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Bonne lecture !
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William court sur le trottoir du bord de mer.
Il essaye de contrôler sa respiration haletante, essuie son front avec le bandeau pour poignet qu'il enfile toujours avant de partir, et observe le soleil qui se couche derrière la mer. À cette heure-ci, la côte est remplie de monde : les amoureux qui se promènent, ceux qui marchent une dernière fois sur le sable encore chaud avant de rentrer, ceux qui, comme lui, courent alors que l'air est bien plus agréable qu'en plein soleil.
Au loin, l'ancien port se profile, et William essaye de garder le rythme. Il inspire, expire, souffle : sa bouche sèche réclame de l'eau, mais il est bientôt arrivé à son point de pause alors il force encore un peu sur ses jambes.
Posé sur ses oreilles, sur casque diffuse une musique calme. Il se concentre dessus, évite les piétons, et tourne encore une fois la tête vers la mer. L'odeur est presque entêtante, ce soir, et William sent sa poitrine se faire plus légère.
Quand il arrive finalement au bout du port, près de l'entrée du phare récemment repeint, il tousse un peu, attrape la petite gourde qu'il a attachée à sa cuisse, et boit trois gorgées. Son casque glisse pour aller se poser autour de son cou, et il s'étire en faisant craquer sa nuque.
Les bateaux sont calmes, délaissés, mais il entend au loin le son des restaurants et des jeunes qui commencent à sortir. La mer claque contre la vieille pierre, et là où il est à présent, la plage à disparu. Le soleil n'est plus qu'une lumière un peu rouge dans le ciel qui s'assombrit.
Derrière lui, les bancs en bois blancs sont presque vides : seule une petite dame assez âgée est assise là, seule avec livre fermé et posé sur ses genoux. Elle regarde la mer, le soleil, et sourit avec un air apaisé. Calmement, elle écrase une larme silencieuse sur sa joue, et William détourne le regard de cette scène qui lui paraît un peu trop intime.
La pression dans sa poitrine revient, et il se mord la lèvre.
Lentement, il repose son casque sur ses oreilles. Il avance jusqu'au muret de pierre qui le protège du vide et de l'eau, et s'y assoit, les jambes pendantes. Ses yeux se ferment, et il inspire et expire.
L'odeur des embruns, les gouttelettes qui s'écrasent sur ses joues, la sensation de fraîcheur sur ses mollets nus. La musique à ses oreilles, les frissons sur sa peau, ses muscles qui refroidissent lentement. William reste ainsi, immobile, pendant un long moment.
Quand quelqu'un lui tape lui l'épaule, il sursaute et se retourne.
– Eh, mec, sursaute pas comme ça.
Un garçon dans la vingtaine le regarde avec surprise. Ses amis l'attendent un peu plus loin.
– Je voulais juste savoir si t'avais un briquet.
William secoue lentement la tête, et il a l'air déçu. Le garçon hausse les épaules, le remercie quand même, puis tourne les talons. Le groupe s'en va, et il fait nuit.
Les bancs sont vides à présent, la petite mamie n'est plus là. William se lève, s'échauffe quelques secondes, puis remet son casque sur ses oreilles. Il se met à courir dans l'autre sens. La mer lui donne envie de voir Octavius.
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La mer lui a un jour dit : « Mon fils, tu es le plus grand parmi toutes les créatures qui existent en mon sein ».
Octavius avait écouté. Il n'avait pas répondu.
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La sirène était arrivée un dimanche, pendant son jour de repos. C'était Monica qui l'avait prévenue, alors qu'il passait à côté du comptoir.
« Fais attention à toi, mon ptit. Cette chose qu'ils ont ramenée, elle est vraiment pas commode. »
William n'avait pas demandé quoi. Il avait froncé les sourcils, et était parti du côté des visiteurs, face au grand bassin. Son cœur avait battu si fort, qu'il se souvenait encore du bruit incroyable de ses battements à ses oreilles. Il s'était arrêté devant le bassin encore interdit au public. Des requins auraient dû être mis à l'intérieur. C'était ce qu'ils lui avaient dit. Son patron l'avait prévenu de bien tout nettoyer, samedi.
Sauf que ce qui nageait à présent dans l'eau claire et bleutée, ce n'était pas un requin.
Des muscles saillants, des pansements résistants à l'eau le long de son dos, un regard impressionnant et perçant : William l'avait regardé la bouche ouverte. Il n'était resté que quelques minutes à peine. Sans trop savoir pourquoi, il avait tourné les talons et s'était enfui.
Pendant la journée, il avait nettoyé tous les couloirs de l'aquarium, en se faisant discret : un grand garçon comme lui passait difficilement inaperçu, mais une rumeur courait. « Ils ont engagé quelqu'un. Apparemment, le grand bassin sera réservé à une sirène » « Une vraie ? » « Bien sûr que non, ça n'existe pas. Mais apparemment, elle est plus vraie que nature ».
William n'avait répondu à personne. Parce qu'il savait que ce qui avait été introduit dans l'eau la veille n'avait rien d'un acteur.
Le soir, avant de partir, Monica lui a dit que ce pauvre Théo avait eu plus de sept points de suture. La créature lui avait mordu le bras, et il avait été transporté rapidement aux urgences. Elle lui avait souhaité une bonne soirée, puis était partie. William, lui, était resté.
Quand William repensait à cette journée, il avait l'impression d'avoir été hypnotisé. Ses pas lents et impressionnés, qui résonnaient dans les couloirs vides. Les escaliers qu'il avait grimpés, sa tête vide et son excitation palpable.
Il souvenait de ses mains, qui tremblaient et qui tremblaient. De ses jambes, tendues mais décidées.
Il était arrivé au bord du grand bassin, sans allumer les lumières. Le soleil était encore haut, et même si hauteur fenêtre n'éclairait la grande pièce, il y voyait suffisamment. Une dizaine de minutes étaient passées avant que le dessus de l'eau n'ondule pour laisser apparaître une tête et des yeux presque rouges. William s'était assis sur le bord.
– J'ai entendu dire que tu as mordu Théodore.
Sa voix avait résonné dans l'air.
– T'as eu raison, c'est un con.
Les sourcils de la sirène s'étaient haussés. Seule la partie supérieure de son visage était hors de l'eau, mais William avait cru voir apparaître un sourire.
– Comment t'es arrivé ici ?
La sirène n'avait rien dit. En vérité, ce jour-là, elle n'avait rien dit du tout. Les yeux soudains clairs, comme un coup de poing dans le ventre, elle s'était mise à nager autour de lui, presque curieuse. William avait observé à son tour l'immense queue de poisson qu'elle battait dans l'eau : les dessins qu'on faisait de ses créatures ne leur rendaient pas le moins du monde hommage.
Des voiles blancs qui flottaient autour d'un corps musclé. Plusieurs mètres d'une peau dure et épaisse, d'un bleu azurin à couper le souffle, avec des écailles brillantes qui reflétaient les spots de lumière qui venait d'en dessous.
Ils étaient restés comme ça plus de trente minutes, à s'observer en silence. La sirène avait été la première à disparaître. William était reparti vers les vestiaires.
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Des bisous !
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