Bonjour à vous. Je n'ai pas l'habitude de vous parler sur Child of Moon. Mais il fallait que je remercie @RavenneSSeypour son aide précieuse. Sans elle, ce chapitre dix n'aurait eu aucun sens ni aucune saveur. J'en profite aussi pour remercier les personnes qui me lisent. J'espère que l'histoire vous plaît.

Le soleil brillait dans le ciel. Lucina, pas plus haute que trois pommes, était montée au sommet d'un arbre pour observer les horizons. Autour d'elle, une jungle posée de manière hasardeuse sur une petite île bordant un village de pêcheurs. Sa sublime résidence était le joyau des environs. Un endroit paradisiaque.

- Lucina, descends de là, je ne veux pas que tu te brises le coup, intima une douce, mais stricte, voix féminine.

En quelques bonds, la petite avait regagné le sol. Elle avait fermé les yeux et s'était retrouvée sur le canapé du salon. Autour d'elle, une magnifique fourrure blanche la protégeait du danger. Elle appartenait à une merveilleuse louve. Sur son flanc, une forme longiligne rouge. La créature gardait la fillette comme sa propre fille. L'enfant lui fit un câlin qui transpirait le bonheur et la candeur.

Un fracas sortit Lucina de sa rêverie. Elle venait de percuter une caisse et de faire tomber un objet qui se brisa. Se trouvant désormais à la frontière entre beaux quartiers et bas-fonds, la jeune fille dut zyeuter les alentours pour retrouver celle qu'elle suivait. Heureusement, la blanche fourrure de la louve semblait briller dans le noir.

Un passage dissimulé derrière des feuillages leur permit de passer le poste de garde. Visiblement, la bête ne tenait pas à être suivie, vu les nombreux regards qu'elle jetait derrière elle. Lucina, douée pour se cacher, parvint à la filer sans être vue.

La frontière entre richesse et pauvreté était effrayante. Comment la Régence pouvait laisser un quartier entier sombrer dans la misère ? La moitié des bâtiments tombaient en morceaux et les gens vivaient presque dans la rue. Il y avait plus de monde dehors ici, ce qui forçait la louve et Lucina à redoubler leur prudence.

Ce ne fut pas simple, mais la jeune fille parvint à maintenir la distance parfaite entre elles. Après une vingtaine de minutes, la louve s'arrêta à un carrefour.

Lucina se cacha derrière une caisse. Fort heureusement, il n'y avait presque pas d'éclairage public dans le coin, se cacher était aisé. La louve fit apparaître un capuchon sur sa tête et prit une posture bipède. Le cerveau de l'adolescente s'illumina, cette créature était une Scoldorblood. Un humain ayant choisi de se transformer en animal anthropomorphe.

Après quelques secondes, un étrange type débarqua du soin de la rue. Chauve et affichant un dangereux sourire carnassier, son visage mauvais n'inspirait pas la confiance. À sa ceinture, une dague brillait à côté d'un pistolet.

Pour mieux entendre leur conversation, Lucina tenta discrètement de s'approcher. Soudainement, l'homme se mit à siffler. En un instant, une dizaine de voyous encerclèrent la louve.

- Je te déconseille vivement de faire cela, Firgne, dit la créature d'une voix posée, mais inquiète.

D'un geste vif de la patte, ses griffes sortirent et se tinrent, prêtes à entailler ses adversaires. Malgré sa faible position, la louve demeurait stoïque et semblait même mépriser les hommes autour d'elle.

- Je veux ta fourrure, belle créature de légende, répliqua Firgne d'une voix nasillarde en dégainant sa dague.

L'un des hommes se jeta sur la Louve-blanche, qu'elle égorgea d'une seule patte. Son cou éjecta des litres de sang, ce qui le fit agoniser et tomber au sol. Lucina n'en crut pas ses yeux. Apeurée, elle se cacha davantage pour ne pas voir ces horreurs.

- Qu'est-ce que vous attendez ? Attaquez-la ! hurla Firgne à l'adresse de ses hommes, trop passifs à son goût.

Deux d'entre eux se jetèrent un regard médusé. Ils décidèrent de s'en prendre à elle ensemble. L'un tenta de lui planter une lame dans le ventre, la louve esquiva d'un bond en arrière et répliqua avec un coup de griffe en plein visage. Un autre brigand se saisit d'elle par-derrière, lui enlevant sa cape.

S'ensuit alors un combat à mort. Un véritable massacre des hommes de Firgne. Malgré le nombre, la louve parvint à esquiver et à tuer ses assaillants. Un seul coup de griffe bien placé lui suffit pour ôter la vie. Seule contre tous, elle n'eut même pas besoin d'utiliser la Sorcellerie. Ses griffes étant assez acérées pour les rendre mortelles.

Lucina ne put pas regarder. Cette noble créature qu'elle prenait pour une douce protectrice était en train de faire une véritable boucherie. C'était confirmé, son passé était très bien où il était, derrière elle.

Un autre groupe vint à la rescousse du premier. Pour leur sauver la vie, Lucina retrouva de sa témérité et fit tomber un fragile pan de mur sur eux. Désorientée par son pouvoir, elle n'entendit pas venir le type qui se saisit d'elle par la taille. Hurlant de toutes ses forces et se débattant comme une diablesse, la jeune fille finit par se libérer et termina au sol. Sans réfléchir, elle s'empara d'un morceau de poutre et assomma son agresseur, armé d'une lame.

En pleine reprise de son souffle et de ses esprits, un autre homme sauta sur l'espèce bar derrière lequel elle s'était cachée. Celui-ci avait la moitié du visage arraché par la louve et saignait énormément. Heureusement qu'il faisait noir et que Lucina ne voyait pas toute l'étendue de l'horreur qui se tenait sous ses yeux.

Firgne était à bout, ses hommes ne parvenaient pas à arrêter la folie de cette bête enragée. Elle fonça alors sur lui, qui se mit à tirer avec son arme. Protégée par un bouclier magique, la louve lui sauta dessus et s'apprêta à le tuer. Heureusement pour Firgne, des tirs de la Régence filèrent sur eux, forçant la créature à prendre la fuite.

Désireux de ne pas lâcher l'affaire, le contrebandier se lança à la poursuite de sa proie, mais fut arrêté par un garde.

- Lâchez-moi avec vos sales pâtes puantes ! hurla l'homme qui se débattait ferment. C'est la faute de la Louve-blanche, elle est là, je vous dis ! Vous ne pouvez pas la laisser partir !

Pour le faire taire, les soldats se mirent à le cogner très fortement. De sa poche, tomba un étrange collier rose pâle.

- Qu'avons-nous là ? s'étonna un soldat qui se saisit de l'objet. Ne serait-ce pas l'un des trésors volés à la banque récemment ?

- Si j'avoue, vous me laissez partir ? demanda le bandit avec un rictus assuré.

Tous les soldats se mirent à rire de bon cœur et l'un deux lui colla une énorme tape « amicale » qui lui déboîta sûrement l'épaule.

- Tu es recherché pour une centaine de recels de contrebande illégale, magique et hautement dangereuse. Tout ce qui t'attend, c'est Bolvangarde mon ami, confia le soldat en crachant aux pieds de Firgne.

Les voyous étaient tous menottés ou en fuite. Plus personne ne faisait attention à Lucina. Elle put donc quitter ce bain de sang sans être vu. Une fois éloignée, elle tomba d'épuisement. Elle savait que ce monde était violent, mais pas que ces idoles d'enfance étaient capables d'un tel massacre.

Lucina était à bout, elle se mit à pleurer. Elle venait de vivre tout ce qu'elle craignait en essayant de renouer avec son passé. Clairement, ce n'était pas ce à quoi elle s'attendait. Jamais elle n'aurait pensé être liée à ce genre d'individus. Qu'importe qui se cachait sous la fourrure de la Louve-blanche, c'était une meurtrière.

Il lui fallait oublier tout ça et retourner à l'hôtel. Le pacte qu'elle venait de conclure avec Velcane lui revint en tête. Comment lui dire ? Était-il possible de lui avouer avoir fugué, s'être mise en danger pour la énième fois et avoir assisté à une tuerie de masse ? Il aurait de raison de lui en vouloir et de la gifler. Enfin, son frère était le cadet de ses soucis actuellement. Elle était perdue en plein bas-fond de la cité de la Régence. Par où allait-elle rentrer ?

Lucina avança en ne faisant que penser à ce qu'elle venait de vivre. Cette improbable trahison. Sans vraiment savoir comment, elle se retrouva de nouveau devant son hôtel. Lucretzia surgit de nulle part et se jeta sur elle quand elle constata son triste état.

- Tu es toute sale, que t'est-il arrivé ? s'inquiéta la dame en inspectant la jeune fille sous toutes les coutures.

- Je veux bien le savoir aussi, lança la ferme voix Velcane.

Le jeune garçon se tenait devant la porte du bâtiment, les bras croisés et le regard noir. Lucina ne pouvait lui mentir, pas après leur pacte anti-secrets. Elle se mit alors à sangloter, ce qui consterna son frère qui souffla.

- Depuis plusieurs mois, je rêve d'une louve blanche, dit faiblement la petite en choquant Lucretzia. Je l'ai vu deux fois à Arcadia et elle était là, sur la place tout à l'heure, constatant que sa voix était inaudible, elle sécha ses larmes et renifla. Je l'ai suivi, je voulais en avoir le cœur net, mais je n'aurais pas dû. Je pensais qu'elle était gentille, que c'était une protectrice... Mais ce n'est qu'un monstre !

- Lucina tu... ?

Velcane et Lucretzia échangèrent un drôle de regard. La Pupille se mit également à pleurer. Elle prit Lucina dans ses bras pour la consoler.

- C'est ce que je craignais, que mes beaux souvenirs du passé soient faux. Je ne veux pas retrouver mes parents, pas pour découvrir que ce sont des monstres qui ne m'aiment pas.

Lucina passa sa main sur sa joue et jeta un sombre regard à Lucretzia. Cette dernière se contenta de pleurer avec elle et de dégager ses cheveux de son doux visage attristé.

- Sur ça, je te donne raison, lança sèchement Velcane.

- Lucina, tu ne peux pas dire cela. Peut-être que... Cette créature devait avoir ses raisons, les loups n'attaquent que pour se défendre, justifia tristement Lucretzia. Tu es sûre que c'était la même louve ?

- Il n'y en a pas deux comme elle. Une fourrure brillante et une tache rouge sur le côté.

Les yeux de la femme s'horrifièrent. Elle prit appui sur la fontaine pour reprendre son souffle. Velcane tendit sa main à sa « sœurette ». Touchée, Lucina le suivit et cessa net de pleurer.

- Les Scoldors blancs sont légendaires, je doute que ce puisse être le même animal, acheva la triste Lucretzia, d'un ton dur.

Je sais ce que j'ai vu, je ne suis pas folle, pensa Lucina en jeta un regard accusateur à cette femme.

De retour dans leur chambre, Velcane fusilla de nouveau sa sœur du regard et commença à lui faire des reproches. Mais elle l'arrêta net, ce n'était clairement pas le moment.

- Je sais que j'ai eu tort, que j'ai trahi notre pacte en même pas dix minutes. Mais j'en avais besoin, je devais savoir ce que cachait cette créature, et je le regrette, cracha Lucina en s'asseyant sur le lit.

- C'était sûr en même temps. Notre passé ne cache rien de bon pour nous. Il ne vaut mieux pas aller le chercher, on était d'accord sur ça, Velcane la prit dans ses bras et la réconforta tel un grand frère bienveillant. Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?

- Je veux oublier tout ça, ce bain de sang, grinça la jeune fille. Je ne veux plus avoir à faire à mon passé. D'un autre côté, ce collier m'intrigue. La louve a tout fait pour le récupérer, je me demande bien pourquoi. Il est sans doute magique.

Velcane trouvait cela dangereux et contradictoire. Mais il savait qu'il ne pourrait pas résonner sa sœur. Il la prit dans ses bras et ils s'allongèrent avant de tomber de sommeil.

Durant la nuit, Lucina revit tout un tas d'images de son passé. Des bons moments passés en la compagnie de cette noble protectrice. Mais la jeune fille ne voyait plus que le monstre qui massacra ses pauvres hommes. Pourquoi ses rêves persistaient à lui montrer du positif quand tout n'était que mensonge ?

Lucina était divisée. D'un côté son cœur, brisé par la vérité, voulait fuir ces images. Mais son cerveau ordonnait à sa raison de percer ce nouveau mystère. C'était une nouvelle aventure passionnante. Ce n'était certainement pas la première fois que Lucina était partagée de la sorte. Souvent, il lui arrivait d'avoir des impressions, comme si une voix mystique lui disait ce qu'elle devait faire. Ici, ce murmure lui ordonnait de se pencher sur ce collier. Les bras réconfortant de Velcane la détendirent, lui permettant de dormir paisiblement après quelques heures de cauchemars. Lucina avait donc son prochain objectif en tête.