77) Les parias des premiers cycles
Alors que les premiers cycles s'attendaient à avoir un cours de magie tout à fait normale, ils trouvèrent Ellius accompagné de Vivianelle ainsi que de Lorenzo. Abrahame les rejoignit à l'instant et afficha une étrange feuille sur le tableau près de l'entrée du gymnase.
– Bien que ce classement détermine votre place au sein d'Ylisse, je vous conseille vivement de ne pas en tenir compte. En particulier si votre place est inférieure à vos attentes, annonça le Directeur d'une voix des plus plates.
– Voilà une autre stupidité d'Abrahame qui risque d'être marrante, se plaignit Lorenzo d'une voix morne.
Ellius toisa l'intervention de son élève avant de laisser les jeunes découvrir le tant redouté classement de leur promotion.
– La première place, rien de bien surprenant, commenta Aurline de son ton supérieur.
Quand il vit qu'il était quatrième, juste en dessous de Daræn et de Waydon, Velcane lui jeta un regard compétitif accompagné d'un sourire. Iñigo, qui poussa les autres pour se faire une place devant, se décomposa en découvrant qu'il n'était que huitième du classement.
– Pour être ta partenaire de travail, je peux confirmer que tes notes ne suivent pas, certifia Séphyra d'une voix moqueuse.
Le Prince se contenta d'un regard noir en guise de réponse. Il n'était pas à plaindre. En effet, il était plutôt bien classé si on le comparait à Lucina, douzième, ou encore Edmund, quinzième.
– Quoi ‽ Je ne suis que dix-huitième ‽ s'indigna Robin de sa voix fluette. Je ne comprends pas, mes notes sont presque aussi bonnes que celle de ma sœur et elle est deuxième. Sans parler d'Aurline, qui est première alors qu'elle n'a pas de Dji !
– C'est en effet curieux, répondit Lorenzo en jetant un regard à la concernée. Ylisse met en avant la magie et le combat, les notes seules ne suffisent pas à bien se classer. Qu'est-ce qui justifie cette place ? Si une guerre arrive réellement, elle ne fera pas long feu...
Lorenzo avait cette étonnante capacité à dire une phrase d'un ton bien las et de sortir la deuxième avec une gravité sans pareil. Cela rappela aux jeunes que le danger était à leur porte.
– Bon, il est inutile de sortir des têtes d'enterrement, cracha soudainement Ellius. Vous voulez changer ces résultats ? Alors, venez vous entraîner !
Edmund semblait être le plus déçu de sa position. Lucina, qui remarqua instinctivement son état, alla le voir.
– Peu importe mes efforts, ça ne change rien ! affirma le timide avec une grande tristesse.
– Tu viens juste de débloquer un Dji pas trop instable. On progresse lentement, mais on y arrive, rassura Lucina en le prenant dans ses bras. Regarde-moi, je suis douzième alors que tout le monde me prédisait d'être la meilleure.
Edmund se sentit un peu plus confiant, suffisamment pour suivre assidûment un cours de magie et progresser.
Malgré les encouragements de Lucina et sa détermination, Edmund ne parvint pas à faire ce qu'il souhaitait. La peur de blesser les autres et de passer pour une calamité ou un danger était trop grande. Lorenzo et Lucina le remarquèrent, mais ne purent rien faire sur le coup. C'est avec ce triste état d'esprit que le timide retrouva Emiliana.
– Tu es dernière du classement de notre classe, même si je ne sais pas trop sur quoi il se base, annonça le petit.
– Quelle surprise, je ne vais jamais en cours, je n'ai aucun Dji et tout le monde me déteste, attaque Emiliana, sans se détourner de son entraînement. Abrahame ne fait ça que pour alimenter la compétition entre ses étudiants. Il choisit judicieusement la bonne place pour chacun pour que ce ne soit pas flagrant que c'est truqué.
Edmund n'avait pas vu les choses sous cet angle, c'était du génie. Emiliana connaissait bien son maître. Il décida de l'aider à s'entraîner. Même si elle avait la magie en horreur, le monde en était rempli. Il lui serait difficile d'échapper à un sorcier comme adversaire.
– T'as pas intérêt à tout faire foirer, je place ma journée entre tes mains, ordonna la hargneuse d'une voix agressive.
Edmund imagina quel genre d'attaque, il pourrait tenter. Il en avait plein en tête, le tout étant de parvenir à les réaliser. Il commencerait simplement, des Astilix, avant de passer à plus gros s'il s'en sentait capable. Le garçonnet garda en tête les intentions qu'il avait : satisfaire au maximum les attentes d'Emiliana.
