Chapitre II - Partie III
Deux heures s'étaient écoulées depuis que Lyra s'était jetée sur son lit, après avoir répondu "oui". Plein de mots se bousculaient dans sa tête et elle n'arrivait pas à parler. Elle n'arrivait pas à croire ce qui venait de se passer. "Non, ce n'était qu'un rêve" . Cette pensée s'éternisa quand elle vit le regard de sa demi-sœur.
Alienor était assise sur son propre lit, fixant l'adolescente. Elle attendait patiemment ce qu'allait dire Lyra, mais ses yeux commençaient à se refermer doucement et elle était épuisée. Ainsi, elle se redressa vivement quand elle entendit la voix de sa demi-sœur s'élever :
- Alors ? Tu en penses quoi ?
Alienor la regarda curieusement, sans vraiment savoir quoi répondre. Il lui fallait une question plus précise pour avoir une réponse de sa part.
- Tu pourrais être plus précise ? demanda-t-elle.
Lyra soupira gentillement et se tourna vers Alienor en se redressant difficilement sur son lit. Jamais elle n'avait tant senti le besoin de se confier à quelqu'un. Généralement, elle laissait ses problèmes dans l'ombre, mais là, elle ne pouvait pas se cacher. Pas ce jour-là.
- Que penses-tu de ma réponse ? finit-elle par dire.
Alienor sembla soudan prise d'un profond intérêt pour les draps de Lyra et leva la tête jusqu'à l'ouverture en hauteur, entre les couettes.
- C'est quoi, en haut ? demanda-t-elle.
- Hein, qu'en penses-tu ? redemanda Lyra en ignorant les paroles d'Alienor.
Lyra faillit pouffer de rire, consciente de son entêtement. Alienor fit la moue et ouvrit la bouche :
- Je... je... je pense que tu as fait le bon choix.
Lyra fixa l'immensité de la vue depuis sa fenêtre. Du petit lac ou se reflétait les lueurs du crépuscule, jusqu'au petit lapin qui se baladait entre les rochers, dans les montagnes. Elle avait bien conscience de la décision prise, mais elle continuait à penser que c'était un peu de la folie.
- Mais je m'inquiète quand même pour toi, rajouta Alienor, les yeux rivés sur Lyra. Allez habiter dans notre royaume ennemi, et ...
- Ce n'est pas notre royaume ennemi, la coupa Lyra.
Alienor se mordit la lèvre et continua :
- Oui, enfin quand même, on est en guerre contre eux... enfin, donc, dans le royaume avec lequel nous sommes en guerre, et être colocataire du Prince des Flammes - quel stupide nom, au passage - , quand même...
Lyra la fixa intensément, attendant la suite. Alienor était pétrifiée de gêne :
- Enfin, tu m'as comprise...
- Tu veux dire "c'est bizarre" ?
Alienor hocha la tête pour aquiescer. Soudain, elle ferma les yeux et se jeta au cou de sa demi-sœur. Elle l'étreignit avec force, peinant à respirer. Lyra resserra ses bras autour de la personne qui l'avait tellement soutenue, et l'étreignit en retour.
- Tu vas me manquer, dit-elle sincèrement.
- Toi aussi.
Durant trois minutes elles continuèrent à se serrer, faisant naître des larmes d'inquiétude et de tristesse. Lyra voulait que le temps s'arrête pour ce qui représentait une éternité.
Ensuite, Alienor partit de la chambre sans dire un seul mot, épongeant ses yeux humides, et Lyra attrapa son collier sur la table basse, referma ses mains dessus et ferma les yeux. Il était l'objet le plus cher à elle, surtout le seul que lui figurait un souvenir de ses parents.
— Quelle vie j'aurais eu, avec vous ? murmura-t-elle en ouvrant son pendentif et observant la photo d'une jeune femme souriante et d'un jeune homme bien bâti.
La femme avait des yeux verts scintillants, des cheveux blonds courts, et une longue cape marron et grise. Elle avait une allure optimiste. L'homme portait également une cape, mais celle-ci était épaisse et longue, en peau d'hermine. Les cheveux roux en broussaille de l'homme lui tombaient sur le visage et ses yeux noirs fixaient amoureusement la femme qui lançait un regard scintillant au photographe.
