46) Formation
Harlace entra dans le bureau de Dame Lucretzia en lui demandant d'en sortir. Cela faisait deux jours qu'elle y était à déprimer suite à la surprenante demande Lucina. La Pupille restait là, le regard las, sa main droite caressant son ventre.
– Dame Lucretzia, Ylisse a besoin de vous. Plus que jamais, les jeunes requièrent votre aide, supplia le Professeur, désemparé.
– Comment puis-je enseigner à Lucina quelque chose que je ne maîtrise pas ? demanda la Pupille en se relevant lentement. Dix ans que je rêve de ce moment et je suis incapable de m'en réjouir ? J'aime Abrahame de tout mon cœur, mais parfois, je me dis qu'il m'a bridé dans ce qu'il m'a appris sur le Dji.
– Cette génération est particulière, l'écart qu'il y a entre vous et eux est impressionnant. Seul Abrahame peut s'asseoir à leur table et prétendre les surpasser, répondit Harlace. J'ai pu le constater avec ma fille, je sais qu'elle deviendra une Sorcière tellement exceptionnelle, qu'elle façonnera le monde à son image.
– Vous n'avez pas peur de devenir père ?
– Avec Nynphalda, je m'attends au pire, néanmoins, je sais ce qu'il adviendra de ma fille et je ne peux qu'être déjà fier d'elle.
Pour Lucretzia, être mère était une chose si ardue qu'elle ne s'en sentait plus capable. Pourtant, tout ce qu'elle souhaitait, c'était de rendre ces jeunes heureux. Malheureusement, Abrahame semblait tout faire pour l'en empêcher, ce qui lui donnait de plus en plus envie de l'évincer de son post. Le sentiment qu'elle pourrait faire de grandes choses à Ylisse grandissait en elle, ce qui inquiétait Harlace.
– Que comptez-vous dire à Lucina ? dit-il pour changer de sujet.
– La vérité, je doute que Doloresse ait la volonté de former convenablement son fils, quant à moi, je ne peux assurer ce rôle pour l'instant. Lucina n'a pas besoin d'une Maïtraçe pour le moment.
– Ce qu'il lui faut, c'est la vérité...
En une fraction de seconde, le regard de Lucretzia devint si noir qu'Harlace, pourtant stoïque, recula d'un pas en s'excusant. Néanmoins, il n'avait pas tort.
Auria profita d'un interlude entre deux cours pour donner rendez-vous à Velcane sur un banc, sous un charmant arbre du parc d'Ylisse. Ce dernier la retrouva avec plaisir, mais fut perturbé par son important sourire plein joie, une expression inhabituelle chez la Princesse. Sans rien dire, Auria fit s'asseoir son ami et lui tendit une boîte sur laquelle son nom avait été minutieusement gravé. À l'intérieur, un somptueux bracelet fait main, symbole de leur amitié.
– Merci d'être mon ami, sans toi, jamais je n'aurais eu le courage de m'imposer face à Séphyra. Mon année aurait été triste et solitaire, tu es le seul que ne me juge pas das mon dos. Même si tu as un caractère de pourceau parfois, tu es sincère et loyal, alors merci, exprima très joyeusement Auria en plaçant le bracelet autour du poignet de Velcane.
Celui-ci ne savait pas quoi dire, il était tout bonnement ému. Pour lui, c'était naturel. Auria était une fille brillante, créative, intéressante et super sympa, il n'avait aucune raison de ne pas l'aimer, Telrion passa près d'eux, interrompant ce doux moment.
– Tu penses que ton quasi-frère va faire des dégâts avec ses idées ?
Auria n'était pas dupe, elle savait que Velcane pensait plus ou moins comme lui. Comme elle le lui avait dit, Abrahame était le plus grand Sorcier de leur époque. Certes, ses méthodes étaient des plus étranges, mais le monde extérieur l'était tout autant. Elle n'avait pas apprécié la façon dont il avait convié certains camarades au sacrifice d'Edmund, mais le comportement de Nalina et Séphyra était autant condamnable.
Malgré les conseils pleins de sagesse d'Auria, Velcane doutait. Et s'il allait parler à Telrion ? Auria tenta de lui faire voir les choses sous un autre angle, mais il répliqua avec son propre point de vue. L'apparition d'une Lucina extrêmement triste, mit fin à leur débat. Le frère s'empressa d'aller retrouver sa sœur pour la consoler.
En le voyant, Lucina sécha ses larmes. Selon elle, tout allait bien dans le meilleur des mondes. Évidement, ni Velcane, ni Auria n'y crurent, mais c'était à elle de s'ouvrir. La jeune fille ne tenait pas à parler de ce qu'il s'était passé dans le bureau d'Abrahame pour préserver son frère. De toute façon, il leur fallait aller en cours.
