Partie 1
Mois de juillet, la course aux vacances avait débuté voilà deux semaines. Le ciel bleu recouvrait chaque jour la Gironde. Un sentiment d'ivresse bienfaiteur donnait le sourire à chacun.
Résidence de Bègles, la locataire d'un appartement au deuxième étage observait le vent sifflant entre les maisons voisines. Le vent remuait les branches d'un chêne, dérangeant un couple d'oiseaux qui tentaient de piéger une limace. Les rafales faisaient zigzaguer les détritus en rythmes. Elle observa plus loin le parking que les piétons traversaient afin de regagner les magasins.
La chaleur était apaisante, douce, nul besoin de se camoufler sous une couverture. Les coussins du fauteuil extérieur donnaient l'impression de vouloir la noyer, l'engloutir.
Le vrombissement d'une moto résonna avec écho. Elle persista à regarder au-dehors alors que les bruits tintaient sur le bitume. Elle entendit bientôt le bruit caractéristique de la porte d'entrée se refermant. Elle se leva pour approcher de la porte vitrée entrebâillée donnant du balcon au salon. Elle rentra pour marcher sur le lino d'un pas nonchalant. Les cliquetis dans la serrure résonnaient comme à leurs habitudes, elle patientait déjà devant la porte. Dès son entrée, il se pencha dans sa direction.
—Salut ma puce. Ça va ? T'es toute mignonne. Je t'ai manqué. Attends, je vais allumer le PC.
Et voilà, le maître était rentré. Comme à son habitude, il répétait les éternelles phrases stupides, dénuées de sens. Comme s'il s'adressait à une débile ! Aujourd'hui, elle n'avait pas eu droit à, « mais oui, moi aussi je t'aime ma chérie ». Encore heureux qu'il l'aimât, c'était son devoir, une obligation. Ce n'était pas lui qui décidait, mais elle. Bon, il était vrai que malgré son affection, il préférait tout d'abord allumer son PC avant de lui donner à manger. Il était si prévisible. Elle tolérait son insubordination !
En été, il posait sa sacoche, allumait le PC.
En automne, il posait son blouson, sa sacoche, allumait le PC.
En hiver, il se rendait dans la salle de bain pour ôter ses vêtements de pluie, posait son sac, allumait le PC.
Les seules choses ne changeant jamais étaient les paroles affectueuses à son encontre, la caresse rapide et le remplissage de la gamelle à la fin.
Ensuite, il s'affalait dans le canapé pour comater devant la télévision pendant une heure ou deux. Fatigué de – je ne sais trop quoi – il luttait vainement contre le sommeil. Inévitablement, il ronflait une douzaine de fois avant de se lever pour se rendre devant son ordinateur.
Parfois, je prenais l'initiative de le rejoindre pour me faire câliner, mais les deux tiers du temps, il n'était pas suffisamment concentré. Je décidais donc de patienter jusqu'à ce qu'il soit totalement actif. La remarque la plus stupide était lorsqu'il me demandait si je ne mettais pas trop emmerdé. Comment le pourrais-je ? Entre la sieste, les jeux avec ma souris, les bibelots qu'il laissait traîner sur les meubles, sa peluche gremlins à qui je mettais des coups de patte. Les virées dans les quatre pièces étaient harassantes, soixante cinq mètres carrés c'était grand pour un chat. Les poissons dans l'aquarium avaient la belle vie, eux aussi. Parfois, je mettais un coup de patte discret, mais l'eau, ça mouille.
À peine la gamelle était-elle posée, que Lilith la vidait d'un trait.
Elle quitta nonchalamment la cuisine pour observer son maître assis sur la chaise de son bureau. Il pouvait rester des heures devant le petit miroir ou défilaient une multitude d'images. Lilith préférait le grand miroir dans le coin de la pièce. Quand il était allumé, on pouvait voir se succéder des centaines de copies du maître, plus grand, plus petit, avec des excroissances sur le torse, de longs cheveux, etc. ... Elle ne comprenait pas où ils étaient, mais elle pouvait les voir, les entendre. Elle découvrait d'autres rues, d'autres paysages. Les deux miroirs que regardait pendant des heures son maître n'étaient pas comme la vitre de la chambre, du salon, il n'y avait rien derrière. Quand elle se rendait sur la balcon, elle faisait le tour de la baie vitrée. Mais, quand elle contournait celui dans le coin de la pièce, il n'y avait qu'un enchevêtrement de câbles, de la poussière. Lilith n'était pas stupide, quand il avait mis sa tablette par terre avec la souris qui courrait sur l'écran, elle avait passé la patte dessous. Mais, elle n'avait pu la débusquer. Elle n'existait pas ! Sur le grand écran, certains, bruits, images, lumières la terrifiaient. Comme son maître, elle pouvait rester longtemps à contempler les mouvements dessus. Tels chat, tels maître !
De toute manière, rien n'était plus beau que son maître. Elle traversa le salon pour le rejoindre. Elle s'intercala entre lui et son fauteuil attitré.
Lilith possédait le sien près du grand écran, avec sa couverture, les peluches que lui ramenait son maître d'Écosse, Irlande, Japon, Grèce, Espagne, Italie. Elle ignorait ou se trouvait tous ses endroits, mais son maître les avait visités. Peut-être, était-ce quelques rues plus loin ? Peut-être avait-il d'autres maisons ? Le temps paraissait si long quand il s'absentait pendant une durée de deux fois quinze gamelles.
Alors, qu'allait-il faire ? Rester assis en l'ignorant ! Elle émit son miaulement de tristesse, de besoin de câlin. Mais, il ne broncha pas, cliqua sur le clavier du PC portable. Il hocha la tête sur le côté, elle retenta son miaou de détresse.
— Lilith, je n'ai pas le temps, je dois répondre à plusieurs messages.
La chatte tomba sur le côté, écarta les pattes en l'air, fit une roulade, puis une seconde. Son maître restait de marbre. Elle fit une troisième roulade en tendant les pattes pour exprimer son plus beau miaulement. Il détourna légèrement le visage, mais resta concentré sur ses Mails.
Furieuse, Lilith monta sur la table basse. Il ne dit rien. Elle approcha du cendrier plein, le dévisagea avec rancœur. Il restait concentré sur l'ordinateur. À l'aide de la patte, elle repoussa lentement le cendrier en direction du vide. Il émit un grincement en frottant sur la vitre de la table. Elle détourna le regard pour observer son maître, mais il ne broncha pas. Elle le fit trébucher sur le tapis.
— Mais merde, tu fais chier Lilith, regardes, y en a partout.
Elle se faufila immédiatement sous la table du salon, le regarda ramasser sa bêtise, puis fila dans la chambre pour rejoindre son troisième arbre à chat.
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