48)Division et contrôle
Comme à chaque annonce d'entraînement, Abrahame avait réussi à créer des divisions et des tensions au sein des premiers cycles. Seulement huit sur vingt avaient eu le privilège de participer à cette course, l'injustice se posait là. Étrangement, depuis que Séphyra était un peu plus considérée, elle semblait avoir renoncé à ses idéaux. Cette nouvelle personne ne plaisait pas à une certaine Anabêthe, une grande fille aux longs cheveux bleus.
– Je crois que tu n'as pas bien retenu la leçon de l'Autel de pierre, je devrais peut-être frapper encore plus fort, lança furieusement Anabêthe en direction de Séphyra.
La pauvre enfant était acculée, sa grande camarade la fusillait du regard en se tenant devant elle avec quatre autres étudiants.
– Je fais ce qu'il faut, c'est tout, répondit Séphyra en essayant de passer le barrage d'élèves. On est tous en compétition, je suis là pour réussir mon année. Oui, c'est injuste que vous soyez mis de côté, mais c'est à Abrahame qu'il faut s'en plaindre.
Anabêthe chopa fermement le bras de Séphyra pour la retenir devant elle et continuer à la mépriser.
– Tu n'es même pas dans le top dix de la classe. On est tous plus intelligents que toi, sauf que tu maîtrises tes pouvoirs, cracha cruellement Aurline, une fille aux courts cheveux violets.
– On est à Ylisse, pour Abrahame, seul compte le Dji, ajouta Waydon, un étudiant avec une longue tresse noire.
– Voilà, c'est peut-être sur ça que vous devriez vous concentrer au lieu de me faire chier avec vos inégalités, acheva froidement Séphyra.
La dispute entre Anabêthe et sa camarade n'avait pas échappé à Iñigo qui afficha un sourire léché. Le grand Davnick baissa les yeux vers son ami avant de regarder avec perplexité cette Anabêthe.
– Elle n'a pas sa langue dans sa poche, j'imagine que tu sais qu'elle s'intéresse de près à toi, dit le garçon.
– Je ne sais pas quoi penser de cette fille, je dois savoir quel est son niveau et si elle en vaut vraiment la peine, exprima le Prince en tournant les talons.
Après avoir assisté à cette surprenante scène, Iñigo, suivi pas très discrètement de Davnick, alla retrouver l'oiseau d'Auria.
– Anabêthe, cette fille mérite qu'on s'intéresse à elle. Je me suis fait avoir pas Séphyra, ça ne va pas se reproduire, annonça le garçon d'un ton très pédant.
– Tu sais que je ne suis qu'un oiseau magique, je ne peux pas espionner tes camarades et tenter de percer les secrets d'Abrahame en même temps, répondit le volatil.
Iñigo afficha un sourire machiavélique lorsqu'il prit l'animal entre ses mains. Il plongea son regard dans les tout petits yeux noirs d'Oiseau et lui ordonna à nouveau d'aller découvrir le Dji d'Anabêthe. En une seconde, le discours de la boule de plumes rouge changea, de façon très obéissante, il s'envola à travers l'académie.
– Tu sais que tu as la discrétion d'un dragon dans un village, lança le Prince par-dessus son épaule.
Davnick sortit de sa cachette qui ne dissimulait qu'à moitié sa grande taille et se présenta, confus, à son ami.
– Tu penses que cette fille est dangereuse ?
– Je n'en sais rien, tout ce que je souhaite, c'est comprendre cette bande d'incapables pour mieux les dominer. Être le numéro un de cette classe, c'est tout ce qui compte.
Davnick déglutit avant de jeter un regard plein d'inquiétude à son ami. Iñigo, était-il le sauveur ou le destructeur de la classe ? Non loin d'eux, Edmund était en train de lire un livre, seul dans son coin. Étonnamment, c'est vers lui que le Prince se dirigea.
– Pas trop déçu de ne pas avoir été sélectionné dans ma course ? Avec un peu plus de talent, tu aurais pu prendre la place de la Princesse, lâcheuse, se moqua vivement Iñigo.
Edmund claqua son livre et tenta de renvoyer le mépris qu'avait son interlocuteur pour lui, sauf qu'Iñigo l'effrayait trop. Ce dernier lui expliqua la raison de sa présence : savoir si Velcane était toujours en croisade contre Abrahame.
– J'en sais rien, moi. Et d'ailleurs, qu'est-ce que ça change pour toi ?
– Disons qu'il nourrit les mêmes idées que Telrion, je ne voudrais pas tomber dans un coup fourré pendant la course. On n'est pas à l'abri d'une trahison, dit-il avec de mielleux soupçons.