Lyra laissa échapper un sanglot et se blottit sur son lit. Deux coups forts portés à la porte et une voix gutturale la ressaisirent et la redressèrent sur son lit :
- Lyra, tu... Humf ! Tu peux faire ta valise ?
Sa belle-mère entra, chargée de quatre grosses valises anciennes. Elle semblait débordée, et Lyra s'empressa de l'aider à porter ses valises. Même vides, elles étaient très lourdes.
- Bien. N'oublie pas de prendre ton collier, ton écharpe et une cape. Tu risque d'attraper froid et...
Lyra leva les yeux au ciel gentillement en riant discrètement. Astoria la regarda, vexée et curieuse :
- Quoi ?
- Là-bas, il fait bien chaud.
Astoria se sentit soudain idiote et rougit. Elle avait beau sembler ne pas aimer Lyra, elle se montrait tout de même attendrissante.
- Oui, mais...
Lyra la serra de toute ses forces, en faisant attention à ne pas la serrer trop fort. Astoria écarquilla les yeux, ébahie.
— Mais... mais.. commença-t-elle. Les bonnes manières, petite. Les bon-nes ma-nières !
- Chut, marmonna Lyra. Je sais que nous ne nous sommes jamais entendues à merveille, mais je veux que vous sachiez que je vous aimerait toujours, malgré nos quelques malentendus.
Astoria repartit en resant muette, prise par l'émotion. Elle referma doucement la porte derrière elle, prenant soin à ne pas la claquer, contrairement à son habitude.
Pourquoi fallait-il en arriver là ? pensa Lyra. C'était sûrement un adieu qui se dessinait au sein de sa belle-famille. Elle ne pouvait pas une seconde croire qu'elle ne reverrait jamais tous ces visages-là. Soudain revenue à la réalité, elle s'empressa de faire ses bagages. Rassembler toutes ses affaires et les mettre dans les valises dû lui prendre à peu près cinq heures. Quand elle eut terminé, elle fut prise d'un ennui royal. Elle s'assit alors sur son lit, fixant le miroir d'Alienor, perdue dans ses pensées.
Un cri au rez-de-chaussée attira son attention et elle sortit de sa chambre en dévalant les marches trois par trois. La scène qui se passa sous ses yeux fut à peine amusante. Astoria s'indignait devant une garde bien bâtie et recouverte de manteaux épais bordeaux qui inspectait les lieux en notant chaque pont négatif. Ce qui n'aurait jamais été aisé, selon Lyra, étant compté le luxe et le charme du Hall d'entrée — mais on venait de lui prouver le contraire. Ils venaient d'arriver et Lyra se demanda qui ils étaient, jusqu'à ce qu'une voix s'élève :
- Nous sommes la garde du prince. Nous sommes chargés de transporter la fillette à Nedlens.
Il tapota une étagère sans aucune poussière, et toussa légèrement, ce qui sembla vexer Astoria.
— Enfin, puisque je vous dit qu'il est parfait !
— Notre château dans les hauteurs est bien plus joli et spacieux. Vous devriez refaire une décoration, votre entrée est trop... banale.
" Elle est gigantesque et très lumineuse, comment peut-on faire mieux que ça ? " se questionna Lyra. Astoria jura et leur indiqua le salon.
- Nous pouvons discuter, si vous le souhaitez, dit-elle avec une gentille voix.
L'homme aux cheveux bruns qui semblait être le commandant s'approcha d'Astoria et dit gentillement et rapidement en se penchant bien bas :
- Nous sommes désolés, nous ne pouvons pas rester plus longtemps. Nous récupérons juste la fillette et puis nous partons. C'est l'ordre de la princesse.
Lyra écarquilla les yeux. Était-ce bien elle qu'il venait de surnommer "fillette" ? En plus, il lui semblait que c'était bien la seconde fois qu'ils l'appelaient de cette manière. Astoria soupira brièvement et marmonna quelque chose d'indéfinissable. En posant les yeux sur Lyra, elle se figea et lui dit brièvement :
- Les valises... Il faut... tu vas y aller.
Lyra se pressa à l'étage et tomba nez à nez avec Adélaïde qui l'ignora royalement. Elle semblait énervée. Lyra lui attrapa le bras à la dernière minute.
- Quoi ? décrocha froidement Adélaïde.
Lyra lui lâcha le bras, surprise.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
Adélaïde lui jeta un regard noir.
