Chapitre 39
***VOIX EXTERNE***
Un cri de joie inattendu jaillit des lèvres des deux accusées, résonnant dans la salle d'audience comme un écho libérateur.
Ce cri, vibrant d'un mélange indescriptible d'émotions, se propagea tel un feu d'artifice émotionnel.
Yama et Amina, les yeux brillants d'une lueur nouvelle, se jetèrent dans les bras l'une de l'autre, leurs larmes mêlées de soulagement et de gratitude dévalant leurs joues en cascades libératrices.
C'était comme si le ciel gris de l'incertitude s'était soudainement déchiré, laissant place à un azur d'espoir et de liberté.
Elles n'osaient y croire.
Elles étaient libres.
Elles étaient innocentes.
L'accusation, ce monstre qui les avait accablées pendant une éternité, venait de s'effondrer sous le poids de la vérité, laissant leurs âmes s'envoler vers la légèreté et la liberté tant convoitées.
Leurs larmes, telles des perles de délivrance, marquaient la fin d'un cauchemar qui avait étiré ses ombres bien trop longtemps sur leurs vies.
Dans leurs regards échangés, la joie et la reconnaissance scintillaient, témoignant du lien incroyable qu'elles avaient tissé dans l'adversité, un lien plus solide que les barreaux de fer qui avaient tenté de les séparer.
La salle d'audience, témoin de ce revirement spectaculaire, éclata en une symphonie de réactions. Les applaudissements spontanés jaillirent de tous côtés, tels des vagues d'acclamation, accompagnés des cris de soulagement et des exclamations de joie qui peignaient une fresque sonore d'une rare intensité.
Les spectateurs, submergés par l'émotion, assistaient à une scène d'une puissance émouvante qui les touchait au plus profond de leur être.
Samira, portée par la vague de soulagement qui inondait la salle, se précipita vers Ndeye Lisoune dans une étreinte chaleureuse et protectrice.
Les deux femmes, unies par un lien indéfectible forgé dans les flammes des épreuves, partageaient un moment de communion silencieuse.
L'émotion atteignit son apogée, et nul ne pouvait rester de marbre face à la scène qui se déroulait.
La mère de Yama, sa sœur et son père, ne restaient pas en retrait, mais se joignaient à cette célébration de la justice.
Bireume, dans un geste tendre et protecteur, entoura sa sœur Fifi d'un câlin affectueux, leurs sourires fusionnant dans l'éclat du bonheur retrouvé. Ils étaient tous deux comblés, sachant que leur sœur allait enfin être innocentée, qu'elle pourrait enfin retrouver sa place légitime auprès des siens.
Keisha, les larmes aux yeux, trouva du réconfort dans les bras de Charlotte, qui comprenait les raisons de ses pleurs.
Elle était emplie de joie pour sa demi-sœur, mais son esprit était aussi assailli de questions sur l'avenir de leur relation complexe.
Cette épreuve allait-elle cimenter ou fissurer les liens familiaux déjà tissés de complexité ?
Papis, quant à lui, ressentait une fierté débordante pour Sokhna. La manière dont elle avait mené sa défense, avec une détermination et un talent inébranlables, avait abouti à ce moment de triomphe, où la vérité éclatait enfin, triomphante sur l'injustice.
Son regard sur elle était empreint de respect et d'admiration, conscient du rôle crucial qu'elle avait joué dans la réhabilitation des accusées.
Le juge, imposant le silence avec un coup de marteau autoritaire, demanda à l'assemblée de se calmer et d'accorder à Sokhna la possibilité de conclure son interrogatoire.
Celle-ci, arborant un sourire radieux et confiant, se tourna vers le juge, les mains jointes en un geste de respect.
—Monsieur le juge, je n'ai plus de questions à poser au témoin. Cependant, j'aimerais poursuivre dans cette dynamique positive en appelant à la barre M. Souleymane Diop, fils de la victime.
