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Chapitre 41

***VOIX EXTERNE***

Sans que personne ne s'y attendre, un cri de joie mêlé à du soulagement s'éleva dans la pièce. Ndeye Lisoune était submergée par l'émotion. Elle répétait haut et fort en boucle "Alhamdoulilah", exprimant ainsi sa gratitude et sa joie pour le verdict favorable à Amina.

Elle était serrée par Fifi et Bireume, qui étaient assis à côté submergés également par la joie. L'émotion était telle que Bireume n'a pas pu s'empêcher de laisser tomber des larmes qu'il s'empressa d'effacer affichant un énorme sourire.

Pourtant, malgré cette scène de bonheur familial, le reste de la salle était plongé dans un silence stupéfait.

Personne n'avait vu venir une telle issue. Les visages de Sokhna, Yama, Keisha, Charlotte et même Papis témoignaient de la surprise et de l'incompréhension. Ils se demandaient tous comment le juge avait pu prononcer l'innocence d'Amina.

Noémie se leva brusquement de son siège, comme si elle avait reçu une décharge électrique. Elle fixait le président du jury avec des yeux exorbités.

Elle n'en revenait pas. Elle avait travaillé dur pour prouver la culpabilité d'Amina. Elle avait rassemblé des témoignages, des indices, des preuves. Elle était persuadée de la faire condamner

Elle s'écria :

—Mais c'est quoi ce verdict ? C'est quoi cette mascarade ? Comment avez-vous pu la déclarer non coupable ? C'est une honte ! C'est un déni de justice !

Le juge lui lança un regard sévère et lui dit :

—Maitre Laporte, veuillez respecter le verdict du jury. Il est souverain et irrévocable. Si vous n'êtes pas satisfaite, vous pouvez faire appel. Mais en attendant, vous devez vous taire et accepter la décision de la justice.

Le président du jury ajouta:

—Cette décision est tout à fait motivée parce que nous avons estimé qu'il subsistait un doute raisonnable sur la culpabilité de Mlle Amina SALL. Les éléments que vous avez présentés —en faisant référence à Noémie— n'étaient pas suffisants pour établir sa responsabilité au-delà de tout doute raisonnable. Nous avons donc appliqué le principe du bénéfice du doute en faveur de l'accusée.

Noémie resta bouche bée, incapable de croire ce qu'elle venait d'entendre. Elle se sentait trahie, humiliée, frustrée. Elle avait l'impression d'avoir perdu son temps, son énergie, sa crédibilité. Elle se tourna vers le président du jury et lui dit :

—Mais c'est complètement absurde et illogique ! Comment pouvez-vous dire ça ? Comment pouvez-vous ignorer les preuves accablantes que j'ai apportées ? Comment pouvez-vous laisser cette criminelle s'en tirer à bon compte ?

Le juge, vêtu de sa robe noire qui lui conférait une aura d'autorité, posa son regard calme sur Noémie. Il prit une profonde inspiration, manifestant ainsi le sérieux de son prochain discours avant de lui dire d'un ton pondéré :

—Maître Laporte, je comprends votre frustration et votre désaccord avec le verdict. Cependant, je tiens à vous rappeler que la justice se doit de respecter le principe fondamental du doute raisonnable. Dans ce cas précis, le jury a estimé qu'il existait suffisamment de raisons pour douter de la culpabilité de l'accusée, déclara-t-il d'un ton pondéré.

Noémie secoua la tête, manifestant clairement son désaccord. Les mots semblaient lui manquer pour exprimer sa frustration.

Le juge poursuivit, conservant une neutralité exemplaire dans son discours :

—Cela dit, je vous encourage à faire appel si vous estimez que des erreurs ont été commises. C'est votre droit le plus absolu en tant qu'avocate adverse. Ainsi, nous pourrons nous retrouver dans ce tribunal pour un nouveau procès et une nouvelle décision, le cas échéant. Pour l'heure, je vous demande de respecter la décision du jury et de permettre à la cour de continuer ses procédures.

Noémie, bien qu'en colère, se tut. Elle se rassit, croisa les bras sur sa poitrine, serrant les dents pour maîtriser sa frustration.

Pourtant, en elle, une détermination féroce grandissait. Elle était résolue à faire appel de ce verdict qu'elle jugeait scandaleux et inacceptable. Elle refusait d'abandonner cette affaire. Elle avait foi en la vérité et ne renoncerait pas à la défendre.

Le juge, après avoir calmé les esprits, se tourna vers Souleymane et lui demanda de se lever pour entendre sa sentence. Il prit la parole d'une voix grave :

—M. Souleymane Diop, vous avez été reconnu coupable du meurtre de votre père, M. Mayacine Diop, par un jury populaire. C'est un crime odieux, qui mérite une sanction exemplaire. Vous avez privé votre père de la vie, détruit votre famille et trahi la confiance de la société. Vous devez assumer les conséquences de vos actes.

Il marqua une pause puis, reprit avec une compassion évidente dans la voix.

—Compte tenu de la gravité de votre acte, je me vois dans l'obligation de prononcer une peine sévère. Monsieur Souleymane Diop, conformément à la loi, vous êtes condamné à une peine de réclusion perpétuelle assortie d'une durée minimale de cinq ans. Vous purgerez cette peine dans un établissement pénitentiaire relevant de notre juridiction. De plus, vous êtes également condamné à une amende de deux millions cinq cents que vous devrez verser aux parties civiles, mesdemoiselles Yama Khady Mar Diagne et Amina Sall.

Le marteau du juge s'abattit sur le pupitre, scellant le sort de Souleymane. Un silence glacial envahit la salle, où personne n'osait bouger ni parler.

Souleymane sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Il savait que c'était la fin, qu'il n'avait plus d'espoir, qu'il allait passer le reste de sa vie derrière les barreaux. Il regarda Noémie, qui malgré sa désillusion face au verdict d'Amina, se précipita vers lui, l'enlaçant dans une étreinte emplie d'émotions.

Il murmura à voix basse :

—Je suis désolé... Je suis désolé de t'avoir entraînée dans cette affaire. Je suis désolé de t'avoir fait perdre ton temps.