- Tu vas vivre dans un château luxueux, avec des valets, des serviteurs, et tout le monde s'apitoie sur ton sort ? Je rêve !
Lyra écarquilla les yeux, exaspérée. Comment Adélaïde pouvait-elle dire ça ? De quoi pouvait-elle être jalouse ? De partager ses appartements avec un inconnu froid ? De ne plus jamais revoir sa seule famille ? D'aller chez l'ennemi - non, il ne fallait pas dire ça - sans aucune éducation de magie ?
- Tu es donc si insensible et ignorante ? la questionna-t-elle. Adélaïde, je ne vais sûrement plus jamais vous voir, et toi tu ne cesses pas d'être égoïste ?
- Non, je suis juste raisonnée et pas aussi bête que les autres, lui répondit froidement Adélaïde, qui partit dans sa chambre en claquant la porte derrière elle.
Lyra baissa les yeux. Soit Adélaïde mentait, soit la théorie de Lyra selon laquelle Adelaide fut pire qu'Astoria n'était pas fausse.
Ou bien c'était les deux cas.
Elle repartit dans sa chambre, et prit ses valises en main. Elles étaient lourdes et à peine portables. Dès qu'elle essaya de les soulever, elle fut entraînée dans la chute des valises et propulsée violament sur le sol. Le fracas fut venir Adèle et Anaëlle. Elle poussèrent la porte et regardèrent Lyra trois secondes, avant de l'aider à se relever. Cette dernière fut plus que surprise. Les jumelles ne l'avaient jamais aidée dans ses tâches ménagères.
— Vous... vous... , murmura Lyra, étonnée.
— On préférerait le cacher, vu que ça m'horripile, mais tu vas un peu nous manquer.
Adèle avait dit cette dernière phrase très difficilement, en se mordant la lèvre. Lyra était remplie de joie, même devant cette déclaration qui aurait sans doute pu être normale aux yeux de n'importe quelle personne - hormis sa famille adoptive. Ainsi Adèle et Anaëlle poussèrent Lyra quand l'adolescente tendit les bras vers elles. Deux secondes plus tard, elles avaient quitté la chambre et pris chacune une valise en main. Lyra se chargea des deux autres qui contenaient ses habits favoris et ses affaires personelles. Lyra fut étonnée quand elle s'aperçut que les jumelles lui avaient laissé précisément ces valises. Elle sourit discrètement et regarda le miroir d'Alienor, perdue dans le vague comme une idiote.
Lyra descendit les marches de l'escalier principale avec monotonie. La famille entière l'attendait en bas, dont Anaëlle et Adèle qui semblaient à bout de souffle. Ils arboraient tous le même air inquiété mais qui fait semblant de s'en ficher un peu, d'être triste et frustré ; mais bien sûr, pas Adélaïde. Deux des gardes se chargèrent des valises, qu'ils trainairent jusque dehors.
" Mais comment fait-on pour y aller ?" se demanda Lyra qui ne voyait aucun transport aux alentours. Soudain, l'homme qui avait parlé doucement à Astoria se plaça en plein milieu du jardin, les pieds implantés dans le sol. Il déposa un objet dans l'herbe et lia ses mains en fermant les yeux. "Mais qu'est-ce qu'il fait ? " se demanda Lyra.
Soudain, un cercle lumineux avec des inscriptions astrologiques apparut dans l'herbe. L'intérieur ressemblait à une surface liquide, dont les couleurs bougeaient sans cesse. C'était juste magnifique, mais cela ne fit qu'empirer l'inquiétude de Lyra.
- Mais qu'est-ce que c'est ? demanda cette dernière.
- Le moyen de transport pour aller à Nedlens. Plus précisément, là où tu vas habiter, lui répondit l'homme aux cheveux en broussaille.
Il lui tendit la main que Lyra prit. La rapprochant du cercle, le guerrier sentit la main de l'adolescente trembler. Avant d'enjamber les limites du cercle, Lyra risqua un regard en arrière. Toute sa belle-famille qu'elle allait quitter aujourd'hui pour toujours se tenait là, leurs yeux humides rivés sur elle.
Pour toujours ? Qui sait !
Son pied toucha la surface colorée du portail et elle fut emportée dans un tourbillon de couleurs.
[...]
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