Le juge, après un moment de réflexion, refusa sa demande et lui répondit avec fermeté :
—Attendez que je demande d'abord à Maître Laporte si elle a des questions à poser au témoin.
—Bien entendu, votre Honneur, acquiesça-t-elle, faisant un pas sur le côté, les mains levées, paumes vers l'extérieur, dans un geste d'ouverture et de transparence.
Son sourire, loin d'être une provocation, était le reflet d'une sérénité conquise.
Elle attendit patiemment que le juge pose la question rituelle à Noémie.
—Maître Laporte, avez-vous des questions à poser au témoin ?
Noémie se leva, le visage impassible, et répondit:
—Non, votre Honneur, je n'ai pas de questions à poser au témoin.
Comme si elle avait anticipé le déroulement des événements, Sokhna laissa son sourire s'élargir, reflétant une confiance inébranlable.
Elle haussa les épaules avec une aisance théâtrale, en parfaite harmonie avec le regard entendu que lui lança le juge. Ce dernier, après un moment de délibération silencieuse, acquiesça finalement à sa requête.
Jules, quant à lui, se leva avec une lenteur calculée, chaque mouvement trahissant une nervosité palpable. Ses pas résonnaient lourdement sur le sol de la salle d'audience, comme s'il portait le poids du monde sur ses épaules.
Tous les regards étaient fixés sur lui, et il pouvait sentir la pression de l'assemblée peser sur lui, lourde et scrutatrice.
Arrivé devant le pupitre, il se redressa, tentant de projeter une image de calme et de contrôle, malgré le tumulte de ses pensées intérieures.
Il prit une profonde inspiration, cherchant du courage dans l'air chargé de tension, puis croisa le regard déterminé de Sokhna.
Celle-ci savait qu'elle devait démontrer que son témoignage précédent était biaisé et incomplet. Elle avait certes atteint son objectif de montrer que les accusées étaient innocentes, mais elle voulait également faire émerger la vérité sur l'auteur de cet acte.
S'avançant vers Souleymane Diop, elle planta son regard perçant dans le sien, comme pour fouiller son âme.
—Bonjour, M. Diop. Sans détours, abordons l'essentiel. Quelle nature de relation entreteniez-vous avec votre défunt père ? Demanda-t-elle, sa voix tranchante comme un scalpel.
Jules, décontenancé par l'audace de la question, se demanda si Me Tavaréz était simplement une avocate inexpérimentée ou si elle poursuivait un objectif plus subtil avec cette interrogation qu'il jugeait, au fond de lui, absurde.
Il marqua une pause, pesant ses mots avant de répondre.
—Une relation normale, je suppose. Comme celle de la plupart des fils avec leurs pères.
—Normale ? Pourriez-vous alors expliquer pourquoi vous l'appeliez par son prénom ? Pourquoi n'utilisiez-vous pas le terme 'mon père' ? Insista-t-elle, sa curiosité piquée.
—Je... Je ne sais pas. C'était une habitude. Rien de significatif.
—Rien de significatif ? Ou cela indique-t-il un manque de respect ? Un lien affectif distendu ? Une relation discordante, peut-être ? Continua-t-elle, pressant pour obtenir plus de vérité.
—Non, c'est faux ! J'avais du respect pour mon père ! Je l'aimais ! Nous avions une relation saine !
—Une relation saine ? Pouvez-vous préciser ? Cela signifie-t-il que les désaccords étaient rares ? Interrogea-t-elle, creusant encore plus profondément.
—Des désaccords, oui, il y en avait. Mais rien d'alarmant. Des frictions ordinaires entre un père et son fils.
—Des frictions ordinaires ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ? Demanda-t-elle, sentant qu'elle approchait d'un point névralgique.
—Eh bien... Parfois, nos opinions divergeaient. Par exemple, il désapprouvait mon choix de me marier avec mon ex-femme. Il ne voulait pas que je prenne Sophia pour épouse.
—Et quelle était sa réaction face à vos décisions ?
