Chapitre XV - C'est dans la poche
Votes : 11
🏅 Si le nombre de votes se termine par 1, Jondo va se retrouver seul / isolé.
(Bon j'ai pris un peu d'avance en fait, il ne sera véritablement seul qu'à partir du prochain chapitre ^^)
Choix des lecteurs :
🏅 3. « Nous tentons de rejoindre malgré tout la bibliothèque, en les laissant faire avec leurs réserves qui devraient leur tenir quelques jours. Je n'en ai pas souvenir, mais peut-être Capella dispose-t-il d'un puits où nous pourrons nous ravitailler. Au retour, nous repasserons ici et partirons tous ensemble à l'ouest. »
Après un bref échange, les moines en vinrent à la conclusion, que leur meilleure option serait de se rendre à l'oasis la plus proche. Quand bien même la teneur en eau de l'ancien puits naturel demeurait une incertitude, cela n'en était pas moins la solution la plus rapide.
Jondo acquiesça, comme si la décision avait été la sienne. Il ne saisissait toujours pas ce qu'était une « bibliothèque » et en quoi celle de cette Capella était si importante, mais en bon agriculteur, il comprenait tout à fait la nécessité de l'eau.
— Il est des sentiers que seul l'Homme peut fouler. Éclair et vos navets devront rester ici, mon garçon. Ils nous retarderaient.
La remarque de Sophos prit Jondo de court. Abandonner son fidèle animal chez ces inconnus tachetés ? À la rigueur... Mais délaisser sa précieuse cargaison à ces squelettes sur pattes ? Jamais !
— Ah non ça ! L'diable peut ben m'emporter avant qu'j'y laisse l'moindre pédoncule à ces ensablés là !
— Allons Jondo ! Avec la quantité que vous avez emmenée avec vous, vous pouvez bien faire preuve d'un peu de générosité non ? s'indigna Ignas.
— Quand y pleuvra des crottes d'biquettes, l'moinillon !
Et il ponctua sa phrase d'un crachat bruyant.
Tous les nomades de la caverne ne retinrent que de justesse un cri de surprise. L'enfant qui tournait autour d'Ignas se figea, le regard atterré. Que de blasphèmes de la part de ces esprits venus les éprouver ! Les nomades en étaient tout chamboulés. Quelles fautes avaient-ils commis qui méritaient tant de provocations ?
Les moines perçurent le malaise qu'avait causé leur camarade paysan. Embarrassés, ils décidèrent d'en rester là pour le moment.
— Il y a un temps pour tout. Je m'en vais conforter notre chevalière. Si j'ai bien saisi, nous devrons prendre congé dès le soleil couché.
Le vieil homme partit rejoindre Sagrymor qui était restée prostrée dans l'ombre au milieu de ses pièces d'armure.
Hormis l'enfant nomade toujours à ses côtés, Ignas réalisa que c'était la première fois qu'il se retrouvait seul avec Jondo. Il en profita pour détailler son compagnon d'infortune. La vigueur de ses muscles, la candeur de ses traits et le volume de ses épais cheveux bruns emmêlés laissaient croire à un âge proche du sien. Toutefois, sa peau tannée, sûrement due à des heures de labeur dans les champs, le vieillissait prématurément. Ses mains calleuses ne laissaient, elles, aucun doute quant à la dureté des travaux manuels éprouvée pendant des années.
— Ta famille a toujours été dans la culture du navet ?
— J'y ai po d'famille. Ça a toujours été qu'moi-seul tout et mon Éclair.
— Ah... Et ça vit longtemps une chèvre ?
— J'saurais po ben dire... c'est la seule que j'ître.
Ignas opina sans conviction. Il se fit la réflexion qu'il devrait poser la question à Sophos à l'occasion.
— Toi aussi tu es un enfant de l'Exode ? Abandonné par les tiens quand ils durent se mettre à l'abri des démons ?
— Sacrémort m'a d'jà bavoché c't'affaire là, mais j'y capte po ce que c'est-y à quoi donc que c'est que ça rime.
— Quoi donc ? L'Exode ?
— Oui c'te chose-truc là.
L'ancien maraudeur dévisagea le paysan avec étonnement. Jondo devait donc être bien plus jeune qu'il n'y paraissait !
Lui-même n'avait que six ans lorsque les démons étaient apparus. Malgré les années, les cauchemars de ces mois d'Exode continuaient de le hanter. Les souvenirs étaient troubles, mais l'angoisse toujours aussi vive. Il frissonna en se remémorant la fatigue, le sang et les cris.
