Comme chaque année, je m'étais levée tôt pour la rentrée. Bien mieux habillée qu'en temps normal, je lissais mes boucles brunes, tantôt en souriant, tantôt en laissant échapper un gémissement de douleur dû à une brûlure. Je rentrai enfin en Première Littéraire, la filière que je désirai rejoindre. J'avais redoublé ma Seconde Générale pour quelqu'un, m'étant convaincu que j'améliorerai mes notes, sans succès. Mais c'était la dernière fois que je réalisais cette bêtise.

Mes cheveux lissés, ma tenue impeccable, et mon sac à dos sur l'épaule, j'enlaçais mon père qui buvait son café sans sucre –C'est immonde avec ! disait-il – avant de sortir de ma maison, de visser mes écouteurs sur les oreilles, et de sélectionner une playlist qui me donnait un sentiment de joie pour rejoindre l'arrêt de bus. Je faisais partie de ces gens qui ne discutaient jamais avec des personnes qu'elles ne connaissaient pas, l'exact opposé de mes parents. Quand quelque chose d'inattendu arrivait à un passant dans la rue et que mon père n'était pas loin, il pouvait commencer à débattre sur un sujet avec cette personne, ou bien faire quelques blagues d'un niveau que je qualifiais bas. Quant à ma mère, elle aimait raconter aux caissières la vie de ses enfants, si bien que chacune des caissières de son magasin favori en savait plus sur ma vie que moi-même. Bien entendu, ces caissières étaient devenues des amies à ma mère, cela va de soi. Mais moi, je restai renfermé, avec ma petite bouille de fille trop gentille, et je passais soit pour quelqu'un d'invisible, soit pour quelqu'un de froid. C'était pour cela peut-être que mon cercle d'amis n'était pas si grand.

Le bus arriva plus vite que je ne le pensais, et comme à mon habitude, je me plaçai dans les premières rangées, histoire de pouvoir être tranquille. Je ne savais pas ce qui m'attendait pour cette année, mais j'avais hâte de la commencer, et pouvoir me pencher sur ce que j'aimais le plus : la littérature.

J'ai toujours adoré lire, que ce soit des BD, ou des romans à l'eau de rose. Mais ce n'était pas pour autant que j'adorai étudier, la preuve, je restai toujours en dessous de la moyenne. J'étais ce qu'on pouvait qualifier de banale, une fille sans vraiment d'ambitions, sans vraiment savoir de ce qu'elle désirait. Je ne voulais juste qu'écrire et partager mon monde imaginaire, avec des personnes qui aimeraient ce que j'écrirai.

En parlant d'écriture, je déverrouillais mon cellulaire avant de laisser apparaître une image basique aux couleurs pastelles. Ouvrant l'application des notes, je notais l'idée d'une petite humaine qui deviendrai un ange et qui s'interrogerai sur le monde des humains. La musique qui s'écoulait de mes écouteurs me souffla l'inspiration de ce personnage étrange, jusqu'à que l'arrêt du bus me signale que l'on était à destination. Sauvegardant le peu que j'avais développé, je descendais du véhicule avant de rejoindre mon établissement. J'avais rendez-vous avec une amie pour voir nos classes, même si je savais que nous ne serions pas ensemble, étant en Littérature et elle en Sciences.

« - Mia ? » m'interpella une voix au moment où je retirais mes écouteurs.

Brune claire aux yeux émeraudes, Anna se dirigeai vers moi tandis que je lui souriais. Je ne pensais pas la croiser ici, jusqu'à que je me rappelle qu'elle était aussi dans mon lycée. Je la connaissais depuis la primaire, même si je l'avais perdu de vue entre temps.

« -Oh, c'est vrai que tu es en terminal. » répondis-je, remarquant la présence de sa meilleure amie, Alice.

Alice était le genre de fille toujours à la dernière mode, digne du style d'une fille life style. Je l'avais rencontré à l'école de Musique, car nous pratiquions le même instrument, même si nous n'étions pas proches.

« -Oui, on sera peut-être dans la même classe. » déclara-t-elle.

J'haussai les épaules avant de me diriger vers la cour, à la recherche de mon amie Ina. Nous n'étions pas les plus proches non plus, mais nous trainions ensemble parce qu'on s'entendait bien. Je la remarquai au milieu de la foule d'élèves, à la recherche de sa classe, tandis que je me dirigeai vers elle en compagnie d'Anna et d'Alice.

