Bonne lecture !

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Ce matin, William a l'estomac noué.

Il regarde ses pieds nus, enfoncés dans l'eau claire du bassin, et écoute distraitement la voix d'Octavius qui lui affirme que tous les poissons des environs ont peur de lui.

– Vous appelez ça des « requins », non ? Ce ne sont que des petites bêtes : des grosses dents et c'est tout.

Il affiche un air fier, et nage de long en large sans s'arrêter : sur le ventre, sur le dos. William trouve que quand il fait ça, les yeux levés vers le plafond éclairé, les écailles de sa queue de poisson ressortent encore mieux. C'est beau. Dommage qu'il ne sache pas dessiner.

Tout à coup, Octavius pose ses longs doigts sur ses genoux, et son visage est bien trop proche.

– Tous les humains ont un partenaire ? demande-t-il, le regard brillant.

Une curiosité sincère.

– Un partenaire ?

Il hoche la tête.

– J'ai vu plein d'humains se tenir la main. Et se toucher les lèvres. À moins que ça ne veuille pas dire ce que je pense ?

– Par partenaire, tu veux dire...

Octavius penche la tête. Il semble réfléchir, puis articule :

– Si je traduis, ce qu'on dit chez moi c'est « Amour de vie ».

– Oh.

William rougit un peu, et Octavius s'éloigne : ses doigts lâchent sa cuisse, et il se recule. Les sourcils froncés, les lèvres tordues, il fait la moue.

– En fait, je... chez les humains, on trouve rarement du premier coup son « partenaire ». Il faut, comment dire, tester ?

Cette fois, Octavius a l'air franchement dégoûté.

– Vous trahissez votre amour ?

– Non, simplement on n'est jamais certain de l'avoir vraiment rencontré.

– Vous n'écoutez pas ça ?

Il pointe la poitrine de William, et leurs regards se croisent. Ils ne se lâchent plus.

– C'est pas toujours aussi facile.

– Ça l'est, pour nous. On sait toujours. Au premier regard.

Ses yeux l'emportent avec lui, et William sent son cœur qui s'affole : il peine presque à respirer. C'est Octavius qui détourne la tête le premier, et l'air revient.

– Les humains sont si embêtants, souffle-t-il.

Puis soudain, il fronce les sourcils. Ses pupilles s'assombrissent, ses crocs apparaissent derrière ses lèvres. Il articule :

– Et toi ? Tu as aussi « testé » ?

Parler de tout ça le gêne. En règle générale, ces histoires d'amour et de sentiments le laissent de marbre. Ou en tout cas, le laissait de marbre.

– Oui, dit-il en se frottant la nuque. Une ou deux dois. Ça fait un moment, mais...

Octavius fronce le nez et soudain une gerbe d'eau lui arrose le visage : William ferme les yeux. Quand il les rouvre, il est trempé et la sirène a disparu.

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Ce matin est assez tranquille et les visiteurs ne se bousculent pas dans les couloirs de l'aquarium. Il y a du monde, comme toujours, mais ce n'est pas insupportable.

William peut tranquillement passer un coup de balai dans la galerie : une classe d'enfant visite les allées, mais reste tout de même groupée. Leur institutrice veille au pas, et les surveille du coin de l'œil tout en observant également les poissons colorés qui nagent derrière la vitre à côté d'elle.

Dans le grand bassin, Octavius le fixe de temps à autre en boudant.

Il ondule dans l'eau, pose parfois ses doigts sur le vitre, passe à côté de lui pour le narguer. Au bout d'un moment, William finit par lui tourner le dos, et il ignore l'expression outrée qui s'étale sur le beau visage de la sirène. Il continue de balayer, en espérant finir rapidement afin d'aller manger.

Son estomac se tord, il grimace.

– Regarde, regarde !

L'institutrice se retourne lentement vers ses élèves, et hausse un sourcil. William, lui, n'y jette qu'un coup d'œil.

– Regarde comment il nage ! Moi aussi je veux être une sirène !

Une petite fille tire la manche d'un autre enfant, et ce dernier hoche vivement la tête. Leurs expressions sont toutes excitées, leurs yeux brillants comme des diamants.

– Ma maman m'a dit que c'était pas une vraie, dit le garçon. Apparemment il peut même pas respirer sous l'eau.

Octavius s'avance doucement vers eux, un rictus amusé sur les lèvres. Quand il nage à ce point à l'horizontale, on peut voir toute la longueur de sa queue de poisson, et les enfants lâchent ses « oooh » impressionnés.

– Regarde, regarde, dit la petite fille.

Son grand sourire, ses petites nattes blondes, ses yeux marrons : elle pose délicatement une main sur la vitre. Octavius pose ses doigts au même emplacement pendant quelques secondes, puis agite l'autre main comme pour faire un salut.

Le petit garçon répond, la bouche grande ouverte.

William cache son sourire derrière le dos de sa main.

Octavius finit par repartir, et les enfants courent vers leur institutrice : toute la salle s'était comme figée, arrêtée dans le temps. Tous les regards sur lui, toute l'attention sur le moindre de ses gestes. Sur son éclat de gentillesse, sur sa beauté figée dans l'eau, sur son expression presque attendrie devant des enfants humains.

William se mord la lèvre, et continue de balayer.

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Assis sur les marches du port, William déchire l'emballage de son sandwich crudité et mord dedans à pleines dents.

Face à la mer, il mâche lentement en frottant ses yeux fatigués. Les embruns, la brise, les nuages au fond : il fait toujours très chaud, et il transpire sous son t-shirt blanc.

Dans sa poche, son téléphone vibre.

Mika [11H48] : Alors bg, tout est prêt pour nous j'espère ?

William [11H48] : Vs venez à quelle heure ?

Mika [11H48] : Vers 14H. Iris a hâte, elle a jamais vu l'aquarium.

William [11H49] : D'acc. A tout'

Pour une raison qu'il ne comprend pas, son estomac se tord. Il se force à manger, à avaler, mais son cœur bat rapidement dans sa poitrine. Derrière lui, au loin, le groupe d'enfants du matin passe et traverse la route, et il les fixe jusqu'à ce qu'ils disparaissent tous.

Quand il a terminé son sandwich, il fourre l'emballage dans la poche de son jean, et attrape le livre qu'il avait emporté pour ses trente minutes de pause.

Son téléphone vibre à nouveau.

Mika [11H54] : Hâte de rencontrer le fameux Mr queue de poisson =)

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Des bisous !