Chapitre 33
***KEISHA NIANG***
Toc toc toc,
entendis-je quelqu'un toquer à la porte.
—Entrez ! autorisai-je d'une voix claire.
Aussitôt, la porte s'ouvrit et une voix familière emplit l'air.
—Assalamou Anleykoum.
Les mots, prononcés doucement, étaient accompagnés d'une présence qui emplit la pièce. Mon regard se tourna instinctivement vers la nouvelle arrivante, mais mon sourire se dissipa presque instantanément.
Samira, la mère d'Amina, se tenait devant moi. Son expression initialement surprise se mua en un sourire gêné, probablement à la vue de notre rassemblement dans la chambre.
—Wahanleykoum Salam.
La voix de Charlotte, mon père et moi s'unirent dans un geste d'accueil unanime, bien que mes pensées se bousculaient en moi. Elle était là suite à l'appel de mon père.
En effet, l'urgence de leur rencontre découla d'une discussion sérieuse entre mon père et moi concernant l'histoire avec Amina. Tout comme Charlotte me l'avait relaté, j'ai partagé la même version des faits avec mon père, qui après cela, a cru qu'il était plus que nécessaire de parler avec Samira pour qu'elle lui confirme vraisemblablement l'existence d'Amina ainsi que sa paternité. D'où sa venue.
Alors que l'instant semblait suspendu, mon père brisa le silence d'un sourire fragile, émanant d'une certaine volonté d'apaisement.
—Ah, Samira, c'est toi. Vas-y, entre, dit-il, ouvrant la voie à une interaction.
La pièce semblait emplie de l'écho des souvenirs et des émotions alors qu'elle s'avançait prudemment. Son sourire gêné trahissait une multitude de pensées qui semblaient tourbillonner dans son esprit.
Les regards se croisèrent, les sourires se chevauchèrent, chacun portant le poids des secrets et des révélations à venir.
—Comment tu vas, Malick ? Demanda-t-elle d'une voix douce.
—Ça va Alhamdoulilah. Je rends grâce au Tout-Puissant comme tu peux le voir. Et toi, comment te portes-tu ? Répondit mon père.
—Je vais bien aussi. Et vous, Charlotte, Keisha, vous allez bien ? S'enquit-elle.
C'est Charlotte qui répondit.
—Nous allons bien, Madame Cissé.
Un silence s'installa après ces salutations, enveloppant la pièce d'une atmosphère chargée d'attentes et de réflexions. Les regards entre mon père et Samira semblaient porter plus que les mots ne pouvaient exprimer. C'était un moment de calme avant la tempête, où les émotions à fleur de peau se mêlaient à l'espoir d'un dialogue constructif.
—Bon... nous allons vous laisser seuls, décidai-je finalement en me levant. Papa, tu veux manger quelque chose ?
—Non, ma chérie. Je n'ai pas faim.
—D'accord. Tu viens, Charlotte?
Je regardai Charlotte, lui lançant un regard silencieux. Elle acquiesça discrètement, comprenant le message tacite. Avec un sourire poli, nous quittâmes la pièce, laissant mon père et Samira seuls pour leur conversation cruciale.
Dans le couloir, nous trouvâmes un coin tranquille pour nous asseoir. Le silence du corridor semblait presque apaisant, un contraste saisissant avec l'effervescence émotionnelle à l'intérieur de la chambre. Je me suis perdue dans mes pensées, repassant en revue les événements qui nous avaient menés à ce moment de révélation et de possible réconciliation.
—J'espère que cela se passera bien là-dedans, murmurais-je avec une pointe d'inquiétude.
Charlotte posa sa main sur mon épaule, essayant de me rassurer.
—Je suis sûre que ça ira. Ton père est une personne compatissante, et Samira semble prête à discuter.
J'ai hoché la tête, reconnaissante pour son réconfort.
—Tu n'as même pas eu l'occasion de parler avec mon père.
Oui elle venait juste d'arriver dans la chambre avant que Samira débarque.
—T'inquiète, je le ferai. Pour l'instant, leur discussion est plus importante que n'importe quelle autre.
Le silence s'installa brièvement, brisé par ma curiosité.
—Sinon, comment vas-tu ? Depuis la dernière fois, je ne t'ai pas vue.
—Oui, c'est vrai, j'avais bougé.
J'ai instinctivement arqué un sourcil.
—Tu étais allée où ?
Elle lâcha un soupir en s'adossant au mur.
—J'étais partie à Thiès pour voir mon père.
À l'entente de cette phrase, un sourire chaleureux se dessina sur les lèvres.
—Vous vous êtes réconciliés ? Oh, ma belle, je suis contente pour toi, lui dis-je en lui faisant une étreinte de côté.
Elle a seulement esquissé une grimace, forçant son sourire, ce que j'ai immédiatement remarqué. Parmi nous deux, c'était Charlotte la plus bavarde, débordante de joie de vivre, mais depuis son retour, j'avais remarqué qu'elle était plus silencieuse, perdue dans ses pensées. Quelque chose la tourmentait.
—Toi, on dirait qu'il y a quelque chose qui ne va pas déh. Qu'est-ce qu'il y a ? Ai-je demandé, sentant l'inquiétude monter en moi.
Elle a hésité un instant avant de répondre, ses yeux reflétant une tristesse que je n'avais jamais vue auparavant.
—Mon père a eu un accident, Keisha, et actuellement il est sur un lit d'hôpital dans le coma, entre la vie et la mort.
Mon cœur a bondi dans ma poitrine à cette nouvelle, et une vague d'inquiétude m'a submergée.
—Quoi ? Comment est-ce arrivé ?
Charlotte a baissé les yeux, semblant trouver un réconfort dans le sol sous ses pieds.