—Il s'emportait. Il me disait que je ne méritais pas d'être son fils, que je lui faisais honte.
—Et vous, quelle était votre réaction ?
—Je me défendais. Je lui affirmais que c'était ma vie, mes choix, et que je n'avais pas besoin de son approbation.
—Vous vous disputiez donc fréquemment avec votre père ?
—Oui, mais pas régulièrement.
—Ces disputes étaient-elles violentes ? Avez-vous ou votre père déjà eu recours à la violence physique ?
—Non, jamais. Nous nous contentions de hausser le ton.
—Jamais ? Êtes-vous absolument certain, M. Diop ? Insista Sokhna, percevant une faille.
—Oui, absolument certain.
—Alors, comment expliquez-vous cette cicatrice sur votre bras gauche ? Demanda-t-elle, pointant du doigt une marque qui transparaissait sous la manche retroussée du témoin.
Jules baissa les yeux vers son bras et blêmit. Confronté à l'évidence, il tenta maladroitement de dissimuler la cicatrice en ajustant sa manche.
—Ce n'est rien. Juste un accident.
—Un accident ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
—Est-ce réellement pertinent pour l'affaire ?
Souleymane sentait l'irritation monter en lui sous le feu roulant des questions de Sokhna. Il avait une vague idée de l'endroit où elles le menaient, et cela ne présageait rien de bon.
—Oh, mais certainement, M. Diop. Nous sommes ici pour faire toute la lumière sur la mort tragique de votre père, et mes clientes sont injustement accusées. Chaque question a son importance. Je vous en prie, répondez. Insista Sokhna avec une fermeté qui ne laissait place à aucune réplique.
Un soupir agacé s'échappa des lèvres de Souleymane.
—Je me suis accidentellement blessé avec une aiguille alors que je rangeais du matériel dans mon entrepôt, lâcha-t-il finalement.
—Une aiguille ? Et c'est ainsi que vous vous êtes infligé cette blessure ? Questionna Sokhna, sceptique.
—Oui, exactement.
—Vraiment ? Vous êtes sûr que ce n'était pas plutôt votre père qui vous a infligé cette coupure avec un couteau lors d'une altercation ?
—Quoi ? Absolument pas, c'est ridicule ! S'exclama Souleymane, visiblement secoué par l'insinuation.
—Ridicule ? Alors, comment expliquez-vous la plainte pour coups et blessures que vous avez déposée contre lui il y a sept ans ?
Sokhna, d'un geste théâtral, brandit un document officiel, le présentant comme une preuve irréfutable. Souleymane, figé, semblait perdu, incapable de trouver une réponse face à cette révélation inattendue.
—Je... Je ne m'en souviens pas... Je... balbutia-t-il, la confusion peinte sur son visage.
—Vous ne vous en souvenez pas ? Ou vous refusez d'admettre la vérité ? poursuivit Sokhna, imperturbable. N'est-il pas vrai que vous éprouviez de la rancœur envers votre père ? Que vous lui en vouliez pour ses violences et ses humiliations ? Que vous aviez un motif pour le tuer ?
—Non ! C'est absurde ! Je n'ai jamais eu l'intention de le tuer ! Malgré tout, je l'aimais ! s'exclama Souleymane, les poings serrés, le visage déformé par la colère.
—Vraiment ? Alors pourquoi mentir sur la nature de votre relation ? Pourquoi déformer ce qui s'est passé sur les lieux du crime ? Pourquoi mentir sur ce que vous avez vu et entendu ?
Sokhna le fixa d'un regard acéré, cherchant à percer sa défense.
—Je n'ai pas menti ! J'ai dit la vérité !
—La vérité ? Ou serait-ce plutôt votre version arrangée de la vérité ? rétorqua Sokhna.