Noémie se sépara de lui, secouant la tête avec conviction, et lui répondit :

—Souleymane, ne dis pas ça. Tu n'as pas à t'excuser tu es mon ami, mon client. Je ne t'abandonnerai pas. J'introduirai une demande à ta faveur pour essayer de réduire cette peine. Je me battrai pour toi jusqu'au bout...

Un faible sourire se dessina sur le visage de Souleymane, reconnaissant pour le soutien inébranlable de son amie et avocate. Il lui répondit :

—Merci, Noémie. Merci d'être là pour moi mais tu sais bien que c'est peine perdue. Tu sais que je suis coupable et même sans ça, je ne pense pas mériter ton aide...

Le policier qui l'encerclait lui fit signe qu'il était temps de partir. Il l'entraîna vers la sortie, sous le regard des spectateurs.

Souleymane se retourna une dernière fois vers Noémie et lui dit :

—Au revoir, Noémie... Prends bien soin de toi...

—Au revoir, Souleymane... Courage...

Noémie regarda Souleymane s'éloigner sous escorte policière, le cœur serré par un mélange d'émotions. Elle se sentait trahie par la justice, impuissante face à la décision du jury.

Elle avait travaillé dur pour défendre son ami, son client, mais elle n'avait pas réussi à le sauver. Sa frustration et sa colère bouillonnaient en elle alors qu'elle rassemblait ses affaires d'un geste rageur.

La promesse qu'elle venait de faire à Souleymane résonnait dans sa tête, mais elle savait que la bataille était loin d'être terminée. Elle était déterminée à mettre Amina en prison et cela à n'importe quel prix.

Dehors, le monde semblait avoir retrouvé ses couleurs pour Amina et Yama. Entourées de leur famille, elles échangeaient des sourires, des étreintes chaleureuses et des paroles emplies de soulagement sincère. Elles se congratulaient mutuellement pour leur acquittement, mais leur gratitude la plus profonde était dirigée vers Dieu.

Tout comme leurs familles, elles exprimèrent ensuite leur reconnaissance envers Sokhna, leur avocate, dont le dévouement et la ténacité avaient été un pilier essentiel de leur victoire.

Cependant, ce moment de réjouissance fut brusquement interrompu par la sonnerie du téléphone de Keisha, qui était restée en retrait avec Charlotte.

En sortant son téléphone de sa poche et en voyant le nom de l'appelant, elle fronça immédiatement les sourcils et sentit son cœur manquer un battement.

C'était le médecin traitant de son père, le docteur Seck. Une vague d'angoisse l'envahit, et elle présuma que la nouvelle était nécessairement mauvaise. Elle craignit que son père soit peut-être décédé.

Elle s'éloigna discrètement des autres, cherchant un endroit plus calme pour répondre. Hésitant à décrocher, elle redoutait d'entendre la voix du docteur Seck lui annoncer le pire.

Malgré tout, elle prit une profonde inspiration pour rassembler son courage, décrocha finalement, la voix tremblante, et dit :

—Allô ?

—Bonjour, Mlle Niang. C'est le docteur Seck. Je vous appelle au sujet de votre père.

—Qu'est-ce qu'il y a ? Il va bien ?

—Je ne peux pas vous en dire plus au téléphone. Je voudrais vous parler en personne. Pouvez-vous venir à l'hôpital le plus vite possible ?

—Mais pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ? Il est arrivé quelque chose ?

—S'il vous plaît, Mlle Niang, ne vous inquiétez pas. Venez à l'hôpital, et je vous expliquerai tout.

Le cœur de Keisha martelait sa poitrine, les doutes et les craintes tourbillonnant dans son esprit. Elle était persuadée que le docteur Seck lui dissimulait quelque chose de terrible. D'une voix fébrile, elle répondit :

—D'accord... D'accord... J'arrive tout de suite.

—Très bien. Je vous attends.

Elle raccrocha précipitamment le téléphone, submergée par la panique et la tristesse. Elle chercha le regard de Charlotte, espérant lui communiquer l'urgence de la situation à travers un langage de signes discret.

Charlotte, qui était toujours attentive à elle, comprit immédiatement et se faufila discrètement jusqu'à elle, les rejoignant dans un coin isolé. Elle avait clairement perçu que quelque chose n'allait pas.

Elle demanda doucement :

—Qu'est-ce qui se passe ?

Keisha, les yeux emplis d'incertitude et de détresse, répondit :

—C'était le docteur Seck... Il veut que je vienne à l'hôpital... Il avait l'air inquiet... Il ne m'a rien dit...

Comme à son habitude, Charlotte enveloppa son amie de ses bras, cherchant à lui apporter un peu de réconfort. Elle lui proposa :

—Oh, Keisha... Je suis tellement désolée... Peut-être que ce n'est pas si grave. Veux-tu que je t'accompagne à l'hôpital ?

Keisha secoua vivement la tête, exprimant son besoin de partir rapidement. Sans perdre de temps, elles se précipitèrent vers la sortie du tribunal. Mais leur hâte fut brusquement interrompue par une voix familière qui les appela depuis derrière :

—Keisha ?!?

Les deux amies se retournèrent brusquement, surprise dans leurs pas par cette interpellation inattendue.

***AMINA SALL (NIANG)***

À l'instant où Keisha fit signe à Charlotte de la rejoindre, mes pensées furent brutalement arrachées à la conversation que Bireume était en train de mener. Mes yeux se fixèrent sur elles, mes sourcils se contractèrent, submergés par une inquiétude soudaine.

Je ne pouvais expliquer pourquoi, mais mes pensées s'orientèrent instantanément vers mon... mon père.

La dernière fois qu'il était venu me voir en prison, il n'avait pas semblé en forme. Même si je feignais l'indifférence, j'avais réussi à capter dans ses propos qu'il était mourant, que ses jours étaient comptés.

Ce jour-là, un pincement au cœur m'avait étreint je l'avoue, malgré notre relation compliquée. Car près tout, il restait mon père, même si nous ne nous connaissions pas vraiment.

Donc, en voyant Keisha se comporter ainsi, je ne pouvais m'empêcher d'être anxieuse pour lui, particulièrement pour sa santé.