Sa tribu natale de Vivebrise n'avait tenu qu'un temps. Nombreux étaient ceux qui avaient succombé. Sa mère avait, comme beaucoup, pris la décision d'aller chercher refuge derrière les murs d'une des Cité-Sainte. La rumeur voulait qu'elles fussent restées sous protection divine. Que la vie y continuait paisiblement tandis que les campagnes se noyaient sous le sang des innocents.
Ignas se souvenait des files infinies de roturiers et de chariots alignés le long des routes. Chacun se protégeait comme il le pouvait des attaques, mais l'adage « marche ou crève » n'avait jamais été plus implacable.
Le fantôme du chagrin s'était depuis longtemps dissipé, seule la rage demeurait. La rage d'avoir trouvé les portes des cités closes. Les unes après les autres. Une colère nourrie par le sang de sa mère qui avait succombé avant d'arriver devant les murs d'une troisième Cité-Sainte, à la frontière valverdienne.
— Il n'y a pire poison pour l'âme qu'un tourment silencieux. Quelle est la cause de celui qui te hante, mon cher disciple ?
Perdu dans ses douloureuses remembrances, Ignas n'avait pas réalisé le retour de son maester et d'une Sagrymor morose. Il secoua la tête pour en chasser les spectres du passé. Le garçon à ses côtés l'imita en rigolant.
— Non... non maester, juste de vieux démons.
— Ce sont les pires. Les combattre prend du temps, une vie même parfois. Nous n'avons hélas pas le luxe de ce temps. Ressaisis-toi pour le moment, je t'en prie.
Ignas opina avec une résolution toute retrouvée.
— Bien. Un homme averti en vaut deux. Sagrymor m'expliquait les dangers que nous pourrions être amenés à croiser lors de notre expédition. Cela vous ennuierait-il de leur en faire part, ma chère ?
— Si nous mettons de côté le froid qui règne au cœur de la nuit dans le désert, notre principale menace sera les dracks. Comme je le disais, nous n'avons pas de diablotins ici, mais des dracks. Là où le souci des diablotins est leur nombre, celui des dracks est leur force... Comment vous les décrire ?
La chevalière soupira en cherchant ses mots.
— Lors de ma traversée du continent, j'ai croisé dans vos contrées des bêtes que vous appelez « ours ». Les dracks se rapprochent de ces ours en termes de gabarit, de puissance et de vitesse. Ils ont simplement des griffes plus longues, une gueule bien plus large et sont couverts d'écailles. De gros lézards vicieux si vous préférez.
Ignas parut soulagé à l'annonce de cette dernière phrase.
— D'où le fait qu'ils soient actifs quand il fait chaud. Nous ne risquons donc rien en nous déplaçant de nuit !
— Oui et non. Ils emmagasinent suffisamment de chaleur pour être toujours actifs en première partie de nuit. Il nous faudra donc être très méfiants en rejoignant l'oasis. Nous devrions toutefois être tranquilles pour le retour. Et ce n'est pas tout... ajouta la chevalière en dévisageant Ignas.
Ce dernier sembla se décomposer quelque peu.
— Nous avons aussi nos propres « maraudeurs ». Ils sont certes rares, mais n'en sont pas moins dangereux, rendus fous par la privation de nourriture et d'eau. Ce sont de simples nomades ou rougeduniens qui ont tout perdu. Pas des adorateurs de démons comme chez vous...
Ignas défia la chevalière du regard.
— Adorateurs de démons ? Vous ne connaissez véritablement rien aux maraudeurs !
— Vous voulez peut-être m'entailler la peau d'un de vos cercles démoniaques pour que j'y voie plus clair ?
— Et pourquoi pas tiens, en voilà une riche idée !
— Il suffit !
La voix de Sophos claqua tel un fouet, faisant sursauter Jondo et le garçon nomade qui se cacha derrière Ignas.
— Cessez vos querelles puériles tous les deux ! Ne vous ai-je pas stipulé à quel point notre temps est précieux ?
Il scrutait le visage de ses cadets, s'assurant avec sévérité que son message avait cette fois bien été entendu.
— Nous avons bien une bonne demi-journée devant nous avant la tombée de la nuit. Profitez-en pour vous reposer un peu. Le plus grand des biens, sans doute, est le repos¹. C'est un confort dont nous n'avons que peu bénéficié dernièrement et dont nous ne savons quand nous aurons à nouveau l'occasion d'en jouir. Je vais aller m'entretenir avec l'Ancien pour lui faire part de notre projet pour leur venir en aide.
