'est minable ce que tu fais là. Ce n'est pas comparable. Donne-moi ma fille, maintenant !

— Tu te pointes cinq heures plus tard, sans excuse valable et tu penses sincèrement que ça va passer ? Tu insultes ma compagne et tu crois que je vais faire comme si de rien était ? Là tu te fourres le doigt dans l'œil et jusqu'au nez !

— Je me fous de ce que tu penses Kenny. Je veux ma fille et je la veux maintenant !

— Tu l'auras quand tu t'excuseras. Un : pour l'heure que tu n'as pas respecté. Et deux : pour ton comportement vis-à-vis d'Elsie.

— Non mais attends-là...

— Je n'attends rien du tout. Sois tu t'excuses, soit tu t'en vas. Je ne te laisse que ce choix.

— Plutôt crever que de formuler des excuses à ta traînée.

— Dans ce cas, Joy restera là.

— Laisse-moi au moins lui dire au revoir.

— Tu lui as promis de la prendre et pour elle c'est important. Elle t'a attendu toute la journée. Tu ne vas donc faire aucun effort ?

— Occupes-toi de tes oignons Kenny. Laisse-moi lui dire au revoir. Un point c'est tout.

Grace revient avec la petite dans les bras. Graziella, lui dit quelques mots et lui promet de revenir la voir un autre jour. Contrariée, la petite se met à pleurer.

— Tu vois ce que tu fais Jenny ? assène-t-il en tentant de maîtriser sa colère .

— Cesse tout de suite de m'appeler Jenny ! Je vais finir par m'énerver.

La pauvre, je crois qu'elle est cinglée !

— Je reviendrai plus tard la chercher. Hein ma douce ? Maman reviendra te chercher. Ok ?

La petite se calme rapidement. Sincèrement, j'ai envie de prendre le relais et pleurer de toutes mes larmes. Je me sens humiliée, bafouée. Si elle voulait m'achever, c'est réussi !

Bravo Jenny ! Bravo Graziella ! Qui que tu sois: Jeu, set et match en ta faveur !

— Sissi on peut danser encore ? Je veux la musique de Sissi.

— Mais bien sûr ma puce.

— Ma puce ? Non mais attends là...

Kennedy  l'interrompt sèchement.

— Tu vas sortir gentiment de chez nous, à présent.

Elle me lance des flammes par son regard. Si elles étaient réelles, je brûlerais

— Oui, mais avant je veux parler à Elsie. Et en privé.

— Il en est hors de question !

— Laisse Kenny. Je vais y aller.

— Kenny... Tu la laisses t'appeler Kenny ? Ok. Je vois, fait-elle en croisant les bras.

— Sors d'ici, exige Kennedy. Sors immédiatement !

Je l'accompagne vers l'extérieur de la maison, et là, une salve d'insultes s'abat sur moi. Elle est furieuse et ne me laisse placer aucun mot. À vrai dire, c'est un monologue. Très vite Stan qui les attendait  dans la voiture, apparaît.

— Elsie ? C'est bien toi ? Mais qu'est ce que tu fais là ?

Oui, c'est bien moi, j'ai pas encore d'hologramme. Sombre idiot !

Je l'ignore complètement. Sa seule présence m'agace. Je ne veux même pas me souvenir du son de sa voix et je l'évite soigneusement du regard.

— Elle est avec mon ex. C'est elle "LA" Sissi dont Joy me parle tant.

— Alors là !

La ferme, Stanislas !

— C'est un cauchemar. Je ne partagerai jamais ma fille avec elle. Jamais ! pleurniche-t'elle.

Oh ça va "Jenziella" ! Arrêtes ton cinéma ! On la partage déjà !

Elle me saoule à faire son théâtre ! J'estime que j'en ai assez entendu, et je décide de retourner dans la maison. Il n'y a rien eu de constructif.

— Hey, reviens ! Je n'en ai pas fini avec toi, crie-t-elle dans mon dos.

Cette fois-ci je l'ignore complètement et rentre dans la maison. À l'intérieur, Grace et Nicolas s'occupent de Joy. Je cherche Kennedy du regard, mais il a disparu.

— Il est monté, m'informe son père encore contrarié par l'incohérente attitude de son ex belle-fille.

— Je tiens à m'excuser... Je vous promets que je ne savais pas, balbutiai-je.

— Rien à changer, sois rassurée. Ce n'est pas de ta faute. Jenny invente toujours des histoires et ensuite, elle veut que ça soit vrai pour tout le monde, souffle Grace.

— Va plutôt voir Kennedy. Ne t'inquiètes pas pour nous, renchérit Nicolas. Et dire qu'elle est médecin... Je plains ses patients.


*


À l'étage, Kennedy est installé dans le grand lit que nous partageons. Il fixe le plafond, et ne détourne pas les yeux lorsqu'il m'entend entrer. Je reste debout sans rien dire, espérant  qu'il prenne la parole, mais il ne dit rien.
Kennedy reste là, immobile et silrncieux. Mal à l'aise, je m'adresse à lui d'une voix mal assurée.

— Je tiens à m'excuser pour...

— Tu n'as pas à t'excuser. Jenny est comme ça.

Sa voix est dure. Sèche. Distante. Peu familière. Il fixe toujours le plafond.

Je déteste ça !

— Il faut que je te dise... Il y a du vrai dans ce qu'elle a dit. Je vais essayer de t'expliquer. C'est pas facile pour moi, mais je veux d'abord que tu saches que je n'ai rien calculé. Je ne savais pas qui tu étais avant de te rencontrer et je ne savais pas non plus que Graziella, ou Jenny était ton ex. C'était ma chef de service et...