Edmund n'était pas idiot, il avait vu où voulait en venir Iñigo. Sauf que lui aussi avait cette tendance à la trahison. Pour preuve son attitude lors des événements de l'Autel de pierre. De toute façon, le jeune garçon n'avait rien à dire sur Velcane. Il s'en alla donc pour reprendre tranquillement sa lecture du mythe d'Isgarde.
Tandis qu'Iñigo cherchait à en apprendre plus sur Velcane, celui-ci retrouva Lucina et Royé pour les informer sur ce qu'il savait.
– Les Ambassadeurs, ce sont des monstres de puissance. Surtout Telrion, il ne va pas nous faire de cadeau, expliqua-t-il.
– On doit s'allier contre eux, on est huit, ça devrait le faire, non ? répondit Royé.
– Le souci, c'est qu'on se bat sur deux fronts, les Ambassadeurs et nous-même. Daræn veut ma mort et je doute qu'Iñigo et Séphyra acceptent une alliance. En plus, on n'est que sept pour l'instant, expliqua Lucina d'un ton abattu.
À la surprise de ses amis, Velcane leu demanda d'être soudé. Pour lui, la victoire n'avait pas d'importance cette fois, leur survie face à Telrion en revanche, c'était ça son objectif. Lucina abonda dans le sens de son frère, tandis que Royé lui jeta un regard complice. Il prit son amie à part pour la questionner sur leur entraînement du jour.
De son côté, Velcane fouilla discrètement le sac de sa sœur en espérant y trouver le journal d'Ylisse. Sauf qu'il n'y était pas. En parallèle, Lucina essayait de montrer à Royé comment, grâce aux intentions, il pouvait contrôler le vent. Il avait acquis ce pouvoir, il y a un moment, mais ne le maîtrisait toujours pas.
Subitement, Velcane se jeta violemment sur sa sœur et commença à la combattre. Hors de lui, Royé intervint, mais se fit maintenir à distance par son rival. Lucina tenait bon, mais se retrouva rapidement en difficulté, suppliant le Prince de l'aider. La rage monta en lui, très vite, il n'eut que pour objectif de dégager son camarade de Lucina. C'est alors que ses yeux s'illuminèrent et que son puissant poing fendit l'air, créant une bourrasque si puissante que Velcane s'envola au loin.
La rage que contenait Royé en lui prit le dessus sur sa raison. Machinalement, il se mit à tournoyer sur lui-même, créant un puissant vent qui manqua de blesser ses amis. Instinctivement, Lucina se jeta sur lui pour le calmer.
– Royé, ce n'était qu'une blague, pour que tu maîtrises tes pouvoirs. Maintenant, il te faut les contrôler, tu es vachement puissant.
Le Prince réalisa son erreur et s'excusa très platement face à son amie. La blessée était bien sa dernière volonté. En tant que mentore, Lucina reprit la formation. Ce fut ardu, mais Royé arriva à mieux contrôler son vent, même si c'était encore rudimentaire.
À l'image d'Iñigo, Daræn avait d'autres moyens que l'entraînement pour s'assurer la victoire. Elle retrouva son frère jumeau qu'elle expulsa dans un couloir isolé.
– Robin, fini de jouer, tu dois me rendre le Livre, sans, jamais, je ne pourrais remporter cette course, affirma la jeune fille.
– Ce n'est pas toi qui te vantais de pouvoir écraser Lucina avec un seul doigt ? De toute façon, c'est non, j'en ai besoin pour survivre et étudier, tu vas devoir t'en passer.
Visiblement, elle ne venait pas lui demander gentiment puisque son visage devint si maléfique que son frère se figea sur place, tremblant face au ténébreux regard de Daræn. Cette dernière commença à charger son bras droit d'aura électrique rose avant de flotter dans le couloir. La magicienne fit s'abattre son sort foudroyant sur Robin qui traversa le plancher. Le corps de la jeune fille se couvrit d'éclairs roses lorsqu'elle flotta jusqu'à Robin en réparant les dégâts qu'elle avait causés au sol du manoir.
– La Livre du Sceau, maintenant ! aboya la jeune fille d'un ton posé.
Assourdis, Robin la fusilla à son tour du regard, se sachant bien plus faible qu'elle, il lui fallait un plan. Une sorte de fluide maléfique s'échappa de son bras droit avant de se transformer en livre.
– Tu le veux ? Viens le chercher, menaça le jeune Edamonde.
Furieuse, Daræn projeta des éclairs avec ses mains pile sur son frère qui fut contraint de se protéger derrière la faible aura malfaisante que dégageait le Livre du Sceau. Cela lui permit de chercher un sort capable de contrer sa sœur, mais encore fallait-il qu'il soit en capacité de le lancer. Sa protection magique disparaissait à vue d'œil jusqu'à ce que la Sorcière puisse passer derrière lui à la vitesse de l'éclair et lui porter un puissant coup de poing électrifié qui le propulsa à travers les murs en ruine du sous-sol.
Robin était mal, son corps était endolori et son cerveau était dans l'incapacité d'analyser ce qu'il se passait. Le sous-sol d'Ylisse ressemblait à une version abandonnée de l'académie. Il faisait noir et le jeune garçon n'avait rien pour se défendre. Sa sœur, de plus en plus enragée, s'approcha lentement de lui en créant une sorte de lame de foudre depuis sa main. Le pauvre petit avait beau tendre son bras et se concentrer pour attirer le livre à lui, rien n'y fit, il était incapable de jeter le moindre sort. Daræn lui frappa le bras avant de lui planter sa lame d Dji dans le ventre et de l'expulser à travers un autre mur.
– Tu peux prendre le livre. Pourquoi est-ce que tu fais ça ?
Daræn se contenta de le dévisager avec ses yeux vides et de pencher légèrement la tête sur le côté. Elle ne ressemblait plus qu'à une poupée sans vie. C'était comme si elle était contrôlée par une autre entité qui l'avait ôté de toute humanité.
Subitement, Robin sentit quelque chose grandir en lui. Son cerveau ne se focalisait plus que sur une idée, se débarrasser de Daræn par n'importe quel moyen. Une sorte de corde magique se tendit entre sa main et son flanc gauche, cela ressemblait presque à un arc de fortune. Avec sa main droite, il banda la corde, faisant apparaître une flèche bleu nuit qu'il décocha en pleine poitrine de Daræn qui fut si violemment projetée contre le mur qu'elle en fut assommée. Son aura magique disparue et Robin put récupérer son livre. Maintenant, son esprit afficha le visage d'Edmund, ce qu'il trouva fort étrange.
L'humiliation qu'avait subie Daræn face à son frère lui fit renoncer à tenter de récupérer son livre avant la course. Le Professeur Ellius fit convoquer les sept participants. Visiblement, personne ne s'était porté volontaire pour remplacer Auria, pas même Edmund, qui semblait en rêver vu son regard envieux.
– Les règles sont simples, au fond de la forêt se trouve un étendard défendu par Telrion et Valèra. Le premier qui le récupère et le dépose ici même, remporte la course, expliqua durement Gwanmyre.
– Pour cette course, vous avez l'autorisation d'utiliser vos épées, votre magie, ainsi que votre environnement, pour vous assurer la victoire, ajouta Vivianelle.
– Les obstacles seront multiples et les dangers très rudes. Vous pouvez faire alliance contre vos adversaires, mais n'oubliez pas qu'un seul d'entre vous sera déclaré vainqueur, acheva Ellius.
Les sept jeunes se tinrent prêts à se lancer dans la forêt. Chacun avait déjà son petit plan bien en tête. Lucina était très confiante, malgré ses handicaps, elle pensait pouvoir gagner. Daræn lui envoya un regard ténébreux, tandis qu'Iñigo les méprisait tous. Comme il l'avait promis, Royé assura la protection de ses amis, même si Velcane, qui connaissait les intentions de Telrion, préférait rester en retrait avec Emiliana. Quant à Séphyra, elle prit la tête du groupe.
Lucretzia et Harlace vinrent se joindre aux douze étudiants restés sur le carreau. La Pupille constata qu'Abrahame n'avait même pas pris la peine de venir assister à la course.
– Je déplore sincèrement de voir ces jeunes devoir s'entraîner à la guerre plutôt que de s'amuser. Dire qu'ils ne sont encore qu'au début de leur périple, commenta le Professeur.
– Les choses doivent changer à Ylisse, nous ne pouvons tolérer ces caprices plus longtemps, fustigea Lucretzia.
Harlace s'inquiéta de la rage qu'il vit dans ses yeux. Était-elle réellement capable du pire pour ses ambitions ? Au-delà de haïr Abrahame, Lucretzia était surtout inquiète de savoir ce qu'il préparait et pourquoi il n'était pas présent. Chacun des sept sélectionnés semblait avoir un pouvoir d'une grande puissance, il était normal de craindre une catastrophe, notamment au vu des rivalités créées par le Directeur. Le pire étant Telrion. Faire affronter les Ambassadeurs aux premiers cycles, une idée stupide digne du Maïtraçe.
Les trois Professeurs rappelèrent une dernière fois les règles de sécurité et les enjeux de cette course. Les jeunes se jetèrent tous un dernier regard déterminé avant que le départ ne soit lancé. C'est ainsi que Séphyra bondit la première dans le bois, suivit de près par ses six camarades, tous plus déterminés à gagner les uns que les autres. Même s'ils avaient été avertis de la puissance de Telrion, personne n'avait pris Velcane au sérieux. Rapidement, l'aura dévastatrice de l'Ambassadeur engouffra toute la forêt dans un climat de terreur. Personne ne recula, au contraire, ils foncèrent d'autant plus vers le danger.
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