Bien qu'ils aient cours d'escrime, Lucina traînait les pieds. Quelque chose clochait, ce qui n'échappa à aucun de ses amis, ni à son frère. Face à Vivianelle, sa moue n'était pas bien meilleure. Sa professeure dut d'ailleurs s'y reprendre à trois fois pour l'inviter à combattre Auria. La Princesse lui adressa un sourire compatissant.
– Madame, Lucina n'est clairement pas en état de combattre, Auria ne va en faire qu'une bouchée, lança Velcane.
– Effectivement, elle m'a l'air morose, constata la Nerlfe. Tu peux prendre sa place si tu le souhaites, ajouta-t-elle au garçon.
Le sourire de son amie convainquit Velcane de se lever pour la combattre. Il empoigna sa Rapière scintillante et la plaça devant son visage pour saluer son adversaire. Celle-ci fit de même avec sa fine lame avant de la couvrir de son aura orangée.
Velcane transpirait la confiance, tandis qu'Auria fixa soucieusement son épée. Les deux adversaires se saluèrent et la Princesse enveloppa son arme d'aura orange. Son ami ne comprit pas bien le but de la manœuvre, mais resta sûr de lui. Auria était si rapide qu'elle donna l'impression de se téléporter sur le flanc de son camarade pour le frapper avant de l'envoyer dans le décor d'un coup de lame.
– Son épée agit comme une arme contenante ? Constata le jeune garçon qui la regarda pour établir une stratégie.
Velcane n'était pas en reste côté technique, malgré la vitesse et l'agilité surhumaine de son adversaire et amie, il fonça dans la bataille pour engager un lame contre lame. Des coups précis et puissants s'changèrent, tandis que l'épée d'Auria semblait protégée par son Dji. Le jeune garçon ne sut quoi faire sur le coup.
Auria fendit droit sur lui avant de lui porter un coup en taille qui dégagea de l'aura qui expulsa Velcane au sol. Visiblement, son épée n'était pas le seul danger du combat. Sans attendre, il se releva pour riposter. Sa rapière s'illumina et il fonça sur Auria qui para son attaque. Mais son plan était autre, d'un mouvement aussi vif qu'invisible, il désarma, Auria par la gauche, son arme se planta dans le plancher.
Fier de lui, Velcane baissa sa garde en afficha un sourire narquois, qui se prit un gros pain de la part de la Princesse qui enchaîna avec des coups de pieds sautés. Le garçon finit par lâcher son arme qui atterrit les mains d'Auria, celle-ci s'en servit pour lui porter le coup de grâce. Son adversaire l'esquiva de justesse avant de reprendre l'affrontement.
Auria ne pouvait visiblement pas projeter son Dji sur la rapière scintillante. Elle ne parlait pas, mais son rond visage ne manquait pas d'expression. Amie ou pas, Velcane fonça de nouveau sur elle et tenta de l'écraser avec son talon avant de la frapper au visage avec son autre jambe. Il récupéra prestement son arme pour narguer son adversaire. Celle-ci fit de même et s'en servit comme d'une baguette de cher d'orchestre pour contrôler un bouclier d'aura tout autour d'elle. Velcane fit briller sa lame avant d'éjecter un rayon qui brisa le Dji d'Auria.
Cette ouverture lui permit de foncer à nouveau sur elle pour croiser le fer, ce qui illumina encore son arme. Aveuglée, la Princesse se décala face à son adversaire, pile au moment où un autre rayon s'éjecta de la pointe de sa rapière et l'atteignit en pleine poitrine. Fort heureusement, le sort était trop faible pour réellement blessé Auria, mais elle fut bien sonnée, en plus du coup de pied dans la bouche.
Après ce beau combat, Velcane s'en voulut énormément, ne comprenant pas ce qu'il venait de faire, il supplia Auria de lui pardonner. Heureusement, la Princesse n'avait rien, elle a juste été surprise et sonnée par l'attaque de son ami. Juste après cela, Royé vint voir Velcane, son visage indiquait qu'il voulait lui parler en privé.
– Toi aussi, tu as remarqué que Lucina n'était pas dans son assiette ? Je m'inquiète pour elle, j'ai peur qu'elle ne se soit plongé dans un autre dangereux mystère, exprima tristement le Prince.
– Elle se sent coupable, tout ce climat de tension, ça ne l'aide pas a oublié son erreur. Ma sœur était déjà comme ça à Arcadia.
Pour Royé, il y avait autre chose. Lucina était impulsive et ne renoncerait pas facilement à ses anciens travers. Pour cela, il avait échafaudé un plan pour protéger son amie d'elle-même. Il en fit part à Velcane, son idée étant de lui subtiliser son journal d'Ylisse. Naturellement, son ami accepta sans hésitation.
– De quoi est-ce que vous parlez si discrètement ? demanda fermement Lucina. Je vous préviens, je vous interdis de vous inquiéter pour moi, je vais bien, assura la jeune fille.
Les regards médusés et insistants des garçons mirent l'héroïne hors d'elle. De toute façon, ils ne pouvaient pas comprendre ce qu'elle ressentait, puisque elle-même n'en savait pas grand-chose.
– On est là pour toi, si tu as besoin, exprima tendrement Royé.
Les larmes aux yeux, Lucina le remercia. Elle justifia son état par son échec avec l'Autel de pierre. Au-delà de ça, elle devait cesser de déprimer et se remettre sur les rails de son destin, bien que ce ne soit pas aussi simple que prévu. Une fois sa sœur partie, Velcane se tourna de nouveau vers Royé.
– Je pense quand même qu'il y a plus que ce qu'elle nous dit. Ce ne serait pas idiot d'aller parler à Telrion, après tout, il est le responsable de ce merdier. Peut-être que je pourrai aider Lucina après ça.
Royé lança un regard lourd de soupçon à son ami, ses bras se croisèrent et son air devint supérieur.
– Tu ne vas pas lui parler parce que vous partagez les mêmes idées sur Abrahame ? Velcane, ce n'est pas le moment d'être égoïste.
Royé avait vu juste, mais le jeune garçon comptait bien faire d'une pierre deux coups. Le climat pesant d'Ylisse détruisait le moral de tout le monde. Parler à Telrion serait la bonne action collective du jour.
Par le plus grand des hasards, la classe de cinquième cycle avait cours de combat pile après celle de Velcane. C'était là l'occasion rêvé de parler à l'Ambassadeur d'Ylisse. Comme à son habitude, le jeune homme faisait le fier devant ses amis et sa petite copine. Lorsqu'il vit le petit Velcane, son regard pédant se moqua de lui.
– Ho, mais c'est le microbe qui tourne autour de ma quasi-sœur, que me vaut une telle visite ? demanda sournoisement Telrion.
– Je voulais savoir d'où te venait cette haine contre Abrahame ? Pourquoi dire sans cesse du mal de lui depuis l'Autel de pierre ?
Le jeune homme prit un air extrêmement sérieux avant de s'abaisser à la hauteur de l'enfant.
– Avant votre arrivée, nous étions les rois d'Ylisse. Dans ma classe, il y a les sept piliers, les plus puissants étudiants de cette académie. Or, depuis cette année, il n'y en a plus que pour vous vingt, c'est privilèges sur privilèges ! Combien de cours particulier, d'entraînements personnels, vous avez eux ? Sans parler du favoritisme des adultes, expliqua très mauvaisement Telrion.
– On n'a rien souhaité nous, je pense que si vous vous battez bien, vous pouvez aussi en profiter non ?
La Professeure Gwanmyre, qui passait par là, entendit la dernière phrase de Velcane et en profita pour se greffer à la conversation. Elle rappela très fermement à quel point lui et ses camarades étaient les préférés des professeurs à l'époque, que, eux aussi, ont eu droit à bon nombre de passe-droit. Si Telrion était si jaloux, il n'avait qu'à faire campagne pour organiser des éventements similaires pour sa classe. C'était aussi ça le rôle d'Ambassadeur. De toute façon, d'après Gwanmyre, Telrion et Valèra n'étaient là que pour le titre. Aucun d'eux n'avait pris le temps de savoir ce qui était bon pour en être digne. Après cette cruelle remontrance, le jeune homme grogna sur sa professeure avant de se relever pour toiser Velcane.
– J'ai exceptionnellement été choisi par Abrahame. À mon époque, cela signifiait que tu l'étais vraiment, pas comme vous. C'est peut-être la guerre dehors, mais ce n'est pas votre bande de gamins geignards qui va le sauver, le monde. C'est notre rôle, il est hors de question que je sacrifie mon destin à cause des méthodes douteuses de cet homme, exprima Telrion avec une colère fortement marquée.
Velcane n'avait pas exactement obtenu ce qu'il voulait, en même temps, avec un narcissique tel que Telrion, c'était compliqué. Néanmoins, il comprenait un peu mieux les raisons de son bordel. Abrahame ne méritait pas son titre.
Iñigo et Valèra avaient chacun de leur côté assisté à la conversation entre Telrion et Velcane. La grande sœur vint alors retrouver son petit-frère qui ne daigna point la regarder dans les yeux.
– Si tu es là pour me parler de ces deux imbéciles, saches que je m'en lave les mains, exprima très froidement le Prince. Je ne suis ici que pour être le meilleur, et j'ai un plan pour ça.
– Tu ne vas vraiment pas m'aider à recadrer Telrion ? demanda subitement Valèra d'un ton perturbé.
– Ma belle, ça, c'est ton boulot ! menaça furieusement Iñigo. Tu n'es qu'une gamine pathétique et pleurnicharde qui vient de demander l'aide de son petit-frère parce qu'elle est incapable de s'affirmer devant qui que ce soit. N'importe qui te marcherait dessus ! Sois digne d'être une Forgo, d'être l'Ambassadrice d'Ylisse. Redresse les sept piliers, et écrase ce félon de Telrion !
– C'est facile pour toi, tu as tout ! L'appuie de mère et le statut de Prince. Moi, je n'ai que Telrion, se récria sévèrement la jeune femme.
– Demande-toi sincèrement pourquoi personne ne t'aime, cracha cuvellement Iñigo. Néanmoins, je vais t'aider, tu ne mérites pas de finir si pathétique, tu es ma sœur.
Iñigo afficha l'un de ses célèbres sourires sournois, il avait une brillante idée derrière la tête. Pour mettre son plan à exécution, il prit sa sœur par le bras et l'amena à la Professeure Vivianelle. Là, il exposa aux deux l'idée qu'il venait d'avoir. Après l'entente de celle-ci, Valèra trouva son frère complètement fou, mais l'enseignante était ravie de sa prise d'initiative et allait de ce pas en parler à Abrahame.
– Tu vois, ma belle, c'est comme ça qu'on prend les choses en main, assura fièrement le Prince en tapant son poing dans sa paume.
Valèra le regarda longuement avec un air des plus médusés.
En fin de journée, Edmund retrouvé sa mère. Celle-ci semblait quelque peu fière de son fils, on pouvait presque déceler un sourire sur cet immonde visage plein d'amertume.
– Je sens bien que tu t'inquiètes pour l'ambiance tendue qu'il y a ces derniers temps, rassure-toi, Telrion n'est qu'une pie qui piaille dans le vent, assura Doloresse d'un ton approximativement bienveillant.
– Je sais qu'on a agi pour le bien, mais je ne peux pas m'empêcher de me demander qui est notre véritable ennemi, dit faiblement le petit.
– Si seulement je le savais moi-même. Peut-être Grimar, l'Autorité ou l'injustice. Qu'importe, cela fait partie de ton destin et il est immuable.
Edmund regarda sa mère avec de grands yeux intrigués. En tant que Nawolaÿne, il avait désormais le droit d'obtenir des infirmations privées. En Yrmoonia, quand on parle de destin, ce n'est pas une simple chose abstraite pour faire croire aux gens que leur fin sera heureuse. Il s'agit d'un concept très sérieux qui est gravé dans la roche. Lorsqu'Abrahame a dit aux étudiants que leur destinée était de sauver le monde, ce n'était pas une blague. Des êtres divinatoires ont bel et bien écrit de telles choses dans la trame du Temps.
C'était un peu comme une quête, une chose à laquelle on ne pouvait se soustraire. Comment accomplir son destin, était la question à laquelle tout le monde cherchait à répondre depuis toujours. Les humains, étaient-ils libres ? Ou chacune de leurs actions étaient-elles aussi inscrites dans le Temps ? Doloresse n'en savait rien, mais elle était partisane d'une troisième théorie, celle du mixte. Après tout, le sacrifice d'Edmund, qu'importent les choix et obstacles, a eu lieu comme il devait l'être. Chercher à fuir son destin et il se réalise, c'est ce qu'apprenait le mythe d'Œdipe par exemple. Le garçonnet ne savait pas vraiment que penser de cette révélation. Après tout, comment savoir ce qui relevait du vrai Destin et du simple fantasme ? Lucina, avait-elle un brillant avenir ? Tout ce qui importait à Edmund pour l'instant, c'était de rendre son sourire à son amie.
Subitement, la conversation entre mère et fils s'interrompit par des grommellements très vulgaires. Emiliana débarqua dans le couloir, entièrement couverte de sang, ce qui choqua profondément Edmund.
– Un magnifique cadeau de la part de Telrion Wilcar, assura nonchalamment la jeune fille. Je vous rassure, c'est du porc, je ne l'ai pas encore buté.
– Vous n'allez rien faire ? demanda Edmund à Doloresse.
– Seulement si Emiliana demande explicitement qu'on juge monsieur Wilcar, répondit-elle d'un ton plat.
Emiliana secoua la tête, selon elle « ce sale con ne méritait qu'une balle entre les deux yeux ». Elle préféra embarquer Edmund pour qu'il l'aide à se nettoyer. S'il était sage, peut-être qu'elle lui raconterait ce qu'il s'était passé. En la voyant comme ça, Edmund se dit qu'il avait également une autre amie à aider.
Auria Wilcar :
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