—N'avez-vous pas omis de mentionner que c'est vous qui avez subtilisé le couteau avec lequel votre père menaçait Mlle Diagne, sans que les accusées ne s'en rendent compte ? N'avez-vous pas oublié de dire que vous avez crié qu'elles voulaient le tuer, afin de les faire accuser à votre place ?
—Quoi ? Mais c'est faux ! Vous fabriquez des mensonges ! Vous inventez tout ! hurla Souleymane, hors de lui.
—M. Diop, veuillez garder votre calme. Répondez simplement aux questions, intervint le juge, tentant d'apaiser le témoin.
—Mais c'est elle qui ment ! Elle invente tout ! répéta Souleymane, au bord du désespoir.
Le juge se tourna alors vers Sokhna, l'interrogeant d'une voix grave :
—Me Tavaréz, disposez-vous de preuves pour appuyer vos accusations ?
—Oui, Votre Honneur. J'ai en ma possession des preuves irréfutables prouvant que M. Diop est le véritable voleur du couteau évoqué par l'avocate adverse et qu'il est même impliqué dans la mort de son père, répondit Sokhna avec une assurance inébranlable.
Un murmure de stupéfaction parcourut l'auditoire. Tous les regards convergèrent vers Sokhna, qui venait de lancer une bombe judiciaire.
Les chuchotements se répandirent parmi les spectateurs, chacun exprimant sa surprise, son scepticisme ou sa curiosité. L'atmosphère était chargée d'une tension palpable.
Le juge réclama le silence et fixa Sokhna avec un mélange d'incrédulité et d'intérêt.
—Me Tavaréz, pouvez-vous nous présenter ces preuves dont vous parlez ?
Tous les yeux étaient rivés sur Sokhna, dans l'attente de la preuve accablante qu'elle prétendait détenir. Elle fouilla dans son sac et en sortit son téléphone portable, qu'elle tendit au juge et au jury.
—Avec votre permission, j'aimerais diffuser un enregistrement audio qui servira de preuve.
—Un enregistrement audio ? Quel genre d'enregistrement ? s'enquit le juge, piqué de curiosité.
—Il s'agit d'une pièce maîtresse que j'ai pu obtenir grâce à une source confidentielle, qui a choisi de rester dans l'ombre pour des raisons de sécurité. Cet enregistrement, daté quelques temps avant le jour fatidique, dévoile une vérité jusqu'alors dissimulée sur les événements précédant la tragédie, déclara Sokhna avec une assurance qui semblait inébranlable.
Le juge échangea un regard avec ses assesseurs, le procureur et l'avocate de la défense, cherchant un consensus silencieux.
—Y a-t-il des objections quant à l'écoute de cet enregistrement ? interrogea-t-il.
—Non, Votre Honneur, répondit le procureur, son scepticisme transparaissant malgré lui.
—Je n'en ai pas non plus, Votre Honneur, ajouta Noemie, d'une voix faible.
—Fort bien. Me Tavaréz, veuillez procéder, autorisa le juge.
—Je vous remercie, Votre Honneur, dit Sokhna, en connectant son téléphone à un haut-parleur.
Elle appuya sur lecture, et la voix de Souleymane Diop emplit la salle, grave et résolue, tranchant avec le ton de son père, Mayacine Diop, qu'il osait appeler par son prénom.
« -Mayacine Diop ! Lança-t-il d'un ton impérieux.
Un rire cynique s'échappa de Mayacine à l'écoute de son fils.
-Tu as vraiment osé m'appeler par mon prénom ?! Railla-t-il. Très bien, très bien. Que veux-tu, mon 'cher' fils ?
- Je vais droit au but. Il faut qu'on parle. Rendez-vous au coin qui se trouve dans ton quartier. J'y serai, dit Souleymane, avant de raccrocher brusquement. »
L'enregistrement s'interrompit un instant, puis reprit, le bruit de la vie urbaine en toile de fond.
« -Tu te crois de taille, maintenant ? Tu penses être devenu un homme ? Tu imagines pouvoir me tenir tête ? Vociféra Mayacine, en rejoignant son fils dans une ruelle déserte.
