
~ 26 ~
" Chaque difficulté rencontrée doit être l'occasion d'un nouveau progrès."
Pierre de Coubertin
*
J'arpente les couloirs du nouvel hôpital dans lequel je travaille. Je déteste cet endroit que je trouve froid et peu accueillant. Définitivement, ils ont beaucoup moins de moyen que celui duquel je viens mais je n'ai pas le choix, j'ai demandé à être mutée et je le suis. C'est tout ce qui m'importe aujourd'hui.
Ici, il n'y a pas de service pédiatrique alors je ne travaille qu'avec des adultes. De grands accidentés de la route à qui la musique fait le plus grand bien.
Jamais je n'aurais imaginé tant de souffrance concentrée en un seul endroit. J'essaie de ne pas trop m'imprégner de la misère émotionnelle qui règne ici et je marque mon empreinte, avec des chants et des musiques plus joyeuses.
Travailler sans Nilani et Joe est un défi. Ces deux-là me manquent terriblement. Nilani plus encore depuis qu'elle vit à Londres.
C'est un supplice que d'être seule, j'ai toujours eu le goût d'aimer et partager. Si j'avais su garder Quentin, je ne serai pas seule aujourd'hui.
Quant à Stan, je ne veux plus entendre parler de lui. Il n'aurait jamais dû baver auprès de Graziella, je l'ai pourtant supplié de ne rien dire. S'il n'avait rien dit, nous n'en serions pas là !
J'entre dans la salle de réunion où mes nouveaux patients m'attendent. J'ai toujours la chair de poule lorsque je les vois assis devant moi, dans leur fauteuils roulants. La vie est injuste parfois. En les observants, je me rends compte que dans mon malheur, j'ai énormément de chance.
*
— Ma Sissi, je n'ai pas eu une minute à moi depuis mon retour et je n'ai pas pu t'appeler. Ici c'est le branle-bas de combat, pardonne-moi !
— Je sais Nilani. Ne t'excuse pas.
— Je ne veux pas être une mauvaise amie. Et je ne veux pas que tu crois que je t'abandonne.
— T'inquiètes pas ma chérie, tout va bien.
— Bien comment ?
— Je vais Bien.
— Et le travail ? Tu as fait de nouvelles rencontres ? Les gens sont sympas là-bas ?
— L'hôpital est triste à mourir et le service dans lequel je suis est angoissant, mais je fais avec.
— À ce point ?
— Disons que c'est supportable. Heureusement que l'équipe est plutôt sympa. Et toi ? La vie de mariée ?
— Le bonheur. Ijaz est prévenant. Je ne pouvais pas rêver mieux. D'ailleurs, que dirais-tu de venir le week-end prochain ?
— Pourquoi pas... Tu me manques Nilani.
— Ah non ! Ne pleure sinon je vais me mettre à pleurer aussi.
— C'est que... Je me sens seule.
— Ce n'est qu'une mauvaise passe Elsie.
— Le problème c'est que ma solitude devient pesante. Même Maceo est en couple, tu te rends compte ? Il m'a présenté sa petite-amie il y a deux semaines. Il est heureux.
— Maceo a une copine ? Pauvre fille, j'espère qu'elle a le coeur bien accroché, s'esclaffe Nini.
— Elle est belle à pleurer. De magnifiques yeux de biches, une bouche parfaitement ourlée... Une bombe !
— Et ben je veux voir ça dis-donc ! Elle est trop bien pour ton frère, non ? Taquine-t-elle.
— Sois pas méchante !
— Je peux être franche avec toi ?
— Je t'en prie...
— Je pensais que ton petit frère était gay !
— Je lui ai dit la même chose.
— Tu vois ma Sissi, malgré la distance, nous sommes toujours connectée !
*
Plus ça va, plus je me dis que je devrais essayer de sortir un peu. Lorsque je ne travaille pas, je reste seule, cloîtrée dans mon appartement. Cela commence à jouer sur mon moral.
Joé n'est plus jamais dispo en ce moment, et mon frère est accaparé par sa relation avec sa belle rwandaise. Je ne leur en veux pas, mais je commence sérieusement à m'ennuyer.
Je ne sais pas comment me vient l'idée mais je décide de m'inscrire sur un site de rencontre.
Après tout, qui ne tente rien à rien.
Je suis surtout désespérée !
Je télécharge l'application du site de rencontre meetme.fr. Je m'inscris immédiatement et je consulte les fiches des hommes qui pourraient m'intéresser. Il y en a beaucoup.
Je suis certaine que plus de la moitié des profils concernent des fausses identités ou des personnes mal intentionnées ou peu sérieuses, mais je tente le coup quand même.
Je poste une photo de moi, et je complète ma fiche. Si j'étais honnête, j'écrirai:
" Jeune cas désespérée de trente ans, déçue, blessée et dévastée par l'amour, cherche véritable prince charmant qui ne lui en voudra pas d'être ce qu'elle est."
Bien évidemment, je n'en ferai rien. Je me contente d'une description courte et sobre. Je n'ai jamais fait ce genre de chose, et il ne faudrait pas que je sois contactée par un psychopathe.
Avec la chance que j'ai, ça pourrait m'arriver !
Je regarde l'heure et je constate avec stupeur qu'il est plus de quatre heures du matin. Cette histoire de site de rencontre m'a pris toute mon énergie, et une bonne partie de ma nuit. Il est temps que j'aille au lit !
*
Professionnellement, je trouve enfin mes marques avec les patients et avec mes collègues aussi. Mais je dois avouer être très heureuse lorsque ma journée se termine.
Pour combler mon ennui, j'ai décidé de reprendre le chant en loisir, et ce soir, je passe une audition pour intégrer la chorale gospel de mon quartier. Je meurs d'envie de chanter avec d'autres personnes, ça me rappellerai la belle époque de Chorus. Jai juste envie de partager une activité qui me plaît et voir du monde.
Je me pointe avec une demi-heure d'avance, et discute avec Sandrine la chef de coeur. J'aime son énergie. Je la sens passionnée et ça me plaît. En même temps qu'elle installe et prépare la salle pour l'audition, elle me parle de son parcours et de son projet chorale.
J'adhère complètement à sa vision.
De fil en aiguille, elle me propose de m'auditionner un peu plus tôt que prévu puisque le pianiste arrive à son tour. Ça m'arrange puisqu'il n'y a personne d'autre qu'eux et moi. Je tends la partition au musicien et je me lance.
Je chante de tout mon coeur. "Now Behold The Lamb", un chant de Kirk Franklin interprété par Tamela Mann, que j'adore.
J'ouvre les yeux lorsque je termine et je vois Sandrine en larmes. Elle m'attrape dans ses bras et me dit que je suis engagée. Je ne le montre pas, mais au dedans de moi c'est le festival. Finalement, je ne suis pas si rouillée que ça !
— Ben mazette ! T'as une sacrée voix.
— Merci.
— Il y'a un décalage entre ta voix et ta personne, c'est absolument divin. Je pense qu'on va pouvoir faire des choses intéressantes ensemble.
— Super !
— Attends un peu que les autres t'entendent. Ils vont a-do-rer !
Je la remercie à nouveau de son accueil et de ses compliments et je m'en vais avant même d'avoir rencontré les autres membres du jury.
Au détour du long couloir qui mène vers la sortie, je fais une rencontre inattendue :
— Oh mon Dieu ! Est-ce bien toi ?
— Incroyable ! Elsie Le Kervellen !
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