« -Cool, je connais des gens dans ma classe. » l'entendis-je dire pour elle-même dans un soupir de soulagement. « Ah t'en a mis du temps. »

« -Désolé, j'ai croisé Anna et Alice. »

D'un simple geste, je les désignais de la main avant de lui dire que je devais voir dans quelle classe j'étais, puis me dirigeais vers les panneaux des Littéraires.

« -On est dans la même classe ! » déclara Alice en serrant Anna dans ses bras.

« -Je suis avec vous aussi. » complétais-je. « Ca tombe plutôt bien, je ne connais que vous familièrement. »

Je n'eus pas le temps d'en dire plus, la sonnerie nous indiquait déjà de se positionner devant nos fiches. J'espérais avoir un prof principal plutôt cool, dans le style de Mr Hanton. Je l'avais eu pour ma première, et je dois avouer qu'il était un prof passionné par son travail. Mais à ma grande surprise, ce fut Mme Pelletier qui arriva avant de nous saluer et de nous demander de le suivre. Parmi les élèves, je reconnaissais quelques têtes que j'avais côtoyées l'année dernière, et je suivis le rang en direction d'une classe lambda du premier étage. Il était assez facile de savoir où j'allais m'asseoir. Les deux seules amies qui étaient dans ma classe allaient se mettre côte à côte, c'est ainsi que je me retrouvai à une table, seule, contre un mur. Mais cela ne me dérangeais pas, ça voulait dire que j'allais pouvoir soit écouter le cours, soit écrire sans que le prof ne me remarque. Cependant, il fallait avouer que pour cette matinée, j'écouterai les dires de notre cher professeur, car cette année c'était le bac. Je devais vraiment me concentrer au maximum à mes études, et décrocher ce diplôme.

J'aurai dû inscrire cette dernière phrase au fer rouge sur mon bras.

Pendant le blabla incessant de Mme Pelletier, je dévisageais ma classe. Il y avait différents styles de personnes, les têtes de la classe qui buvaient les paroles de Mme Pelletier, comme si elle était une grande Sainte, les casse-cous qui faisaient mine de l'écouter, mais qui prévoyaient aussi ce qu'ils feraient après ces 4h de discussions autour du bac, et les bavards, qui ne se préoccupaient pas des informations données.

Ma catégorie ? Elle dépendait de mon humeur. J'ai toujours été assez lunatique, sans doute un syndrome chez les écrivains en herbe pour ressentir un maximum de sentiments à décrire. Je posai alors le regard sur deux amies qui discutaient un peu entre elles tout en écoutant notre prof.

Je ne savais pas que ces deux filles joueraient un grand rôle dans mon histoire.

Je ne les connaissais que très peu, mais je savais que l'on voyait rarement l'une sans l'autre. Elles faisaient partie du coin gamer, un groupe d'amis un peu fermé au lycée, qui ne parlait que d'animes, jeux ou informatiques. Je ne me rappelais cependant pas de leur prénom, dû à ma belle mémoire défaillante. L'Alzheimer était précoce, dites donc !

« -Et c'est ainsi qu'il est l'heure de vous donner ce que vous attendez le plus, c'est-à-dire les emplois du temps. » finit notre chère Mme Pelletier avant de secouer dans sa main un petit paquet de feuille. « Votre emploi du temps est unique, car vous avez chacun vos propres options. Je vais donc vous les distribuer par ordre alphabétique. »

« - Mon emploi du temps est pas trop mal. » déclarais-je à Milo, une amie à moi. « J'ai quelques trous ça et là, et je termine que le jeudi à 18h. »

Elle leva rapidement les yeux de son téléphone avant de me sourire et de replonger le nez dedans. Elle adorait les jeux de rythmes sur des animes. Je soupirai avant de me diriger vers le coin gamer. Je connaissais quelques personnes dans ce groupe, ce qui fait que je pouvais venir discuter un peu avec eux. J'aimais bien échanger avec eux, je découvrais de nouveaux animes à regarder, et puis je pouvais aussi enrichir mes fanfictions.

Je vis alors les deux jeunes filles de ma classe, discutant ensemble avec animation. Je devais les fixer un peu trop, puisque l'une d'elles, la plus mignonne, se tourna vers moi avant de me sourire et de s'approcher avec sa meilleure amie.