Un coup sourd retentit, suivi du gémissement de Mayacine, comme s'il venait de recevoir un coup de poing de Souleymane.
-Es-tu devenu fou ? Pourquoi m'as-tu frappé ? S'indigna Mayacine, la colère grondant dans sa voix.
-Espèce de vermine, ce n'est que le commencement. Tu vas payer pour toutes ces années de mensonges sur ma mère, que tu prétendais morte, cracha Souleymane, assénant un autre coup.
-Quoi ? De quoi parles-tu, imbécile ? Balbutia Mayacine, tentant de saisir la main de son fils.
-Arrête ton cinéma, Mayacine Diop. Ne joue pas à l'innocent avec moi, je ne suis plus le naïf d'autrefois. Je sais tout. Toute la vérité que tu m'as cachée pendant des années. Tu m'as fait croire que ma mère était morte d'un cancer alors qu'elle est en vie, cachée dans un autre pays, révéla Souleymane, le mépris dans la voix.
Mayacine éclata de rire, un rire chargé de dédain et d'arrogance, avant de provoquer son fils.
-Eh bien, tu n'es pas aussi stupide que je le pensais. Oui, ta mère est vivante, et je l'ai retenue captive toutes ces années. Et maintenant ? Que comptes-tu faire ? Partir à sa recherche ? Me dénoncer ?
Un silence pesant s'installa, avant que la colère bouillonnante de Souleymane n'éclate.
-Tu vas regretter tes actes, Mayacine Diop. Je te le fais serment, dit-il d'une voix chargée de menace.
-Ah, j'attends de voir ça, petit insolent. N'oublie pas que tout ce que tu possèdes, tout ce que tu es, c'est grâce à moi. C'est moi qui t'ai façonné, alors tu ne peux rien contre moi, ricana Mayacine, le défi dans le regard.
-Nous verrons bien, rétorqua Souleymane.
Des bruits de pas s'éloignant mirent fin à l'enregistrement, et un silence lourd retomba sur la salle d'audience, tous suspendus aux lèvres de Sokhna.
Tous les regards étaient rivés sur Sokhna, qui tenait fermement son téléphone portable, un sourire de victoire éclairant son visage.
À côté d'elle, Souleymane Diop détournait le regard, comme s'il cherchait à se fondre dans le décor pour échapper à la réalité accablante qui se dévoilait.
Le juge, le procureur et le public semblaient pétrifiés par la tournure des événements.
La preuve présentée par Sokhna avait l'effet d'une bombe, remettant en question l'intégralité du dossier et, potentiellement, le verdict du procès.
—Me Tavaréz, cette preuve que vous venez de révéler est stupéfiante, commença le juge, reprenant contenance. Comment avez-vous pu entrer en contact avec cette source confidentielle et authentifier cet enregistrement ?
—Votre Honneur, la source de cet enregistrement est une personne de l'entourage immédiat de Souleymane Diop, présente lors des faits, expliqua Sokhna. Elle a enregistré la conversation depuis le téléphone de Souleymane et me l'a transmise de façon sécurisée.
—Et l'authenticité de cet enregistrement ? Interrogea le procureur, l'incrédulité teintant sa voix.
—J'ai fait appel à des experts en analyse vocale et géolocalisation qui ont confirmé l'identité des voix et le lieu, comme le prouve M. Seck ici présent, répondit Sokhna en désignant un homme dans l'assistance. Les rapports sont à votre disposition.
Le juge hocha la tête, impressionné par la rigueur de l'enquête menée par Sokhna.
—Bien que cette preuve mette en lumière les mensonges de M. Diop et son intention de faire accuser à tort les accusées, cela ne prouve pas formellement qu'il est le meurtrier, souligna le juge.
—En effet, Votre Honneur, mais cela révèle la rancœur et les intentions vengeresses de Souleymane envers son père. Et ce n'est pas tout, j'ai une autre preuve.