—Sa femme m'a appelée pour m'en informer. D'après ce qu'elle m'a dit, mon père devait aller à un événement organisé par l'entreprise dans laquelle il travaille. Et c'est à la sortie de Dakar que la voiture que son chauffeur conduisait est entrée en collision avec une autre. D'ailleurs, ce dernier est malheureusement décédé sur le coup. Il ne reste que lui qui lutte pour rester en vie.
Mon cœur s'est serré en entendant ces détails, mon esprit peignant involontairement une image de la scène tragique. Je pouvais sentir sa douleur à travers ses paroles et son attitude abattue. Alors qu'elle gardait les yeux baissés, j'ai remarqué des larmes qui tombaient silencieusement, laissant une empreinte émotionnelle dans leur sillage.
Mon instinct a pris le dessus et j'ai décidé de la prendre dans mes bras. Dès que nos corps se sont enlacés, elle a éclaté en sanglots, laissant libre cours à la douleur qu'elle contenait.
—Shh, calme-toi, ça va aller, l'ai-je réconfortée, mes doigts massant doucement son dos de haut en bas dans une tentative d'apaisement.
Ses épaules secouées par ses pleurs étaient une représentation poignante de la tempête émotionnelle qui faisait rage en elle. Je l'ai serrée davantage contre moi, offrant un soutien silencieux, sachant qu'il n'y avait pas de mots pour atténuer sa peine.
Parfois, le simple fait d'être là pour quelqu'un, de lui offrir une épaule sur laquelle pleurer, était mille fois plus important que les mots. Nos respirations se sont harmonisées, créant un rythme calme et réconfortant dans ce moment de vulnérabilité partagée.
Les minutes ont passé sans que ni l'une ni l'autre ne rompe ce contact physique. Seuls mes mots réconfortants, prononcés avec douceur, ont ponctué ce silence rempli d'empathie. Ma main continuait son doux mouvement sur son dos, apportant un semblant de réconfort dans cette épreuve douloureuse.
Après un moment, elle a finalement repris son souffle, les sanglots s'atténuant peu à peu. Elle s'est lentement écartée, me regardant avec une gratitude mêlée d'embarras.
—Je suis désolée, je ne voulais pas...
Je l'ai coupée doucement, mon regard empreint de compassion.
—Tu es folle, toi ? Arrête avec ça s'il te plaît. Pourquoi me remercier d'une chose qui est tout à fait normale ? Au contraire, c'est moi qui suis désolée de cette situation épouvantable. Dis-je en lui prenant les mains dans les siennes avec tendresse.
Son regard s'est enfoncé dans le mien, une communication silencieuse de compréhension et de solidarité. Elle esquissa un mini sourire en secouant la tête.
Je repris.
—Néanmoins, je suis très en colère contre toi. Pourquoi ne m'as-tu rien dit la dernière fois que nous nous sommes parlées ? Ai-je demandé, laissant échapper une pointe de frustration.
Ses yeux se sont détournés, un soupir s'échappant de ses lèvres.
—C'était le même jour où tu m'as appelée en pleurs pour me parler de la mauvaise nouvelle concernant ton père. Je ne voulais pas ajouter à ta peine ce jour-là, sachant à quel point ça te travaillait. J'ai préféré attendre mon retour pour te parler de mon propre fardeau.
Je me suis figée, une révélation touchante résonnant en moi.
—Donc... tu veux dire que... quand je me confiais à toi, tu m'écoutais et me conseillais avec clairvoyance tout en portant ta propre douleur en silence, ai-je balbutié, réalisant à quel point j'avais été égocentrique.
—Je sais à quoi tu penses, mais ne te culpabilise pas. Tu n'avais que moi à qui te confier à ce moment-là. C'était la bonne chose à faire, m'a-t-elle assurée, sa voix empreinte de gentillesse et de compréhension.
Malgré ses paroles réconfortantes, je suis restée silencieuse, déviant simplement le regard. Je ne pouvais m'empêcher de ressentir une vague de culpabilité persistante. Me faire consoler par elle dans son propre moment de souffrance me faisait me sentir égoïste et insensible.
Comment avais-je pu l'appeler alors qu'elle-même devait être dans un état pitoyable pour me confier à elle ?
Comment ai-je pu agir d'une manière aussi égocentrique ?
Le pire, c'est que je n'avais même pas réussi à détecter ne serait-ce qu'une once de changement dans sa voix ce jour-là. Chose qui ne me devait pas car on parle de Charlotte, Charlotte bon sang.
La personne qui a toujours été et est toujours là pour moi, dans les bons comme dans les mauvais moments, surtout dans les moments difficiles, à me soutenir, me conseiller de toutes les manières possibles.
Donc même avec ma douleur je me devais d'être en mesure de savoir dans quel état elle est, si elle est heureuse ou triste. J'avais vraiment honte, bon sang.
—Charlotte, qu'est-ce que tu fais ici alors ? Pourquoi n'es-tu pas auprès de ton père ? Demandai-je après quelques minutes de mutisme, une pointe de curiosité dans la voix.
S'attendant sûrement à ce que je lui pose la question, elle ne tergiversa pas et me fournit une réponse.
—J'avais besoin de m'éloigner de tout ça, Keisha. À force de rester là-bas, de voir mon père prisonnier de ce lit d'hôpital, immobile, luttant contre sa volonté paralysée, et sachant que je ne pouvais rien faire pour le libérer, je sentais la folie me guetter. J'étais sur le point de sombrer, à vrai dire. Et puis, il y avait cette autre raison, celle qui me rongeait le cœur : je ne supportais plus de voir constamment sa nouvelle femme et ses enfants, de savoir qu'ils étaient la raison pour laquelle mon père avait abandonné ma mère, et que son chagrin l'avait conduite à la tombe.
Sa réponse m'a frappée comme une vague de compréhension, dévoilant une réalité que je n'avais jamais perçue auparavant. C'était comme si une fenêtre jusque-là fermée sur son monde intérieur complexe venait de s'ouvrir en grand, laissant échapper une multitude d'émotions qu'elle avait soigneusement gardées cachées.