Le vieux moine resta un moment à fixer les jeunes afin de voir si l'un d'eux aurait le culot de contester. Il conclut par un grognement satisfait avant de tourner les talons pour rejoindre le tapis de l'Ancien.
Ignas et Sagrymor n'osaient plus se regarder. Ignas fit mine de s'intéresser à l'enfant qui lui avait attrapé la main et lui inspectait les ongles, tandis que la chevalière reporta son attention vers Jondo. Embarrassée par la remontrance, mais ne voulant pas l'afficher, elle chercha à changer de sujet :
— Mais dites voir vous, que faites-vous donc avec le tablier du Maudit ?
— C't'un étrenne qui m'a fait le demi-récolte.
Jondo se saisit des extrémités du tablier pour l'étirer et bien l'exposer à la vue de tous, fier de son allure.
— Un étrange présent, à l'image d'un étrange individu... il aurait mieux fait de nous donner armes ou victuailles.
Ignas semblait soudain mal à l'aise suite à cette remarque. Il s'empressa de reprendre le sujet en main.
— En termes de victuailles, nous avons bien les navets de Jondo, mais il refuse d'y toucher !
— Ah non, t'vas po rambiner ! J'fricoterai po la tambouille pour ces crève-la-faim là !
— Vous êtes vraiment la dernière des ordures vous alors, fit Sagrymor entre ses dents serrées.
Le ton montait à nouveau et Jondo s'agaçait également.
— Vous m'courrez sur l'bide ! Même si j'y voulais y tambouiller une popte, c'po dans ce crachoir que j'vais dénicher d'quoi faire ! Mes rabioules là sont d'premiers choix ! Un navet de c'te race ça mérite d'y être bichonné et c'po comme si j'allais sortir des aromates d'ma poche hein !
Il joignit l'acte à la parole et se figea. Sa soudaine pétrification et l'écarquillement de ses yeux alertèrent Sagrymor et Ignas. Les deux retinrent leur respiration, les nerfs à chaud et les muscles tendus, ne sachant pas à quoi s'attendre. Doucement, Jondo retira sa main de la poche centrale du tablier. Dans sa poigne, un sublime bouquet garni, frais comme s'il venait d'être cueilli.
Le garçon aux côtés d'Ignas poussa un petit cri de surprise. Il y avait plus de verdure dans la main de cet esprit de l'eau qu'il n'en avait vu de toute son existence !
— Ah bah si... fit simplement Jondo.
— Et bien voilà, vous voyez que le présent du Maudit n'était pas sans intérêt, ricana Ignas. Il nous aura légué quelques aromates au fond de sa poche !
— Hum... m'traverse la boule une chose là... murmura Jondo.
Le fermier plongea son autre main dans la poche et ferma les yeux. Il sentit quelque chose d'humide sur sa peau. Il entreprit de retirer son bras avec le plus grand soin.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il vit les bouches béantes de ses acolytes et du gamin. Perlant entre ses doigts, des gouttelettes translucides s'échappaient de la petite flaque contenue dans le creux de sa paume.
— Par tous les Dieux.... souffla Ignas
— Comment avez-vous fait cela ?
***
Une fois que Jondo eut rapporté les dires du Maudit concernant le tablier, la bonne nouvelle se propagea dans la grotte tel un feu de joie. Un bonheur qui ne fut en rien entravé par la barrière de la langue. Le jeune garçon nomade devint l'émissaire du miracle auprès des siens, tandis qu'Ignas courut chercher Sophos pour l'en informer. Avec ce nouvel élément, tout était à redéfinir !
Enchanté par cet étrange tablier d'abondance, Sagrymor en oublia même de réprimander Jondo pour son amnésie affligeante. Après quelques essais, il s'avéra que seuls des produits naturels pouvaient être extirpés du tablier. On tenta d'y insérer un bol pour récupérer davantage d'eau, mais sans succès. Les ingrédients devaient être retirés à la main uniquement.
Porté par la liesse ambiante et rassuré de ne pas manquer de navets, le fermier accepta finalement de cuisiner l'ensemble de ses précieuses rabioules qui séchaient au soleil.