Elle présenta alors un sachet contenant un couteau.
—Ce couteau est l'arme avec laquelle M. Mayacine Diop menaçait ma cliente. Souleymane Diop l'a subtilisé sur les lieux du crime, à l'insu des accusées, avant de les accuser du meurtre. Mais il ignorait qu'un témoin avait filmé toute la scène.
Elle enchaîna ensuite avec une clé USB.
—Cette clé USB renferme une vidéo cruciale qui révèle que Souleymane Diop a délibérément emporté le couteau, compliquant ainsi la possibilité pour mes clientes de concilier leurs témoignages avec les preuves matérielles, et les mettant faussement en accusation. Je suggère que nous visionnions ensemble cette vidéo, qui constitue une preuve supplémentaire indéniable.
Elle connecta la clé USB à un écran dans la salle d'audience et lança la vidéo. On y voyait Souleymane entrer dans la maison de son père et découvrir le corps inanimé.
Après avoir vérifié le pouls, ses yeux se posèrent sur le couteau. Il s'assura que Yama et Amina ne le regardaient pas, trop occupées par leur chagrin, avant de dissimuler l'arme sur lui et d'accuser les deux femmes du meurtre.
La vidéo s'acheva, laissant la salle plongée dans une atmosphère chargée de tension et de révélations.
—Me Tavaréz, cette preuve que vous venez de produire est des plus troublantes, commença le juge, sa voix trahissant son intérêt. Comment avez-vous obtenu ce couteau ?
—Votre Honneur, ce couteau m'a été confié par la même source qui m'a transmis l'enregistrement. Elle a habilement récupéré l'arme sans éveiller les soupçons et me l'a remise, me pressant de garder le secret jusqu'à aujourd'hui, expliqua Sokhna avec une assurance qui semblait défier toute contestation.
Le juge marqua une pause, pesant la gravité de la situation, puis se tourna vers Souleymane.
—Monsieur Diop, vous avez entendu cet enregistrement, vu cette vidéo. Vous reconnaissez les voix, admettez avoir pris le couteau. Vous avez accusé à tort les accusées. Que pouvez-vous dire pour votre défense ?
Sa voix, emplie de sévérité, exigeait la vérité.
Le silence s'étira, tous les yeux fixés sur Souleymane, attendant sa réponse.
Il se redressa, affrontant le regard du juge.
—Oui, les voix sont les nôtres, et les mots sont vrais. J'ai pris le couteau, mais je ne suis pas l'assassin. Je n'ai pas tiré sur mon père, déclara-t-il, sa voix résonnant dans la salle.
Un murmure de stupéfaction et de colère monta de l'assistance créant un crescendo tumultueux, alors que la vérité commençait à émerger.
Sokhna, l'avocate de l'accusation, secoua doucement la tête, un sourire fin et presque ironique se dessinant sur ses lèvres, ne s'empêchant de se demander à quel jeu Souleymane jouait.
Le juge, le front plissé par la concentration, inclina légèrement la tête, signe qu'il attendait une explication plus complète.
—Si vous n'êtes pas l'auteur du coup fatal, M. Diop, alors qui a pu commettre cet acte ? Et quelles preuves pouvez-vous apporter pour soutenir vos dires ? Interrogea-t-il d'une voix qui résonna avec autorité dans la salle.
Souleymane, les épaules légèrement voûtées sous le poids de son aveu, prit une inspiration profonde avant de continuer.
—Ok je reconnais, Votre Honneur, que j'ai orchestré un plan contre mon père, mais je ne lui ai pas tiré dessus. C'est l'homme de main de mon père, celui en qui il avait toute confiance, qui a pris l'initiative de transformer ma demande de leçon en un acte irréparable.
Le juge fronça les sourcils, intrigué.
—Son homme de main ? Pouvez-vous expliquer ?
—Quand j'ai découvert que ma mère était en vie, contrairement à ce que mon père m'avait fait croire, j'ai voulu en savoir plus. J'ai donc mené ma propre enquête, mobilisant mes contacts et m'impliquant davantage dans les affaires de mon père. C'est alors que j'ai fait la connaissance de Samira —dit-il en pointant du doigt une femme assise parmi les spectateurs—, qui m'a révélé toute l'histoire et m'a donné l'adresse où ma mère était retenue captive. J'ai tenté de m'y rendre, mais je ne pouvais pas entrer dans la maison. L'homme de main de mon père, qui la surveillait, refusait de m'aider. J'ai passé des jours à essayer de le convaincre de se joindre à moi pour donner une leçon à Mayacine. À ma grande surprise, il a révélé qu'il avait lui aussi un compte à régler avec lui.
Le juge hocha la tête, indiquant à Souleymane de poursuivre.
—Depuis des années, Birahim, l'homme de main de mon père, portait en lui une rancœur tenace contre Mayacine, mon père. Il le tenait pour responsable de la ruine de sa famille, après que leur maison familiale eut été saisie sous prétexte d'être un bien de l'État. Cette demeure, qui appartenait au défunt père de Birahim, fut ensuite octroyée à mon père par des autorités complices, pour y établir une de ses entreprises. La famille de Birahim, impuissante, avait tout tenté pour contrecarrer cette confiscation, mais en vain. Leur défaite marqua le début d'un long calvaire. La mère de Birahim, accablée par le chagrin, succomba à une maladie de la thyroïde, et sa sœur, n'ayant plus que la rue pour refuge, sombra dans la prostitution et la drogue, avant de mourir d'une overdose. Birahim se retrouva seul, désespéré de voir sa famille anéantie. Incapable de rétablir la justice, il choisit de s'approcher de mon père, devenant son homme à tout faire. Mais au fond de lui, il n'attendait qu'une opportunité pour assouvir sa vengeance. Ma proposition de donner une leçon à Mayacine fut l'étincelle qui déclencha son désir de revanche. Ensemble, nous avons conçu un plan pour mettre fin aux jours de Mayacine. C'est Birahim qui s'est proposé pour exécuter ce plan.
Après avoir livré ses aveux, Souleymane se tut, laissant la salle d'audience plongée dans un silence lourd de conséquences. Ses révélations avaient frappé comme un coup de tonnerre, résonnant avec la force d'une vérité longtemps cachée.
Les regards échangés entre les jurés, les murmures étouffés des spectateurs, et le grincement occasionnel d'un siège sous le poids d'un corps qui se repositionne trahissaient une tension collective.
Le juge, figure d'autorité immuable, observait l'assemblée avec une gravité mesurée. Son visage, habituellement impassible, laissait transparaître une once de perplexité face à l'ampleur des aveux qui venaient de lui être présentés.
Il prit une inspiration profonde, marquant une pause avant de reprendre la parole.
—Et où se trouve cet homme, Birahim ? Demanda-t-il, sa voix résonnant dans le silence.
Souleymane, le regard hanté par les conséquences de ses actes, répondit d'une voix basse mais ferme.
—Je lui ai remis de l'argent et lui ai conseillé de quitter le pays dès le lendemain de l'incident. Donc c'est moi, et moi seul, qui endosse la responsabilité de la mort de mon père.
—Et votre mère ? Pourquoi n'est-elle pas présente parmi nous ?
—En raison des épreuves qu'elle a subies pendant tant d'années, j'ai réalisé que sa santé mentale et physique avait été gravement affectée. C'est pourquoi je l'ai emmenée à l'étranger pour qu'elle puisse recevoir les soins nécessaires
Un frisson d'anticipation traversa la salle d'audience, tous les regards se tournant vers Noémie. Sa réaction, ou plutôt son absence de réaction, captiva l'assemblée.
Elle ne montra aucun signe de surprise, confirmant qu'elle était déjà bien informée des détails sombres de l'affaire.