En un instant, j'ai ressenti le poids de sa souffrance, de sa frustration et de sa colère, comme si j'avais été emportée dans un tourbillon émotionnel qui était le sien depuis un certain temps.
Cela m'a frappée de réaliser que pendant tout ce temps, alors qu'elle était toujours là pour moi, écoutant mes préoccupations et me prodiguant des conseils réconfortants, elle-même se débattait avec une gamme complexe d'émotions et une douleur profondément enfouie.
Le contraste frappant entre son extérieur enjoué, qui cachait bien ses tourments intérieurs, et l'orage qui grondait dans son cœur, m'a fait prendre conscience de la complexité de sa vie.
—Charlotte, je suis vraiment désolée de ne pas avoir su à quel point tu souffrais. J'aurais dû être là pour toi, comme tu l'as toujours été pour moi, dis-je sincèrement, sentant la culpabilité m'envahir.
Elle me regarda avec gentillesse, ses yeux reflétant une tristesse mêlée d'acceptation.
—Keisha, tu n'as pas à te sentir coupable. Tu étais déjà en proie à ta propre douleur et à tes préoccupations. Je comprends parfaitement. Ce n'est pas facile pour moi de demander de l'aide non plus, tu le sais bien
Un silence profondément révélateur et chargé d'empathie s'installa entre nous. Je me suis laissée emporter par les pensées tourbillonnantes qui semblaient se bousculer dans ma tête.
—Je me demande ce que nous avons bien pu faire de mal pour que Dieu nous inflige de telles épreuves concernant nos parents.
—C'est le destin, Keisha. Dieu a décidé que nous traversions ces épreuves dans nos vies, et il nous incombe de les affronter avec courage. Qui sait, peut-être que ces défis ont été placés sur notre chemin pour des raisons que nous ne pouvons pas encore comprendre. Peut-être qu'ils sont là pour nous façonner, pour nous enseigner des leçons que nous aurions autrement ignorées. Il y a quelque chose d'intrinsèquement humain dans la lutte, dans le fait de surmonter des épreuves. Cela nous pousse à grandir, à évoluer, à devenir plus forts. Et même si cela peut sembler injuste, je crois que Dieu ne nous donne jamais plus que ce que nous pouvons supporter. Peut-être que nous ne pouvons pas voir le tableau complet pour le moment, mais nous devons garder foi en l'idée que tout aura un sens à un moment donné. Nous devons attendre que Dieu allège notre fardeau de souffrance en temps voulu.
—Hum, fis-je en guise de réponse, sachant que sa dernière phrase était davantage liée à la situation de son père qu'à la mienne.
Voyant l'ombre de mélancolie qui menaçait de m'envahir, elle continua.
—Enfin bref... Et Amina ? As-tu eu des nouvelles d'elle ? S'enquit-elle.
—Non. Avec tous les événements qui se sont enchaînés, je n'ai pas eu l'occasion de retourner chez Jules pour lui demander l'adresse de son père. Cependant, j'ai engagé un détective pour la localiser, et c'est chose faite. J'ai également élaboré un plan pour libérer Amina des griffes de Mayacine. J'attendais seulement que tu sois là pour que nous puissions le mettre en œuvre.
—D'accord, je comprends. Tout cela est bien, mais ne penses-tu pas que nous devrions également aborder cette situation avec sa mère ? Après tout, malgré tout ce qui s'est passé, elle reste sa mère. Peut-être qu'en étant au courant, elle pourrait nous apporter son aide.
—Oui, tu as raison. Parlons lui de ça. Approuvai-je.
***VOIX EXTERNE***
*Quelques minutes plus tôt*
Alors que Keisha et Charlotte se levaient pour quitter la chambre, Samira les observa jusqu'à ce qu'elles disparaissent de sa vue. Un sentiment de vide s'installa aussitôt, alourdissant l'atmosphère de la pièce.
Le silence qui s'ensuivit semblait porter le poids de toutes les émotions non exprimées, créant une tension palpable qui se propageait comme une onde invisible.
Les pensées de Samira étaient en désordre, un tourbillon de stress et d'incertitudes dansant dans son esprit, cherchant désespérément une issue.
—Samira, la voix douce de Malick la tira de ses pensées tourmentées.
Elle tourna la tête pour le regarder, le sourire léger qu'elle avait sur les lèvres ne la quittant pas.
—Viens t'asseoir, renchérit-il, désignant d'un geste la chaise à ses côtés.
Elle hocha silencieusement la tête et s'approcha pour s'asseoir près de lui. Leur proximité apporta une lueur de réconfort dans cet instant chargé d'émotions.
—Comment te sens-tu ? Demanda-t-elle, cherchant une manière d'engager la conversation.
Malick laissa échapper un soupir, comme si la question avait libéré un fardeau qu'il portait
—Bah fatigué. Je me sens juste fatigué d'être allongé sur ce lit et relié à ces fils qui ne me servent absolument à rien du tout, alors que tout le monde sait que je suis condamné à mourir, répondit-il avec une pointe de lassitude dans la voix partageant une part de sa réalité douloureuse.
—J'imagine que c'est parce que tu n'as pas le choix et que c'est Keisha qui l'exige, fit-elle remarquer avec compréhension.
—Voilà, c'est ça même. Cette fille est juste têtue nom de Dieu, c'est à croire qu'elle a hérité de tout mon côté coriace, plaisanta-t-il avec un léger sourire.
Un éclat de rire partagé éclaira brièvement la pièce, dissipant légèrement le poids de la situation. Ils se rendirent compte à quel point cette petite échappée comique était nécessaire, une manière de relâcher la tension qui s'était accumulée.
—Même en étant condamné à mourir, tu as encore cette lueur d'humour en toi. C'est juste incroyable. Commenta Samira, lui adressant un sourire sincère.
Malick haussa un sourcil taquin.