Mon instinct me poussa alors à rejoindre Keisha et Charlotte sur-le-champ, sans la moindre hésitation.

Ma confiance en mon intuition était plus solide que toutes mes inquiétudes. Je ne me permis pas un instant de répit, me rapprochant discrètement d'elles, mon cœur battant plus rapidement à mesure que j'anticipais la révélation de ce qui les préoccupait.

Charlotte chuchota des mots d'empathie à l'oreille de Keisha, tentant de la réconforter. Je ne pouvais pas entendre leurs paroles, mais l'inquiétude se lisait clairement sur leurs visages.

Keisha, les yeux embués de larmes, secoua la tête alors qu'elles semblaient se préparer à partir. C'est précisément à ce moment-là que j'interpellai Keisha.

Elles se retournèrent brusquement pour voir d'où venait l'appel, une expression de surprise se dessinant sur leurs visages. Elles devaient sûrement se poser un tas de questions comme du genre ce que je leur voulais.

Je m'approchai d'elles à pas rapides, le regard interrogateur. Je voulais savoir ce qui se passait, ce qui avait bouleversé Keisha à ce point.

—Qu'est-ce qu'il y a ? Demandai-je en arrivant à leur hauteur. Qu'est-ce qui ne va pas ?

Elles se regardèrent visiblement surprises par ma question brusque et directe. Elles devaient sûrement se demander si tout allait bien pour moi. Je compris leur gêne et décidai de reformuler ma question avec plus de tact.

—Euh...excusez-moi, je ne voulais pas me comporter ainsi. Mais en vous voyant de loin votre attitude, je me suis dit qu'il se passait quelque chose. Quelque chose qui est en rapport peut-être avec....avec ton père et sa santé. Expliquai-je en fixant Keisha tout en prononçant les derniers mots.

Elle leva les yeux au ciel puis me regarda avec une pointe d'irritation dans les yeux, comprenant certainement que je n'étais pas encore prête à effacer les dissensions du passé. Mon utilisation de "ton père" au lieu de "notre père" en disait long sur mes sentiments.

Elle poussa un soupir et, après un moment de silence, finit par répondre d'une voix chargée de tristesse et d'inquiétude faisant ainsi abstraction à ma phrase :

—C'est mon père... NOTRE père, insista-t-elle d'un ton ferme, effaçant momentanément les distinctions. Le médecin qui s'occupe de lui m'a appelée et il a demandé à me voir de toute urgence. Je ne sais pas ce qui se passe, mais je crains que ce soit grave.

À ces mots, je sentis mon cœur se serrer, comme si une main invisible le comprimait doucement. Pourtant, malgré cette montée d'angoisse, je m'efforçai de maintenir la façade impassible que j'avais si souvent arborée par le passé.

Mes pensées se bousculaient dans ma tête, mais je savais que la vulnérabilité n'était pas une option en ce moment crucial. Les souvenirs d'enfance et les blessures encore présentes menaçaient de ressurgir, mais je devais les reléguer au second plan.

Elle continua.

—Je vais y aller tout de suite. Charlotte a accepté de m'accompagner. Tu... si tu veux, tu peux venir avec nous ? Me proposa-t-elle, brisant momentanément la glace qui s'était formée entre nous.

Son offre me prit par surprise. C'était un geste d'ouverture que je n'attendais pas, un signe que peut-être, malgré notre passé tumultueux, nous pouvions surmonter nos différences pour soutenir notre père dans cette situation critique.

—Je ne sais pas...hésitai-je, prise au dépourvu. Je ne sais pas si c'est une bonne idée.

Charlotte décida d'intervenir.

—Bien sûr que c'est une bonne idée ! S'exclama-t-elle en me prenant par le bras. C'est ton père, Amina ! Tu dois le voir, tu dois lui parler, tu dois lui dire que tu l'aimes ! Tu ne sais pas si tu auras une autre occasion !

Je les lançai des regards à tour de rôle, réfléchissant sérieusement à la meilleure décision à prendre. Une pensée insistante me traversa l'esprit : peut-être était-il temps de faire face à cette histoire une fois pour toutes.

Il y avait cette rancune profonde qui me rongeait depuis si longtemps, une blessure qui s'était enracinée au fil des années, séparant notre famille. J'avais toujours prétendu que je pouvais vivre ma vie en faisant fi du passé, mais ce moment crucial me forçait à reconnaître l'évidence : cette rancune me retenait prisonnière, me privant de la paix intérieure que je désirais tant.

À cet instant, je ressentais le besoin pressant de mettre un terme à tout cela. Non seulement pour notre père, mais aussi pour moi-même. Je devais trouver le courage d'affronter ces souvenirs douloureux, de les exorciser et de les surmonter. L'idée de pouvoir enfin avancer et vivre le reste de ma vie dans la quiétude et un esprit sain était une perspective séduisante.

Je regardai Keisha, qui attendait ma réponse avec une lueur d'espoir dans les yeux. Finalement, je pris ma décision.

—D'accord, j'irai avec vous. Je veux le voir, lui parler, même si ce n'est qu'une fois.

Un sourire de soulagement et de gratitude illuminait le visage de Keisha. Elle se rapprocha de moi et me serra brièvement dans ses bras, et j'eus l'étrange sensation que ce geste symbolisait bien plus que la simple acceptation de ma présence à cet instant précis.

Nous nous mîmes en route vers l'hôpital, Charlotte et Keisha à mes côtés. En chemin, je me demandais ce que ce voyage signifierait pour nous tous.

Était-ce le début d'une réconciliation, la possibilité de guérir des années de distance et de ressentiment ?

Ou était-ce simplement un moment de réunion temporaire dans le contexte de la maladie de notre père ?

Les réponses se cacheraient probablement derrière les portes de l'hôpital, là où notre père attendait. Mais ce qui était sûre c'est que j'étais prête à affronter ces défis, à explorer les profondeurs de mes propres émotions et à laisser place à la guérison, quelle qu'en soit la forme.

(....)

Enfin, nous arrivâmes à l'hôpital après de longues minutes de trajet. L'édifice imposant se dressait devant nous, un sanctuaire de guérison et d'espoir. L'air était chargé d'une atmosphère médicale familière mêlée d'une pointe d'anxiété.

