Être le plus fort et maintenir sa parfaite condition physique était important pour le Prince Royé. Comme d'autres, il s'était levé tôt pour s'entraîner avant d'être joint par Velcane que tenait à lui parler avant le petit-déjeuner.

– Toi aussi, tu préfères te concentrer sur le combat plutôt que la magie, commenta le brun d'un ton las.

– Depuis tout petit, je sais que... Je ne suis pas totalement humain. Mais malgré ça, je suis incapable de ressentir mon Dji hors des combats, expliqua faiblement Royé.

Transpirantes, Lucina et Emiliana bondirent des arbres du parc et atterrirent devant les garçons.

– Tu es rapide, je l'admets, mais je suis meilleure, affirma la violette, à peine essoufflée.

Lucina était presque aussi rouge que sa chevelure et manquait d'air. Mais pas autant qu'Edmund, resté à la traîne. Velcane était fier de voir sa sœur prendre son entraînement au sérieux, mais déplorait qu'elle ne fasse pas de même pour ses cours théoriques.

Aujourd'hui, pour le plus grand bonheur de Royé et d'Emiliana, c'était Gwanmyre qui allait assurer leur cour. Cette dernière se montra tout aussi dure que son collègue Sorcier. Avant même de dire quoi que ce soit, elle colla son poing dans sa paume, envoyant des ondes terriblement négatives à ses élèves, qui frissonnèrent.

Après cela, elle esquissa un sourire diabolique et donna un sacré coup de poing, expulsant une forte vague d'aura néfaste vers les vingt jeunes. Statufiés, ces derniers restèrent paralysés, face au terrible visage de leur enseignante.

– Voilà pourquoi magie et combat sont enseignés ensemble à Ylisse. Votre Dji, l'énergie vitale qui vous anime, est capable de vous faire gagner un duel sans même vous battre, expliqua Gwanmyre en reprenant une position plus droite. Mais vu votre piètre niveau en Sorcellerie, je pense que revoir les bases ne ferait pas de mal.

Elle mit les jeunes en rang derrière elle et se plaça face à un miroir. La Professeure leur fit une démonstration des gestes de base d'un affrontement. Salue, attaque et esquive basique. Ce n'était rien de compliquer, à tel point que seuls deux/trois élèves se montrèrent gauches, ce qui n'empêcha pas la dure femme de les mépriser sévèrement.

Pour la deuxième partie du cours, Gwanmyre claqua des doigts et fit apparaître un mannequin d'osier, qu'Emiliana semblait ravie de voir. L'exercice était simple, porter dix coups à l'être de paille avant qu'il ne le fasse. Pour cela, elle plaça un cristal sur Royé, le premier volontaire, et un autre sur son adversaire. Le tout était relié à un score magiquement apparu au-dessus des élèves.

L'entraînement n'était pas seulement une épreuve de force ou d'agilité, mais aussi de rapidité. Royé le comprit lorsqu'il mit plus d'une minute pour venir à bout de son adversaire. Les premiers instants, il se servait de sa grande puissance pour l'envoyer au tapis. Mais Gwanmyre modifia les propriétés du mannequin pour qu'il devienne plus rapide et résistant. Le jeune Prince enragea face à son semi-échec.

– Ce n'est rien, tu manques un peu de vitesse, mais tu compenses avec ta super force, rassura Lucina.

– Tu ne comprends pas, si je veux sauver les autres, je dois être polyvalent et parfait en tout !

– Ta carrure t'empêche d'être aussi agile que nous, essaie de compenser en maximisant ta force dans tes jambes, comme je te le conseille depuis des lustres, ajouta gentiment Shana en lui caressant délicatement le bras.

Emiliana passa ensuite, son visage déterminé n'indiquait aucune peur, aucune appréhension, simplement la joie de se battre. La jeune fille salua dignement son adversaire, projetant ainsi son aura vers les autres. Sa rage de vaincre était telle, qu'on la sentait dans tout le manoir. Sa dextérité et ses techniques de combat étaient remarquables, donnant l'impression d'avoir fait ça toute sa vie.

En moins de tente-cinq secondes, Emiliana vint à bout de son adversaire sans se faire toucher une seule fois. Le résultat fut quasi-similaire pour Lucina et Velcane, qui restèrent sous la barre de la minute. Séphyra commençait à rager. Elle passa après son camarade, et se révéla être une combattante redoutable, pleine d'agilité et aux mouvements intéressants. Mais le mannequin semblait plus coriace que les autres, ce qui lui posa problème.

Elle retourna s'asseoir sous le regard froid de sa professeure. Daræn prit sa place et démontra une souplesse presque surhumaine. Son corps glissait sur le sol, fendait l'air tel un serpent, ce qui lui assura une belle victoire. Ce qui ne fut malheureusement pas le cas de Robin, qui ne paraissait pas réussir à tenir sur ses jambes.