Une partie des réserves d'eau fut versée dans une immense jarre en terre cuite, elle-même placée sur un lit de braises. Jondo se mit à l'œuvre, farfouillant dans son tablier les ingrédients manquants et réquisitionnant les ustensiles nécessaires. Les nomades ne se firent pas prier et lui offrirent couteaux, louches et récipients de toutes tailles.
Bientôt, une divine odeur envahit la grotte. La puissance du thym se mêlait à la douce suavité des sucs en cuisson, tandis que la coriandre et le fumet d'un morceau de lard en ébullition vinrent napper l'acidité terreuse des navets. Outre la discussion entre Sophos, Ignas et Sagrymor, seul l'écho gargouillant des ventres affamés résonnait dans la cavité.
Le plan avait changé : ils se rendraient directement à la bibliothèque de Capella. Jondo resterait ici avec Éclair afin de recharger autant que possible, à la main, les réserves d'eau de la tribu. Une fois Capella trouvée, ils rebrousseraient chemin pour venir récupérer Jondo et accompagner les nomades vers une autre mésa avec les quelques réserves d'eau ainsi restaurées.
Alors que l'ombre grandissante de la nuit gagnait du terrain à travers les dunes, l'intérieur de la grotte était en fête comme jamais on n'en avait connu au sein d'une tribu nomade. Les ventres arrondis et les palais euphoriques, on relâcha sa vigilance pour la première fois en plusieurs décennies. Des instruments de musique oubliés depuis des années refirent surface et on se mit à danser autour de Jondo et sa précieuse marmite. Même Éclair eut droit à des accolades dont elle semblait bien pouvoir se passer, faisant virevolter sa corne autour de son cou.
Ignas découvrit le nom du petit nomade qui lui tournait autour avec une hystérie renouvelée : Sh'Sibi. Le garçonnet entrainait le jeune moine dans des danses tribales où les pieds faisaient écho aux rires.
Jondo fut pris dans l'excitation du moment et se mit lui aussi à rire aux éclats, comme jamais il n'avait ri de sa vie. Il se prêtait volontiers au jeu des passes de danses sous le regard amusé de ses autres compagnons de voyage qui se préparaient à partir.
Sagrymor avait revêtu son armure et aiguisé sa lame, Ignas, essoufflé, parvint a récupérer une lance en bois brûlé et Sophos conversait avec une jeune femme que l'Ancien leur avait désignée comme guide.
Après un mot d'adieu à Sh'Sibi et un Jondo étourdi par le son des percussions, les trois compagnons rejoignirent le tunnel entravé qu'ils avaient croisé plus tôt. Les deux gardes firent rouler la pierre pour les laisser passer.
Dehors, les sables infinis de Rougedune ondulaient jusqu'à se perdre dans l'obscurité de l'horizon. Le ciel dégagé permettait à la lumière des étoiles de se déverser sans retenue sur le désert gris et immobile. Seul l'écho des tambours à l'intérieur résonnait dans la nuit, bientôt étouffé par la dalle se refermant derrière eux.
Il ne restait plus qu'à espérer que la bibliothèque soit toujours entière, que Capella y soit et accepte de leur venir en aide. Le tout, sans mauvaises rencontres...
¹ citation de Charles-Albert Demoustier
Voici les choix pour le prochain chapitre :
1. Sagrymor et les moines arrivent à la bibliothèque sans encombre.
2. Le trajet ne se passe pas comme ils espéraient... (Dites-moi ce qui pourrait arriver ! ^^)
3. (Proposée par BeatriceLuminetdupuy) Une tempête de sable les surprend sans crier gare, les forçant à s'enterrer dans le sable, ils perdent conscience et sont retrouvés par une bande de dracks....
4. (Proposée par Garnath) Retardés par un campement de dracks, ils perdent du temps à le contourner et doivent faire la fin du trajet de jour.
5. Choix proposé(s) par les lecteurs (si vous proposez un autre choix un minimum cohérent dans l'histoire, je le rajouterai ici)
Et bonus que j'ai oublié de demander au dernier chapitre :
- Qu'est qu'Ignas a volé chez le Maudit ?
(Proposée par BeatriceLuminetdupuy) Une carte permettant de se rendre sur le site d'un portail du temps. En effet son but, c'est de retourner dans le passé pour sauver sa mère.
(Proposée par Garnath) une potion de gigantisme
Fin des votes dimanche 06/12/2020 à 22h (UTC +2). Chapitre suivant le 09/12 au plus tard.
À vos votes !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro