Peu importe où les yeux de Lucina se posait sur Arcadia, elle y revoyait ses aventures avec Edmund et Velcane. Une forte nostalgie vint l'étreindre délicatement, celle de l'époque où sa seule préoccupation, c'était de combattre des démons imaginaires.

Posée sur la colline la plus haute de l'île, l'adolescente voulait imprimer cette image dans sa tête. Arcadia était sa maison, l'endroit où elle vécut presque dix ans. Ce serait toujours son foyer, son refuge en cas de problème. Quitter cette ville lui déchirait le cœur. Mais elle se sentait prête à suivre Dame Luzia à Ylisse.

En dépit de ce qu'elle montrait, Lucina savait qu'elle, ainsi que Velcane et Edmund, étaient amenés à grandir et à devenir des adultes. Cette pensée l'effrayait grandement, mais se sentait capable de la surmonter, pour ses amis et son destin. Bien que sa petite voix interne lui dise de le faire, accorder sa confiance à cette étrange Luzia était encore fastidieux pour la prudente Lucina. Celle qui ne faisait pas confiance aux adultes et qui ne voyait en eux que des menteurs.

Peut-être cette femme n'était pas si négative que sa réserve le lui disait. Après tout, elle lui fit la promesse d'améliorer son Dji et de la faire grandir auprès de ses amis. Une idée pas si désagréable.

Sentant une présence derrière elle, Lucina se retourna lentement. Victoria se tenait là, un triste sourire sur son beau visage.

- Tu attendais sans doute Edmund, dit-elle d'un calme ton amical. Savoir qu'il est déjà loin est vraiment dur. C'est mon choix de rester, mais je ne pensais que je me sentirais si seule, exprima la jolie blonde en s'asseyant près de son amie.

- Il n'est pas trop tard pour que tu viennes avec moi, lança Lucina avec sérieux. Je suis sûre que Dame Luzia serait d'accord.

Victoria soupira légèrement et se laissa porter par la beauté d'Arcadia. Le soleil se levait à peine sur la ville, ce qui donnait un superbe horizon orangé. Le destin de l'adolescente était ailleurs, néanmoins, elle lui jura de la retrouver à Ylisse un jour. Pour noyer le poisson, elle donna une date au hasard, dans trois ans. Lucina enregistra bien l'information et se jura de le lui rappeler.

Les deux amis se retinrent de ne pas succomber à l'appel des larmes. Lucina posa sa tête sur l'épaule de Victoria. Après quelques secondes, la blondinette regarda son amie, droit dans les yeux, et versa une larme. La rouge se mit à pleurer et la prit aussi dans ses bras.

- Tu vas me manquer, dit Victoria en sanglotant. Il n'y a pas que toi qui a peur de finir seule, mais je suis forte, c'est mon destin, acheva-t-elle en saluant une dernière fois sa camarade de chambre.

Après cet adieu déchirant, Lucina sécha ses larmes et trouva le courage de descendre de la colline. Victoria n'était pas la seule personne à qui elle devait dire au revoir.

Lucina se tenait devant l'épicerie d'Amun, hésitant à franchir le pas de la porte. Le Vampire n'a jamais été que le seul adulte qui a toujours été honnête avec elle, qui la soutenait dès que possible. Bien qu'il ne puisse pas ressentir d'émotions, il était très affligé d'apprendre son départ pour Yrmoonia.

- Tu sais Lucina, je me prépare à ce jour depuis deux ans, dit une sublime voix se trouvant derrière la jeune fille.

Amun lui sourit et l'invita à entrer à l'intérieur. Madame Gilbert et Icharion étaient descendus pour l'occasion. Lucina ne s'attendait pas à un tel comité.

Avec toute la bienveillance du monde, Amun lui souhaita bonne chance. Il ne doutait pas de la réussite future de la jeune ado. Il lui demanda malgré tout une promesse, celle de ne jamais se trahir, de toujours être la petite fille gentiment rebelle qui ne se laisse pas faire. Lucina ne devait pas renoncer à ses pouvoirs, ni à ses idées, qu'importent les épreuves sur son passage. Naturellement, elle lui jura.

- Vous... Vous avez changé, depuis votre enfance ? demanda timidement l'enfant aux trois adultes en face d'elle.

Amun se moqua d'elle et Icharion roula des yeux. Évidement que la réponse était oui, mais ce n'était pas forcément un mal. Comme tout le monde, ils ont trébuché, commis des erreurs, parfois impardonnables, mais ont tout fait pour se racheter et rester fidèle à la meilleure version d'eux-mêmes. C'était ça, la clé de la réussite. Lucina espérait être comme eux une fois grande.

- Lucina, tu dois savoir une chose capitale, affirma gravement Amun. Tu possèdes en toi le pouvoir de changer les choses en Yrmoonia. Utilise cette capacité à bon escient.

Sans vraiment saisir l'importance de cette demande, la petite accepta et prit l'homme dans ses bras.

Après une petite heure de fête improvisée, Icharion vint féliciter son ancienne élève. Il était toujours aussi bourru que d'habitude, mais semblait triste. Finalement, avoir trois enfants dans sa vie, devait la rendre moins monotone. Il souhaita bonne chance à Lucina et lui conseilla d'être plus assidue en cours d'escrime à Ylisse. D'autant qu'elle allait avoir trois professeurs différents pour l'escrime, la magie et le combat. Une fois, là-bas, elle allait réellement savoir ce qu'est un entraînement militaire.

Il était grand temps pour Lucina de retourner à l'orphelinat. Sans nul doute l'endroit auquel il serait le plus difficile de dire au revoir. Bien qu'elle ait cherché à le fuir par tous les moyens, elle savait très bien que c'était sa bouée de sauvetage. Son QG en cas de problème, l'endroit qui serait toujours sa maison.

Le directeur Jonathane était la première personne à qui elle voulait dire au revoir avant de partir. Par le plus grand des hasards, la grosse voix d'Azriel résonnait à travers la porte. Sa curiosité l'emporta sur sa raison et elle se mit à les écouter.

Le Sir était en train de mettre en garde son ami sur les nouveaux propriétaires de l'orphelinat. Visiblement, c'était des rapaces d'une espèce encore pire que celle d'Azriel. Lucina ne croyait pas cela possible, mais il en fallait beaucoup pour secouer cet homme d'affaires chevronné. Elle s'en voulait de partir alors que la ville était en crise. Mais n'y pouvait plus rien, elle n'avait toujours que douze ans.

- Encore en train d'écouter aux portes, lança gaiement la voix de Sir Landry, situé derrière la jeune fille.

Les justifications maladroites de Lucina firent rire son professeur. Ce dernier se contenta de sourire et de l'amener dans le parc de l'orphelinat. Sans avoir le choix, l'enfant le suivit.

Il était rare que Lucina vienne s'asseoir sur les bancs du petit jardin de sa maison. Elle préférait les toits de la ville où les endroits discrets. L'air de Landry était un mélange de joie, de tristesse et de nostalgie.

Bien que les autres lui aient dit la même chose, le professeur lui souhaita bonne chance, lui demanda de ne pas perdre sa malice et lui assura qu'il avait confiance en sa future réussite. Lucina ne sut que répondre d'autre qu'un petit gloussement approbateur.

Landry farfouilla dans sa poche et en sortit un petit pendentif doré en forme de lune. En le voyant, Lucina écarquilla les yeux et posa sa main sur son cou. Se rendant compte qu'elle ne le portait pas, elle s'en empara et remercia son grand ami.

- C'est la première chose que j'ai remarquée au dîner. Tu l'as perdu en faisant le mur la veille de ce dernier, heureusement que je l'ai retrouvé, raconta le Sir avec bienveillance.

Lucina ne savait pas d'où venait ce collier. Elle l'avait depuis son arrivée en ville. Sans doute, était-ce le dernier vestige de ses parents. Mais elle ne le considérait pas ainsi.

Par obligation morale, Landry devait expliquer à Lucina ce qu'elle avait entendu dans le bureau de Jonathane. Elle n'était pas sans savoir qu'Azriel fut forcé à vendre l'orphelinat à d'horribles gens. Un couple de riches dandys qui s'appropriaient sans vergogne toute la ville. Ce n'était plus le souci de Lucina et Landry la rassura un maximum. Sans doute, était-ce pour ne pas perturber son départ.

Pour se changer les idées, l'adolescente interrogea son professeur sur Ylisse. Il leur avait déjà parlé en long et en large de l'académie. Mais cette fois, elle voulait la franche réponse de son ami.

Landry n'avait rien de plus à ajouter que ce qu'elle savait déjà. Il était toujours convaincu que c'était la meilleure option pour elle, son éducation et son pouvoir.

Lucina bifurqua alors sur Dame Luzia, dont elle ne savait pas si les promesses étaient réelles. Landry, qui connaissait bien la femme, lui jura qu'elle était honnête et qu'elle ne lui voulait pas le moindre mal. La jeune fille pouvait la suivre les yeux fermés.

Sans être réellement rassurée, elle accepta la réponse. De toute façon, elle ne serait pas seule à Ylisse. Elle avait si hâte de retrouver Edmund et Velcane. Jamais ils n'avaient été séparés si longtemps. Cela lui faisait mal.

Jonathane se souvenait de tellement de moments marquants dans la vie de Lucina. Le jour où il la trouva, enveloppé dans cette grosse couverture, sur le pas de sa porte. Celui où il amena l'enfant à Icharion et qu'elle rencontra Amun et Edmund. Le jour où elle considéra Velcane comme son frère pour la première fois. Il était si fier d'elle. Comme les autres, il savait depuis longtemps que ce jour était établi, mais n'aurait pas imaginé que son cœur se fendrait en deux.

Quand Lucina était arrivé, c'était une enfant difficile, turbulente avec un sale caractère. Aujourd'hui, c'était une jeune ado attachante, gentiment rebelle, avec un grand cœur et une détermination sans faille. Elle était si belle, bien que son visage soit banal. De grandes choses gravitaient autour d'elle. Si la petite s'en donnait les moyens, elle pourrait avoir un destin incroyable.

Le directeur n'avait rien de particulier à dire. Il se retenait sincèrement de fondre en larme. Il prit l'enfant dans ses bras une dernière fois et lui souhaita tout le bonheur du monde. Lucina était également très triste de quitter cet homme si charmant. En dépit de toutes les bêtises qu'elle put faire, il resta toujours gentil avec elle. C'était une personne en or, comme il n'en existait pas deux.

Avant de sincèrement pleurer, Lucina remonta dans sa chambre pour terminer ses bagages. Elle y croisa Anzo, qu'elle abandonnait pour une année seulement. Avec lui, ce n'était qu'un banal au revoir. En ayant marre de le battre à chaque duel, elle lui ordonna de s'améliorer à l'épée. Sauf que Velcane était le seul à pouvoir rivaliser avec Lucina. Anzo était davantage triste de rester un an de plus avec Victoria qui de quitter son amie. Ils se contentèrent d'un amical câlin avant de se quitter pour cette année.

En bas, Lucina trouva étrange que Sir Azriel n'ait pas organisé une grande fête avec feux d'artifices pour son départ. L'homme apparut aux côtés de ses deux amis et se contenta d'un simple geste de la tête. Tout en se fusillant du regard, les deux antagonistes échangèrent une parole silencieuse. Lucina sortit pour retrouver Dame Luzia.

La femme l'attendait fermement, adossée à une grosse berline noire avec chauffeur. Ce dernier prit les bagages de la jeune fille et les plaça dans le coffre.

- Tu es certaine d'être prête à tout quitter ? Nous pouvons rester à Arcadia encore quelques jours, suggéra l'étrange femme de sa calme voix mélodieuse.

Lucina se retourna une dernière fois vers l'orphelinat, versa une petite larme en voyant les lettres dorées au-dessus de la grille. Elle tritura son pendentif et se tourna vers son interlocutrice. Je suis prête, affirma-t-elle avec toute la détermination présente dans son corps. Les deux filles montèrent dans la voiture et se mirent en route vers une nouvelle vie pour Lucina.