Davnick se retrouva dans un cas semblable, malgré un score pitoyable et une victoire tendue, attira la sympathie d'Iñigo, ce qui gêna Velcane. Edmund fut le premier à échouer le test, ce qui enragea Gwanmyre qui l'insulta sèchement.

Finalement, tous montrèrent de grandes facilités en combat. Quoi de plus normale pour une bande de jeunes en parfaite condition physique ? En-dehors de quelques échecs, la classe surprit positivement la fière combattante qui se laissa aller à un mot gentil.

– Vous voyez, mademoiselle Séphyra, les privilèges n'existent que pour la magie. C'est pour cela que cette pratique est hautement régulée en Yrmoonia.

– N'empêche que la classe est inégalitaire et que je compte bien y remédier, grogna la jeune fille dans sa barbe.

Les trois meilleurs que furent Lucina, Velcane et Emiliana, se retrouvèrent face à un seul mannequin avec le simple objectif de le vaincre.

– Méfiez-vous, ils n'en ont pas l'air, mais ils peuvent être redoutables, assura Emiliana avec prudence.

Lucina l'écouta à moitié, trop occupée à charger son Dji, ce qu'Emiliana fit également. Velcane leur jeta un regard interloqué avant de voir sa sœur se jeter dans le duel. La pauvre n'eut le temps de rien faire avant de se prendre un crochet du droit dans la figure.

Quelque peu agacée, Emiliana lui emboîta le pas, esquiva le premier coup de poing, mais fut surprise par le pied du mannequin qui lui pulvérisa le dos, l'écrasant sauvagement au sol.

Velcane essaya à son tour de s'attaquer à son adversaire, mais celui-ci, supérieur à lui, le frappa assez fort pour l'envoyer dans le décor, ce qui le mit KO.

Emiliana revint sauvagement dans l'affrontement en portant à son ennemi d'osier des attaques irrégulières, qu'il esquiva très facilement. Lucina tenta un coup de grâce avec sa jambe, mais ne réussit qu'à briser une latte du parquet. Velcane essaya également, mais rata. Leur adversaire tendit ses jambes sur les côtés pour leur porter à chacun une puissante contre-attaque.

Emiliana tenta de nouveau de prendre le mannequin à son propre piège, mais perdit encore une fois. Il en fut de même pour les deux autres, qui n'avaient aucune coordination. La rage des filles commençait à grimper et à se faire sentir dans la salle. Lucina ressentait son Dji tout au fond d'elle, mais étrangement, elle ne subissait aucun coutre-coup. Pas de saignement de nez ni de faiblesse.

Elle bondit loin de l'affrontement pour essayer d'analyser les mouvements de l'être de paille. Il devait bien exister un moyen de le vaincre. Leur erreur était de ne pas faire équipe. Mais comment se coordonner pour le battre ?

Lucina eut rapidement une idée brillante. Elle se servit de la rage d'Emiliana comme d'une distraction, permettant à Velcane de l'attaquer et au mannequin d'esquiver, pile dans sa direction. Ainsi, la jeune fille put le plaquer au sol et le déstabiliser assez longtemps pour qu'Emiliana vienne l'entraver définitivement.

– C'est terminé ! hurla Gwanmyre. Votre dernière action était bonne, mais reposait sur la chance. Être les meilleurs chacun dans votre coin ne sera d'aucune utilité quand vous serez dans une vraie bataille.

– Je travaille en solo, ça ne changera jamais, affirma strictement Emiliana en remettant sa crinière violette en place.

Gwanmyre jeta un regard à la porte de la salle près de laquelle se trouvait Ellius. Des applaudissements se firent alors entendre et Telrion débarqua avec un air des plus assassins. Derrière lui, apparut Valèra, sa copine et collègue qui s'installa dans le public.

– Voyons si la petite meurtrière, est aussi douée qu'elle le prétend, lâcha l'Ambassadeur d'une calme, mais méprisante voix.

Sans attendre ni réfléchir, Emiliana se chargea d'un Dji tellement enragé, qu'il effraya ses camarades au moins autant que leur Professeure. Elle se jeta sur Telrion après l'avoir vaguement salué et lui porta des dizaines de coups d'une rapidité folle. Le garçon se contenta de les esquiver impassiblement, avant de répliquer d'un simple crochet du droit qui fit tournoyer sa petite adversaire.

– Vous ne comptez rien dire ? s'indigna sincèrement Nalina Kosolov.

Les deux Professeurs et Valèra se contentèrent d'observer le combat qui se livrait devant eux. Emiliana reproduisait la même erreur, des coups irréguliers et rapides qui se soldaient par une attaque dans sa face de la part de Telrion. Celui-ci n'y allait pas de main morte, il usait de toute sa force sur la petite.

Aucun des coups d'Emiliana ne touchaient son adversaire, qui esquivait à peine et répliquait de toute sa force. À un moment, il tenta un coup de pied, ce qui permit à la petite de se propulser en l'air et espérer le toucher. Mais cette attaque rata également. En frappant le sol, Emiliana se rendit compte que le plancher était fendu. Elle donna alors un gros coup de talon dans la planche, qui se souleva, atteignant l'entre-jambe de l'Ambassadeur.

Même si violente, cette attaque ne déstabilisa pas Telrion, qui perdit néanmoins de vue son ennemie une seconde. Grâce à cette ouverture, Emiliana parvint à porter un coup du droit en pleine figure. Celui-ci glissa sur deux mètres avant de jeter un regard satisfait à la petite enragée.

– Quatre ans. Tu en as mis du temps, jeune assassine, nargua suavement Telrion en essuyant sa joue.

Emiliana fut prise d'une telle rage, qu'elle poussa un cri bestial avant de se jeter de nouveau sur l'horrible Telrion. Ce dernier se contenta de lui choper le bras et de lui porter un coup de genou terrible dans le ventre. Le corps de la jeune fille s'envola en tournant sur lui-même avant de s'écraser à l'autre bout de la salle.

Telrion avait un visage impassible, presque satisfait de ce qu'il venait de faire, là où tous les autres étaient choqués de la violence de ce combat. Ellius fit flotter le corps inanimé de la petite vers lui.

– Elle est en vie et va s'en sortir, annonça-t-il stoïquement. Le cours est à présent terminé !

Les étudiants n'eurent pas le choix de laisser Emiliana ici, inconsciente et méprisée par le froid regard de Telrion Wilcar. Edmund bouillonnait d'envie de lui faire payer, mais il savait qu'il se ferait tuer par la simple aura de ce grand gaillard.

Dans leur otique de progression et de compréhension de leurs pouvoirs, les trois amis d'Arcadia prirent un morceau de leur pause méridienne pour approfondir la leçon de Gwanmyre. Lucina étant la plus douée, elle s'imposa en cheffe de groupe, plaça son poing dans sa paume opposée et se concentra très profondément. Un morceau de son aura se projeta jusqu'à ses amis.

– Je ne sais pas exactement comme je fais ça, c'est naturel chez moi, je crois, assura faiblement la jeune fille.

– C'est normal, tu es une Sorcière, te battre, c'est ta raison de vivre, lâcha vivement Velcane.

Lucina se retrouva subitement extrêmement mal à l'aise et en perte de ses moyens. Elle demanda ensuite à Edmund d'essayer, mais le peureux n'osa pas. La jeune Maïtraçe dut le rassurer sincèrement pour qu'il se détende.

Edmund reproduisit le schéma de Lucina en respirant de façon très irrégulière. L'aura qu'il projeta ne trompa personne, il était faible, paniqué et effrayé par son propre pouvoir. Son Dji faisait presque de la peine à sentir.

– Essaye... d'être concentré sur un objectif, celui de réussir ou de vaincre. Tu sais faire ça ? demanda la voix gênée de Lucina à Velcane.

Le garçon s'exécuta, même s'il savait que le résultat ne serait pas bien différent de celui du cours de Gwanmyre. Il entra en transe et tenta de retrouver la porte qu'il avait vue avec Auria et de tenter de l'entrebâiller, même un peu. À sa grande surprise, Velcane finit par ressentir quelque chose, c'était comme une douce lumière au fond de son corps. Sa sœur était fière de lui, il progressait, même si c'était encore un peu subtil.

Après l'entraînement, Lucina s'effondra au sol, elle semblait dépitée, ce qui intrigua ses amis qui se posèrent à ses côtés. Elle poussa un lourd soupire avant de se mettre en boule pour réfléchir. Edmund lui demanda alors à quoi elle pensait.

– J'ai pas un nom prestigieux, je ne suis pas une Princesse, je n'ai même pas de parents, affirma-t-elle tristement. Pourtant, pour une raison que j'ignore, je suis douée et tout le monde me place comme exceptionnelle, voir la meilleure. J'en viens à me demander ce que je fais vraiment là. Ça peut pas être un hasard si je suis à Ylisse.

Les paroles de sa sœur résonnèrent dans la tête de Velcane. Il vit là un premier signe de son approbation à poursuivre ce mystère. Après tout, la question se posait aussi pour Edmund. Outre qu'il était le fils de Doloresse, il ne semblait pas avoir de capacités magiques et combatives. En pensant à son enquête, le garçon se souvint de son passé à Arcadia. Le nombre de fois où il avait supplié Lucina de lâcher ses délires pour privilégier ses études. Et là, il se demandait s'il ne valait pas mieux l'intégrer dans son premier mystère à résoudre. De toute sa vie, Velcane n'avait jamais été aussi incertain et tiraillé que depuis qu'il était revenu en Yrmoonia.

Non loin de là, Iñigo Forgo tuait le temps en jetant de petits sortilèges tout à fait basiques. Il continua son amusement jusqu'à ce qu'une imposante ombre vienne cacher son soleil. C'était Davnick, l'énorme garçon peu doué qui semblait tant intéressé le Prince.

– À ce qu'il paraît, tu es prêt à m'aider, lança la ferme voix de Séphyra, qui apparut derrière son camarade.

Même si bien plus petit que lui, Iñigo jeta un regard terrible à Davnick, avant de toiser cette étrange fille.

– Je n'ai point de temps pour m'abaisser à aider les petites fourmis qui traînent sous mes bottes, lâcha le Prince d'un ton glacial.

– Tu t'intéresses à Davnick, alors qu'il est parmi les plus mauvais, assura fermement Séphyra en se jetant à la poursuite de son interlocuteur. Pourquoi moi, je ne trouve pas grâce à vos yeux, Prince d'Isgarde ? Je veux simplement que tu admettes que tu as été privilégié, contrairement à nous.

Iñigo se retourna brutalement en grognant d'agacement. Il jeta un regard assassin à la jeune fille et fit un pas vers elle.

- La différence entre Davnick et toi, c'est que lui, a compris la chance immense que c'est d'étudier à Ylisse, assura Iñigo d'un méprisant ton grandiloquent. Toi, Séphyra, tu passes ton temps à pleurnicher sur ton sort, alors que tu es au moins aussi douée que nous en combat et en escrime ! La Sorcellerie, ce n'est pas à la portée de tout le monde, Edmund en est la preuve, expliqua-t-il avec de grands gestes exagérés. Mais toi, tu as les capacités pour grandir, mais tu chouines sur ce que tu n'as pas eu, au lieu de regarder ce que tu possèdes, c'est pour ça que tu es insignifiante à mes yeux.

Séphyra déglutit et se mit à suer à grosses gouttes, sans doute atterrée et effrayée par le discours cruel de son camarade. Iñigo siffla Davnick et parti avec lui sans demander son reste à la pauvre jeune fille, resté clouée sur place.

Le Prince retrouva Lucina aux écuries. Les deux rivaux échangèrent un regard de défi, avant que la petite lune ne vienne le voir en lui montrant son bras.

– Je n'ai pas oublié, et je compte bien te le faire payer, assura-t-elle avec détermination. Tu veux devenir le roi d'Ylisse ? Sache qu'être la meilleure est aussi mon but, tout comme Séphyra et d'autres.

– Tu sais, petite lune, tout ça, c'est une histoire d'apparences. Tu ne maîtrises pas ton pouvoir ? Faits semblant que ce soit le cas. Tu n'as pas confiance en toi ? Deviens arrogant. C'est simple. Je ne cherche pas à dominer, je veux simplement...

– Nous pousser à donner le meilleur de nous-même, coupa malicieusement Lucina. La question est : pourquoi ?

Iñigo adressa un sourire complice à sa camarade et lui fit un clin d'œil avant de rejoindre sa monture. Edmund, qui avait malencontreusement entendu leur conversation, afficha une triste moue face à son amie. Lucina lui fit une accolade et l'aida à sortir Mazimo de son box.

À l'autre bout du domaine d'Ylisse, sur l'un des balcons du manoir, Velcane se tenait fermement là, à fixer l'horizon avec un air vague.

– Lucina commence à avoir une belle réputation à Ylisse. Toi aussi, d'ailleurs. Je suis fière de vous, dit la tendre et réconfortante voix de Dame Lucretzia. Elle s'approcha de Velcane et constata qu'il était triste. Ta sœur est une combattante, ça saute aux yeux. Et cela te pose problème, n'est-ce pas ?

– Je refuse qu'elle continue à se mettre en danger. Elle ne le sait pas, mais son aura combative, elle dégage quelque chose de dangereux, comme si elle était cassée et prête à exploser. Je dois protéger ma sœur, coûte que coûte.

– Je vois, j'essaie d'étudier son cas pour mieux le comprendre. Mais ce n'est pas en réfrénant ses pouvoirs qu'elle va grandir. Toi et moi sommes bien placés pour le savoir.

Velcane tourna soudainement sa tête vers la Pupille, qui lui adressait un sourire bienveillant, mais plein de mélancolie. Elle assura qu'ils n'étaient encore qu'aux prémices de leur formation. La Sorcellerie leur cachait encore bien des secrets. Même si cela lui faisait peur, Velcane était déterminé à les percer. Lucretzia fut ravie de l'entendre parler ainsi, c'était ce qui était attendu à Ylisse.