Nous franchîmes les portes automatiques du hall, où régnait une agitation constante. Les pas résonnaient sur le sol carrelé, et j'observais les gens passer, certains avec des visages préoccupés, d'autres avec des sourires d'espoir.

Je suivis Keisha et Charlotte jusqu'à la chambre de notre père. Chaque pas rapprochait un peu plus le moment de la vérité, de la réunion avec l'homme qui avait été une énigme dans ma vie, une présence à la fois lointaine et incontournable.

La porte de la chambre était close, mais avant même que nous ne puissions l'ouvrir, un homme portant une blouse blanche et arborant un stéthoscope autour du cou s'avança vers nous. Il prononça le nom de Keisha, qui se tourna pour le saluer, laissant la poignée de la porte.

L'homme nous accueillit d'un geste de la main avec une lueur de préoccupation dans les yeux.

—Bonjour, Mlle Niang. Mesdames, ajouta-t-il en nous incluant toutes les deux d'un regard.

—Bonjour Docteur Seck, répondit Keisha d'une voix tendue mais respectueuse. Nous sommes ici, pouvez-vous nous dire ce qui se passe ?

Un long silence pesa dans l'air alors que le médecin choisissait ses mots avec précaution.

—Mlle Niang, comme vous devez déjà le savoir, je vous ai contactée pour discuter de la condition de votre père, commença-t-il. Voulez-vous bien m'accompagner ? Nous pourrons avoir cette conversation en privé dans mon bureau.

Keisha jeta un regard à son amie Charlotte, qui lui fit signe d'y aller et qu'elle l'attendrait. Ensuite, elle se tourna vers moi, m'invitant à venir avec elle. Cependant, le docteur, visiblement perplexe par cette demande, insista pour ne parler qu'à Keisha, qu'il connaissait probablement mieux.

—Docteur Seck, peut-être que vous ne savez pas, mais Amina est ma demi-sœur, répondit-elle en me lançant un regard. Euh....c'est une longue histoire mais sachez juste qu'elle a autant le droit de savoir ce qui se passe que moi.

Le médecin me fixa longuement avant de finalement acquiescer d'un "Très bien." Nous le suivîmes alors jusqu'à son bureau.

Une fois sur place, nous entrâmes dans un espace calme et feutré, bien loin du tumulte du hall de l'hôpital. Il nous invita à nous asseoir, puis il prit place derrière son bureau, son expression sérieuse et compatissante.

—Mesdames, je vais être direct avec vous, commença-t-il d'une voix empreinte d'une sincérité difficile à entendre. J'aurais aimé que les nouvelles que je vais vous annoncer soient d'une nature plus réjouissante, mais je crains que cela ne soit pas possible. Le cas de votre père est des plus sérieux. Le cancer a atteint un stade avancé, et en dépit de tous nos efforts, son état s'est détérioré de manière alarmante. Il y'a quelques heures, il a fait une crise qui a considérablement compromis son pronostic. À l'heure actuelle, nous sommes inévitablement dans la dernière étape de son voyage.

À ces mots, un frisson d'effroi parcourut mon corps, et je ne pus m'empêcher de détourner les yeux vers Keisha, dont le visage trahissait une douleur indicible. Ses larmes coulaient silencieusement sur ses joues creusées par la fatigue et l'inquiétude. Malgré sa détresse, elle fixait le médecin, accrochée à chaque syllabe de ses propos.

Le docteur Seck continua avec une compassion palpable.

—Nous avons déployé diverses approches thérapeutiques, comme je l'avais promis à Mlle Niang, pour tenter de ralentir la progression de la maladie et atténuer sa souffrance. Cependant, la situation s'est désormais détériorée au point où les traitements agressifs ne sont plus envisageables. Votre père est conscient, mais il est terriblement affaibli.

Keisha, finalement submergée par l'ampleur de ses émotions, s'effondra en larmes. Elle cacha son visage dans ses mains, laissant les sanglots déchirants de chagrin s'échapper, créant une symphonie poignante de douleur.

Contrairement à moi, qui n'avais aucune affinité avec notre père et ne connaissais son existence que très récemment, elle avait été sa compagne de vie. Je pouvais voir qu'il était son pilier, et voir cet homme à présent si vulnérable était une épreuve déchirante pour elle.

Avec hésitation, je m'approchai d'elle, mes bras se refermèrent doucement autour d'elle, offrant un réconfort silencieux. Ce contact semblait être le signal qu'elle attendait pour libérer un flot de douleur, augmentant ses sanglots qui étaient maintenant devenus des cris de douleur étouffés dans mon épaule.

Mes yeux se remplirent aussi de larmes, mais je m'efforçai de les retenir, résolue à rester forte pour elle.

Le docteur Seck, respectant notre douleur, attendit patiemment que Keisha trouve un peu de réconfort. Une fois cela fait, il ajouta avec une voix empreinte de compassion.

—Je suis vraiment désolé, mesdames. Je partage votre peine.

Il fit une pause.

—Il a demandé à vous voir, à vous parler, et il m'a expressément demandé de vous transmettre son désir. Il tient à vous dire quelque chose de très important. Je ne peux pas vous dire combien de temps il lui reste, mais je vous conseille de ne pas trop tarder.

Les paroles du docteur Seck pesaient sur nous comme une sombre mélodie, une symphonie de tristesse que nous étions contraintes d'écouter. Keisha, bien que submergée par l'émotion, semblait peu à peu retrouver son calme, comme si elle avait libéré un trop-plein de chagrin.

Un signe de tête silencieux, un remerciement au médecin pour sa délicatesse, puis nous quittâmes la pièce.

L'atmosphère du couloir de l'hôpital semblait à la fois familière et étrangement différente après les nouvelles que nous venions d'apprendre.

Les gens continuaient de vaquer à leurs préoccupations, certains souriaient d'un sourire solennel, tandis que d'autres se perdaient dans leurs pensées, tout comme nous l'étions.

Keisha, abandonnant momentanément les larmes et la vulnérabilité du bureau du médecin, reprenait son rôle de femme forte et déterminée. Lorsque nous rejoignîmes Charlotte, elle l'expliqua brièvement les mots du médecin, et cette dernière réagit avec empathie, en posant une main sur mon épaule avant de prendre Keisha dans ses bras pour lui offrir du réconfort.