Pourtant, l'aveu public de Souleymane semblait peser lourdement sur elle, comme si la réalité de la situation venait maintenant de s'ancrer dans son esprit.
Elle baissa la tête, une main venant se poser sur son front, un geste qui, sans un mot, communiquait son trouble profond.
Le juge, la voix teintée d'une tristesse à peine voilée, prit acte de la confession.
—Maître Laporte, avez-vous des commentaires à faire suite à l'aveu de votre client ? Demanda-t-il, son regard scrutant l'avocate, cherchant une réponse ou peut-être une explication à ce retournement inattendu.
Noémie prit une profonde inspiration avant de se mettre sur ses jambes.
—Votre Honneur, mon client ayant choisi de se confesser de son plein gré, je n'ai pas de commentaire supplémentaire à formuler à ce sujet. Toutefois, si vous me le permettez, j'aimerais convoquer Mlle Amina Sall à la barre pour un complément de témoignage. Puis-je procéder ?
À ces mots, Amina, surprise par cette requête soudaine, échangea un regard perplexe avec Yama et Sokhna, sa propre avocate. Cette dernière, d'un mouvement de tête discret mais encourageant, lui signala d'avancer vers la barre des témoins.
Elle se leva alors lentement, ses mouvements hésitants reflétant l'incertitude et l'anxiété qui l'envahissaient alors qu'elle s'avançait vers la barre des témoins.
Le juge acquiesça, donnant son accord pour la suite des procédures.
—Très bien, Maître Laporte. Vous pouvez procéder à votre interrogatoire.
Le silence retomba sur la salle, tous les yeux rivés sur Amina, attendant les questions qui pourraient potentiellement faire basculer le cours de ce procès déjà imprévisible.
Noémie, l'avocate de la défense, hocha la tête avec assurance et s'avança vers Amina.
—Mlle Sall, je vous demande de répondre honnêtement à cette question simple : quel est votre métier ? Demanda-t-elle, sa voix claire et forte coupant à travers le silence.
Sokhna, l'avocate de l'accusation, bondit sur ses pieds, son objection fusant comme une flèche.
—Mais objection, Votre Honneur ! Cette question est totalement dénudée de sens et n'a aucun rapport avec le dossier, s'exclama-t-elle, son visage exprimant un mélange de frustration et de défi.
Noémie ne se laissa pas démonter. Elle fixa Sokhna avec une intensité qui aurait pu faire fondre de l'acier.
—Au contraire, Monsieur le juge, cette question est d'une importance capitale. Elle est fondamentale pour ce que je m'apprête à révéler, rétorqua-t-elle, sa conviction ne laissant aucune place au doute.
Le juge, après un moment de délibération silencieuse, trancha.
—Objection refusée, Maître TAVARÉZ. Continuez, Maître Laporte.
—Merci, Votre Honneur, dit Noémie, se tournant à nouveau vers Amina. Alors, Mlle Sall, je vous en prie, dites-nous : quel genre de travail exercez-vous ?
Amina, après un moment de silence, répondit d'une voix à peine audible :
—Je suis serveuse dans un bar.
—Exact, acquiesça Noémie. Serveuse dans un bar à Dakar. Maintenant, dites-moi, connaissez-vous un certain Maguette Béye, aussi connu sous le pseudonyme de Max ?
À la mention de ce nom, Amina sembla se figer, un frisson visible la parcourant, et elle resta muette.
—Mlle Sall, je vous en prie, répondez à la question, insista Noémie.
Face au silence persistant d'Amina, Noémie prit l'initiative de révéler les faits elle-même. Se tournant vers le juge et l'assemblée, elle déclara :
—Votre Honneur, permettez-moi de vous informer que Maguette Béye, alias Max, était un ancien ami et complice de Mlle Amina Sall, ici présente. Et quand je dis 'était', c'est parce que, selon nos informations, Mlle Sall est impliquée dans son assassinat.
__________
À suivre.....
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro