Daræn se tenait face au petit groupe qui accompagnait Lucina. Sa puissance transpirait de toutes parts. Des éclairs jaillissaient de son effroyable aura rose. Son visage ne masquait pas ses abominables intentions : la magicienne était là pour tuer.

Shana et Anabêthe avaient besoin de plus de temps pour sauver Iñigo tant ses blessures étaient graves. Lucina et Séphyra s'en rendirent compte. Malgré la puissance de Daræn et son air assassin, il fallait bien se résigner à l'affronter. La jeune Maïtraçe se dressa face à son adversaire avec un visage déterminé et une épée empoignée dans la main. Sa camarade, qui savait qu'attaquer frontalement leur ennemie signifiait se faire électrocuter, prit simplement de la hauteur.

– Tu es enfin devant moi, Lucina, celle que cherchait à vaincre depuis le début de cet examen de pacotille, lança Daræn avec véhémence.

Derrière la magicienne flottait une étrange sphère rosâtre qui emprisonnait tous les totems. Il y avait également un livre hautement maléfique qui semblait être le cœur de cette douloureuse tempête. Lucina peinait à tenir fermement sur ses jambes tant le vent l'écrasait. Au moindre relâchement, elle s'envolerait.

– Pourquoi moi ? Qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu m'en veuilles à ce point ? se récria l'héroïne en essayant de parler par-dessus le vent.

Daræn arqua un sourcil. Sa terrible expression neutre faisait encore plus peur que ses yeux assassins.

– Je n'ai rien contre toi, enfin si. Tu es une parvenue, tout le monde te place sur un piédestal alors que tu ne vaux pas mieux que nous, tonna sincèrement la jeune Edamonde. En revanche, je ne cherche pas à tuer, contrairement à lui, termina-t-elle en pointant du pouce le livre derrière elle.

Lucina fut surprise. Elle s'était fait pas mal d'ennemis atypiques au cours de sa vie. Un vampire, un loup et quelques sorciers maléfiques, mais un livre, c'était une première. Qu'avait-elle bien pu faire pour que ce bouquin infernal lui en veuille à mort ?

– Tu ne sais rien de ce que j'ai dû sacrifier pour accomplir mon destin ! hurla subitement Daræn. Edamonde était un des sept grands noms d'Yrmoonia, synonyme de prestance et de pouvoir. Aujourd'hui, il ne sonne plus que comme un échec ! C'est à moi, leur dernière descendante de changer cette fatalité. Si pour cela, je dois te tuer, alors je serai prête à me salir les mains, expliqua la jeune fille d'une voix glaçante tandis qu'elle joignait des gestes à la parole.

Daræn attaque. Lucina comprit alors qu'elle seule allait devoir se dresser face à l'adversité. Elle devint le rempart qui protégeait ses camarades.

Après un travail acharné pour sortir de sa prison, Vilda, la griffonne de Lucretzia, parvint à s'échapper du bureau de sa maîtresse. Sans réfléchir, la créature se dirigea vers l'immense tempête provoquée par Daræn. Ne pouvant pas pénétrer l'arène de l'examen, l'animal dû se résoudre à fureter à travers le bois environnant.

Après plusieurs minutes à chercher de quoi calmer les cris de son estomac, Vilda entendit une petite voix qui se plaignait. En la suivant, elle tomba sur un petit et grassouillet oiseau. Ce dernier avait peut-être la capacité de parler l'humain, mais il avait l'air tellement appétissant. L'instinct prit le dessus sur la raison de l'animal qui bondit sur sa proie avant que cette dernière ne fuie en hurlant de toutes ses forces.

– Je ne suis pas comestible ! Au secours, sauvez l'oiseau royal de Telmar s'époumona le volatile en essayant d'esquiver son prédateur.

– Tu es à moi, se récria fièrement Vilda.

La créature était vive et précise, mais la différence de taille qu'il y avait avec sa proie rendait son jeu plus difficile. Oiseau filait bien plus facilement en hauteur et faisait des demi-tours contrôlés avec une certaine précision. Vilda finit néanmoins par l'agripper entre ses pattes et à le plaquer au sol.

– Pitié, je ne suis pas du tout comestible, tenta le piaf dans l'espoir qu'on le laisse vivre encore un peu.

– Peu importe, j'ai les crocs et je pourrais manger n'importe quoi, répliqua la griffonne en dégainant sa dentition.

Oiseau parvint à s'extirper de l'emprise de son prédateur qui rebondit pour le reprendre ;

– T'as vraiment du mal à comprendre quand on te parle, toi !

– Désolée, c'est juste que je m'ennuie tellement et j'ai si faim, se plaignit Vilda en roulant sur le dos. Ma maîtresse m'a abandonnée sans nourriture depuis des jours...

L'Oiseau se dit qu'ils avaient un peu le même genre de problème. Enfin presque, lui n'avait pas besoin de manger. Il cherchait également sa maîtresse : Auria. Avec le flair de la griffonne, ce serait un jeu d'enfant de la retrouver.

– Si tu m'aides à rejoindre Auria, je peux essayer de te nourrir, mais pas avec ma personne, proposa Oiseau dans l'espoir de survivre.

– Ça me va, répondit l'animal. Mais je me demande, comment cela se fait que tu me comprennes, petite créature magique ? On t'a accordé ce don lors de ta création ?

– Il n'y a aucune autre logique que celle de la magie. Passons, nous avons une quête à accomplir, termina le piaf rouge.

C'est alors que les deux animaux abandonnés se mirent en route dans l'espoir de croiser quelqu'un qui sera capable de les aider. Il ne leur fallut pas longtemps pour entendre une voix bien énervée qui provenait d'un sentier plus en avant.

– Enfoiré de Lorenzo, attends que je t'attrape, tu vas payer ta trahison. Oser t'allier aux Disciples de Grimar, trahir Ylisse. Pourquoi ? grogna Valèra qui peinait à marcher à cause de ses graves blessures.

Les deux animaux se jetèrent un regard interrogatif. De quoi est-ce qu'elle pouvait bien parler ? La jeune fille finit par tourner la tête et aperçut les bestioles qui la regardaient.

– Génial, me voilà sauvé. Je suis tombé sur la peluche de Lucretzia et le tâcheron d'Auria, acheva l'Ambassadrice avec dédain.

Éloignés de la tempête, Edmund et Garris pouvaient souffler un peu. Le jeune timide avait beau essayer d'être courageux, sa véritable nature n'était en rien dissimulée.

– Tu crois que ça se passe bien pour les autres ? demanda-t-il dans une forte inquiétude en regardant tristement la bataille.

– Je l'espère, tout ce que je sais, c'est qu'on a besoin de Nalina et des autres. Les Ambassadeurs devaient nous protéger et ils ne sont plus là. Il se trame quelque chose de grave, répondit franchement Garris.

– J'ai peur qu'Abrahame nous ait foutu dans un piège de merde. Et si on y passait ?

Edmund transpirait l'angoisse là où Garris était à la fois sérieux et décontracté. Alors qu'Edmund s'attendait à une réponse, celui-ci vit son camarade se volatiliser dans les airs. Ce n'est que lorsqu'il vit un fouet rose fendre sur lui qu'il comprit enfin.

Yanon apparut ainsi pour s'en prendre frontalement à son rival. Garris ayant disparu, Edmund n'avait plus le choix. Ce qu'il redoutait tant depuis le début de l'examen était arrivé, il allait devoir se battre. Fort heureusement, ce n'était que cet insolent camarade de Yanon, rien d'insurmontable. Le timide inspira profondément avant d'esquiver.

Edmund savait son Dji très instable, il hésitait à s'en servir offensivement pour l'instant. Par pur hasard, alors qu'il se concentrait pour canaliser sa puissance au fond de lui, le garçon parvint à utiliser le pas rapide pour passer derrière son adversaire. Il lui attrapa donc le bras et le frappa dans les côtes. Ce dernier se retourna et choppa la cape de son ennemi sans la possibilité de la lâcher.

– Tu vas me filer ton totem ! Je sais que tu en as un ! gueula Yanon pendant qu'il frappa Edmund de toutes ses forces.

Toujours réticent à l'idée d'utiliser son Dji, le timide tenta de s'emparer de son épée, mais Yanon bloqua son bras. Il s'empara de l'arme de son rival et la colla à un arbre, suffisamment haut pour que ce soit une épreuve de la récupérer.

– Je n'ai plus de totem, ils ont tous été volés par Daræn, rétorqua fermement Edmund tout en se débattant comme il le put face à Yanon.

– Des excuses et des mensonges ! Tu vas me dire la vérité et me filer ton totem ! hurla à nouveau l'étudiant en se jetant sur Edmund.

Il le menaça de le coller au sol jusqu'à la fin de sa vie, prétextant que personne ne viendrait jamais le retrouver. Edmund maintint son discours : il y avait présentement bien plus important que l'examen. Pour le punir de ses mensonges, Yanon emmitoufla Edmund dans sa cape et le frappa assez fort pour le mettre à terre.

– Mensonges ! Je refuse d'avoir une mauvaise note à cause d'un cloporte dans ton genre !

Au moment où Yanon s'apprêta à attaquer, Edmund sortit de sous sa cape en faisant exploser son Dji. Garris, visiblement libéré, vint frapper son camarade en plein visage pour qu'il cesse de hurler sa défaite.

– Laissons ce clown et poursuivons, il ne mérite pas ta pitié, certifia froidement Garris avant de tourner les talons.

Enfin revenu à lui, Waydon se précipita vers Velcane pour le réveiller. Réalisant que Daræn les avait épargnés, les garçons chargèrent Aurline de protéger Royé tandis qu'ils rejoindraient les autres. Dans un dernier souffle de lucidité, le Prince agrippa le bras de son ami pour lui dire ceci :

– Protège Lucina, il ne doit rien lui arriver.

C'était bien entendu une évidence pour Velcane qui se l'était également juré. Il rejoignit ensuite son camarade, assez pressé pour ne pas l'attendre.

– Tu devrais te servir de ton Dji, lança Waydon alors que le visage de son ami se décomposait, je sais ce que tu en penses. Mais sans lui, jamais, on ne fera quoi que ce soit à ce monstre, certifia l'étudiant.

Les garçons préparèrent en rapidité un plan d'attaque avant de se présenter face à leur ultime adversaire. Waydon lui balança un torrent dans la tête, ce qui allait bien avec sa tempête. Quant à Velcane, il avait illuminé son épée et projeté un rayon sur la magicienne. Lorsque Lucina, pleine d'aura et prête à en découdre, aperçut son frère, son visage, amer et déterminé, changea au profit d'une joie immense.

Les trois alliés fixèrent leur adversaire avec une grande détermination. Personne n'ayant prédit ce scénario, aucun n'osa faire quoi que ce soit. C'est, encore une fois, Waydon qui mena la danse. Des cercles de Dji étaient apparus autour de ses mains et un nouveau tsunami vint noyer Daræn. Cette dernière s'énerva et généra tellement d'électricité que l'atmosphère devint instable.

– Tu sais quand même que l'eau et l'électricité ne font pas bon ménage ! nargua la jeune Edamonde en fonçant sur Waydon.

Ce dernier resta impassible, ne répondit rien et se contenta de retenir les bras de son adversaire. Dans son dos, Velcane tenta de lui porter plusieurs coups d'épée avant de bondir un peu plus loin. Son intervention fut bien inutile. Lucina essaya également de donner un coup de poing de Dji à Daræn qui la dégagea assez vite.

– Trop lente Lucina. Sois un peu patiente, ton tour viendra, dit-elle d'un ton aliéné par sa folie.

En une fraction de seconde, le symbole de la main droite de Waydon changea. Il put alors porter un coup de poing électrique à Daræn qui ne vit pas l'attaque venir. Agacée qu'on ose se servir de son élément contre elle, la magicienne dévoila sa véritable forme. Son aura pris ainsi l'apparence d'un titanesque oiseau-tonnerre aux ailes déployées, celui-là même qui trônait dans le ciel depuis le début des hostilités.

Une version miniature de cet animal de Dji se matérialisa pour fendre sur Waydon et ainsi le détacher de Daræn. Cette dernière, prête à foudroyer Velcane reçut un coup d'épée de Lucina. La magicienne dégagea une nouvelle fois l'arme des mains de son adversaire. Alors que la jeune Maïtraçe entra en contact avec la foudre de Daræn, une sorte de violente poussée d'adrénaline apparut en elle.

Lucina sentit un courant électrique la parcourir, contrairement à celui de la tempête, il était positif. Celui-ci se combina à son aura et lui octroya la capacité de générer des éclairs avec son Dji. La petite ne saurait expliquer pourquoi et comment ce pouvoir venait d'apparaître subitement, mais il lui permit de faire jeu égal avec Daræn, alors elle l'accepta et s'en servit sans attendre. Elle joignit ses mains et créa un tub de foudre pour parer la lame foudroyante de son ennemie qui s'apprêtait à s'abattre sur Velcane.

– Ne touche pas à mon frère, salope !

Lucina bloquait désormais l'arme de Daræn avec son propre éclair de Dji, ce qui enragea cette dernière, frustré qu'une insignifiante ose usurper ainsi son pouvoir. C'est alors qu'elle jeta de façon aléatoire des dizaines d'éclairs dans l'espoir de déstabiliser son ennemi et la faire plier à l'usure du combat. Cela fonctionna si bien que la jeune fille manqua de perdre. Fort heureusement, la brillance de la rapière de Velcane lui permit de retrouver ses esprits.

– Ne touche pas à ma sœur, sorcière ! tonna Velcane alors qu'il tenta de trancher Daræn en deux d'un géant rayon de lumière.

Face à la détermination de cet insolent garçon, Daræn retrouva sa lame. Comme celle de Velcane, la sienne répondait à la volonté de son Dji. Elle était donc composée de foudre pure. Frère et sœur se rapprochèrent pour tenir tête à leur terrible adversaire. Eux seuls semblaient avoir la puissance nécessaire pour cela.

Daræn usait de sa capacité à voyager à la vitesse de l'éclair pour tromper ses ennemis. Sauf qu'elle n'était pas la seule à avoir de nouvelles compétences. En effet, Velcane pouvait projeter des rayons lumineux plus gros et puissants qu'avant. Bien qu'ils finissent toujours foudroyés, il arrivait à être handicapant.

Quant à Lucina, son corps était comme celui de son ennemie jurée : enveloppée d'aura protectrice. Elle pouvait d'ailleurs la façonner suivant la volonté de son esprit. La petite se rendit vite compte qu'en dehors des Astilix et de la foudre de Daræn, elle n'avait pas grand-chose pour se défendre.

À un moment, lors du combat, Lucina dut s'emparer de la main de Velcane pour l'extirper du sillage d'une attaque de Daræn. C'est là qu'elle remarqua quelque chose d'étrange. Elle avait comme l'impression d'être dans la tête de son frère. Au même instant, ses mains s'illuminèrent et purent cracher de la lumière.

– Ce ne serait pas mon pouvoir ? demanda le jeune garçon.

– J'en sais rien. Pour être honnête, je ne sais pas comment fonctionne mon Dji, répondit Lucina d'un ton confus.

– Dis-moi, Velcane, coupa Daræn d'une voix enragée. Tu n'étais là à crier sur tous les toits que la magie était la chose la plus dangereuse du monde ? Et tu oses te dresser devant moi avec ta divine lumière magique, nargua la magicienne avec mépris.

– Il y a un proverbe chez moi qui dis « il faut combattre le feu par le feu ». J'ai vu comment tu as massacré Royé...

Daræn ne lui laissa pas le temps de finir qu'elle attaqua de nouveau, le touchant à jambe. Les deux jeunes répliquèrent en lui projetant chacun un rayon de lumière dans les dents, ce qui ne lui fit rien.

– Vous êtes blessés et épuisés. Laissez-moi seulement vous vaincre et je vous promets de ne pas trop faire de mal à vos amis, lança Daræn d'une voix faussement tendre.

– C'est moi que tu veux ! Tu n'auras personne d'autre, se récria Lucina en se tenant très fermement face à son ennemie.

Son Dji la brûlait, malgré une puissance plus accrue. Ce gain de pouvoir lu faisait terriblement mal, mais la petite tint bon, pour son frère et ses camarades restés en retrait. Quant à Velcane, son arme était plus brillante que jamais et une douce et galvanisante chaleur parcourrait l'entièreté de son corps. Frère et sœur étaient prêts à tout sacrifier pour éliminer l'épouvantable Daræn Edamonde, devenu plus puissante que jamais.

Daræn Edamonde :