Je lui raconte donc l'histoire depuis le début. Stan, sa disparition, les retrouvailles, Quentin, l'île de La Réunion, la gifle de Graziella, la rupture avec Quentin, jusqu'à ma rencontre avec lui.

Je ne sais pas s'il m'écoute avec attention, car il reste impassible. Lorsque je termine mon récit, il cesse de regarder son plafond, il se tourne vers la fenêtre puis me tourne complètement le dos.

Ça ne sent pas bon !

— J'ai entendu. Maintenant, j'ai besoin d'être seul s'il te plaît, balance-t-il sans aucune autre explication.

— D'accord.

Dévastée, je sors de cette chambre sans parvenir à contenir mes larmes. J'ai peur de ce qu'il va advenir de nous deux.

*

Kennedy n'est pas redescendu pour le dîner sa mère lui a apporté un plateau repas qu'il a refusé d'avaler. Quant à moi, je n'ai pas la force de l'affronter. Je serais bien partie d'ici mais ses parents ont insisté pour que je reste au moins jusqu'au lendemain. Par respect pour eux et pour les remercier de leur accueil, je suis restée mais maintenant qu'il faut aller se coucher, j'ai la trouille !

J'ai peur d'être rejetée. Peur d'entendre des choses qui me feraient mal. J'essaye de faire le moins de bruit possible. Je ne veux surtout pas le réveiller. Brossage de dents, débarbouillage et pyjama mis, je m'insère avec l'agilité d'un chat sous les draps.

Pour vu qu'il ne se réveille pas !

— Laisse tomber ! Je ne dors pas.

Mon coeur a failli lâché. Je ne m'attendais pas à l'entendre.

— Est-ce que ça va mieux ? osai-je demandé.

— On fait aller !

— Je suis vraiment désolée et je comprendrais parfaitement, si...

— Si quoi ?

— Si tu voulais tout arrêter.

— Le problème, c'est que je t'aime, dit il en ricanant.

— Qu'il y a-t-il de drôle ?

- En fait, je me moque de moi-même. J'ai tout mis en place pour ne pas tomber amoureux de toi et malgré mes différents stratagèmes, j'ai échoué. Je t'aime. Et je suis en train de me demander si je fais bien les choses ?

— Je ne comprends pas !

Il est en train de me quitter ou quoi ?

— J'étais tellement soucieux de préserver mes sentiments, que je n'ai pas pris en compte les tiens. Je n'ai jamais voulu en savoir plus sur toi et je t'ai imposé le silence sur nos passés, sur nos ex et le reste. Je me suis rendu compte en t'écoutant tout à l'heure, que tu as beaucoup souffert et que je n'ai pas su t'être utile. Je n'ai pris compte que mes craintes.

— Alors tu ne m'en veux pas ?

— C'est à moi que j'en veux. Ce qui est arrivé aujourd'hui est en partie de ma faute. Si je t'avais parlé de Jenny, tu m'aurais certainement parlé de ton Stanislas, on aurait échangé sur nos expériences. On aurait fini par savoir que ta Graziella était en fait ma Jenny.

— C'est vrai. D'ailleurs, je n'ai toujours pas compris, c'est Jenny ou Graziella ?

— Graziella c'est son deuxième prénom. Et visiblement, elle a décidé de le mettre en avant. Mais en réalité c'est Jenny ! Sacrée Jenny... Par contre, je dois t'avouer quelque chose.

— Quoi ça ?

— Je suis jaloux de ce Stanislas. Je vous ai vu tous les trois par la fenêtre. Et la façon dont il te regardait est sans équivoque. Tu comptes pour lui.

— Il ne compte plus pour mois ! répliquai-je fermement.

— Je le sais, mais maintenant que je sais à quel point votre amour a été pur...

— Un amour destructeur avant tout. Rien qui ne vaille la peine d'être envié, crois-moi ! Ce n'était certainement pas la bonne façon de faire. Et si c'était à refaire, j'éviterai.

— Sérieusement ?

— Oui ! Avec le recul, je me rends compte que c'était passionnel et ravageur. C'était comme une drogue. Plus j'en avais besoin, plus je souffrais.

— Waou !

— ça m'a détruit, alors que j'étais persuadée que cela me guérirait. Il n'y aura plus jamais rien entre Stanislas et moi.

— Promets-moi juste qu'on pourra tout se dire maintenant. Promets-moi que nous n'aurons plus de tabou.

— Je te le promets, si tu me promets de garder ton jardin secret. Je ne veux pas tout savoir tu sais ? Juste ce sui est important.

— Tu as raison. Juste ce qui est important.

— Et je voulais te dire... J'aime quand tu m'appelles Kenny. L'intonation de ta voix, tout, j'aime tout ! Ne change rien.

— J'ai bien cru que tu m'en voulais ! Lâchai-je soulagée.

— Le fait que tu sois restée aujourd'hui me touche énormément, je tiens à m'excuser à mon tour pour mon attitude et mon sale caractère.

N'est pas breton qui veut !

— C'est rien.

— et merci aussi, parce que tout le monde n'est pas capable de supporter ma fille et ma mère comme tu le fais.

— N'importe quoi ! Elles sont supers.

— C'est bien ce que je te dis, peu de personnes sont capables de voir les choses comme toi.

— Attends de voir Nadine Le Kervellen. Tu risques d'avoir un choc thermique !

— Je n'attends que ça !

— Tu ne sais pas de quoi tu parles. Je te garantis, que tu n'es pas prêt ! C'est un tout autre univers.

Il éclate de rire, avant de me serrer tout contre lui. Je suis rassurée et soulagée de savoir que je compte pour lui. Soulagée de ne pas avoir été emportée par le tourbillon "Jenziella". Soulagée de pouvoir donner une véritable chance à notre histoire. Et surtout soulagée de passer une nouvelle nuit au creux de ses bras.


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