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3: Vous avez perdu, chevalier

Tout le village se préparait aux vendanges. Sur le grand espace autour du foyer central, encore fumant de la nuit, hommes et femmes, enfants et jusqu'aux vieillards s'affairaient dans une atmosphère joyeusement besogneuse. Sur un long banc accolé à une bâtisse, quatre jeunes paysannes réparaient des hottes d'osier ; quelques pas plus loin, un grand gaillard un peu gauche aiguisait une série de serpes piquetées d'orange. Un autre groupe, tuniques gorgées de sueur, travaillait à scier les planches qui serviraient à fabriquer les barriques, pendant que d'autres vérifiaient les essieux d'un petit chariot. Une bande de gamins couraient au milieu de l'agitation, armés de chutes de bois ramassées près de l'atelier des tonneaux, s'affrontant dans un tournoi imaginaire.

L'un d'eux se cogna à la jambe de Larouille. Il marmonna une vague excuse, avant de fuir pour échapper aux attaques des guerriers adverses.

"Je vous assure, chevalier", continuait Ermessinde. "Vos affaires étaient scrupuleusement surveillées."

Ils traversaient la place centrale en longeant le monastère. Quelques paysans leur adressèrent un salut craintif ou curieux ; la plupart étaient trop occupés pour remarquer leur présence.

"Et moi je vous assure, ma dame, qu'il manque quelque chose. Quelque chose d'important. Vous savez mieux que personne, je crois, que certains bagages sont importants."

Le trait toucha la seule faiblesse de son armure. Les yeux d'Ermessinde se troublèrent entre deux clignements. Le vieil homme regretta aussitôt ses paroles, pas par pitié pour son interlocutrice, mais pour la facilité de sa répartie. Ils poursuivirent leur déambulation en silence.

"Je... ferai demander à mes domestiques s'ils ont vu quelque chose", répondit-elle enfin, son regard fixé droit devant elle. "Une petite sacoche de cuir. Qui contenait quoi ?"

"Rien qui vous concerne."

"Fort bien", soupira Ermessinde.

Leurs pas les menèrent face à un petit entrepôt, de forme plus organique que rectangulaire, qui saillait du reste du prieuré comme un champignon sur le côté d'une racine. Par la porte grande ouverte, une demi-douzaine de villageois entreprenaient de sortir un grand baquet taché de marc des années précédentes.

"À votre tour, ma dame", reprit le chevalier. "Même si je vois venir vos questions. À propos de l'homme que vous recherchez..."

"Et que je vous ai laissé affronter seul, oui. Je suppose que vous l'avez trouvé ?"

Elle glissa un regard rayonnant d'innocence vers ses bras couverts de bandelettes, sa démarche encore claudicante, et l'énorme plâtrage qui emprisonnait sa bouche.

"Je ne vois vraiment pas ce qui vous fait dire ça", grogna Larouille.

"Vous disiez que c'était... un hors-la-loi ?"

"Je me trompais. Ce n'est pas un hors-la-loi. C'est un cauchemar."

Il sembla diriger son attention sur le travail des paysans. Mais des reflets bien plus terribles s'agitaient au fond de ses prunelles.

"Croyez-moi, ma dame, j'en ai vu des salopards. Des bandits, des gredins, des pillards, des routiers, des tyrans. Des cupides ou des fanatiques. Des Latins, des Grecs, des Maures. Mais lui... J'ai jamais rien vu comme lui. Jamais rien comme ça. La violence, la cruauté... Il ne tue même pas par plaisir. Il en a besoin."

"Dites-moi", articula avidement Ermessinde. "À quoi ressemble-t-il ?"

"Il est grand. Une bonne tête de plus que moi. Large. Puissant. Une vigueur que je n'aurais pas crue si on me l'avait racontée..."

"Un genre de force de la nature..."

"Non. Oh, non. La nature n'oserait jamais vomir une abomination pareille." Il se palpa instinctivement une région de son abdomen. "Son visage est immanquable. Enfin, ce qu'il en reste. Il est écorché sur la plus grande partie. Il ressemble à un cadavre vivant."

"Facies Mortis", murmura la dame.

Ils restèrent un moment silencieux, côte à côte, toisant l'entrée du petit entrepôt désormais dégagée. Un pressoir massif se distinguait à l'intérieur. La lumière du soleil faisait étinceler ses quelques parties métalliques.

"Belle mécanique", observa Ermessinde.

Le ton était lointain, rêveur. Une claire manière de combler un vide trop oppressant. Larouille décida de l'accompagner dans sa digression.

"C'était le présent d'un seigneur mourant", expliqua-t-il. "D'après ce que m'a dit le supérieur du monastère. Il voulait qu'ils prient pour lui..." Il ricana. "Au moins ils presseront à sa santé."

La dame hocha la tête sans répondre. Elle n'avait de toute évidence rien écouté.

Ils reprirent leur traversée du village. Plus loin de la place centrale, les huttes se faisaient plus espacées, et l'activité moins fébrile. Le vieux chevalier luttait pour ne pas montrer la douleur qui lancinait dans sa jambe gauche après chaque pas. Plusieurs fois il inspira, sur le point de prendre la parole, avant de se raviser, les mots lui faisant défaut.

"Il me faut un cheval, ma dame", fut tout ce qu'il parvint à dire.

Ermessinde ne réagit pas. Elle ne ralentit pas même sa marche.

"Il me faut un cheval", insista Larouille. "Et il faut que vous me disiez ce que vous avez appris sur le tueur. Vers où il a fui. Je suis sûr que vous avez lancé des traqueurs sur sa piste."

Il essaya d'accrocher son regard. Elle s'y refusa.

"Ma dame. Chaque jour qui passe des dizaines d'innocents risquent une mort atroce juste parce qu'ils croisent sa route. Il faut l'arrêter. C'est à moi de..."

"Chevalier."

Son expression le sidéra. Il pensait l'avoir irritée. Mais son visage reflétait une toute autre émotion.

Elle avait pitié de lui.

"Écoutez-moi, Chevalier. Vous avez fait votre part. Vous avez assez souffert pour cette cause. Bien assez. Laissez d'autres poursuivre. Ce meurtrier, ce monstre, nous l'arrêterons."

"Je..."

Les situations inattendues amenaient toujours la même réaction chez le vieil homme. Il explosa de colère.

"Avec la bande de saltimbanques qui vous sert d'escorte ? C'est ça que vous comptez envoyer à ses trousses ? Vous feriez mieux de les faire charger sur un ravin. Ils auraient plus de chance de revenir vivants."

"Pas s'ils sont assez nombreux..."

"Ah !" cracha Larouille. "Quand bien même vous arriveriez à vous liguer avec tous les seigneurs de la région, à lui lancer une armée aux fesses, alors quoi ? Il évitera sans problème les grosses troupes. Et il massacrera toutes les bandes trop petites."

Elle s'agaça, enfin. Le chevalier s'en sentit étrangement soulagé.

"Il est invincible, vous dites ? Un Goliath biblique ? Mais vous, vous pouvez le vaincre, c'est ce que vous prétendez ?"

"Laissez-moi l'affronter..."

"C'était votre plan aussi la dernière fois. Vous vous souvenez ? Je n'ai pas trouvé les résultats très convaincants."

Leurs pas les menèrent à l'orée des vignes. Les arbustes croissaient sur de longues armatures, alignées en plusieurs rangées jusqu'à l'orée de la forêt. La silhouette claire d'une jeune paysanne s'entrevoyait au milieu des feuillages.

"Restez ici", conclut Ermessinde. "Vivez ici. Faites-vous moine. Recevez la tonsure." Elle jeta un bref coup d'œil vers le haut de son crâne. "Dans votre cas ça ne demandera pas beaucoup de travail."

"Vous savez que je ne peux m'y résoudre."

"Je connais votre orgueil. Je sais que ça vous rend aveugle à ce que tout le monde ici voit parfaitement."

Larouille marqua un temps d'arrêt. La suspicion fit plisser ses yeux.

"Et tout le monde voit quoi, ma dame ?"

Elle lui fit face. Croisa son regard, posément. Puis elle baissa la tête, fixa la jambe gauche du chevalier, qui flageolait par à-coups irréguliers. Elle remonta vers les bras, surtout le droit, où une cruelle entaille dépassait des deux côtés d'un bandage pourtant étendu. Elle toisa enfin l'énorme plâtre de la mâchoire, et la cicatrice pâle au milieu du cou.

"Que vous avez perdu, chevalier. Et que si vous avez perdu, c'est que cet homme était plus fort que vous... terriblement plus fort que vous."

Il ne parvint pas à répondre. Il aurait préféré qu'elle le poignarde en plein ventre. Soutenir son regard lui brûlait les yeux jusqu'au plus profond des cavités. Elle rompit le contact visuel, peut-être à nouveau par pitié. Puis elle s'éloigna. Sa grande robe traînait légèrement dans la poussière.

"Ma... ma dame !" appela Larouille.

Elle s'arrêta. Mais ne se retourna pas.

"Oui, chevalier ?"

Il y avait tant d'objections à énoncer. Tant de questions à poser. Il ne réussit qu'à en formuler une.

"Vous... comprenez ce que je dis quand je parle, vous ?"

Elle lui jeta un regard surpris.

"Bien sûr", fit-elle, après une hésitation.

Larouille n'ajouta rien. Ermessinde s'en fut. Les cloches du monastère annonçaient le premier office de la journée.

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