—Eh bien, c'est peut-être ma façon de m'assurer que je ne pars pas sans un peu de style.
Samira laissa échapper un rire doux.
—Je suis contente que tu gardes cette touche d'humour, Malick.
Le sourire de celui-ci s'adoucit.
—Tu sais, Sami, toute cette humeur dont je fais usage n'est qu'une étoffe de camouflage de la douleur accablante qui me submerge depuis quelque temps. C'est une manière pour moi de faire face à tout cela, mais également d'insuffler à ma fille une force qui, fera en sorte que, quand je partirai, elle ne sombre pas dans la mélancolie. Je connais que bien Keisha et je sais à quel point elle est anéantie par la nouvelle de ma maladie incurable et de ma mort imminente. Je l'ai bien vu à travers ses yeux et son comportement, elle se fait du mal en essayant tant bien que mal de camoufler ses émotions en ma présence. Et pour éviter que tout ceci ne s'aggrave à mon départ, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'elle puisse se souvenir de moi avec des sourires plutôt qu'avec des larmes, continua-t-il d'une voix empreinte de tendresse.
Samira écoutait attentivement, touchée par sa vulnérabilité et son honnêteté. Elle pouvait sentir la complexité de ses émotions, ainsi que son désir sincère de protéger sa fille de toute douleur inutile.
—C'est vraiment admirable, Malick. Le fait de mettre de côté tes propres émotions pour te concentrer sur le bien-être de ta fille montre à quel point tu es un père dévoué, répondit-elle doucement, son regard exprimant son respect et son appréciation pour sa force intérieure.
Un léger sourire triste se dessina sur les lèvres de Malick, témoignant de sa gratitude pour les paroles réconfortantes de Samira.
—Parfois, je me demande si je fais bien les choses, si mes efforts sont suffisants, murmura-t-il, laissant transparaître une once de vulnérabilité.
Samira posa doucement sa main sur la sienne, lui offrant un geste de réconfort.
—Je te comprends, Malick je te comprends parfaitement. Comme tout parent, c'est normal que tu te poses ces questions, que tu aies des inquiétudes, mais laisse-moi te dire qu'il n'y a pas lieu d'en avoir. Je peux voir à quel point tu te soucies de l'avenir de ta fille. Tes intentions et ta dévotion sont évidentes. Mais n'oublie pas que personne n'a de mode d'emploi pour être parent. Nous faisons tous de notre mieux avec ce que nous avons.
Les yeux de Malick rencontrèrent ceux de Samira, et il y lut une sincérité réconfortante.
—Je veux juste qu'elle soit fière de moi, qu'elle ait de bons souvenirs et qu'elle trouve sa propre voie dans la vie, peu importe ce que cela signifie.
—Et je suis certaine qu'elle ressent déjà tout l'amour que tu lui portes, répondit Samira avec douceur. Les moments que vous partagez, les conversations que vous avez, tout cela contribue à façonner son avenir. Et peu importe les défis que vous traversez, savoir que son père la soutient inconditionnellement lui donne une base solide.
Il esquissa un sourire léger, appréciant les mots réconfortants de Samira.
—Tu as vraiment toujours eu un don pour apaiser les esprits tourmentés.
Samira rit doucement.
—Peut-être que c'est juste mon instinct maternel qui parle.
Leur conversation était empreinte d'une simplicité et d'une honnêteté qui les rapprochaient davantage. Ils savaient que la vie n'était pas toujours prévisible, que les chemins étaient parfois sinueux, mais ils trouvaient une certaine paix dans le fait de pouvoir se confier l'un à l'autre comme au beau vieux temps.
Dans ce moment où chacun s'était terré dans un mutisme, Samira se surprit à se demander ce qu'aurait été la vie de sa fille et de Malick, son père, s'ils n'avaient pas été séparés.
Elle laissa son esprit vagabonder dans les méandres de l'imaginaire, esquissant des scènes alternatives où les événements avaient pris un tournant différent. Si ce dernier aurait été aussi protecteur et soucieux avec leur fille comme il l'est avec Keisha.
L'imaginer en train de grandir avec son père à ses côtés, de partager des moments de complicité, d'affection et d'apprentissage, lui apporta un mélange complexe d'émotions.
Une vague de joie la submergea en imaginant les sourires partagés, les rires sincères et les câlins chaleureux qui auraient rempli leur quotidien. Pourtant, une pointe de tristesse venait également teinter ses pensées, car elle était consciente que cette réalité alternative ne pouvait être qu'une douce illusion.
Elle se demandait si les rires de sa fille auraient été les mêmes, teintés de l'amour et de la présence inestimable de son père. Aurait-elle grandi avec une confiance en elle plus solide, nourrie par le soutien constant de Malick ?
Ces questions tournaient dans l'esprit de Samira, créant un tourbillon d'émotions contrastées.
Pourtant, malgré ces pensées empreintes de rêverie, elle savait que le destin avait tracé des chemins différents pour eux. La séparation avait été inévitable, dictée par des circonstances qui semblaient échapper à leur contrôle.
Ils avaient dû vivre des années de séparation douloureuse, chacun portant le poids de cette absence à sa manière. Samira avait ressenti le vide dans son cœur, la douleur de ne pas avoir pu être présente dans la vie de sa fille pendant toutes ces années.
Les sons de l'hôpital, les murmures lointains du personnel et les bruits de la vie extérieure commencèrent doucement à infiltrer la pièce, ramenant peu à peu la réalité à leur conscience.
Malick prit une profonde inspiration, sentant la nécessité de reprendre leur conversation là où elle s'était arrêtée.
—Mais tu sais, il y a une chose que je regrette vraiment, ajouta-t-il plus sérieusement.
Le ton de sa voix changea, et Samira sentit que quelque chose de plus profond allait être révélé. Elle attendit en silence, laissant Malick prendre la parole.
—J'aurais aimé connaître la vérité avant tout cela, et surtout l'existence de notre... fille.