C'est avec cette intense pensée qu'il commença à charger son aura autour de son bras. Pour l'instant, tout se passait bien, pas d'instabilité en vue. Ses Astilix fendirent sur son amie qui les esquiva en cabriolant à travers le gymnase. Emiliana avait un gros potentiel, dommage qu'elle ne l'exploitait pas en cours. Elle parvint à toucher son adversaire trois fois, signe qu'il devait augmenter la difficulté.
Edmund se rappela les Dji de Séphyra et de Telrion. Certes, il ne devait pas copier, mais il ne savait rien faire d'autres. Alors, il tenta de mixer un fouet et une sorte de flamme d'aura. Là aussi, grâce à ses intentions et son intense désir de réussite, il parvint à offrir à son amie un beau combat.
– T'es pas aussi nul que je le pensais finalement. Mais je suis sûre que t'es capable de faire plus, j'en ai besoin, assura la jeune fille.
– Je ne sais pas si c'est une bonne idée...
– Commence pas à chouiner ! Tu t'en sors bien, ne perds pas ce peu de confiance qui brûle en toi, tonna Emiliana pour lui forcer la main.
C'est alors que le corps d'Edmund s'enveloppa d'aura et s'éleva à presque un mètre du sol. Ses yeux assassins s'ouvrirent d'un coup et il se mit à attaquer Emiliana avec des sorts qui explosèrent de partout. Fière de son partenaire, elle ne vit pas le danger. Il était si puissant qu'elle ne pouvait pas l'attaquer de front, de ce fait, Emiliana utilisa une balle de Dji pour atteindre son adversaire.
Malheureusement, la balle qu'elle tira fut plus dangereuse que prévu. En effet, elle blessa Edmund au bras, ce qui fit exploser son Dji, retournant toute la pièce et assommant Emiliana.
Abrahame fit soigner les deux étudiants blessés et mit un point d'honneur à ce que cette histoire demeure secrète. Frenglin parvint aisément à guérir le bras d'Edmund, qui n'avait rien. En revanche, c'était dans sa psyché qu'il avait un problème plus profond. En effet, ce nouvel échec mit le petit plus bas que terre. Plus rien ne semblait lui remonter le moral et il était retombé dans une forte déprime.
Dans le plus grand secret, Edmund passait son temps à ruminer ses échecs et sa colère dans les toilettes du premier étage. Il en vint même à parler tout seul, ce qui ne fit quand même intervenir personne pour s'assurer qu'il allait bien.
– Je suis une catastrophe ! Mon Dji est dangereux, je ne suis qu'un paria, certifia-t-il en pleurnichant de rage.
– Je ne peux pas te laisser dire ça, répliqua Daræn en apparaissant depuis la cabine d'à côté. J'ai failli tuer la moitié de ma classe et tous mes camarades me détestent. Je suis la définition d'une paria, dit-elle en rejoignant Edmund dans cet étroit espace.
– Tu as Nalina, dit Edmund en pleurant.
Daræn afficha un magnifique sourire compatissant. Elle tenta un geste de tendresse, mais se ravisa, n'étant pas digne de cela. Elle passa ses mains dans ses couettes et s'approcha de son camarade.
– Nalina se sert de moi, sans doute pour prouver à son père qu'elle peut être quelqu'un de bien qui sauve les autres. De mon côté, je l'utilise comme étant la seule personne, avec Robin, qui m'adresse encore la parole. Et puis si jamais je redeviens un danger pour vous, elle saura m'arrêter, expliqua la jeune fille avec une grande tendresse.
Edmund lança un regard méprisant à sa camarade à travers ses larmes qu'il sécha avec froideur. Il se releva pour surplomber hautainement Daræn.
– Je ne cherche pas la pitié, encore moins la tienne. Tu as voulu tuer Lucina, tu n'es qu'un monstre !
– Je sais... Je suis profondément désolée, mais sache que le Livre en veut à Lucina, révéla Daræn avec émotion. De toute façon, je n'ai plus de Dji et... ça semble irréversible...
Edmund ne se remit pas de ce que venait de lui avouer Daræn. Pourquoi lui et pourquoi maintenant ? Cette fille semblait si douce et si triste depuis l'attaque de l'oiseau-tonnerre. Ce ne pouvait pas être la même personne.
– Tu ne cherches pas à aider les autres par tous les moyens ?
– J'aime les défis, c'est pour ça que je te demande deux jours et je trouverai une solution à ton problème. Je récupérerai même mon Dji s'il faut, assura la jeune Edamonde d'une tendre voix déterminée.
– Tu ne disais pas que...
Daræn le savait bien, mais elle voulait au moins essayer. Sans se faire prier, elle se jeta sur Edmund qui resta médusé. Malgré tout, un câlin était tout ce dont il avait besoin et succomba à ce délicat moment.
Nalina passa son après-midi à rappeler à Daræn à quel point elle était stupide. Jamais elle ne pourrait tenir la si grosse promesse qu'elle venait de faire à Edmund.
– Dois-je te rappeler ce qu'il se passe chaque fois que tu utilises ton Dji ? questionna Nalina d'un ton aussi vif qu'accusateur.
Daræn concentra toute sa puissance dans sa main, ce qui ne fit jaillir que de minuscules étincelles roses. Elle ressemblait à un appareil électrique qui avait un faux contact. Elle passa ainsi une partie de son temps à faire des recherches qui la conduisirent au même résultat : son Dji était perdu.
Désespérément, la jeune Edamonde se dit qu'il ne lui restait plus qu'à mettre son doigt dans la prise. Elle le fit, ce qui la propulsa en arrière et dressa ses couettes sur sa tête.
– Moi qui pensais que tu étais l'une des plus intelligentes d'entre nous, attaqua mauvaisement Aurline. Enfin, venant de celle qui a manqué de tous nous tuer, je ne m'attendais à rien.
À la vue d'Aurline, le visage de Daræn toucha le sol. La magicienne se confondit excuses et proposa son aide à sa camarade.
– Je n'ai que faire de tes excuses. Je suis riche et intelligente, tu ne peux rien m'offrir que je ne puisse obtenir par mes propres moyens. Je ne suis pas une opportuniste comme cette traîtresse, cracha Aurline en toisant Nalina du regard.
Daræn se plaça instinctivement devant son amie, comme pour la défendre. Cela n'empêcha pas la concernée d'afficher son mépris face à cette pique.
– Contrairement à toi, je suis réellement intelligente. Toi, tu n'as qu'une bonne mémoire. Je sais comment et pourquoi agit Nalina, mais cela me convient. Je n'ai rien, et pourtant, je suis prête à tout vous donner pour obtenir votre pardon, exposa calmement Daræn. Tu te penses plus intelligente que nous. Tu viens me reprocher de n'avoir ni Dji ni ami, mais je n'ai décelé ni l'un ni l'autre en toi. Comme quoi, ton statut ne te permet pas de tout obtenir. Estime-toi heureuse d'avoir pu voler la place à Ylisse d'une personne plus méritante.
L'espace d'une seconde, Nalina eut l'impression de retrouver la Daræn possédée par le Livre. Mais non, elle parla avec délicatesse, presque bienveillance, comme si ce qu'elle disait était un conseil amical. N'ayant plus rien à ajouter, Aurline quitta la conversation en faisant mine de conserver la face.
– Moi qui pensais que Yanon était le plus désagréable de nos camarades, commenta Nalina.
– Et non. Je pourrais envisager d'être ami avec elle, si cette diablesse n'était pas si pathétique, intervint Yanon de sa voix criarde.
Les filles pouffèrent de rire et s'éloignèrent pour que Nalina constate si l'opération de son amie avait réussi. Malheureusement, Daræn n'avait récupéré de pouvoir que le peu qu'elle put absorber dans la prise. Ce n'était pas ainsi qu'elle aiderait Edmund.
La pique de Daræn mit Aurline très mal. Elle traversa l'académie en ruminant sa colère. Cela la conduisit à croiser la route d'Emiliana, elle aussi dans le même état d'esprit. Aurline la héla pour entamer une conversation avec elle.
– Dis-moi, on se ressemble un peu, si on regarde bien. Nous sommes toutes les deux en marge de cette classe... En fait, nous sommes des parias, expliqua maladroitement Aurline.
– Où tu veux en venir ? J'ai pas le temps pour ces conneries, grogna Emiliana en s'apprenant déjà à partir.
– Puisqu'on a des points communs, on pourrait être amie ? Je serais même prête à te payer pour ça.
Emiliana éclata de rire. Elle soutint qu'elle n'avait aucun ami et qu'Aurline serait bien la dernière personne qu'elle accepterait à ses côtés. Face à la vive insistance de sa camarade, Emiliana dut sortir les griffes et coller son poing dans la figure de cette enquiquineuse.
– Si je te bats, tu acceptes de m'écouter ? proposa Aurline.
Joueuse, Emiliana accepta. C'est alors qu'elle se jeta son ennemie pour la rouer de coups. Aurline les paras et se défendit admirablement bien jusqu'à ce qu'Emiliana ne l'envoie bouler dans les toilettes. Après une démonstration de ses talents de combattante, la jeune arrogante se fit projeter contre un lavabo qui explosa sous le choc.
Aurline se releva, non sans peine, ce qui agaça Emiliana qui sortit son épée après l'avoir de nouveau plaquée au sol. C'est alors qu'Aurline sentit une vive chaleur envahir son corps. Une étrange lumière violacée passa de son cœur à ses bras. Instinctivement, la jeune fille comprit, elle donna un coup de coude qui déboîta un tuyau.
Aveuglé par l'eau et la nouvelle aura d'Aurline, Emiliana se prit quelques coups avant d'engager un combat avec sa lame. C'est à cet instant qu'elle dévoila sa force surhumaine en projetant son adversaire et son arme de fortune contre une cabine. Emiliana plaça ensuite un chassé dans le ventre ennemi pour le pousser plus au fond de la pièce.
Aurline concentra toute son aura dans son corps pour la projeter sur Emiliana qui se retrouva dans le couloir. Déchaînée, la première fonça sur son adversaire avant d'être stoppé par un mur de flammes mauves. Telrion se tenait devant elles, prêt à les arrêter. Sans attendre qu'Emiliana ne se relève complètement, il lui envoya une boule de Dji qui la projeta avec force contre un mur. Aurline se rendit sans scandale ce qui fit sourire l'Ambassadeur. Doloresse ne tarda pas à arriver avec toute la noirceur qui faisait sa présence.
Bien qu'il n'y ait pas cru, Edmund fut déçu d'apprendre que Daræn avait besoin d'un petit peu plus de temps pour lui trouver une solution. Couplé à sa très mauvaise place dans le classement et à sa blessure, on obtenait un garçon au bord de la déprime. Comment Aurline, qui n'avait pas de Dji, pouvait être première alors qu'il avait sauvé ses camarades de la folie de l'oiseau-tonnerre ?
– Tu penses que c'est injuste, et ça l'est. C'est ainsi qu'Abrahame nous pousse à être les meilleurs. J'ai longtemps été à ta place, avant que je ne découvre mon pouvoir, intervint chaleureusement Lorenzo pour rassurer son jeune ami.
– Toi t'étais vraiment nul ! Alors que moi, je ne fais que des efforts, mais ça ne paie pas ! explosa Edmund tandis que des pleurs lui montèrent au visage.
Lorenzo poussa un las soupir avant d'afficher un large sourire et de prendre place à côté d'Edmund. Il passa une main dans sa tignasse décoiffée et l'autre autour de son ami déprimé.
– Moi qui pensais que tu suivrais la voie du changement de tes amis, tu es toujours aussi pleurnichard, rajouta-t-il d'une voix neutre.
Dans un stupide excès de rage, Edmund colla son poing chargé d'aura dans la figure du pilier qui fut marquée. Lorenzo remarqua que l'aura de son ami était instable, elle donnait l'impression de vouloir exploser pour jaillir tout autour d'eux.
– J'ai longuement pensé à toi toutes ces années. J'ai cherché, enfin autant que je le pouvais, mais ton cas est unique, avoua Lorenzo d'une voix paresseuse.
Le trio d'Arcadia a toujours eu des problèmes de Dji. Lorenzo aussi eut bien du mal à débloquer un pouvoir digne de ce nom. Était-ce lié à la Terre ? Chacun avait un souci qui semblait d'abord irrésolvable, mais avec de la volonté, tout était possible.
– Quand j'ai une intention précise, je peux contenir mon flux. Même quand je veux juste utiliser le Béh, ça devient instable, expliqua Edmund tout en chouinant.
Il se mit à faire une démonstration. Avec toute sa concentration, il fit lentement jaillir son aura de son cœur pour qu'elle vienne recouvrir tout son corps. Cela fonctionna jusqu'au moment où Edmund rompit sa stase, là, son Dji implosa en une vive lumière inoffensive. Il s'était passé la même chose contre Emiliana. À l'instant où le combat devint plus important que sa volonté, son Dji s'emporta et explosa.
– C'est comme à Arcadia, mais en mieux, commenta Lorenzo ébahis. Je te déteste, tu vas me forcer à faire des recherches ! ajouta-t-il en s'arrachant les cheveux Peu importe, je ne partirai pas tant que je n'aurai pas réglé ton problème. Et celui des autres au passage.
– Et ton entraînement ? Ton Maïtraçe compte plus que tout, tu n'es pas obligé de rester pour moi, répliqua faiblement le petit.
Lorenzo sourit amicalement. Bien que son désert lui manque, il mettait un point d'honneur à ce que tout le monde soit digne des attentes d'Abrahame. Hors de question de partir tant que chaque premier cycle ne maîtrisera pas ses trois bases de Dji.
– Mon Maïtraçe sera fier de moi et moi aussi. Je paie un peu ma dette envers mes vieux amis, et Abrahame, conclut Lorenzo.
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