« - Tu es nouvelle dans le groupe ? » demanda-t-elle de sa voix fluette, tandis que l'autre fille me toisa du regard.

« -Non, je viens juste discuter quelques rares fois. On ne s'est peut-être pas croisé avant. »

« -Oh, c'est possible en effet. Je m'appelle Kotomi ! Et voici ma meilleure amie, Rukia. » présenta Kotomi.

J'hochai d'un mouvement de tête avant de me présenter à mon tour et de leur annoncer que je les avait vu un peu plus tôt dans notre salle de classe. Leur amitié était grande, c'était certain, et je souris devant tant d'amitié. Pas que je n'avais jamais eu de meilleure amie, disons plutôt qu'elles n'avaient jamais durée longtemps. Allez savoir pourquoi, je n'étais peut-être pas très appréciable.

Nous discutâmes pendant une dizaine de minute avant que je n'entende Anna m'appeler. Nous avions prévu de manger ensemble le midi avant de rentrer chez nous, et je proposai alors aux meilleures amies de nous rejoindre. J'appris alors durant notre repas qu'Anna, Alice, Rukia et Kotomi se connaissaient depuis le collège, depuis la 3ème plus précisément, et que c'est à partir de cette classe que Rukia et Kotomi étaient devenues inséparables, partageant les mêmes idées, et les mêmes délires. Kotomi vivait dans une grande ville avant, mais elle avait dû déménager à cause de la mutation de sa mère, et elle était arrivée en cours d'année. Elle était allé voir Rukia qui restait toujours dans son coin, et le feeling était directement passé, au grand damne d'Alice qui avait tout tenté pour se rapprocher d'elle.

J'analysai les deux nouvelles rencontres. Elles se complétaient dans un sens, Kotomi ayant les cheveux rubis, et d'apparence d'une fille toute mignonne, alors que Rukia était grande, brune, et en imposait rien qu'avec son regard.

Mélangeant mes potatoes dans ma sauce, j'écoutai avec plaisir chaque histoire qui était racontée soit par les deux filles, soit par Milo, soit par Alice et Anna. Nous allions passer du temps ensemble dans la même classe (Sauf Milo qui avait choisi une filière STMG), il fallait donc que l'on puisse bien s'entendre.

Depuis quand étais-je devenue si naïve ?

De retour chez moi, mon père me questionna sur cette rentrée scolaire. Je lui racontai alors les quelques nouvelles rencontres que j'avais eu, qu'Alice et Anna était dans ma classe, et qu'à part elles, je ne connaissais personne dans ma classe, à part, bien entendu, ceux qui étaient avec moi l'année dernière.

« -Tu devrais devenir plus sociale. » dit-il simplement avant de retourner cuisiner le plat du soir.

J'haussai les épaules. Il n'avait pas tort, et j'avais toujours peur de me retrouver seule. Cette peur m'habitait depuis le collège, où pendant 3 ans, les personnes de ma classe se moquaient de moi. Mia qui n'a pas d'amis, Mia qui ne s'habille pas à la mode, Mia qui est ronde. J'avais mal vécu ces années de collège, parce que l'on me faisait chier quand j'étais toute seule, j'essayai toujours d'être en compagnie de quelqu'un. Je ne profitai pas de cette personne, puisque je traînais tout de même toujours avec des personnes que j'appréciai, et qui m'appréciai, enfin je crois.

Le repas du soir se passa dans le calme, ma sœur et mon frère racontant leur première journée de cours, tandis que je savourai ce petit plat. Demain, même si je commençais à 9h, je devais prendre le bus. Pourquoi ? Parce que je ne voulais pas embêter mon père le matin pour qu'il m'emmène, tout simplement. Et puis j'aimais bien traîné au lycée le matin, soit pour lire, soit pour discuter avec mes amies. J'étais peut-être une fille bizarre, de préférer me lever tôt pour discuter, au lieu de dormir encore un peu plus.

Dans mon lit, je fixai mon le plafond, enfin plutôt la pénombre. Je ressassai cette matinée que j'avais passée. En une matinée, j'avais rencontré deux nouvelles personnes, j'en avais revues quatre autres. C'était une bonne rentrée pour l'instant.

Je m'endormis doucement, la lueur des étoiles veillant à mon sommeil et au monde de mes songes.