Les mots sortirent de ses lèvres avec une certaine hésitation, comme s'il tâtonnait dans l'obscurité de ses propres émotions.
Samira fut prise de court par cette confession. Son cœur battait plus fort dans sa poitrine, et elle sentait l'émotion monter en elle. Elle retira doucement sa main de celle de Malick, non pas pour se distancer, mais pour mieux se préparer à ce moment de vérité.
Les regrets et les "et si" étaient devenus jusqu'à ce jour des compagnons constants dans son esprit, et elle devait maintenant affronter ces sentiments de front.
Les yeux de Malick semblaient brûler d'une recherche intense, d'un mélange de tristesse et de curiosité, comme s'il attendait une réponse à une question qu'il n'avait jamais osé poser.
—Samira... C'est difficile à expliquer, mais je veux comprendre, je veux savoir ce qui s'est passé, ce qui t'a poussé à me caché cette chose si importante, poursuivit-il d'une voix qui tremblait légèrement.
Samira détourna les yeux un instant, se plongeant dans ses propres pensées avant de les relever pour rencontrer le regard de Malick.
—Je sais que j'ai gardé un secret pendant toutes ces années, un secret qui a finalement resurgi. Je suis désolée de ne pas t'en avoir parlé plus tôt, mais... c'était compliqué.
La tension dans la pièce était palpable, le poids des années passées et des révélations non dites semblait peser sur leurs épaules. Mais dans cet instant, ils étaient là, confrontés à la vérité qui exigeait d'être entendue et comprise.
—Tout ce que je veux, c'est que tu comprennes que ma décision de garder le silence n'était pas prise à la légère. C'était une combinaison de circonstances, de peurs et de choix difficiles. Je sais que cela ne changera en rien le passé, mais je veux que tu saches que je suis prête à faire face à tout cela maintenant, à répondre à tes questions, si tu le souhaites.
Malick resta silencieux un moment, en tumulte dans un mélange de frustration, de confusion et de curiosité. Puis, d'un geste lent et presque imperceptible, il hocha la tête, signifiant ainsi son acceptation de ce qu'elle venait de dire.
—Merci de me donner l'occasion de comprendre, Samira. Peu importe ce qui s'est passé, je crois qu'il est temps que nous abordions cela ensemble, pour le bien de notre fille et aussi pour nous-mêmes.
Le sentiment de vulnérabilité qui les unissait dans cet instant était poignant. Leurs chemins s'étaient croisés à nouveau, et malgré les regrets et les questions, ils étaient prêts à faire face à la vérité, à démêler les fils qui avaient été laissés en suspens pendant trop longtemps.
Samira le regarda avec une intensité nouvelle, sentant que cette étape était cruciale pour leur guérison mutuelle. Elle savait que les révélations à venir pouvaient secouer leur réalité, mais elle était déterminée à faire preuve d'honnêteté et de transparence.
—Malick, je sais que tu as des interrogations et que tu as le droit de les avoir. La vérité est complexe, mais je suis prête à partager mon côté de l'histoire, même si cela signifie revivre des moments douloureux.
Le visage de Malick reflétait un mélange d'émotions, oscillant entre l'appréhension et le désir d'en savoir plus. D'un simple hochement de tête, il montra qu'il était prêt à écouter, à accepter la vérité quelle qu'elle soit.
—La décision de quitter ta maison, Malick, a été l'une des plus difficiles de ma vie. Je me suis retrouvée dans une nouvelle réalité, une réalité où je portais non seulement le fardeau de ma grossesse, mais aussi celui de la séparation d'avec toi et de tout ce que nous avions partagé.
Chaque jour était une bataille intérieure, une lutte pour concilier ma propre situation avec l'idée que ma présence aurait pu perturber ce que tu avais construit dans ta vie, notamment ton mariage. Je craignais que ma révélation ne brise le cœur de ta femme, celle qui m'avait traitée comme une sœur et avait été d'une gentillesse inouïe envers moi. L'idée de causer de la douleur à cette femme que j'admirais me déchirait.
Cependant, il y avait aussi cette réalité indéniable : j'attendais un enfant, un enfant qui était le tien et le mien. Je ne pouvais pas envisager de mettre fin à cette grossesse, et je ne pouvais pas non plus envisager de faire peser le poids de cette révélation sur toi ou sur ta femme. C'était un dilemme déchirant qui me poussait à m'éloigner de vous, à chercher une nouvelle vie dans un quartier différent.
J'ai trouvé un petit appartement, un emploi dans un bar pour subvenir à nos besoins, et chaque jour, je sentais Amina grandir en moi. Mon ventre s'arrondissait, tout comme le fardeau de mon secret. Je ne pouvais m'empêcher de penser à toi, à ta vie, à ce que tu étais devenu. Je gardais un œil sur toi, à distance, car même si notre relation avait pris fin, tu étais toujours dans mon cœur.
Le jour de la naissance d'Amina était à la fois un moment de joie et de tristesse. Alors que je la tenais dans mes bras pour la première fois, j'ai ressenti un amour incommensurable pour elle, mais aussi la douleur de savoir que notre parcours serait différent de ce que j'avais imaginé. La décision déchirante de la confier à d'autres mains s'est imposée à moi, car je savais que je ne pouvais pas lui offrir la stabilité et l'amour qu'elle méritait dans cette situation. Je l'ai alors laissé dans la rue.
Les yeux de Malick s'écarquillèrent légèrement, la surprise se lisant sur son visage.
—Tu as abandonné notre fille dans la rue ? Demanda-t-il, sa voix teintée d'un choc sans précédent.
Samira baissa la tête longuement, son regard se perdant dans une spirale de souvenirs douloureux. L'atmosphère était chargée d'émotions complexes, de remords et de la lourdeur du passé. Finalement, elle acquiesça lentement, son expression mêlée de tristesse et de résolution.
—Oui, Malick. J'ai pris cette décision déchirante dans l'espoir qu'elle aurait une meilleure vie que celle que je pouvais lui offrir à ce moment-là. C'était un acte désespéré et terriblement difficile, mais je pensais que c'était la meilleure chose pour elle. Imaginer cette petite fille, notre fille, grandir dans un environnement stable et aimant était une pensée à la fois réconfortante et accablante. Je la voyais sourire, rire, découvrir le monde avec des parents qui pourraient lui offrir tout ce dont elle avait besoin. C'était un rêve que je n'avais jamais osé entretenir pour moi-même, mais je voulais qu'Amina ait cette chance.
Chaque jour qui a suivi son abandon a été un combat intérieur. J'étais rongée par la culpabilité, par le doute et par la peur de ne jamais la revoir. Je me rendais en secret dans cette ruelle, l'endroit où je l'avais laissée, priant pour qu'elle soit en sécurité et qu'elle ait trouvé une famille aimante. Mais chaque fois que je me rendais là-bas, mon cœur se brisait un peu plus.
Je me demande souvent si j'ai pris la bonne décision. J'ai passé des nuits sans sommeil à réfléchir à tout ce que j'ai laissé derrière moi, à tout ce que j'ai sacrifié. La culpabilité m'a tourmentée pendant toutes ces années, et l'absence d'Amina a laissé un vide dans ma vie que rien d'autre ne pouvait combler.
Aujourd'hui, en te révélant la vérité, je ressens à la fois un poids qui s'allège et une anxiété grandissante. Je ne savais pas comment tu réagirais à cette révélation, à l'idée que j'ai abandonné notre enfant. Je suis consciente que mes actions ont eu des conséquences durables, non seulement pour moi, mais aussi pour toi, pour Amina et pour ta famille.
La question qui me hante le plus est celle-ci : comment peut-on racheter une décision aussi déchirante ? Comment peut-on faire amende honorable pour un choix qui a bouleversé tant de vies ? Je n'ai pas de réponses toutes faites, Malick, mais je suis prête à affronter les conséquences de mes actes et à trouver un moyen de guérir les blessures que j'ai causées.
Je sais que ce que je t'ai dit est difficile à entendre, et je comprends si tu es en colère ou déçu. Tout ce que je souhaite, c'est que tu comprennes pourquoi j'ai agi comme je l'ai fait, pourquoi j'ai pris une décision aussi douloureuse. Peut-être qu'à travers cette vérité, nous pourrons trouver une manière de panser nos blessures et de créer un avenir meilleur, pour nous-mêmes et pour Amina, si elle le souhaite également.
Malick semblait absorbé par les mots de Samira, essayant de traiter toutes les informations qui venaient de lui être révélées. Un amalgame de sentiments traversait son regard, mais il gardait le silence, comme s'il essayait de contenir toute la colère qu'il ressentait et d'éviter de dire des propos blessants.
Mais c'en était trop pour lui, il ne pouvait plus se taire. Finalement, après de longs instants d'attente tendue, il rompit le silence d'une voix emplie de douleur et de vérité.
—Samira, ce que tu as fait... C'était juste égoïste. Oui, très égoïste. Tu as pris une décision qui a bouleversé nos vies sans même nous en donner la possibilité. Je comprends que tu aies agi par peur et par souci pour Amina, mais cela ne justifie pas l'abandon, la douleur que tu as causée. J'aurais préféré mille fois que tu me révèles tout, que tu me laisses décider de mon rôle en tant que père plutôt que de prendre cette décision unilatérale.
Il fit une pause, ses yeux reflétant la tristesse profonde qu'il ressentait.
—Et ta décision de ne pas avorter malgré tes doutes, de me quitter, tout ça aurait pu être différent si nous avions pu en discuter, si tu m'avais fait confiance pour être un père. Au lieu de ça, tu as agi comme si je n'existais pas, comme si notre amour n'avait jamais compté. C'est vrai, je ne peux certes pas prétendre comprendre toutes les raisons derrière tes choix, mais je peux te dire que cela a laissé des cicatrices profondes, des questions sans réponse qui m'ont hanté toutes ces années. Et maintenant, nous sommes confrontés à tout cela, à cette vérité difficile. Je ne sais pas comment nous pouvons guérir de ça, Samira, ni même si notre fille pourra comprendre et nous pardonner.
Samira hocha la tête, saisissant pleinement que la colère de Malick était parfaitement justifiée. Elle sentait le poids de ses erreurs, de ses décisions passées, et elle était prête à affronter les conséquences de ses actes.
—Je comprends, Malick. Je ne peux pas effacer ce que j'ai fait ni les souffrances que j'ai causées. Je n'ai pas agi de la bonne manière, et je regrette profondément les choix que j'ai faits. C'était égoïste, comme tu l'as dit, et je le porte avec moi chaque jour.
Elle inspira profondément, rassemblant le courage de continuer.
—Je n'ai pas agi par méchanceté, mais par peur et par manque de clarté sur la meilleure voie à suivre. J'ai pensé que c'était la seule option pour protéger Amina d'une vie instable et difficile. Mais je vois maintenant que ma peur m'a empêchée de prendre en compte les conséquences plus larges de mes actions.
Malick l'écoutait, son expression mélangeant toujours la colère et la tristesse.
—Je ne cherche pas d'excuses. Je veux que tu saches que je regrette profondément ce que j'ai fait et les souffrances que cela a causées. Si je pouvais revenir en arrière, je ferais les choses différemment. Mais tout ce que je peux faire maintenant, c'est essayer de....
Alors qu'elle s'apprêtait à poursuivre, la mélodie familière de son téléphone résonna brusquement dans la pièce l'interrompit dans sa tentative de se justifier auprès de Malick.
Elle ouvra instinctivement son sac à main et fouillait à l'intérieur pour saisir son téléphone. L'écran affichait le nom du gars qui travaillait pour elle, ce qui ne laissa présager rien de bon.
—Désolée, il faut que je réponde à cela, dit-elle d'une voix précipitée, une lueur d'excuse dans les yeux.
—Ok, répondit-il simplement, tout en la regardant avec un mélange de curiosité et d'inquiétude.
Elle décrocha rapidement et porta le téléphone à son oreille, le cœur battant la chamade.
//•Conversation téléphonique•//
—Allô !
—Madame, j'ai une mauvaise nouvelle pour vous.
—Qui y a-t-il ?
La tension monta dans la voix de Samira.
—Votre fille a été arrêtée par la police et selon une source sûre, ils vont la transférer dans quelques minutes à la prison pour femmes.
—QUOI ?
Sa voix paniquée résonna dans la pièce, remplissant l'air d'anxiété et d'inquiétude. Malick, surpris par la soudaine explosion d'émotion, arqua un sourcil, manifestement confus et inquiet.
La nouvelle créa un écho inattendu, engendrant une tension palpable dans la pièce. Les yeux de Samira s'élargirent d'incompréhension et d'inquiétude. Son esprit était en ébullition, essayant de saisir la réalité de la situation alors que son monde semblait s'effondrer.
—Madame, je suis désolé de vous annoncer cela de cette manière, mais je pensais que vous deviez en être informée rapidement.
Samira chercha désespérément le soutien de Malick du regard, espérant peut-être y trouver un certain réconfort. Son regard exprimait une anxiété profonde, mais elle pouvait voir que Malick partageait également son inquiétude.
—Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi l'ont-ils arrêtée ? Demanda-t-elle, cherchant des réponses dans les paroles de l'homme au bout du fil.
—Apparemment, elle a tiré sur Mayacine et a entraîné sa mort.
À ce moment, l'anxiété de Samira laissa place à une montée de colère et de peur. Elle sentit sa respiration s'accélérer, son cœur battre de manière irrégulière.
Un tourbillon d'émotions négatives l'envahit alors que le destin de sa fille prenait un tournant sombre et inattendu.
—Madame, je vais vous envoyer l'adresse du commissariat et en attendant que vous arriviez, je vous tiendrai au courant de tout ce qui se passera.
—Merci, fit-elle d'une voix tremblante, laissant échapper un soupir. Envoie-le moi tout de suite, je me mets en route.
//•Fin de la conversation•//
Elle raccrocha précipitamment, laissant son téléphone retomber dans son sac. Le regard de Samira se posa à nouveau sur Malick, qui attendait une réponse.
Cependant, étant consciente de son état fragile et ne voulant pas ajouter davantage de stress à sa situation, elle décida délibérément de lui servir une excuse afin de se rendre au commissariat sans éveiller ses soupçons.
—Désolée, Malick, il y a quelque chose d'urgent que je dois régler. Je dois y aller, déclara-t-elle d'une voix hésitante, avec un sourire forcé.
—D'accord, ne t'inquiète pas pour moi tu peux y aller. Je te remercie simplement d'être venue et de m'avoir dit toute la vérité. Cependant, avant que tu partes, je voulais te demander un dernier service, s'il te plaît...
Samira le regarda en attendant d'entendre sa demande.
—Depuis le moment où tu as mentionné Amina, depuis que j'ai appris son existence, je ne peux m'empêcher de penser à elle, à ce qu'elle a vécu, à ce qu'elle ressent. Je comprends que tu aies pris une décision difficile à l'époque, même si je ne suis pas d'accord avec elle. Mais maintenant que la vérité est révélée, je veux rencontrer ma fille. Je veux lui parler, lui expliquer qui je suis, lui offrir mon soutien avec le peu de temps qu'il me reste à vivre, peu importe ce qu'elle ressent à mon égard. Peut-être que cela aidera à commencer à guérir les blessures que nous avons tous les deux subies.
Sa requête était empreinte d'émotion, et Samira pouvait sentir à quel point c'était important pour lui. Elle acquiesça doucement, touchée par sa volonté d'aller au-delà de la colère et de la douleur pour tenter de construire quelque chose de positif.
—Je comprends, Malick, et je suis d'accord pour cette rencontre. Je pense que c'est une étape importante pour nous tous. Je vais faire de mon mieux pour entrer en contact avec elle et voir si elle est prête à nous rencontrer.
Un léger sourire de gratitude se dessina sur le visage de Malick.
—Merci, Samira. Cela signifie beaucoup pour moi. J'espère que nous pourrons, d'une manière ou d'une autre, trouver un moyen de faire face à tout cela, de guérir et peut-être même de trouver une certaine forme de réconciliation.
Elle hocha la tête avec empathie.
—Je l'espère aussi. C'est un long chemin à parcourir, mais nous pouvons toujours essayer de le faire ensemble.
Avec une dernière lueur de compréhension mêlée d'inquiétude dans les yeux, elle quitta la pièce et se dirigea rapidement vers le couloir de l'hôpital. Son cœur battait la chamade, mais elle gardait son calme en apparence, déterminée à se rendre au commissariat le plus rapidement possible.
Alors qu'elle marchait à pas pressés, elle aperçut Keisha et Charlotte au loin. Les deux femmes semblaient agitées et inquiètes, et elles se précipitèrent vers elle dès qu'elles la virent.
—Madame Cissé ! L'interpella Charlotte dès qu'elle fut à sa hauteur. Il faut qu'on vous parle, c'est vraiment important.
Samira les regarda, partagée entre la nécessité de résoudre rapidement la situation de sa fille et l'urgence que semblaient exprimer Keisha et Charlotte.
—Je suis désolée, les filles, mais il y a quelque chose d'urgent que je dois régler. Peut-on en parler plus tard ?
Charlotte ne se laissa pas démonter et insista.
—S'il vous plaît, Madame Cissé, ce que nous avons à vous dire est très important et ne peut pas attendre.
Elle lança un bref regard à Keisha avant de reprendre.
—C'est en rapport avec votre fille.
—Quoi ? Vous êtes au courant vous aussi pour son arrestation par la police ?
—Quoi ?
La surprise et la confusion se lisaient clairement sur le visage de Keisha et Charlotte alors qu'elles répondaient en chœur à la mention de l'arrestation de la fille de Samira. Cette réaction soudaine fit comprendre à Samira qu'elles n'étaient pas au courant de la situation.
—Vous ne saviez pas ? Demanda-t-elle, surpris par leur réaction.
Les deux femmes secouèrent la tête, leurs expressions révélant leur étonnement.
—Non, nous ne savions pas, répondit Keisha, les sourcils froncés. Nous sommes ici pour tout autre chose, et nous pensions que vous n'étiez pas au courant de ce que nous voulions vous parler.
Samira sentit son cœur se serrer davantage alors qu'elle prenait conscience de la confusion qui régnait. Il était évident qu'il y avait eu un malentendu, mais elle n'avait pas le temps de s'attarder dessus.
—Je suis désolée pour le malentendu, les filles. Il y a eu un appel urgent concernant ma fille, et je dois m'y rendre immédiatement. Je suis vraiment désolée, je ne peux pas en parler maintenant, expliqua-t-elle rapidement, son inquiétude clairement visible.
Sans perdre un instant, elle reprit sa marche rapide vers la sortie de l'hôpital. Alors qu'elle s'approchait du parking de l'hôpital où sa voiture était garée, elle sentit soudainement des pas pressés derrière elle.
En se retournant, elle vit Keisha et Charlotte qui se précipitaient vers elle, leurs expressions inquiètes et déterminées.
—Madame Cissé, attendez ! S'exclama Keisha, essoufflée.
—S'il vous plaît, permettez-nous de vous accompagner au commissariat, ajouta Charlotte, son regard montrant sa sincère préoccupation.
Samira fut touchée par leur geste et leur volonté de la soutenir dans ce moment difficile.
—Merci, les filles. Cela signifie beaucoup pour moi, répondit-elle avec gratitude. Je vous préviens juste que la situation est délicate.
—Peu importe ce qui se passe, Madame Cissé, nous sommes là pour vous soutenir. Vous ne devriez pas affronter cela seule, déclara Keisha d'un ton résolu.
Samira hocha la tête, touchée par la sincérité dans leurs paroles.
—D'accord, merci. Allons-y.
Les trois femmes se dirigèrent rapidement vers leurs voitures et montèrent à bord. Pendant le trajet, chacune d'entre elles était plongée dans ses pensées, se demandant quelle situation les attendait et comment elles allaient la gérer.
Arrivées devant le commissariat, elles descendirent de leurs voitures et pénétrèrent rapidement à l'intérieur. Se dirigeant vers le bureau d'accueil, elles essayèrent de maîtriser leur inquiétude alors que Samira expliquait la situation et demandait à voir sa fille.
Les minutes semblaient s'étirer alors qu'elles attendaient des nouvelles, leurs cœurs battant à tout rompre. C'est dans cet interminable moment d'attente que Ndeye Lisoune et ses enfants firent leur entrée dans la pièce, leurs visages exprimant toute l'inquiétude qu'ils éprouvaient.
En tournant la tête, Samira les remarqua, mais comme c'était elle qui les connaissait, elle se contenta de les observer en silence. Bireume, l'aîné, s'affaira à questionner un agent de police au sujet de sa sœur, ne s'attardant pas trop sur les autres personnes présentes.
Enfin, un policier finit par apparaître accompagné de deux jeunes femmes. Amina et Yama, vêtues de leurs habits ordinaires, étaient désormais menottées, leurs expressions reflétant un mélange de résignation et de nervosité.
Les policiers qui les encadraient agissaient avec professionnalisme mais rigueur, donnant l'impression que cette scène était routinière pour eux.
Avec promptitude, Birame, sa mère et Fifi, s'avancèrent vers elles, leurs visages marqués par la préoccupation et l'inquiétude. Birame s'enquit de leur état physique et moral tout en leur murmurant des paroles d'encouragement, surtout à son ex-femme Yama, qui répondit par un léger sourire tremblant, tentant de conserver un semblant de bravoure malgré la situation difficile.
De son côté, Samira était dans l'incapacité de faire le moindre mouvement quand elle vit sa fille. Elle se sentit presque hypnotisée par le visage d'Amina, essayant de décrypter les émotions qui s'y succédaient, scrutant chaque détail même dans son état vulnérable.
Son cœur de mère se serra en la voyant ainsi, et des souvenirs douloureux de la séparation après sa naissance la frappèrent de plein fouet, la forçant à affronter la douleur de l'abandon qu'elle avait infligé à sa propre fille.
Les années de silence et de regret semblaient s'effondrer autour d'elle alors qu'elle maintenait son regard fixe sur Amina, sa propre chair et son propre sang. Les émotions se bousculaient en elle, un mélange complexe de culpabilité, de tristesse et d'espoir.
Le poids du passé semblait accablant, et elle ressentait le besoin impérieux de s'approcher d'elle, de la toucher, de lui montrer qu'elle était là malgré tout.
Elle fit un pas hésitant en avant, les larmes coulant librement sur ses joues. Ses gestes étaient empreints d'une grande émotion contenue depuis trop longtemps, une émotion qu'elle n'arrivait plus à dissimuler.
C'est exactement à ce moment qu'Amina ainsi que les autres finirent par la remarquer. Quand Samira arriva à sa hauteur, elle tendit la main hésitante pour toucher doucement le visage d'Amina, comme si elle cherchait à s'assurer que cette réalité était bien réelle.
Les larmes ruisselaient sur son visage, un mélange de douleur, de chagrin et d'espoir.
—Ma fille... ma fille chérie, balbutia-t-elle entre les sanglots, sa voix chargée d'émotions et de réminiscences douloureuses.
____________
À suivre.....
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