Les observer ainsi, fusionnelles et complices, éveillait en moi une lueur de jalousie, me faisant espérer un jour atteindre une telle relation avec Keisha.

Leur séparation fut chargée de chaleur et de soutien, puis Keisha annonça son intention de voir notre père immédiatement. C'était un acte courageux, révélant l'amour qu'elle portait à notre père et sa volonté de répondre à son appel.

Charlotte, quant à elle, nous assura qu'elle nous rejoindrait dès que possible, laissant Keisha et moi avancer seules pour ce moment initial.

Je suivis silencieusement Keisha à travers les couloirs de l'hôpital, jusqu'à ce que nous atteignions la chambre de notre père. Là, l'inconnu nous attendait, chargé de souvenirs, d'émotions et de retrouvailles potentielles.

Nous nous tenions devant la porte de la chambre, les cœurs battant rapidement. Keisha, avec une profonde inspiration, tourna lentement la poignée, révélant notre père alité dans la pièce.

L'image qui s'offrit à nous fut déconcertante. L'homme gisant sur le lit paraissait fragile et diminué. Il pivota lentement la tête vers nous, son visage portant les stigmates de la maladie, marqué par les ravages du temps.

Ses yeux s'écarquillèrent légèrement, trahissant sa surprise de nous voir à sa porte, plus précisément moi. Cette expression de surprise se mua en une lueur d'émotion pure qui inonda son regard.

Un sourire épuisé se dessina sur ses lèvres, et il tendit faiblement la main vers nous. Keisha s'approcha la première, prenant délicatement la main de notre père dans la sienne.

À ce moment précis, les mots semblaient superflus. Ils se contentèrent de se regarder, laissant leurs regards empreints d'amour et de souvenirs partagés traduire ce que le cœur peut exprimer bien mieux que les mots.

Je m'avançai à mon tour, mes yeux rencontrant les siens tout en gardant une certaine distance. Il y avait tant de choses que je voulais dire, tant de questions qui me brûlaient les lèvres, mais pour l'instant, nous nous contentâmes de rester là, à nous fixer.

Les secondes s'écoulaient en silence, mais ce silence était chargé de réminiscences, d'émotions refoulées et d'amour. Mon père semblait vouloir graver ces instants dans sa mémoire, comme s'il cherchait à emporter avec lui chaque détail de ce moment.

Finalement, un soupir doux et las s'échappa de ses lèvres, rompant le silence.

—Mes filles...,murmura-t-il, sa voix à peine plus qu'un chuchotement.

Ces simples mots eurent l'effet de briser la carapace que j'avais adoptée depuis tant d'années, une carapace forgée par la rancune et la haine que je pensais ressentir pour cet homme.

En un instant, cette armure se fissura, laissant place à une émotion pure, une fraîcheur soudaine dans le cœur. Je ne m'y attendais pas, mais je ressentais que toute cette animosité envers mon père se transformait en un sentiment de renaissance et de bonheur inouï.

Le simple fait qu'il nous appela "mes filles", en m'incluant pleinement, signifiait énormément pour moi. C'était bien plus qu'un simple terme affectueux. Cela montrait que contrairement à ce que je pensais, il m'acceptait réellement, me considérait comme son sang, au même titre que Keisha, sa fille légitime.

Cela valait même si je n'étais pas née dans les liens sacrés du mariage. Ce simple geste de reconnaissance effaçait des années de doute et de ressentiment.

Keisha, qui tenait toujours la main de notre père dans la sienne, prit la parole d'une voix douce et tremblante :

—Papa... Nous voilà... Nous sommes là pour toi... Nous ne te laisserons pas partir seul...

Un sourire encore plus faible étira les lèvres de mon père. Il semblait épuisé, mais heureux de nous voir.

—Merci ma chérie... Merci d'être venues... Merci d'être là...

Il posa ensuite ses yeux sur moi, qui étais restée adossée au mur, les bras croisés. D'un geste doux de la main, il m'invita à m'approcher.

—Amina... Ma fille... Approche... S'il te plaît...

Je ne bougeai pas et fixai le sol. Il semblait avoir compris que, malgré ses paroles, j'étais encore en train de lutter avec mes émotions. Il y avait tant de colère, de tristesse, de rancœur en moi.

Keisha se leva du siège et vint vers moi, posant une main sur mon épaule pour m'encourager silencieusement à répondre à son appel. Une lueur d'angoisse traversa les yeux de mon père.

—Amina, s'il te plaît, ma fille..., répéta-t-il d'une voix plus faible, presque implorante. Ne me rejette pas... Ne me prive pas de ce dernier moment avec toi...

Le poids des années de silence entre nous pesait lourdement sur mes épaules, et il était difficile de briser cette glace qui nous séparait depuis si longtemps.

Pourtant, quelque chose en moi me poussait à lui accorder une chance, à tenter de comprendre l'homme derrière le père que je n'avais jamais vraiment connu.

Finalement, je fis un pas hésitant, puis un autre, m'approchant doucement du lit où il était alité. Il étendit la main vers moi, ses doigts tremblants cherchant les miens. Quand nos mains se rejoignirent, ce fut comme si un lien invisible se reformait, un lien qui avait été rompu depuis ma naissance.

Je m'apprêtais à m'asseoir sur la chaise, mais il semblait préférer que je m'assoie à ses côtés sur le lit.

Je m'exécutai à contrecœur, en silence. Il me sourit faiblement, mais je ne pus esquisser un sourire en retour. Je le regardais simplement, une expression neutre sur le visage.

—Je suis content de te voir... dit-il avec effort. Je suis content que tu sois là...

Un silence tendu s'installa. A part regarder mes pieds, je ne savais pas comment réagir à sa présence. Il semblait vouloir me parler, mais il avait du mal à trouver les mots.

Il toussa légèrement, puis reprit :

—Ma fille... Tu connais déjà toute l'histoire entourant ta naissance, je n'ai pas besoin de te la raconter à nouveau. Mais je tiens à te présenter mes excuses encore une fois, car je me rends compte de la souffrance qui t'a été infligée en te séparant de tes parents. Tu as vécu des années de douleur et d'abandon, qui ont marqué ta vie à jamais. Tu as grandi sans connaître tes vrais parents, sans recevoir l'amour dont tu avais besoin, sans savoir qui tu étais vraiment. Tu as dû affronter la vie seule, avec courage et détermination, sans avoir de soutien ni de modèle. Tu as dû te construire une identité, une existence, sans avoir de repères ni de références. Je sais que ça n'a pas été facile pour toi, que tu as rencontré beaucoup de difficultés, de questions, de doutes. Je sais que tu t'es souvent sentie seule, incomprise, rejetée. Je sais que tu as dû te battre pour trouver ta place, pour réaliser tes rêves, pour être heureuse. Et malgré tout cela, je voudrais pouvoir te dire que tout est bien qui finit bien, que je serai toujours là pour toi, mais toi et moi savons que ce serait une fausse promesse. Nos chemins se sont croisés trop tardivement, au moment où je suis sur le point de quitter ce monde.

Toujours en continuant ses caresses sur ma main, il me sourit, apportant un éclair de douceur dans la pièce baignée d'ombres.

—Mais quand même, Alhamdoulilah Ala Kulli Hal je ne m'en plains pas, murmura-t-il avec une sincérité profonde. Te connaître dans cette circonstance est bien plus favorable que de quitter ce monde sans te connaître. Et ça me ravi au plus profond de moi de vous voir toutes les deux, là, à mes côtés pour mes dernières bouffées de vie.

En prononçant ces mots, il balaya son regard entre Keisha et moi avec un sourire au coin des lèvres. Il semblait si calme, si serein, comme s'il avait accepté son sort. Il savait qu'il allait mourir, et il n'avait pas peur.

Cette sérénité, cette mention de sa mort imminente, m'occasionna tout de même une douleur poignante. Une boule se forma dans ma gorge, et mes yeux se remplirent de larmes, malgré ma volonté de rester forte. Je ne voulais pas le perdre, pas maintenant, pas comme ça.

Peu à peu, je réalisais que je ne le détestais pas autant que je le pensais, que la colère qui avait bouilli en moi depuis si longtemps était en train de se dissiper. Je me rendais compte que je voulais lui pardonner, lui dire que je l'aimais, malgré tout.

Je pris une profonde inspiration, prête à ouvrir la bouche pour lui parler. Mais avant que je puisse prononcer un mot, il ferma les yeux et poussa un soupir. Son visage se détendit, comme s'il venait de trouver la paix.

J'ai cru, un instant, qu'il était parti.

Mais non. Il rouvrit les yeux et me regarda avec une tendresse profonde.

—Amina... dit-il d'une voix faible mais claire.

Un soulagement m'envahit. Il était encore là, m'écoutant.

Je lui souris timidement, mes larmes silencieuses, et commençai à lui parler.

—Papa...

À l'entente de cette appellation, une vague d'émotions le submergea, et il éclata en sanglots tout en affichant un sourire. Ses larmes étaient des larmes de joie, car il ne s'attendait pas à entendre ce mot, à ressentir cette réconciliation qui s'annonçait entre nous.

—Papa... répétai-je avec plus d'assurance, les larmes coulant le long de mes joues. Je veux que tu saches que je ne t'en veux plus. Que je comprends ce qui s'est passé, que je te pardonne. Tu as raison de dire que ces années ont été difficiles, pour nous deux, et qu'il n'y a pas de formule magique pour les effacer. Mais nous pouvons créer de nouveaux souvenirs, de nouvelles connexions. Je veux être là pour toi maintenant, partager ce qui reste de temps avec toi.

Mon père acquiesça, incapable de parler face à cette avalanche d'émotions. Sa main dans la mienne, nous avons partagé un moment de silence, laissant nos larmes exprimer ce que les mots ne pouvaient.

Nous demeurâmes ainsi pendant quelques précieuses secondes, jusqu'à ce que la porte s'ouvrit sur le docteur Seck, accompagné de Charlotte et de cette femme qui me sert de mère biologique, dont la simple présence me figea sur place.

Elle entra dans la chambre avec une expression désemparée, comme si elle avait vu un fantôme. En nous découvrant, mon père et moi, main dans la main, les yeux rougis par les larmes, elle resta sans voix, incapable de réagir.

Le docteur Seck, professionnel et compatissant, pénétra dans la chambre. Il éclaircit sa gorge pour capter notre attention avant de se diriger vers le lit de mon père pour prendre son pouls. Ses traits affichaient une sollicitude évidente alors qu'il brisait le silence.

—Comment vous sentez-vous, M. Niang ? Demanda-t-il avec une compassion manifeste.

—Je vais bien... Je vais bien...

Mon père tenta de forcer un sourire, cherchant à masquer la douleur qui transpirait dans ses yeux.

—Je suis content de vous, Youssou mon ami... Continua-t-il, une lueur de gratitude dans son regard. Vous avez été d'une grande bonté envers moi. Votre soutien a été précieux dans ces moments difficiles. Vous avez été plus qu'un médecin, vous avez été un frère.

Le docteur Seck, touché par ces paroles, lui rendit son sourire avec reconnaissance. Leur relation s'était tissée au fil des mois de traitement, et il avait appris à connaître l'histoire, les souffrances et les espoirs de mon père. Il avait non seulement tenté de le soigner, mais aussi de le réconforter. La force et l'attitude positive de mon père l'avaient impressionné, inspirant à la fois les patients et le personnel médical.

—Je suis également ravi de vous, Malick, dit-il sincèrement. Vous êtes un homme courageux, un exemple pour nous tous. Vous avez affronté cette maladie avec dignité et courage. Vous avez su garder le sourire, malgré les épreuves. Votre force est un enseignement pour nous tous.

Suite à cet échange, le docteur se prépara à quitter la chambre pour nous laisser en famille, un geste empreint de respect pour le moment de réconciliation qui se jouait devant lui. Il nous adressa un signe de la tête, puis sortit discrètement, refermant la porte derrière lui.

Le regard de mon père se posa à cet instant précis sur cette femme, qui hésitait à s'approcher du lit. Elle avait l'air perdue, désemparée, coupable. Elle ne savait pas comment réagir, comment se comporter.

—Samira... c'est une bonne chose que tu sois venue, dit-il avec douceur. Allez, approche.

Elle obéit et s'avança timidement, les yeux baissés, le pas hésitant. Elle se plaça sur la chaise que Keisha lui offrit. à côté de moi, sans oser me regarder tandis que je la dévisageais avec mépris, lui faisant ainsi ressentir toute la haine et la rancœur que j'avais pour elle.

Mon père prit doucement sa main et lui parla d'une voix apaisante :

—Ne pleure pas...

Elle sanglota, baissant la tête entre ses sanglots. Les mots étaient difficiles à trouver, mais elle était déterminée à exprimer ses regrets.

—Je suis désolée, murmura-t-elle entre deux sanglots. Je suis tellement désolée, Malick, de t'avoir fait tant de mal... De t'avoir privé de ta fille pendant tout ce temps...

Il secoua la tête avec bienveillance.

—Mais non, Samira, arrête de toujours me demander des excuses. Moi, je t'ai pardonné depuis ce jour où tu m'as raconté toute l'histoire. Et d'ailleurs, ce qui est fait est déjà fait, ça appartient au passé, et maintenant nous sommes au présent. Oublions tout cela et avançons.

Après ces mots, il se tourna de nouveau vers moi en me reprenant la main qu'il posa sur celle de cette femme. Je restai stupéfaite de ce geste qui me déplaisait fortement.

—Amina... je voudrais te demander quelque chose... Quelque chose de très important...

Je le regardai avec curiosité, un froncement de sourcils signifiant que j'étais toute ouïe.

—Je voudrais que tu pardonnes à ta mère... Que tu lui donnes une chance... Que tu essaies de la connaître... De l'aimer...

Un choc me parcourut, ses mots heurtant mon cœur de plein fouet. Il me demandait de pardonner la femme qui m'avait abandonnée dans la rue à ma naissance, la femme qui m'avait rejetée, la femme que je haïssais.

Je retirai ma main brusquement, et reculai légèrement sur le lit. Je sentis la colère monter en moi, et je ne pus la contenir.

—Pardon ? Q...Quoi ? Comment oses-tu me demander ça ? M'écriai-je, les yeux écarquillés. Comment oses-tu me demander de pardonner à cette... à cette...

Je cherchai le mot le plus injurieux, le plus méprisant, le plus blessant, mais je ne le trouvai pas. Aucun mot n'était assez fort pour exprimer ce que je ressentais pour elle.

—Cette femme, acheva mon père, avec une pointe de reproche dans la voix. Cette femme qui t'a donné la vie, qui t'a porté dans son ventre, qui t'a aimé.

Je fus submergée par l'ironie de ses mots au point que je ne pus m'empêcher de rire en le regardant.

—Aimée ? La bonne blague, oui. Elle ne m'a jamais aimée ! Elle ne m'a jamais voulue ! Elle m'a jetée comme une vulgaire poupée, me laissant à la merci de la rue, des mains étrangères. Elle n'a jamais fait l'effort de me retrouver, ni de me revoir, ni de me parler ! Elle n'a jamais été une mère pour moi, et je ne la considérerai jamais comme telle.

Mes paroles portaient le poids des années de ressentiment et de douleur. Chaque mot était empreint de l'abandon que j'avais ressenti depuis ma naissance, la trahison insondable de celle qui aurait dû être ma mère. Les larmes menaçaient de couler, mais je m'efforçai de les retenir.

—Ma fille, je sais que tu as souffert à cause de l'abandon de ta mère. Je sais que tu as ressenti une douleur immense, un traumatisme profond, que je ne veux pas minimiser. Je sais que tu ne peux pas oublier ce qu'elle a fait, ni lui trouver des excuses. Mais, Amina, je voudrais que tu réfléchisses à une chose : le pardon. Tu es une musulmane, et l'islam nous enseigne la valeur du pardon. Dieu lui-même pardonne ceux qui se repentent sincèrement. Alors, pourquoi ne pourrais-tu pas envisager de pardonner à ta mère ? Je comprends que cela puisse sembler insurmontable mais regarde la. Elle regrette son geste et se sent coupable. Peut-être qu'elle t'a aimée, à sa façon, et qu'elle a fait une erreur. Peut-être qu'elle mérite une chance, une chance de te connaître, de t'aimer, de se racheter. Et peut-être que toi aussi, tu mérites une chance, une chance d'être heureuse, d'être en paix, d'être aimée. Le ressentiment et la colère que tu éprouves envers ta mère te font du mal, te bloquent, te limitent. En pardonnant, tu pourrais te libérer de ce poids, ouvrir la porte à la réconciliation, permettre à la guérison et à la croissance de prendre place dans ta vie. N'est-ce pas ce que tu veux, au fond de toi ?

—Non !

Il semblait confus face à ma réponse, ne comprenant sûrement pas à quoi je faisais référence. Je repris alors, d'une voix catégorique, détournant la tête pour fixer l'autre côté de la chambre, évitant ainsi son regard.

—Non, je ne peux pas.

—Si tu peux le faire.

—Non !

—Si !

—Non !

—Si, Amina, si ! Fais-le pour l'amour de Dieu et pour toi-même. Je t'en prie.

Je le regardai, hésitante, observant attentivement ses yeux implorants, ses lèvres tremblantes. Son expression le rendait vulnérable, fragile, comme s'il me confiait son dernier espoir.

Puis, mes yeux se posèrent sur cette femme, ma mère, dont le visage était toujours baigné de larmes. Elle semblait attendre, prête à se livrer à un moment qui semblait crucial.

Mes yeux la fixèrent longuement, comme si mon regard avait le pouvoir de lire au plus profond de son âme. Et c'est à cet instant précis qu'elle décida de s'adresser à moi, comme si elle se sentait obligée de parler, influencée par mon regard scrutateur.

—Amina, commença-t-elle, d'une voix à peine audible, je ne peux pas changer le passé ni effacer les erreurs que j'ai commises. Je ne peux pas effacer la douleur que je t'ai causée. Je sais que je t'ai abandonnée, et il n'y a pas d'excuse pour cela. Je ne peux pas justifier mon absence ni te demander de m'aimer comme une mère. Je ne mérite pas cela.

Elle marqua une pause pour effacer ses larmes avec sa main.

—Mais je voulais que tu saches que je regrette chaque jour où j'ai été absente de ta vie, chaque moment où tu as souffert à cause de moi. Je regrette de ne pas t'avoir vu grandir, de ne pas avoir été là pour toi. C'est pour cela que je viens humblement te demander pardon. Pardonne-moi ma fille.

Ce semblant de sincérité et de vulnérabilité que je ressentis à travers ses paroles me fit détourner de nouveau le regard, laissant mes émotions prendre le dessus. Je fermai les yeux pour quelques instants, une larme inattendue roulant doucement sur ma joue.

D'un geste automatique, j'effaçai cette trace salée de mes émotions naissantes avec le revers de ma main avant de murmurer les mots qui suivent :

—Je te pardonne.

Je tourne mon visage vers eux, et le sourire rayonnant qui illumine le visage de mon père, imprégné de joie et de bonheur, me touche profondément. Pourtant, en mon fort intérieur, je suis consciente que ces mots de pardon que j'ai prononcés ne jaillissent pas sincèrement de mon cœur.

Malheureusement pour eux, ils ne savent pas que le véritable pardon émane du cœur, non de la bouche. Et franchement, j'étais loin d'être prête à pardonner car les blessures du passé demeuraient encore profondément ancrées en moi, comme des cicatrices invisibles de mon histoire.

C'est à ce moment que mon père prit la parole, un éclat de fierté dans les yeux :

—Ma Sha Allah, ça c'est ma fille. Je suis vraiment comblé par la grandeur d'âme dont tu as fait preuve. Cela montre la force de ton caractère et ton respect pour ta famille, malgré les tourments que tu as dû endurer. J'espère que ce pardon, même s'il a été difficile à exprimer, ouvrira la porte à la guérison, à la réconciliation, et à une vie plus sereine pour vous tous.

Après ces paroles, il se tut un long moment, ses yeux fixés sur ses jambes, laissant la gravité de la situation s'installer. Puis, il releva les yeux, esquissant un sourire empreint de résilience.

—Et maintenant, si vous me permettez, je veux m'assoupir un peu.

—D'accord, Papa, nous allons te laisser te reposer, dit Keisha, qui était restée à côté avec Charlotte.

—Merci, ma chérie. Et en sortant, appelle-moi le docteur Seck, s'il te plaît.

Keisha acquiesça et s'approcha de son lit pour lui donner un doux baiser sur le front avant de nous faire signe de la suivre hors de la chambre.

***VOIX EXTERNE***

Une fois sorties de la chambre, Keisha laissa Charlotte, Amina, et Samira dans le couloir pour se diriger vers le bureau du médecin, cherchant à gagner du temps. Cependant, à son arrivée, elle fut accueillie par un bureau vide, ce qui la laissa momentanément perplexe.

Elle balaya la pièce des yeux, en quête de quelqu'un qui pourrait lui donner des informations utiles. Son attention fut captée par une infirmière qui traversait le couloir en poussant un chariot médical. Poliment, Keisha l'interpella.

—Excusez-moi, savez-vous où je peux trouver le docteur Seck ? demanda-t-elle.

L'infirmière s'arrêta et lui adressa un sourire bienveillant.

—Oui, il se trouve actuellement dans la salle de radiographie, de l'autre côté de cet étage. Vous devriez le trouver là-bas.

—Merci beaucoup, répondit Keisha en lui rendant son sourire.

Pleine de hâte, elle se dirigea vers la salle de radiographie, espérant que le médecin serait disponible pour la rencontrer. Par chance, elle le vit sortir de la pièce, tenant une enveloppe à la main. Son air préoccupé la frappa, mais il accueillit Keisha avec un sourire professionnel.

—Bonjour, Mlle Niang, dit-il. Vous cherchez quelque chose ?

—Bonjour, docteur Seck, répondit-elle. Oui, je viens de la part de mon père, il voudrait vous voir. Il m'a dit que c'était important.

Le sourire du médecin s'effaça. Il hocha la tête, comprenant la gravité de la situation.

—Je vois, dit-il. Venez, allons le voir.

Il la conduisit à la chambre de son patient, suivi de Keisha. Elle ressentit une boule se former dans sa gorge, craignant le pire.

Des minutes passèrent, les personnes dans le couloir attendaient avec anxiété, se demandant ce qui se passait dans la chambre. Elles espéraient de tout cœur que le médecin n'avait pas de mauvaises nouvelles à annoncer.

La porte de la chambre s'ouvrit finalement, laissant apparaître le docteur Seck, l'air grave. Il s'approcha des femmes, les regardant chacune dans les yeux, les doigts entrecroisés. Leurs cœurs se serrèrent immédiatement, un mauvais pressentiment les enveloppant.

—Docteur, que se passe-t-il ? finit par demander Charlotte, sa voix tremblante.

Le docteur soupira et baissa les yeux, cherchant les mots pour leur annoncer la terrible nouvelle.

—Je regrette de vous informer que le patient nous a quittés. Toutes mes condoléances.

Un silence de plomb tomba sur le couloir. Les quatre femmes restèrent figées, incapables de réagir. Elles sentirent les larmes monter, la gorge se nouer, le souffle se couper.

Elles ne pouvaient pas croire ce qu'elles venaient d'entendre. Malick Niang était décédé.

Leur esprit tourbillonnait dans un tourbillon de questions. Comment la vie pouvait-elle se révéler si brutale, si dépourvue de justice, si imprévisible ?

Keisha, réagit instinctivement en reculant, secouant la tête en signe de déni, incapable d'accepter la réalité.

—Non, non, non, ce n'est pas vrai, ce n'est pas possible, vous vous trompez, vous mentez, vous...

Elle s'effondra sur le sol, submergée par un sanglot déchirant. Amina et Charlotte se précipitèrent vers elle, tentant de la réconforter, de la calmer, de la rassurer. Mais rien n'y faisait. Elle était inconsolable. Elle venait de perdre leur père. Elle venait de perdre son monde.

___________

À suivre.....

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